Marc Ducret : une semaine au Triton
Hier soir 6 décembre, le trio de Marc Ducret (Bruno Chevillon, Eric Echampard) donnait au Triton des Lilas le dernier d’une série de cinq concerts, au cours de laquelle il présenta deux formules (trio et trio plus invités) et trois programmes. Survol de trois de ces concerts, comparaison, bilan, ragots, digressions, messages subliminaux, lapsus, coquilles, fautes d’orthographe… A l’heure qu’il est, on fait ce qu’on peut.
Le Triton, Les Lilas (93), les 2, 4 et 5 décembre 2014.
Les 2 (créations) et 4 décembre (reprises d’un ancien répertoire) : Marc Ducret (guitare, composition, direction), Bruno Chevillon (contrebasse), Eric Echampard (batterie).
Le 5 décembre : Marc Ducret trio (même personnel) + Fabrice Martinez (trompette), Samuel Blaser (trombone), Christophe Monniot (sax alto).
Le 2 décembre dernier, annonçant sans développer, cette semaine de concerts au sortir du premier d’entre eux, je promettais un compte rendu global pour ce dimanche. Ce qui était d’autant plus présomptueux que j’accompagnais cette annonce d’un texte de Samuel Beckett sur Bram van Velde à la suite de quoi j’avais l’air de m’assimiler aux vrais amateurs d’art qui examinent l’œuvre avec cette acuité les autorisant à “consulter du pouce le relief de l’impasto”. D’une part, je présumais qu’on allait attendre ce compte rendu alors qu’il y a mieux à faire (aller au concert par exemple). D’autre part, je me prêtais une compétence un peu exagérée d’amateur d’art, que d’ailleurs Beckett tournait peut-être lui-même en dérision car l’on sait qu’avec lui rien, pas lui-même, n’échappe à la tendre férocité de son regard. Cette compétence présumée me renvoie à l’un de mes premiers comptes rendus de concert pour Jazz Hot en 1980 à la suite d’un concert du duo de guitares Marc Ducret – Malo Vallois, dans un petit équipement culturel de Nanterre. Si mes souvenirs sont bons, fasciné par la facilité de jeu de Marc Ducret, j’en déduisais néanmoins une profondeur musicale plus sûre chez Vallois. On m’avait fait savoir que lors d’un dîner en ville avec un vieil ami de lycée, Ducret, ayant eu connaissance de ce jugement, avait déclaré son souverain mépris pour la critique, mépris qui s’est peu démentie par la suite vue la façon dont il a toujours plus ou moins tenu la presse à distance.
Cette comparaison entre les deux guitaristes correspondait-elle à quelque réalité ? Après tout, Malo Vallois était son aîné et un peu son initiateur. Mais à l’époque je n’en avait nullement conscience. Néanmoins, tombant sur ce papier il y a quelques mois, je n’y ai pas trouvé matière à me vanter de la qualité de son argumentation. Le lait de la critique me sortait encore du nez et c’était la première manifestation, dans mon travail que je ne pratiquais alors qu’en amateur, de la tension permanente entre le monde de la création et le monde de la critique Cependant, elle ne me surprenait nullement. J’avais grandi auprès de parents qui trainaient dans les salles et les coulisses des théâtres comme j’ai traîné après eux dans les clubs de jazz, à cette différence que mon père pouvait dire Racine ou Claudel en se rasant le matin, comme jamais je n’ai su la moitié d’un standard de jazz, avec une conscience de la respiration du texte qui en fit, en marge d’un métier d’enseignant, un traducteur du théâtre germanique (principalement Max Frisch qui ne voulait pas voir ses pièces montées dans d’autres traductions) apprécié des hommes de théâtre. Et toute mon enfance, j’ai été le témoin de cette tension entre ces hommes de théâtre et les amateurs éclairés d’un côté, la critique de l’autre. Combien de fois n’ai-je pas entendu mes parents se plaindre de l’ineptie de la critique, non parce qu’elle critiquait, mais parce qu’elle critiquait sans savoir, inventant des qualités et des problèmes sans réalité et passant à côté de qualités et de problèmes qu’elle ne savait ni voir, ni reconnaître, ni nommer.
Il est curieux qu’ayant grandi dans un tel contexte, je sois devenu ce que l’on appelle un “jazz critic” et que j’ai pu exercer ce métier quarante années durant, jusqu’à ce jour, avec cette culpabilité sur ma nuque, essayant d’assurer une digne médiation entre cette musique que j’aimais (que je trouvais si mal aimée), et le public. J’en ai tiré de grandes joies, celle de suivre la carrière de Ducret n’ayant pas été la moindre. Grandes joies procurées par l’écoute, mais aussi par l’écriture, même si je sais les roueries par lesquelles je suis passé pour travestir mes difficultés quotidiennes à nommer le fait musical, la dernière d’entre elles étant probablement cette « batterie réglée comme une pointeuse affolée » (à propos de la prestation « encore sur les dents » de l’ONJ le 22 novembre dernier) dont Eric Echampard me salua en m’apercevant à l’entrée du Triton de toute sa narquoiserie et dans un grand éclat de rire.
Ayant différé à plusieurs reprises le compte rendu des concerts du Triton, par quelles nouvelles roueries parviendrai-je à faire la synthèse promise de ce que j’ai entendu au cours de ces trois soirs passés avec le Trio Ducret dans ces différents programmes ? Question qui me hante depuis cette annonce de synthèse. Qui me hante à vrai dire chaque fois que j’ouvre mon ordinateur au retour d’un concert ? Il y a quelques jours, Mathieu Conquet sur France Culture, présentant le concert inédit du trio de Jarrett en 1972 que vient de publier ECM (le trio de Jarrett sur France Culture ? Inespéré ! Les poules auraient-elles des dents) : « Charlie Haden (lunette de prof et tunique en lin), Paul Motian, catogan grisonnant. Keith Jarrett, lui, porte moustache et coupe afro, l’air tout droit sorti d’un film de blaxploitation. » Nous, les jazz critics, en sommes tous passés par là et je ne me moquerais pas si le discours s’accompagnait d’un propos un peu plus éclairé pour dire qui sont Haden, Motian et Jarrett au public de Culture (tant pour cette part du public qui les connaît que pour celle qui ne les connaît pas). Parlerai-je des pantalons de Ducret ? Ils ont toujours fait jaser. J’en ai remarqué deux, mais je crois que je serais encore plus mal à l’aise à chercher à les décrire qu’à parler de sa musique. Un ami me souffle, comme pour me venir en aide, que le 3 décembre, Ducret à cassé une corde… Je n’y étais pas pour le raconter. Dommage, ça me donnerait du grain à moudre. N’ai-je pas déjà dit tout ce qui était à ma portée à propos de Ducret ?
