Monte Carlo Jazz Festival: Dans le jazz, l'Africa brasse
Dans les loges cossues du Palais Garnier résonnent des accents de La Havane, de Caracas et du Spanish Harlem. Ce soir des musiciens cubains se retrouvent en nombre et par hasard dans les soubassements du Casino de Monte Carlo. Pour une question de jeu. Celui proposé par le jazz.
Alune Wade (b, voc), Harold Lopez-Nussa (p, elp), Ruy-Adrian Lopez-Nussa (dm, perc), Renaud Gensane (tp, flgh), Olivier Tshimanga (g)
Richard Bona (elb, voc), Ludwig Alfonso (dm), Osmany Paredes (p), Luisito Quintero, Roberto Quintero (perc), Rey Alejandro (tb), Denis Hernández (tp)
Manu Katché (dm), Jim Watson (elp, p), Luca Aquino (tp, flgh), Tore Brunborg (ts), Elen Andrea Wang (b)
Madeleine Peyroux (voc, g), Barak Mori (b), Jon Herington (g)
Opéra Garnier, Monte Carlo, 2, 3 déc
Dans l’axe Havana-Paris-Dakar (CD World Village/Harmonia Mundi), la musique puisse surtout aux sources de la première et la dernière ville. Fruit de l’envie conjuguée des natifs des deux lieux concernés, Harold Lopez-Nussa et Alune Wade. Les rythmes, les harmonies livrés, les couplets chantés sans plus de manière, au naturel sur la scène de l’Opéra Garnier en témoignent directement. A propos du projet qu’il mûrit actuellement (un disque en préparation pour 2017) le bassiste sénégalais entend mettre en avant « la basse plus que la voix. » Sur la ligne suivie entre La Havane et Dakar, visiblement le vocal tient le haut du pavé. Marque indélébile de son continent d’origine, « des Afriques » comme il se plait à le préciser. De la même manière la griffe posée sur le contenu musical de la part des deux frères Lopez-Nussa laisse clairement apparaître les veines africaines de la musique cubaine: contrechants au piano, parties à dominante de tambours imprimées à la batterie. Les couleurs écloses/éclatées à Cuba (son, cha cha, boléro) se métissent en douceur de mélopées -au passage les textes, le phrasé que l’on entend habituellement en langue espagnole passent très bien en wolof également- et syncopes caractéristiques d’une musique que justifie parfaitement le vocable afro-cubain souvent accouplé au jazz généré dans la Caraïbe. Alliance naturelle, autant que juste retour de l’histoire. Avec, favorisé par la qualité de l’acoustique de la salle monégasque, un bonus question plaisir d’écoute donné.
Cuba, Richard Bona autre bassiste africain ancré lui basiquement à New York (même s’il bataille toujours pour monter un club à Paris « c’est pas facile, mais je vais pas lâcher pour autant » après celui créé à NY justement) le célèbre également à partir du répertoire de son disque Héritage produit par Quincy Jones sur son label Qwest. Des musiciens de haut savoir faire venus de l’île mais également de Maracaïbo ou Caracas. Une mise en place impeccable. une série de thèmes illustrants son projet Mandekan Cubano apte à donner écho aux sonorités chamarrées, épicées juste comme il faut des saveurs musicales créoles made in Cuba (la justesse des frappes du percussionniste Luisito Quintero, les attaques dans l’aigu du trompettiste Dennis Herrnandez) Et puis bien sur, dans ses présentations, son lot d’histoires teintées d’humour, son métier Richard Bona fait le show. Le métier. Manque juste…la dose de piment ? le souffle rafraichissant de l’alizé ? la goutte de citron vert ? pour apprécier totalement le verre de Cuba libre ainsi servi…Peut être -« il l’avouera lui même au final du set parce que « au bout de cent trente concerts dans l’année, 80 au moins avec cet orchestre »- l’envie d’étonner fait un peu défaut. Il le confiera d’ailleurs après coup « J’ai besoin de couper un peu avant de penser au prochain projet »
La machine groupe Manu Katché fonctionne à plein, tourne comme une horloge sur Unstatic (CD Act Company) Là encore, sur les thèmes joués depuis deux ans désormais (y compris le gimmick vocal de fin que reprend sans barguigner la chambrée hétéroclite -question nationalités représentées- monégasque) les musiciens font le boulot. Et Manu, fidèle à la scène de Monte Carlo (il y avait même joué sur la scène du club Moods) bien entendu est un sacré batteur « Notre problème ce soir c’est de venir devant vous alors que vous avez déjà absorbé plus de deux heures et demie de musique… » Difficile dans ces conditions de provoquer in extenso choc ou surprise.
