Maria Grand à Jazzdor : naissance d’un trio !
Née en 1992 à Genève, en Suisse, mais installée à New York depuis le début des années 2010, la saxophoniste Maria Grand s’est imposée ces dernières années parmi les voix les plus originales de la scène (post-) jazz contemporaine avec un mélange très impressionnant de talent, d’aplomb et de sérénité. Adoubée par Steve Coleman et Doug Hammond qui dès son installation aux USA l’intégrèrent chacun à leurs projets, partenaire des têtes chercheuses les plus inspirées des musiques expérimentales actuelles (de Craig Taborn à Mary Halvorson en passant par Vijay Iyer et Steve Lehman), Grand possède un univers très personnel alliant à une rigueur mathématique et conceptuelle héritée de Steve Coleman, une véritable dimension spirituelle et poétique dont son premier album en leader “Magdalena” paru en 2018 offrait déjà un aperçu saisissant. C’est à la tête de son nouveau groupe composé de la contrebassiste d’origine japonaise Kanoa Mendenhall et de Savannah Harris à la batterie qu’elle s’est présentée ce dimanche après-midi dans la petite salle du CEAAC dans le cadre du festival Jazzdor. Dès les premiers instant la cohésion exceptionnelle entre les trois musiciennes a saisi l’auditoire, impressionné par le degré d’écoute et d’interpay particulièrement sensible au niveau des dynamiques sonores et des circulations d’énergies magistralement distribuées par le drumming explosif, à la fois aéré, touffu et tout en nuances d’intensités, de Harris. A partir de compositions aux formes géométriques et aux métriques sophistiquées pour une grande part héritées des préceptes posés ces trente dernières années par Steve Coleman et Doug Hammond, Grand développe de longues improvisations à la fois fluides et sinueuses dans leurs lignes et d’une grande densité de matière, toujours très tenues dans des cadres formels parfaitement dessinés et d’une totale liberté expressive. Quelques morceaux chantés d’une poésie bouleversante de fragilité révèlent la dimension essentiellement orale de cette musique du surgissement mais c’est incontestablement la puissance organique de cet authentique “Power Trio” tout en concentration langagière et énergies partagées qui suscite un enthousiasme sans partage. Avec leur discours authentiquement collectif, à la fois organique et d’une grande puissance spirituelle, ces trois (très) jeunes femmes débordantes de talents, pourraient bien être la grande révélation de cette fin de décennie.
Stéphane Ollivier