Combien de temps, vais-je tourner autour du pot avant de commencer. Dir
ais-je, comme le cher Samuel Beckettt vers 1948 : « J’ai dit tout ce que j’avais à dire sur la peinture des frères van Velde. Je n’ai rien à ajouter à ce que j’ai déjà dit à cet endroit. C’était peu, c’était trop, et je n’ai rien à y ajouter. Heureusement, il ne s’agit pas de dire ce qui n’a pas encore été dit, mais de redire, le plus souvent possible dans l’espace le plus réduit, ce qui a été dit déjà. Sinon on trouble les amateurs. Cela d’abord. Et la peinture moderne est déjà assez troublante en elle-même sans qu’on veuille la rendre plus troublante encore, en disant tantôt qu’elle est peut-être ceci, tantôt qu’elle est peut-être cela. » Etc. suivi (et précédé) de pages lumineuses (Disjecta, Miscellaneous Writings, Grove Press, 1984) que ces simples citations menacent de contresens, voire de non sens, comme autant d’organes (yeux, rates, pénis) détaillés dans le formol sur les étagères d’un laboratoire d’une faculté de médecine. Alors allons-y !
J’étale sur ma table de travail quelques notes éparses jetées au dos de vieilles ordonnances médicales et de listes de courses de Noël traînant dans mes poches de veste. Illisibles, à part quelques titres. Celles concernant le premier soir restent introuvables. Probablement inconsistantes. Rassemblons nos esprits, réunissons nos souvenirs. Trois concerts donc, enregistrés à fin de publication, les deux premiers en trio, comme des bornes sur un parcours biographique. La première, celle dressée le premier soir: le trio reformé autour d’un nouveau répertoire. La seconde n’en est pas une : ce serait plutôt le regard à la longue vue, par les trois membres du trio juchés sur la borne du présent, de ce qu’ils furent il y a dix ans ou plus. Ce vieux répertoire paraît limpide, classique, après l’égarement face au nouveau tout en tiroirs, différents états d’un même morceau envisagé sous différents angles, sous différents éclairages, différentes focales, ou objets distincts assemblés les uns aux autres pour faire une narration en plusieurs actes et scènes. Car il y a de la narration dans la musique de Ducret, invitation du titre à l’auditeur de se faire sa propre narration ou parcours parfois plus balisé par le commentaire de Ducret lui-même, lorsqu’il reprend le premier soir en rappel un morceau qu’on lui connaissait déjà, inspiré par un souvenir d’enfance de Robert Louis Stevenson, et nous entraîne littéralement dans son “aventure”.
La possibilité d’une narration n’est pas absente de la reprise du vieux répertoire par Ducret, mais l’abstraction musicale est en elle-même plus limpide dans ses formes, avec la dimension “super trio”, l’énergie rock inhérente au jeu des trois musiciens, beaucoup moins “perverse” que la musique du trio Big Satan avec Tim Berne et Tom Rainey, guère remise en cause par l’écriture qui n’a d’autre rôle que de canaliser et d’organiser l’interaction, de relancer l’attention, selon des tiroirs plus clairement disposés. Le Ducret que ses premiers fans regrettent parfois, et qu’ils retrouvent ici. Tandis que le nouveau répertoire, sans altérer fondamentalement l’identité du trio, est traversé par l’expérience acquise à l’élaboration du triptyque de Tower, avec une écriture plus orchestrale, polyphonique, contrastée, concertée, du ténu de la musique de chambre au fortissimo du symphonique avec une guitare elle-même plus orchestrale, le tout sous l’influence des grands compositeurs du XXème siècle, parmi lesquels Stravinski se laisse reconnaître (peut-être parce que mon oreille l’identifie mieux que d’autres – était-ce à la fin du morceau intitulé Vers les ruines ?) Mais Porteurs de lanternes (le morceau inspiré de Stevenson) nous ramène à Joni Mitchell, avec un longue intro de “guitare-dulcimer”, puis soudain lorsque l’heure du sabbat est arrivée, l’esprit de Led Zeppelin.
Le répertoire des reprises est fait de trois grandes suites que connaissent bien les heureux possesseurs des deux autoproductions que Ducret vendit sous le manteau à la fin des concerts du trio : Dialectes, Tarot, L’Annexe, à quoi s’ajoute une rareté empruntée au grand ensemble éphémère Seven Songs from the Sixties dont est tiré un arrangement de The Times They Are A-Changin’ de Bob Dylan. La contrebasse de Bruno Chevillon s’y transforme en une espèce de banjo des Appalaches, tandis que l’harmonisation dissonante évoque l’éraillement vocal de Dylan.
Cette suite dylanienne sera reprise le lendemain par le trio agrandi et l’on y verra même Ducret sortir un harmonica diatonique. Les trois vents, jettent un pont entre les deux répertoires, apportant un peu de l’expérience orchestrale de Tower. Les trois invités sont entrés dans la complicité du vieux trio avec une autorité formidable qu’aura singulièrement illustré leur contribution à la pièce Kumiho. On y vit Samuel Blaser jeté sans être prévenu (comme il me l’a confié à la sortie du concert) dans un stop chorus qu’il géra avec un sens de la construction, un sens du motif et une façon de faire rentrer le trio également admirables. Puis ce fut au tour de Fabrice Martinez qui répondit à la situation à grands cris de sa trompette en animal blessé invitant la contrebasse à lui répondre ici et là… Quant à Christophe Monniot, soutenu par le trio, il se jeta dans le solo qui lui était ouvert avec une précipitation et une ferveur qui sembla mettre Ducret dans l’humeur la plus joyeuse, et nous avec sans aucun doute.
Ai-je été clair?
Coda
Matthieu Metzger Killing Spree Trio : Matthieu Metzger (saxes sopranino, alto et baryton, électronique), Sylvain Daniel (basse électrique), Grégoire Galichet (Batterie).
À la sortie du concert du 5, nous étions incités à pousser la porte de l’autre salle du Triton (“l’historique”) où Matthieu Metzger (ex-ONJ, ex-Le Sens de la marche de MarceDucret) présentait son trio. Au milieu d’un chaos sonore au dérèglement précisément millimétré avec une rage de marteau-piqueur et des interjections vocales éructées confirmant que nous ne sommes pas très éloignés des terres du groupe de metal experimental Meshuggha, un saxophone soudain laisse deviner un lyrisme précis, amoureux de la ligne claire. Une présentation détachée, d’un humeur joyeusement caustique. Où sommes-nous précisément ? Après le concert du trio, difficile de répondre avec certitude. À suivre sur disque à paraître chez Ayler Records. Franck Bergerot
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On retrouvera le Marc Ducret Trio le mardi 9 décembre à Salon-de-Provence (IMFP), le 10 à Avignon (Ajmi), après quoi Ducret rejoindra le trio Journal Intime du 11 au 13 à Paris (Atelier du Plateau) et le 14 à Saint-Etienne (Le Fil), puis le nouvel orchestre Equal Crossing du violoniste Régis Huby le 19 aux Lilas (Le Trigon). Auparavant, le 12, il aura joué en solo à Argenteuil (Cave Dimière) en première partie de l’Ensemble Nautilis dirigé par le clarinettiste Christophe Rocher, figure centrale de la scène bretonne, où l’on entendra notamment quelques figures déjà évoquées dans ces pages: le saxophoniste Nicolas Peoc’h, le violoniste Grégoire Hennebelle, le batteur Nicolas Pointard… tous contributeurs au répertoire de l’ensemble.