Surprise, tiens, justement parlons-en. Dans ses différents spectacles ou disques passés, on l’avait laissée, elle issue de « la chanson de rue », un peu perdue, comme noyée au milieu d’ambiances (imposées?) folk, country pour ne pas parler de jazz, éphémère tentation en dépit du déploiement au début de ce XXI e siècle d’un gros battage médiatique à ce (malheureux) propos. Et bien dans un autre registre, teinté de blues celui là, Madeleine Peyroux accompagnée seulement (si l’on peut parler ainsi de musiciens de bon goût et talent, témoin ces parties originales de slide au bottleneck de la part de Jon Herington) d’une guitare et d’une contrebasse, pardon pour l’expression triviale, mais ça le fait ! Voix chaude, discours tout de modestie, chansons construites sans longueurs mais interprétées avec à propos: le contenu comme la forme sonnent juste. Sonnent vrai. Adaptés à sa voix, sa personnalité artistique.
Arrivé à sa onzième édition, le festival qu’il a créé ex nihilo sur un territoire qui ne résonnait jusque là que très peu jazz, Jean-René Palacio tient à le faire progresser en tenant compte des réalités du Rocher et de son public. Cette année par exemple en parallèle à Wayne Shorter. Airelle Besson ou Al Jarreau, en mode complément de programmation, le Monte Carlo Jazz Festival a tenu à inviter aussi les voix d ‘Angelique Kidjo, de Lambert Wilson chantant Montand et de Robert Charlebois pour célébrer ses 50 ans de carrière « Le jazz live à Monaco, je le vois tel qu’il a toujours été, libre, sans carcan, laissant place à la tradition mais ouvert, s’inspirant des musiques du monde. Donc créatif » Une ligne, un défi artistique et économique que le Directeur Artistique qu’il est entend relever également sur ses deux autres chantiers de festival, Antibes et Mégève.
Robert Latxague
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Dans les loges cossues du Palais Garnier résonnent des accents de La Havane, de Caracas et du Spanish Harlem. Ce soir des musiciens cubains se retrouvent en nombre et par hasard dans les soubassements du Casino de Monte Carlo. Pour une question de jeu. Celui proposé par le jazz.
Alune Wade (b, voc), Harold Lopez-Nussa (p, elp), Ruy-Adrian Lopez-Nussa (dm, perc), Renaud Gensane (tp, flgh), Olivier Tshimanga (g)
Richard Bona (elb, voc), Ludwig Alfonso (dm), Osmany Paredes (p), Luisito Quintero, Roberto Quintero (perc), Rey Alejandro (tb), Denis Hernández (tp)
Manu Katché (dm), Jim Watson (elp, p), Luca Aquino (tp, flgh), Tore Brunborg (ts), Elen Andrea Wang (b)
Madeleine Peyroux (voc, g), Barak Mori (b), Jon Herington (g)
Opéra Garnier, Monte Carlo, 2, 3 déc
Dans l’axe Havana-Paris-Dakar (CD World Village/Harmonia Mundi), la musique puisse surtout aux sources de la première et la dernière ville. Fruit de l’envie conjuguée des natifs des deux lieux concernés, Harold Lopez-Nussa et Alune Wade. Les rythmes, les harmonies livrés, les couplets chantés sans plus de manière, au naturel sur la scène de l’Opéra Garnier en témoignent directement. A propos du projet qu’il mûrit actuellement (un disque en préparation pour 2017) le bassiste sénégalais entend mettre en avant « la basse plus que la voix. » Sur la ligne suivie entre La Havane et Dakar, visiblement le vocal tient le haut du pavé. Marque indélébile de son continent d’origine, « des Afriques » comme il se plait à le préciser. De la même manière la griffe posée sur le contenu musical de la part des deux frères Lopez-Nussa laisse clairement apparaître les veines africaines de la musique cubaine: contrechants au piano, parties à dominante de tambours imprimées à la batterie. Les couleurs écloses/éclatées à Cuba (son, cha cha, boléro) se métissent en douceur de mélopées -au passage les textes, le phrasé que l’on entend habituellement en langue espagnole passent très bien en wolof également- et syncopes caractéristiques d’une musique que justifie parfaitement le vocable afro-cubain souvent accouplé au jazz généré dans la Caraïbe. Alliance naturelle, autant que juste retour de l’histoire. Avec, favorisé par la qualité de l’acoustique de la salle monégasque, un bonus question plaisir d’écoute donné.
