Naïssam Jalal à Marmande
Il est des moments où un festival dans ses soirées essentielles smatche avec des points d’actualité pas forcément prévisibles à l’instant même où se construit une programmation. Sur la période clef d’un week end l’érection de news sportives représente un risque plus accentué. Jazz et Garonne ces jours ci en a heurté deux de force majeure. Une phase de match de qualification pour l’Euro 2024 en ce qui concerne le,ballon rond. Les quarts de finale de la Couoe du Monde de rugby pour l’ovale. Et avec chaque fois la,présence des équiipes de France respectives. De quoi entrer de front pour le jazz avec une concurrence féroce sur les terrains de l’image, du son et d’une émotion retapissée tricolore pour l’occasion.
Festival Jazz et Garonne
Théâtre Comédia, 13/ 10/ 2023, Marmande (47200)
Eric Seva (ss, ts), Nicolas Fargeix (b cl), Philippe Hanon (basson), Grégoire Korniluk (cello), David Vainsot (alt vln), Gilles Coquard (elb), Zaza Desiderio (dm)
« Cette suite, Adeo, je l’ai composée pendant le confinement. Une question de temps disponible et d’un certain sentiment de solitude » De ce double ressenti et de la réflexion qui l’accompagne, le travail de composition d’Eric Seva en porte directement trace. On sent ainsi tout de suite les accords de basse résonner comme un élément clef de l’architecture musicale, un dessin d’arches, de piliers de soubassement. Sur une telle base de construction consciente s’inscrit une certaine finesse dans le soutien de la part des cordes et des bois question sonorités ( Mouvements attendus ) Lesquelles scellent l’apport d’un tissage mélodique plus ou moins serré. L’intitulé du morceau suivant « Danses essentielles » fait entrer dans la partition des mesures taillées à vif dans le mouvement. La musique ici jouée live évolue-t-elle dans l’univers du classique ou du jazz ? Dans de l’intermédiaire ? Peu importe l’étiquette. L’intervention de l’improvisation de la part du trio détermine un effet de découpe toujours sous ventilation rythmique du soprano lequel tend lui illico, à se libérer des barres de mesure.
À ce moment du voyage la batterie épouse parfaitement ces figures de style, produisant in vivo un jeu tout en richesse, en précisions caractéristique chez Zaza Desiderio. Il est alors question de « semeurs de sons » justement. De quoi noter au passage qu’un propos aussi strucruré tient à la densité, la justesse de l’écriture. Compositeur oui, mais Éric Seva n’en reste pas moins toujours volontairement instrumentiste. Et son « tout pour la mélodie » ressurgit naturellement dès lors que le sax ténor vient s’inscrire en contrepoint tel un souffle de douce fraîcheur. Aussi ne lui tiendra-t-on pas rigueur de son annonce de « déconstruction du « au Butschum» de Bêla Bartok.
Roger Biwandu (dm), Michael Chevallier (tp), Jean Christophe Jacques (ts, ss), Hervé Saint-Guirons (p), Nolwenn Martin-Leizour (b)
Lui la joue nature. Sa batterie comme la musique abordée par son Bordeaux Quintet. Et il l’avoue direct « Je dois vous faire une confidence. Je joue de la batterie…mais j’ai également joué au rugby. Donc je suis satisfait de ne pas être sur scène demain soir car il y aura un quart de finale fantastique de la Coupe du Monde. Ceci dit samedi prochain j’ai un concert á Cenon, ma ville de naissance le soir même d’une demie-finale avec je l’espère le Quinze de France….»
Le batteur dont la famille es originaire de Kinshasa en RDC ( République Démocratique du Congo) démarre le concert avec un « Bienvenue à Cenon» qu’il souhaite dédier à un de ses modèles, Jeff Tain Watts, batteur attitré de la tribu des Marsalis. Ça sonne en place, du direct, du solide, du cuivre claquant avec éclats.
L’orchestre affiche un équilibre tenu entre les instruments, le piano reste au centre du jeu façon Jazz Messengers Et s’il fallait tomber dans le cliché le batteur lâche ses frappes avec le jus d’un Art Blakey. On reste dans cette perspective historique puisque Biwandu et sa troupe bordelaise entonne un Foot Prints, thème emblématique de Wayne Shorter. Tous restent fidèle à l’esprit du morceau avec ce décalage dans les temps qui fait, aux notes, suspendre leur vol. De quoi réveler également un joli savoir faire des solistes sur un terrain très jazz peuplé d’empreintes savantes dans le genre. Plus loin un « Human Nature » revisité, titre « engageant à la fois Miles, Michael Jackson et le,pianiste du groupe pop Toto» s’il faut en croire le batteur rugbyman donnera cadre à un duo original grosse caisse/trompette avec sourdine en notes riches de nuances. Et pour revenir à ses racines terriennes Biwandu a souhaité faire revivre le,souvenir d’un combat de boxe de légende catégorie lourd, Mohamed Ali/Georges Foreman au stade Tata Rapurel de Kinshasa. Joué en mode calypso, tiré par un ténor chaud la musique semble y avoir pris les couleurs des habits de Rollins, maestro en la matière. Au final avec une version du hit « Sunny », le batteur fan de dialogue et de pédagogie fit en sorte de faire danser dans les allées du théâtre les enfants élèves d’une école de musique voisine.