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Hier soir 6 décembre, le trio de Marc Ducret (Bruno Chevillon, Eric Echampard) donnait au Triton des Lilas le dernier d’une série de cinq concerts, au cours de laquelle il présenta deux formules (trio et trio plus invités) et trois programmes. Survol de trois de ces concerts, comparaison, bilan, ragots, digressions, messages subliminaux, lapsus, coquilles, fautes d’orthographe… A l’heure qu’il est, on fait ce qu’on peut.
Le Triton, Les Lilas (93), les 2, 4 et 5 décembre 2014.
Les 2 (créations) et 4 décembre (reprises d’un ancien répertoire) : Marc Ducret (guitare, composition, direction), Bruno Chevillon (contrebasse), Eric Echampard (batterie).
Le 5 décembre : Marc Ducret trio (même personnel) + Fabrice Martinez (trompette), Samuel Blaser (trombone), Christophe Monniot (sax alto).
Le 2 décembre dernier, annonçant sans développer, cette semaine de concerts au sortir du premier d’entre eux, je promettais un compte rendu global pour ce dimanche. Ce qui était d’autant plus présomptueux que j’accompagnais cette annonce d’un texte de Samuel Beckett sur Bram van Velde à la suite de quoi j’avais l’air de m’assimiler aux vrais amateurs d’art qui examinent l’œuvre avec cette acuité les autorisant à “consulter du pouce le relief de l’impasto”. D’une part, je présumais qu’on allait attendre ce compte rendu alors qu’il y a mieux à faire (aller au concert par exemple). D’autre part, je me prêtais une compétence un peu exagérée d’amateur d’art, que d’ailleurs Beckett tournait peut-être lui-même en dérision car l’on sait qu’avec lui rien, pas lui-même, n’échappe à la tendre férocité de son regard. Cette compétence présumée me renvoie à l’un de mes premiers comptes rendus de concert pour Jazz Hot en 1980 à la suite d’un concert du duo de guitares Marc Ducret – Malo Vallois, dans un petit équipement culturel de Nanterre. Si mes souvenirs sont bons, fasciné par la facilité de jeu de Marc Ducret, j’en déduisais néanmoins une profondeur musicale plus sûre chez Vallois. On m’avait fait savoir que lors d’un dîner en ville avec un vieil ami de lycée, Ducret, ayant eu connaissance de ce jugement, avait déclaré son souverain mépris pour la critique, mépris qui s’est peu démentie par la suite vue la façon dont il a toujours plus ou moins tenu la presse à distance.
Cette comparaison entre les deux guitaristes correspondait-elle à quelque réalité ? Après tout, Malo Vallois était son aîné et un peu son initiateur. Mais à l’époque je n’en avait nullement conscience. Néanmoins, tombant sur ce papier il y a quelques mois, je n’y ai pas trouvé matière à me vanter de la qualité de son argumentation. Le lait de la critique me sortait encore du nez et c’était la première manifestation, dans mon travail que je ne pratiquais alors qu’en amateur, de la tension permanente entre le monde de la création et le monde de la critique Cependant, elle ne me surprenait nullement. J’avais grandi auprès de parents qui trainaient dans les salles et les coulisses des théâtres comme j’ai traîné après eux dans les clubs de jazz, à cette différence que mon père pouvait dire Racine ou Claudel en se rasant le matin, comme jamais je n’ai su la moitié d’un standard de jazz, avec une conscience de la respiration du texte qui en fit, en marge d’un métier d’enseignant, un traducteur du théâtre germanique (principalement Max Frisch qui ne voulait pas voir ses pièces montées dans d’autres traductions) apprécié des hommes de théâtre. Et toute mon enfance, j’ai été le témoin de cette tension entre ces hommes de théâtre et les amateurs éclairés d’un côté, la critique de l’autre. Combien de fois n’ai-je pas entendu mes parents se plaindre de l’ineptie de la critique, non parce qu’elle critiquait, mais parce qu’elle critiquait sans savoir, inventant des qualités et des problèmes sans réalité et passant à côté de qualités et de problèmes qu’elle ne savait ni voir, ni reconnaître, ni nommer.
Il est curieux qu’ayant grandi dans un tel contexte, je sois devenu ce que l’on appelle un “jazz critic” et que j’ai pu exercer ce métier quarante années durant, jusqu’à ce jour, avec cette culpabilité sur ma nuque, essayant d’assurer une digne médiation entre cette musique que j’aimais (que je trouvais si mal aimée), et le public. J’en ai tiré de grandes joies, celle de suivre la carrière de Ducret n’ayant pas été la moindre. Grandes joies procurées par l’écoute, mais aussi par l’écriture, même si je sais les roueries par lesquelles je suis passé pour travestir mes difficultés quotidiennes à nommer le fait musical, la dernière d’entre elles étant probablement cette « batterie réglée comme une pointeuse affolée » (à propos de la prestation « encore sur les dents » de l’ONJ le 22 novembre dernier) dont Eric Echampard me salua en m’apercevant à l’entrée du Triton de toute sa narquoiserie et dans un grand éclat de rire.
Ayant différé à plusieurs reprises le compte rendu des concerts du Triton, par quelles nouvelles roueries parviendrai-je à faire la synthèse promise de ce que j’ai entendu au cours de ces trois soirs passés avec le Trio Ducret dans ces différents programmes ? Question qui me hante depuis cette annonce de synthèse. Qui me hante à vrai dire chaque fois que j’ouvre mon ordinateur au retour d’un concert ? Il y a quelques jours, Mathieu Conquet sur France Culture, présentant le concert inédit du trio de Jarrett en 1972 que vient de publier ECM (le trio de Jarrett sur France Culture ? Inespéré ! Les poules auraient-elles des dents) : « Charlie Haden (lunette de prof et tunique en lin), Paul Motian, catogan grisonnant. Keith Jarrett, lui, porte moustache et coupe afro, l’air tout droit sorti d’un film de blaxploitation. » Nous, les jazz critics, en sommes tous passés par là et je ne me moquerais pas si le discours s’accompagnait d’un propos un peu plus éclairé pour dire qui sont Haden, Motian et Jarrett au public de Culture (tant pour cette part du public qui les connaît que pour celle qui ne les connaît pas). Parlerai-je des pantalons de Ducret ? Ils ont toujours fait jaser. J’en ai remarqué deux, mais je crois que je serais encore plus mal à l’aise à chercher à les décrire qu’à parler de sa musique. Un ami me souffle, comme pour me venir en aide, que le 3 décembre, Ducret à cassé une corde… Je n’y étais pas pour le raconter. Dommage, ça me donnerait du grain à moudre. N’ai-je pas déjà dit tout ce qui était à ma portée à propos de Ducret ?