Cuba, Richard Bona autre bassiste africain ancré lui basiquement à New York (même s’il bataille toujours pour monter un club à Paris « c’est pas facile, mais je vais pas lâcher pour autant » après celui créé à NY justement) le célèbre également à partir du répertoire de son disque Héritage produit par Quincy Jones sur son label Qwest. Des musiciens de haut savoir faire venus de l’île mais également de Maracaïbo ou Caracas. Une mise en place impeccable. une série de thèmes illustrants son projet Mandekan Cubano apte à donner écho aux sonorités chamarrées, épicées juste comme il faut des saveurs musicales créoles made in Cuba (la justesse des frappes du percussionniste Luisito Quintero, les attaques dans l’aigu du trompettiste Dennis Herrnandez) Et puis bien sur, dans ses présentations, son lot d’histoires teintées d’humour, son métier Richard Bona fait le show. Le métier. Manque juste…la dose de piment ? le souffle rafraichissant de l’alizé ? la goutte de citron vert ? pour apprécier totalement le verre de Cuba libre ainsi servi…Peut être -« il l’avouera lui même au final du set parce que « au bout de cent trente concerts dans l’année, 80 au moins avec cet orchestre »- l’envie d’étonner fait un peu défaut. Il le confiera d’ailleurs après coup « J’ai besoin de couper un peu avant de penser au prochain projet »
La machine groupe Manu Katché fonctionne à plein, tourne comme une horloge sur Unstatic (CD Act Company) Là encore, sur les thèmes joués depuis deux ans désormais (y compris le gimmick vocal de fin que reprend sans barguigner la chambrée hétéroclite -question nationalités représentées- monégasque) les musiciens font le boulot. Et Manu, fidèle à la scène de Monte Carlo (il y avait même joué sur la scène du club Moods) bien entendu est un sacré batteur « Notre problème ce soir c’est de venir devant vous alors que vous avez déjà absorbé plus de deux heures et demie de musique… » Difficile dans ces conditions de provoquer in extenso choc ou surprise.
Surprise, tiens, justement parlons-en. Dans ses différents spectacles ou disques passés, on l’avait laissée, elle issue de « la chanson de rue », un peu perdue, comme noyée au milieu d’ambiances (imposées?) folk, country pour ne pas parler de jazz, éphémère tentation en dépit du déploiement au début de ce XXI e siècle d’un gros battage médiatique à ce (malheureux) propos. Et bien dans un autre registre, teinté de blues celui là, Madeleine Peyroux accompagnée seulement (si l’on peut parler ainsi de musiciens de bon goût et talent, témoin ces parties originales de slide au bottleneck de la part de Jon Herington) d’une guitare et d’une contrebasse, pardon pour l’expression triviale, mais ça le fait ! Voix chaude, discours tout de modestie, chansons construites sans longueurs mais interprétées avec à propos: le contenu comme la forme sonnent juste. Sonnent vrai. Adaptés à sa voix, sa personnalité artistique.