14 / 10 / 2023
Naissam Jalal ( fl, voc), Claude Tchamitchian ( b ), Zaza Desiderio (dm), Clément Petit (cello)
On n’en parle pas forcément dans les comptes rendus de concert. Pourtant certains musiciens portent un soin particulier à leur instrument, à leur place sur une scène, à leur qualité de rendu sonore. À cet effet Claude Tchamitchian se fait fort de toujours jouer sur sa contrebasse, un objet de culte datant de plus d’un siècle, qui doit toujours sonner au plus juste sous ses doigts. De ce fait il parcours des milliers de kilomètres avec son véhicule dès lors qu’il est désormais impossible de transporter une contrebasse dans un TGV ou pire, un avion sans une pénalité pécuniaire conséquente.
Zarza Desiderio lui, comme bon d’autres batteurs ne voyage plus qu’avec ses cymbales, contraint de faire avec des batteries fournies avec plus ou moins de respect pour les fiche techniques demandées par avance. Et lorsque qu’il s’agut d’entrer dans le monde feutré des musiques très finement écrites par Naïssam Jalal, chaque instrument doit concourir à une qualité maximum donnée aux sonorités. Le concert donné dans ce festival reprend le matériau enregistré par ce même orchestre dans l’album « Healing Rituals » ( Les Couleurs du Son / L’autre distribution ) Il y est question de rituels,.« Rien de secret ou de cérémonies mystiques, rassurez vous. Simplement je souhaite retransmettre la,symbolique d’éléments, ceux naturels dans notre univers. J’ai souhaité les transposer, les transmettre via ma musique » Le rituel de la rivière coule ainsi sur un lit d’harmoniques nées sur la contrebasse, accompagné de motifs de flûtes circulaires. Celui acolé à la « Colline » vit au travers d:un alliage de cordes et de frappes de la batterie affirmant leur présence même si elles finissent à main nue, celles habiles de Zaza Desiderio, aptes à maîtriser les résonances.
Et toujours, au sein du collectif , l’équilibra drmeure. S’ajouteront par la suite et successivement : le « vent » – passes croisées de cordes avec vibrato sur celles du violoncelle en accord avec la voix ; la « terre » lorsque la voix de Naïssam se fait fluide tel un apaisement pour se joindre au maiiloches en caresses sur les peaux afin de donner un chant … « rituel » pour rappeler l’appellation initiale. Musique servie nature sans besoin ni de mots ni d’images ; « la forêt » dans un bruissement tel un petit jeu de rythmes quasi enfantin partagé entre flûte et baguettes; « la lune » histoire de « traverser les ténèbres à grands coups de glissandos sur les cordes de basse pour cette fois créer un effet d’image forte- Claude Tchamitchian, grand sorcier de l’histoire. Le « soleil» bien sûr afin de conclure au plus « forte» ces paysages, ces perspectives de rituel par notes – on entend à ce moment précis le balancement d’une danse au son d’une flûte à l’air légèrement saturé. Naïssam Jallal a pris soin d’écrire précisément toutes les bases de cette musique. Elle y offre avec sa flûte un souffle d’envoûtement lissé sur une rythmique pyramidale. De la magie pure…ou peu s’en faut.
Thierry Elliez (p), Céline Poggi (voc), Johan Renard, Khou-Nam Nguyen ( vln), Valentine Garilli ( viola), Guillaume Latil (cello)
Le chant lui va bien, on le sait. Thierry Elliez raffole de l’exercice qu’il accomplissait déjà autrefois à Pau, ville de sa jeunesse en tant que piano player chanteur. Ainsi â grands renforts d’accords frappés sur le clavier il entend maintenant magnifier les grandiloquences de Keith Emerson. Montent alors des moments d’intensité croissante avec en appui le violoncelle joué en pizzicato à la manière d’une basse. De fait Elliez ne s’arrête jamais, pose les mélodies, fabrique les enchaînements, pousse chaque relance.
Au milieu de ce tapis serré de flashs imprimés en mille et une nuits de notes qui éclatent et éclairent, s’affiche un savant savoir faire. Fruit mûri d’une inspiration bourrée d’ingrédients pianistiques originaux. Ne pas y chercher à tout prix du jazz malgré les séquences d’improvisation et en dépit du fait connu du leader Keith Emerson du trio pop ELP (Emerson Lake & Palmer) d’être tombé amoureux de cette musique. Ne pas attendre non plus de cette illustration revisitée du groupe la,moindre respiration tout au long des très longues pièces réécrites par le pianiste. Il s’agit là bel et bien, présentement portée sur scène, d’une performance. Livrée par un vrai show man. la chevelure abondante et argentée en parure de chapeau de Mousquetaire. À ses côtés le quartet de cordes se livre lui en ornements harmoniques et rythmiques. La voix de Céline Poggi, en nuances, en variations intervient en complément d’objet ponctuel.
Au final le public aura vécu un concert intense sans le moindre espace laissé au sílence. Tel un match plein joué sans un seul coup,de sifflet de la part de l’arbitre.
Robert Latxague