Combien de temps, vais-je tourner autour du pot avant de commencer. Dir
ais-je, comme le cher Samuel Beckettt vers 1948 : « J’ai dit tout ce que j’avais à dire sur la peinture des frères van Velde. Je n’ai rien à ajouter à ce que j’ai déjà dit à cet endroit. C’était peu, c’était trop, et je n’ai rien à y ajouter. Heureusement, il ne s’agit pas de dire ce qui n’a pas encore été dit, mais de redire, le plus souvent possible dans l’espace le plus réduit, ce qui a été dit déjà. Sinon on trouble les amateurs. Cela d’abord. Et la peinture moderne est déjà assez troublante en elle-même sans qu’on veuille la rendre plus troublante encore, en disant tantôt qu’elle est peut-être ceci, tantôt qu’elle est peut-être cela. » Etc. suivi (et précédé) de pages lumineuses (Disjecta, Miscellaneous Writings, Grove Press, 1984) que ces simples citations menacent de contresens, voire de non sens, comme autant d’organes (yeux, rates, pénis) détaillés dans le formol sur les étagères d’un laboratoire d’une faculté de médecine. Alors allons-y !
J’étale sur ma table de travail quelques notes éparses jetées au dos de vieilles ordonnances médicales et de listes de courses de Noël traînant dans mes poches de veste. Illisibles, à part quelques titres. Celles concernant le premier soir restent introuvables. Probablement inconsistantes. Rassemblons nos esprits, réunissons nos souvenirs. Trois concerts donc, enregistrés à fin de publication, les deux premiers en trio, comme des bornes sur un parcours biographique. La première, celle dressée le premier soir: le trio reformé autour d’un nouveau répertoire. La seconde n’en est pas une : ce serait plutôt le regard à la longue vue, par les trois membres du trio juchés sur la borne du présent, de ce qu’ils furent il y a dix ans ou plus. Ce vieux répertoire paraît limpide, classique, après l’égarement face au nouveau tout en tiroirs, différents états d’un même morceau envisagé sous différents angles, sous différents éclairages, différentes focales, ou objets distincts assemblés les uns aux autres pour faire une narration en plusieurs actes et scènes. Car il y a de la narration dans la musique de Ducret, invitation du titre à l’auditeur de se faire sa propre narration ou parcours parfois plus balisé par le commentaire de Ducret lui-même, lorsqu’il reprend le premier soir en rappel un morceau qu’on lui connaissait déjà, inspiré par un souvenir d’enfance de Robert Louis Stevenson, et nous entraîne littéralement dans son “aventure”.
La possibilité d’une narration n’est pas absente de la reprise du vieux répertoire par Ducret, mais l’abstraction musicale est en elle-même plus limpide dans ses formes, avec la dimension “super trio”, l’énergie rock inhérente au jeu des trois musiciens, beaucoup moins “perverse” que la musique du trio Big Satan avec Tim Berne et Tom Rainey, guère remise en cause par l’écriture qui n’a d’autre rôle que de canaliser et d’organiser l’interaction, de relancer l’attention, selon des tiroirs plus clairement disposés. Le Ducret que ses premiers fans regrettent parfois, et qu’ils retrouvent ici. Tandis que le nouveau répertoire, sans altérer fondamentalement l’identité du trio, est traversé par l’expérience acquise à l’élaboration du triptyque de Tower, avec une écriture plus orchestrale, polyphonique, contrastée, concertée, du ténu de la musique de chambre au fortissimo du symphonique avec une guitare elle-même plus orchestrale, le tout sous l’influence des grands compositeurs du XXème siècle, parmi lesquels Stravinski se laisse reconnaître (peut-être parce que mon oreille l’identifie mieux que d’autres – était-ce à la fin du morceau intitulé Vers les ruines ?) Mais Porteurs de lanternes (le morceau inspiré de Stevenson) nous ramène à Joni Mitchell, avec un longue intro de “guitare-dulcimer”, puis soudain lorsque l’heure du sabbat est arrivée, l’esprit de Led Zeppelin.
Le répertoire des reprises est fait de trois grandes suites que connaissent bien les heureux possesseurs des deux autoproductions que Ducret vendit sous le manteau à la fin des concerts du trio : Dialectes, Tarot, L’Annexe, à quoi s’ajoute une rareté empruntée au grand ensemble éphémère Seven Songs from the Sixties dont est tiré un arrangement de The Times They Are A-Changin’ de Bob Dylan. La contrebasse de Bruno Chevillon s’y transforme en une espèce de banjo des Appalaches, tandis que l’harmonisation dissonante évoque l’éraillement vocal de Dylan.
Cette suite dylanienne sera reprise le lendemain par le trio agrandi et l’on y verra même Ducret sortir un harmonica diatonique. Les trois vents, jettent un pont entre les deux répertoires, apportant un peu de l’expérience orchestrale de Tower. Les trois invités sont entrés dans la complicité du vieux trio avec une autorité formidable qu’aura singulièrement illustré leur contribution à la pièce Kumiho. On y vit Samuel Blaser jeté sans être prévenu (comme il me l’a confié à la sortie du concert) dans un stop chorus qu’il géra avec un sens de la construction, un sens du motif et une façon de faire rentrer le trio également admirables. Puis ce fut au tour de Fabrice Martinez qui répondit à la situation à grands cris de sa trompette en animal blessé invitant la contrebasse à lui répondre ici et là… Quant à Christophe Monniot, soutenu par le trio, il se jeta dans le solo qui lui était ouvert avec une précipitation et une ferveur qui sembla mettre Ducret dans l’humeur la plus joyeuse, et nous avec sans aucun doute.
Ai-je été clair?
Coda
Matthieu Metzger Killing Spree Trio : Matthieu Metzger (saxes sopranino, alto et baryton, électronique), Sylvain Daniel (basse électrique), Grégoire Galichet (Batterie).
À la sortie du concert du 5, nous étions incités à pousser la porte de l’autre salle du Triton (“l’historique”) où Matthieu Metzger (ex-ONJ, ex-Le Sens de la marche de MarceDucret) présentait son trio. Au milieu d’un chaos sonore au dérèglement précisément millimétré avec une rage de marteau-piqueur et des interjections vocales éructées confirmant que nous ne sommes pas très éloignés des terres du groupe de metal experimental Meshuggha, un saxophone soudain laisse deviner un lyrisme précis, amoureux de la ligne claire. Une présentation détachée, d’un humeur joyeusement caustique. Où sommes-nous précisément ? Après le concert du trio, difficile de répondre avec certitude. À suivre sur disque à paraître chez Ayler Records. Franck Bergerot
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On retrouvera le Marc Ducret Trio le mardi 9 décembre à Salon-de-Provence (IMFP), le 10 à Avignon (Ajmi), après quoi Ducret rejoindra le trio Journal Intime du 11 au 13 à Paris (Atelier du Plateau) et le 14 à Saint-Etienne (Le Fil), puis le nouvel orchestre Equal Crossing du violoniste Régis Huby le 19 aux Lilas (Le Trigon). Auparavant, le 12, il aura joué en solo à Argenteuil (Cave Dimière) en première partie de l’Ensemble Nautilis dirigé par le clarinettiste Christophe Rocher, figure centrale de la scène bretonne, où l’on entendra notamment quelques figures déjà évoquées dans ces pages: le saxophoniste Nicolas Peoc’h, le violoniste Grégoire Hennebelle, le batteur Nicolas Pointard… tous contributeurs au répertoire de l’ensemble.