Arrivé à sa onzième édition, le festival qu’il a créé ex nihilo sur un territoire qui ne résonnait jusque là que très peu jazz, Jean-René Palacio tient à le faire progresser en tenant compte des réalités du Rocher et de son public. Cette année par exemple en parallèle à Wayne Shorter. Airelle Besson ou Al Jarreau, en mode complément de programmation, le Monte Carlo Jazz Festival a tenu à inviter aussi les voix d ‘Angelique Kidjo, de Lambert Wilson chantant Montand et de Robert Charlebois pour célébrer ses 50 ans de carrière « Le jazz live à Monaco, je le vois tel qu’il a toujours été, libre, sans carcan, laissant place à la tradition mais ouvert, s’inspirant des musiques du monde. Donc créatif » Une ligne, un défi artistique et économique que le Directeur Artistique qu’il est entend relever également sur ses deux autres chantiers de festival, Antibes et Mégève.
Robert Latxague
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Dans les loges cossues du Palais Garnier résonnent des accents de La Havane, de Caracas et du Spanish Harlem. Ce soir des musiciens cubains se retrouvent en nombre et par hasard dans les soubassements du Casino de Monte Carlo. Pour une question de jeu. Celui proposé par le jazz.
Alune Wade (b, voc), Harold Lopez-Nussa (p, elp), Ruy-Adrian Lopez-Nussa (dm, perc), Renaud Gensane (tp, flgh), Olivier Tshimanga (g)
Richard Bona (elb, voc), Ludwig Alfonso (dm), Osmany Paredes (p), Luisito Quintero, Roberto Quintero (perc), Rey Alejandro (tb), Denis Hernández (tp)
Manu Katché (dm), Jim Watson (elp, p), Luca Aquino (tp, flgh), Tore Brunborg (ts), Elen Andrea Wang (b)
Madeleine Peyroux (voc, g), Barak Mori (b), Jon Herington (g)
Opéra Garnier, Monte Carlo, 2, 3 déc
Dans l’axe Havana-Paris-Dakar (CD World Village/Harmonia Mundi), la musique puisse surtout aux sources de la première et la dernière ville. Fruit de l’envie conjuguée des natifs des deux lieux concernés, Harold Lopez-Nussa et Alune Wade. Les rythmes, les harmonies livrés, les couplets chantés sans plus de manière, au naturel sur la scène de l’Opéra Garnier en témoignent directement. A propos du projet qu’il mûrit actuellement (un disque en préparation pour 2017) le bassiste sénégalais entend mettre en avant « la basse plus que la voix. » Sur la ligne suivie entre La Havane et Dakar, visiblement le vocal tient le haut du pavé. Marque indélébile de son continent d’origine, « des Afriques » comme il se plait à le préciser. De la même manière la griffe posée sur le contenu musical de la part des deux frères Lopez-Nussa laisse clairement apparaître les veines africaines de la musique cubaine: contrechants au piano, parties à dominante de tambours imprimées à la batterie. Les couleurs écloses/éclatées à Cuba (son, cha cha, boléro) se métissent en douceur de mélopées -au passage les textes, le phrasé que l’on entend habituellement en langue espagnole passent très bien en wolof également- et syncopes caractéristiques d’une musique que justifie parfaitement le vocable afro-cubain souvent accouplé au jazz généré dans la Caraïbe. Alliance naturelle, autant que juste retour de l’histoire. Avec, favorisé par la qualité de l’acoustique de la salle monégasque, un bonus question plaisir d’écoute donné.
