Mark Priore trio au Bal Blomet
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Hier 20 février, c’était soirée Jazz Magazine au Bal Blomet avec le trio de Mark Priore (blindfold test du numéro de mars en kiosque la semaine prochaine) avec Juan Villaroel (contrebasse) et Elie Martin-Charrière (batterie).
Retraite, covid et confinement, énergie vieillissante, négligences après des années de vis-à-vis des disques qui me parviennent encore au titre du service de presse dont je découvre le plus souvent les programmes en concert. C’est ainsi que Mark Priore était quasiment passé à l’écart de mes radars. Magnifique pianiste, toucher, langage improvisé, répertoire… qui commence avec un choral – pourquoi pensai-je à Schubert –, doigts joints à l’unisson de la contrebasse à l’archet, affichant une tendance au minimalisme, tandis qu’Elie Martin-Charrière déploie une polyphonie presque bruitiste. Le second morceau est un hommage déclaré à Ahmad Jamal, référence qui reviendra au cours du concert, avec dans l’immédiat un évident clin d’œil à la célèbre version de Poinciana, le batteur réinventant à sa façon la célèbre partie de Vernell Fournier. Certains morceaux se veulent narratifs, telle leur réinvention du mythe d’Orphée et Euridyce où l’initiative se porte d’abord sur la batterie follement polyrythmique, puis sur la main droite du pianiste, puis sur la contrebasse, chaque soliste se trouvant tour à tour soutenu par l’homophonie des deux autres. Après quelques échos beethoveniens et une sorte d’hymne qui m’évoquera, peut-être à tort trahi par ma mémoire, le duo Prayer de Keith Jarrett et Charlie Haden sur “The Death And The Flower », il y aura un hommage à Arvo Pärt qui se détournera habilement d’une référence initiale et explicite à Fratres. Juan Villaroel combine puissance, assiste et légèreté avec une sonorité tout à la fois profonde et courte qui m’évoque les contrebassistes de tumbao (mais est-ce que prénom et patronyme n’influe pas ici sur mon imagination) avec, en outre, un bel équilibre entre faconde mélodique et abstraction. Elie Martin-Charrière, alors que s’est présenté plus haut cette référence à Jarrett, serait plus du côté de Paul Motian que de DeJohnettte, avec cette influence, même si indirecte, que pourraient avoir eu, sur les batteurs de sa génération, des batteurs comme Justin Brown, Chess Smith, Mark Guiliana ou Dan Weiss. Franck Bergerot