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Hier soir 6 décembre, le trio de Marc Ducret (Bruno Chevillon, Eric Echampard) donnait au Triton des Lilas le dernier d’une série de cinq concerts, au cours de laquelle il présenta deux formules (trio et trio plus invités) et trois programmes. Survol de trois de ces concerts, comparaison, bilan, ragots, digressions, messages subliminaux, lapsus, coquilles, fautes d’orthographe… A l’heure qu’il est, on fait ce qu’on peut.
Le Triton, Les Lilas (93), les 2, 4 et 5 décembre 2014.
Les 2 (créations) et 4 décembre (reprises d’un ancien répertoire) : Marc Ducret (guitare, composition, direction), Bruno Chevillon (contrebasse), Eric Echampard (batterie).
Le 5 décembre : Marc Ducret trio (même personnel) + Fabrice Martinez (trompette), Samuel Blaser (trombone), Christophe Monniot (sax alto).
Le 2 décembre dernier, annonçant sans développer, cette semaine de concerts au sortir du premier d’entre eux, je promettais un compte rendu global pour ce dimanche. Ce qui était d’autant plus présomptueux que j’accompagnais cette annonce d’un texte de Samuel Beckett sur Bram van Velde à la suite de quoi j’avais l’air de m’assimiler aux vrais amateurs d’art qui examinent l’œuvre avec cette acuité les autorisant à “consulter du pouce le relief de l’impasto”. D’une part, je présumais qu’on allait attendre ce compte rendu alors qu’il y a mieux à faire (aller au concert par exemple). D’autre part, je me prêtais une compétence un peu exagérée d’amateur d’art, que d’ailleurs Beckett tournait peut-être lui-même en dérision car l’on sait qu’avec lui rien, pas lui-même, n’échappe à la tendre férocité de son regard. Cette compétence présumée me renvoie à l’un de mes premiers comptes rendus de concert pour Jazz Hot en 1980 à la suite d’un concert du duo de guitares Marc Ducret – Malo Vallois, dans un petit équipement culturel de Nanterre. Si mes souvenirs sont bons, fasciné par la facilité de jeu de Marc Ducret, j’en déduisais néanmoins une profondeur musicale plus sûre chez Vallois. On m’avait fait savoir que lors d’un dîner en ville avec un vieil ami de lycée, Ducret, ayant eu connaissance de ce jugement, avait déclaré son souverain mépris pour la critique, mépris qui s’est peu démentie par la suite vue la façon dont il a toujours plus ou moins tenu la presse à distance.
Cette comparaison entre les deux guitaristes correspondait-elle à quelque réalité ? Après tout, Malo Vallois était son aîné et un peu son initiateur. Mais à l’époque je n’en avait nullement conscience. Néanmoins, tombant sur ce papier il y a quelques mois, je n’y ai pas trouvé matière à me vanter de la qualité de son argumentation. Le lait de la critique me sortait encore du nez et c’était la première manifestation, dans mon travail que je ne pratiquais alors qu’en amateur, de la tension permanente entre le monde de la création et le monde de la critique Cependant, elle ne me surprenait nullement. J’avais grandi auprès de parents qui trainaient dans les salles et les coulisses des théâtres comme j’ai traîné après eux dans les clubs de jazz, à cette différence que mon père pouvait dire Racine ou Claudel en se rasant le matin, comme jamais je n’ai su la moitié d’un standard de jazz, avec une conscience de la respiration du texte qui en fit, en marge d’un métier d’enseignant, un traducteur du théâtre germanique (principalement Max Frisch qui ne voulait pas voir ses pièces montées dans d’autres traductions) apprécié des hommes de théâtre. Et toute mon enfance, j’ai été le témoin de cette tension entre ces hommes de théâtre et les amateurs éclairés d’un côté, la critique de l’autre. Combien de fois n’ai-je pas entendu mes parents se plaindre de l’ineptie de la critique, non parce qu’elle critiquait, mais parce qu’elle critiquait sans savoir, inventant des qualités et des problèmes sans réalité et passant à côté de qualités et de problèmes qu’elle ne savait ni voir, ni reconnaître, ni nommer.
Il est curieux qu’ayant grandi dans un tel contexte, je sois devenu ce que l’on appelle un “jazz critic” et que j’ai pu exercer ce métier quarante années durant, jusqu’à ce jour, avec cette culpabilité sur ma nuque, essayant d’assurer une digne médiation entre cette musique que j’aimais (que je trouvais si mal aimée), et le public. J’en ai tiré de grandes joies, celle de suivre la carrière de Ducret n’ayant pas été la moindre. Grandes joies procurées par l’écoute, mais aussi par l’écriture, même si je sais les roueries par lesquelles je suis passé pour travestir mes difficultés quotidiennes à nommer le fait musical, la dernière d’entre elles étant probablement cette « batterie réglée comme une pointeuse affolée » (à propos de la prestation « encore sur les dents » de l’ONJ le 22 novembre dernier) dont Eric Echampard me salua en m’apercevant à l’entrée du Triton de toute sa narquoiserie et dans un grand éclat de rire.
Ayant différé à plusieurs reprises le compte rendu des concerts du Triton, par quelles nouvelles roueries parviendrai-je à faire la synthèse promise de ce que j’ai entendu au cours de ces trois soirs passés avec le Trio Ducret dans ces différents programmes ? Question qui me hante depuis cette annonce de synthèse. Qui me hante à vrai dire chaque fois que j’ouvre mon ordinateur au retour d’un concert ? Il y a quelques jours, Mathieu Conquet sur France Culture, présentant le concert inédit du trio de Jarrett en 1972 que vient de publier ECM (le trio de Jarrett sur France Culture ? Inespéré ! Les poules auraient-elles des dents) : « Charlie Haden (lunette de prof et tunique en lin), Paul Motian, catogan grisonnant. Keith Jarrett, lui, porte moustache et coupe afro, l’air tout droit sorti d’un film de blaxploitation. » Nous, les jazz critics, en sommes tous passés par là et je ne me moquerais pas si le discours s’accompagnait d’un propos un peu plus éclairé pour dire qui sont Haden, Motian et Jarrett au public de Culture (tant pour cette part du public qui les connaît que pour celle qui ne les connaît pas). Parlerai-je des pantalons de Ducret ? Ils ont toujours fait jaser. J’en ai remarqué deux, mais je crois que je serais encore plus mal à l’aise à chercher à les décrire qu’à parler de sa musique. Un ami me souffle, comme pour me venir en aide, que le 3 décembre, Ducret à cassé une corde… Je n’y étais pas pour le raconter. Dommage, ça me donnerait du grain à moudre. N’ai-je pas déjà dit tout ce qui était à ma portée à propos de Ducret ?
Combien de temps, vais-je tourner autour du pot avant de commencer. Dir
ais-je, comme le cher Samuel Beckettt vers 1948 : « J’ai dit tout ce que j’avais à dire sur la peinture des frères van Velde. Je n’ai rien à ajouter à ce que j’ai déjà dit à cet endroit. C’était peu, c’était trop, et je n’ai rien à y ajouter. Heureusement, il ne s’agit pas de dire ce qui n’a pas encore été dit, mais de redire, le plus souvent possible dans l’espace le plus réduit, ce qui a été dit déjà. Sinon on trouble les amateurs. Cela d’abord. Et la peinture moderne est déjà assez troublante en elle-même sans qu’on veuille la rendre plus troublante encore, en disant tantôt qu’elle est peut-être ceci, tantôt qu’elle est peut-être cela. » Etc. suivi (et précédé) de pages lumineuses (Disjecta, Miscellaneous Writings, Grove Press, 1984) que ces simples citations menacent de contresens, voire de non sens, comme autant d’organes (yeux, rates, pénis) détaillés dans le formol sur les étagères d’un laboratoire d’une faculté de médecine. Alors allons-y !
J’étale sur ma table de travail quelques notes éparses jetées au dos de vieilles ordonnances médicales et de listes de courses de Noël traînant dans mes poches de veste. Illisibles, à part quelques titres. Celles concernant le premier soir restent introuvables. Probablement inconsistantes. Rassemblons nos esprits, réunissons nos souvenirs. Trois concerts donc, enregistrés à fin de publication, les deux premiers en trio, comme des bornes sur un parcours biographique. La première, celle dressée le premier soir: le trio reformé autour d’un nouveau répertoire. La seconde n’en est pas une : ce serait plutôt le regard à la longue vue, par les trois membres du trio juchés sur la borne du présent, de ce qu’ils furent il y a dix ans ou plus. Ce vieux répertoire paraît limpide, classique, après l’égarement face au nouveau tout en tiroirs, différents états d’un même morceau envisagé sous différents angles, sous différents éclairages, différentes focales, ou objets distincts assemblés les uns aux autres pour faire une narration en plusieurs actes et scènes. Car il y a de la narration dans la musique de Ducret, invitation du titre à l’auditeur de se faire sa propre narration ou parcours parfois plus balisé par le commentaire de Ducret lui-même, lorsqu’il reprend le premier soir en rappel un morceau qu’on lui connaissait déjà, inspiré par un souvenir d’enfance de Robert Louis Stevenson, et nous entraîne littéralement dans son “aventure”.
La possibilité d’une narration n’est pas absente de la reprise du vieux répertoire par Ducret, mais l’abstraction musicale est en elle-même plus limpide dans ses formes, avec la dimension “super trio”, l’énergie rock inhérente au jeu des trois musiciens, beaucoup moins “perverse” que la musique du trio Big Satan avec Tim Berne et Tom Rainey, guère remise en cause par l’écriture qui n’a d’autre rôle que de canaliser et d’organiser l’interaction, de relancer l’attention, selon des tiroirs plus clairement disposés. Le Ducret que ses premiers fans regrettent parfois, et qu’ils retrouvent ici. Tandis que le nouveau répertoire, sans altérer fondamentalement l’identité du trio, est traversé par l’expérience acquise à l’élaboration du triptyque de Tower, avec une écriture plus orchestrale, polyphonique, contrastée, concertée, du ténu de la musique de chambre au fortissimo du symphonique avec une guitare elle-même plus orchestrale, le tout sous l’influence des grands compositeurs du XXème siècle, parmi lesquels Stravinski se laisse reconnaître (peut-être parce que mon oreille l’identifie mieux que d’autres – était-ce à la fin du morceau intitulé Vers les ruines ?) Mais Porteurs de lanternes (le morceau inspiré de Stevenson) nous ramène à Joni Mitchell, avec un longue intro de “guitare-dulcimer”, puis soudain lorsque l’heure du sabbat est arrivée, l’esprit de Led Zeppelin.
Le répertoire des reprises est fait de trois grandes suites que connaissent bien les heureux possesseurs des deux autoproductions que Ducret vendit sous le manteau à la fin des concerts du trio : Dialectes, Tarot, L’Annexe, à quoi s’ajoute une rareté empruntée au grand ensemble éphémère Seven Songs from the Sixties dont est tiré un arrangement de The Times They Are A-Changin’ de Bob Dylan. La contrebasse de Bruno Chevillon s’y transforme en une espèce de banjo des Appalaches, tandis que l’harmonisation dissonante évoque l’éraillement vocal de Dylan.
Cette suite dylanienne sera reprise le lendemain par le trio agrandi et l’on y verra même Ducret sortir un harmonica diatonique. Les trois vents, jettent un pont entre les deux répertoires, apportant un peu de l’expérience orchestrale de Tower. Les trois invités sont entrés dans la complicité du vieux trio avec une autorité formidable qu’aura singulièrement illustré leur contribution à la pièce Kumiho. On y vit Samuel Blaser jeté sans être prévenu (comme il me l’a confié à la sortie du concert) dans un stop chorus qu’il géra avec un sens de la construction, un sens du motif et une façon de faire rentrer le trio également admirables. Puis ce fut au tour de Fabrice Martinez qui répondit à la situation à grands cris de sa trompette en animal blessé invitant la contrebasse à lui répondre ici et là… Quant à Christophe Monniot, soutenu par le trio, il se jeta dans le solo qui lui était ouvert avec une précipitation et une ferveur qui sembla mettre Ducret dans l’humeur la plus joyeuse, et nous avec sans aucun doute.
Ai-je été clair?
Coda
Matthieu Metzger Killing Spree Trio : Matthieu Metzger (saxes sopranino, alto et baryton, électronique), Sylvain Daniel (basse électrique), Grégoire Galichet (Batterie).
À la sortie du concert du 5, nous étions incités à pousser la porte de l’autre salle du Triton (“l’historique”) où Matthieu Metzger (ex-ONJ, ex-Le Sens de la marche de MarceDucret) présentait son trio. Au milieu d’un chaos sonore au dérèglement précisément millimétré avec une rage de marteau-piqueur et des interjections vocales éructées confirmant que nous ne sommes pas très éloignés des terres du groupe de metal experimental Meshuggha, un saxophone soudain laisse deviner un lyrisme précis, amoureux de la ligne claire. Une présentation détachée, d’un humeur joyeusement caustique. Où sommes-nous précisément ? Après le concert du trio, difficile de répondre avec certitude. À suivre sur disque à paraître chez Ayler Records. Franck Bergerot
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On retrouvera le Marc Ducret Trio le mardi 9 décembre à Salon-de-Provence (IMFP), le 10 à Avignon (Ajmi), après quoi Ducret rejoindra le trio Journal Intime du 11 au 13 à Paris (Atelier du Plateau) et le 14 à Saint-Etienne (Le Fil), puis le nouvel orchestre Equal Crossing du violoniste Régis Huby le 19 aux Lilas (Le Trigon). Auparavant, le 12, il aura joué en solo à Argenteuil (Cave Dimière) en première partie de l’Ensemble Nautilis dirigé par le clarinettiste Christophe Rocher, figure centrale de la scène bretonne, où l’on entendra notamment quelques figures déjà évoquées dans ces pages: le saxophoniste Nicolas Peoc’h, le violoniste Grégoire Hennebelle, le batteur Nicolas Pointard… tous contributeurs au répertoire de l’ensemble.
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Hier soir 6 décembre, le trio de Marc Ducret (Bruno Chevillon, Eric Echampard) donnait au Triton des Lilas le dernier d’une série de cinq concerts, au cours de laquelle il présenta deux formules (trio et trio plus invités) et trois programmes. Survol de trois de ces concerts, comparaison, bilan, ragots, digressions, messages subliminaux, lapsus, coquilles, fautes d’orthographe… A l’heure qu’il est, on fait ce qu’on peut.
Le Triton, Les Lilas (93), les 2, 4 et 5 décembre 2014.
Les 2 (créations) et 4 décembre (reprises d’un ancien répertoire) : Marc Ducret (guitare, composition, direction), Bruno Chevillon (contrebasse), Eric Echampard (batterie).
Le 5 décembre : Marc Ducret trio (même personnel) + Fabrice Martinez (trompette), Samuel Blaser (trombone), Christophe Monniot (sax alto).
Le 2 décembre dernier, annonçant sans développer, cette semaine de concerts au sortir du premier d’entre eux, je promettais un compte rendu global pour ce dimanche. Ce qui était d’autant plus présomptueux que j’accompagnais cette annonce d’un texte de Samuel Beckett sur Bram van Velde à la suite de quoi j’avais l’air de m’assimiler aux vrais amateurs d’art qui examinent l’œuvre avec cette acuité les autorisant à “consulter du pouce le relief de l’impasto”. D’une part, je présumais qu’on allait attendre ce compte rendu alors qu’il y a mieux à faire (aller au concert par exemple). D’autre part, je me prêtais une compétence un peu exagérée d’amateur d’art, que d’ailleurs Beckett tournait peut-être lui-même en dérision car l’on sait qu’avec lui rien, pas lui-même, n’échappe à la tendre férocité de son regard. Cette compétence présumée me renvoie à l’un de mes premiers comptes rendus de concert pour Jazz Hot en 1980 à la suite d’un concert du duo de guitares Marc Ducret – Malo Vallois, dans un petit équipement culturel de Nanterre. Si mes souvenirs sont bons, fasciné par la facilité de jeu de Marc Ducret, j’en déduisais néanmoins une profondeur musicale plus sûre chez Vallois. On m’avait fait savoir que lors d’un dîner en ville avec un vieil ami de lycée, Ducret, ayant eu connaissance de ce jugement, avait déclaré son souverain mépris pour la critique, mépris qui s’est peu démentie par la suite vue la façon dont il a toujours plus ou moins tenu la presse à distance.
Cette comparaison entre les deux guitaristes correspondait-elle à quelque réalité ? Après tout, Malo Vallois était son aîné et un peu son initiateur. Mais à l’époque je n’en avait nullement conscience. Néanmoins, tombant sur ce papier il y a quelques mois, je n’y ai pas trouvé matière à me vanter de la qualité de son argumentation. Le lait de la critique me sortait encore du nez et c’était la première manifestation, dans mon travail que je ne pratiquais alors qu’en amateur, de la tension permanente entre le monde de la création et le monde de la critique Cependant, elle ne me surprenait nullement. J’avais grandi auprès de parents qui trainaient dans les salles et les coulisses des théâtres comme j’ai traîné après eux dans les clubs de jazz, à cette différence que mon père pouvait dire Racine ou Claudel en se rasant le matin, comme jamais je n’ai su la moitié d’un standard de jazz, avec une conscience de la respiration du texte qui en fit, en marge d’un métier d’enseignant, un traducteur du théâtre germanique (principalement Max Frisch qui ne voulait pas voir ses pièces montées dans d’autres traductions) apprécié des hommes de théâtre. Et toute mon enfance, j’ai été le témoin de cette tension entre ces hommes de théâtre et les amateurs éclairés d’un côté, la critique de l’autre. Combien de fois n’ai-je pas entendu mes parents se plaindre de l’ineptie de la critique, non parce qu’elle critiquait, mais parce qu’elle critiquait sans savoir, inventant des qualités et des problèmes sans réalité et passant à côté de qualités et de problèmes qu’elle ne savait ni voir, ni reconnaître, ni nommer.
Il est curieux qu’ayant grandi dans un tel contexte, je sois devenu ce que l’on appelle un “jazz critic” et que j’ai pu exercer ce métier quarante années durant, jusqu’à ce jour, avec cette culpabilité sur ma nuque, essayant d’assurer une digne médiation entre cette musique que j’aimais (que je trouvais si mal aimée), et le public. J’en ai tiré de grandes joies, celle de suivre la carrière de Ducret n’ayant pas été la moindre. Grandes joies procurées par l’écoute, mais aussi par l’écriture, même si je sais les roueries par lesquelles je suis passé pour travestir mes difficultés quotidiennes à nommer le fait musical, la dernière d’entre elles étant probablement cette « batterie réglée comme une pointeuse affolée » (à propos de la prestation « encore sur les dents » de l’ONJ le 22 novembre dernier) dont Eric Echampard me salua en m’apercevant à l’entrée du Triton de toute sa narquoiserie et dans un grand éclat de rire.
Ayant différé à plusieurs reprises le compte rendu des concerts du Triton, par quelles nouvelles roueries parviendrai-je à faire la synthèse promise de ce que j’ai entendu au cours de ces trois soirs passés avec le Trio Ducret dans ces différents programmes ? Question qui me hante depuis cette annonce de synthèse. Qui me hante à vrai dire chaque fois que j’ouvre mon ordinateur au retour d’un concert ? Il y a quelques jours, Mathieu Conquet sur France Culture, présentant le concert inédit du trio de Jarrett en 1972 que vient de publier ECM (le trio de Jarrett sur France Culture ? Inespéré ! Les poules auraient-elles des dents) : « Charlie Haden (lunette de prof et tunique en lin), Paul Motian, catogan grisonnant. Keith Jarrett, lui, porte moustache et coupe afro, l’air tout droit sorti d’un film de blaxploitation. » Nous, les jazz critics, en sommes tous passés par là et je ne me moquerais pas si le discours s’accompagnait d’un propos un peu plus éclairé pour dire qui sont Haden, Motian et Jarrett au public de Culture (tant pour cette part du public qui les connaît que pour celle qui ne les connaît pas). Parlerai-je des pantalons de Ducret ? Ils ont toujours fait jaser. J’en ai remarqué deux, mais je crois que je serais encore plus mal à l’aise à chercher à les décrire qu’à parler de sa musique. Un ami me souffle, comme pour me venir en aide, que le 3 décembre, Ducret à cassé une corde… Je n’y étais pas pour le raconter. Dommage, ça me donnerait du grain à moudre. N’ai-je pas déjà dit tout ce qui était à ma portée à propos de Ducret ?
Combien de temps, vais-je tourner autour du pot avant de commencer. Dir
ais-je, comme le cher Samuel Beckettt vers 1948 : « J’ai dit tout ce que j’avais à dire sur la peinture des frères van Velde. Je n’ai rien à ajouter à ce que j’ai déjà dit à cet endroit. C’était peu, c’était trop, et je n’ai rien à y ajouter. Heureusement, il ne s’agit pas de dire ce qui n’a pas encore été dit, mais de redire, le plus souvent possible dans l’espace le plus réduit, ce qui a été dit déjà. Sinon on trouble les amateurs. Cela d’abord. Et la peinture moderne est déjà assez troublante en elle-même sans qu’on veuille la rendre plus troublante encore, en disant tantôt qu’elle est peut-être ceci, tantôt qu’elle est peut-être cela. » Etc. suivi (et précédé) de pages lumineuses (Disjecta, Miscellaneous Writings, Grove Press, 1984) que ces simples citations menacent de contresens, voire de non sens, comme autant d’organes (yeux, rates, pénis) détaillés dans le formol sur les étagères d’un laboratoire d’une faculté de médecine. Alors allons-y !
J’étale sur ma table de travail quelques notes éparses jetées au dos de vieilles ordonnances médicales et de listes de courses de Noël traînant dans mes poches de veste. Illisibles, à part quelques titres. Celles concernant le premier soir restent introuvables. Probablement inconsistantes. Rassemblons nos esprits, réunissons nos souvenirs. Trois concerts donc, enregistrés à fin de publication, les deux premiers en trio, comme des bornes sur un parcours biographique. La première, celle dressée le premier soir: le trio reformé autour d’un nouveau répertoire. La seconde n’en est pas une : ce serait plutôt le regard à la longue vue, par les trois membres du trio juchés sur la borne du présent, de ce qu’ils furent il y a dix ans ou plus. Ce vieux répertoire paraît limpide, classique, après l’égarement face au nouveau tout en tiroirs, différents états d’un même morceau envisagé sous différents angles, sous différents éclairages, différentes focales, ou objets distincts assemblés les uns aux autres pour faire une narration en plusieurs actes et scènes. Car il y a de la narration dans la musique de Ducret, invitation du titre à l’auditeur de se faire sa propre narration ou parcours parfois plus balisé par le commentaire de Ducret lui-même, lorsqu’il reprend le premier soir en rappel un morceau qu’on lui connaissait déjà, inspiré par un souvenir d’enfance de Robert Louis Stevenson, et nous entraîne littéralement dans son “aventure”.
La possibilité d’une narration n’est pas absente de la reprise du vieux répertoire par Ducret, mais l’abstraction musicale est en elle-même plus limpide dans ses formes, avec la dimension “super trio”, l’énergie rock inhérente au jeu des trois musiciens, beaucoup moins “perverse” que la musique du trio Big Satan avec Tim Berne et Tom Rainey, guère remise en cause par l’écriture qui n’a d’autre rôle que de canaliser et d’organiser l’interaction, de relancer l’attention, selon des tiroirs plus clairement disposés. Le Ducret que ses premiers fans regrettent parfois, et qu’ils retrouvent ici. Tandis que le nouveau répertoire, sans altérer fondamentalement l’identité du trio, est traversé par l’expérience acquise à l’élaboration du triptyque de Tower, avec une écriture plus orchestrale, polyphonique, contrastée, concertée, du ténu de la musique de chambre au fortissimo du symphonique avec une guitare elle-même plus orchestrale, le tout sous l’influence des grands compositeurs du XXème siècle, parmi lesquels Stravinski se laisse reconnaître (peut-être parce que mon oreille l’identifie mieux que d’autres – était-ce à la fin du morceau intitulé Vers les ruines ?) Mais Porteurs de lanternes (le morceau inspiré de Stevenson) nous ramène à Joni Mitchell, avec un longue intro de “guitare-dulcimer”, puis soudain lorsque l’heure du sabbat est arrivée, l’esprit de Led Zeppelin.
Le répertoire des reprises est fait de trois grandes suites que connaissent bien les heureux possesseurs des deux autoproductions que Ducret vendit sous le manteau à la fin des concerts du trio : Dialectes, Tarot, L’Annexe, à quoi s’ajoute une rareté empruntée au grand ensemble éphémère Seven Songs from the Sixties dont est tiré un arrangement de The Times They Are A-Changin’ de Bob Dylan. La contrebasse de Bruno Chevillon s’y transforme en une espèce de banjo des Appalaches, tandis que l’harmonisation dissonante évoque l’éraillement vocal de Dylan.
Cette suite dylanienne sera reprise le lendemain par le trio agrandi et l’on y verra même Ducret sortir un harmonica diatonique. Les trois vents, jettent un pont entre les deux répertoires, apportant un peu de l’expérience orchestrale de Tower. Les trois invités sont entrés dans la complicité du vieux trio avec une autorité formidable qu’aura singulièrement illustré leur contribution à la pièce Kumiho. On y vit Samuel Blaser jeté sans être prévenu (comme il me l’a confié à la sortie du concert) dans un stop chorus qu’il géra avec un sens de la construction, un sens du motif et une façon de faire rentrer le trio également admirables. Puis ce fut au tour de Fabrice Martinez qui répondit à la situation à grands cris de sa trompette en animal blessé invitant la contrebasse à lui répondre ici et là… Quant à Christophe Monniot, soutenu par le trio, il se jeta dans le solo qui lui était ouvert avec une précipitation et une ferveur qui sembla mettre Ducret dans l’humeur la plus joyeuse, et nous avec sans aucun doute.
Ai-je été clair?
Coda
Matthieu Metzger Killing Spree Trio : Matthieu Metzger (saxes sopranino, alto et baryton, électronique), Sylvain Daniel (basse électrique), Grégoire Galichet (Batterie).
À la sortie du concert du 5, nous étions incités à pousser la porte de l’autre salle du Triton (“l’historique”) où Matthieu Metzger (ex-ONJ, ex-Le Sens de la marche de MarceDucret) présentait son trio. Au milieu d’un chaos sonore au dérèglement précisément millimétré avec une rage de marteau-piqueur et des interjections vocales éructées confirmant que nous ne sommes pas très éloignés des terres du groupe de metal experimental Meshuggha, un saxophone soudain laisse deviner un lyrisme précis, amoureux de la ligne claire. Une présentation détachée, d’un humeur joyeusement caustique. Où sommes-nous précisément ? Après le concert du trio, difficile de répondre avec certitude. À suivre sur disque à paraître chez Ayler Records. Franck Bergerot
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/span>
On retrouvera le Marc Ducret Trio le mardi 9 décembre à Salon-de-Provence (IMFP), le 10 à Avignon (Ajmi), après quoi Ducret rejoindra le trio Journal Intime du 11 au 13 à Paris (Atelier du Plateau) et le 14 à Saint-Etienne (Le Fil), puis le nouvel orchestre Equal Crossing du violoniste Régis Huby le 19 aux Lilas (Le Trigon). Auparavant, le 12, il aura joué en solo à Argenteuil (Cave Dimière) en première partie de l’Ensemble Nautilis dirigé par le clarinettiste Christophe Rocher, figure centrale de la scène bretonne, où l’on entendra notamment quelques figures déjà évoquées dans ces pages: le saxophoniste Nicolas Peoc’h, le violoniste Grégoire Hennebelle, le batteur Nicolas Pointard… tous contributeurs au répertoire de l’ensemble.