Cuba, Richard Bona autre bassiste africain ancré lui basiquement à New York (même s’il bataille toujours pour monter un club à Paris « c’est pas facile, mais je vais pas lâcher pour autant » après celui créé à NY justement) le célèbre également à partir du répertoire de son disque Héritage produit par Quincy Jones sur son label Qwest. Des musiciens de haut savoir faire venus de l’île mais également de Maracaïbo ou Caracas. Une mise en place impeccable. une série de thèmes illustrants son projet Mandekan Cubano apte à donner écho aux sonorités chamarrées, épicées juste comme il faut des saveurs musicales créoles made in Cuba (la justesse des frappes du percussionniste Luisito Quintero, les attaques dans l’aigu du trompettiste Dennis Herrnandez) Et puis bien sur, dans ses présentations, son lot d’histoires teintées d’humour, son métier Richard Bona fait le show. Le métier. Manque juste…la dose de piment ? le souffle rafraichissant de l’alizé ? la goutte de citron vert ? pour apprécier totalement le verre de Cuba libre ainsi servi…Peut être -« il l’avouera lui même au final du set parce que « au bout de cent trente concerts dans l’année, 80 au moins avec cet orchestre »- l’envie d’étonner fait un peu défaut. Il le confiera d’ailleurs après coup « J’ai besoin de couper un peu avant de penser au prochain projet »
La machine groupe Manu Katché fonctionne à plein, tourne comme une horloge sur Unstatic (CD Act Company) Là encore, sur les thèmes joués depuis deux ans désormais (y compris le gimmick vocal de fin que reprend sans barguigner la chambrée hétéroclite -question nationalités représentées- monégasque) les musiciens font le boulot. Et Manu, fidèle à la scène de Monte Carlo (il y avait même joué sur la scène du club Moods) bien entendu est un sacré batteur « Notre problème ce soir c’est de venir devant vous alors que vous avez déjà absorbé plus de deux heures et demie de musique… » Difficile dans ces conditions de provoquer in extenso choc ou surprise.
Surprise, tiens, justement parlons-en. Dans ses différents spectacles ou disques passés, on l’avait laissée, elle issue de « la chanson de rue », un peu perdue, comme noyée au milieu d’ambiances (imposées?) folk, country pour ne pas parler de jazz, éphémère tentation en dépit du déploiement au début de ce XXI e siècle d’un gros battage médiatique à ce (malheureux) propos. Et bien dans un autre registre, teinté de blues celui là, Madeleine Peyroux accompagnée seulement (si l’on peut parler ainsi de musiciens de bon goût et talent, témoin ces parties originales de slide au bottleneck de la part de Jon Herington) d’une guitare et d’une contrebasse, pardon pour l’expression triviale, mais ça le fait ! Voix chaude, discours tout de modestie, chansons construites sans longueurs mais interprétées avec à propos: le contenu comme la forme sonnent juste. Sonnent vrai. Adaptés à sa voix, sa personnalité artistique.
Arrivé à sa onzième édition, le festival qu’il a créé ex nihilo sur un territoire qui ne résonnait jusque là que très peu jazz, Jean-René Palacio tient à le faire progresser en tenant compte des réalités du Rocher et de son public. Cette année par exemple en parallèle à Wayne Shorter. Airelle Besson ou Al Jarreau, en mode complément de programmation, le Monte Carlo Jazz Festival a tenu à inviter aussi les voix d ‘Angelique Kidjo, de Lambert Wilson chantant Montand et de Robert Charlebois pour célébrer ses 50 ans de carrière « Le jazz live à Monaco, je le vois tel qu’il a toujours été, libre, sans carcan, laissant place à la tradition mais ouvert, s’inspirant des musiques du monde. Donc créatif » Une ligne, un défi artistique et économique que le Directeur Artistique qu’il est entend relever également sur ses deux autres chantiers de festival, Antibes et Mégève.
Robert Latxague
|
Dans les loges cossues du Palais Garnier résonnent des accents de La Havane, de Caracas et du Spanish Harlem. Ce soir des musiciens cubains se retrouvent en nombre et par hasard dans les soubassements du Casino de Monte Carlo. Pour une question de jeu. Celui proposé par le jazz.
Alune Wade (b, voc), Harold Lopez-Nussa (p, elp), Ruy-Adrian Lopez-Nussa (dm, perc), Renaud Gensane (tp, flgh), Olivier Tshimanga (g)
Richard Bona (elb, voc), Ludwig Alfonso (dm), Osmany Paredes (p), Luisito Quintero, Roberto Quintero (perc), Rey Alejandro (tb), Denis Hernández (tp)
Manu Katché (dm), Jim Watson (elp, p), Luca Aquino (tp, flgh), Tore Brunborg (ts), Elen Andrea Wang (b)
Madeleine Peyroux (voc, g), Barak Mori (b), Jon Herington (g)
Opéra Garnier, Monte Carlo, 2, 3 déc
Dans l’axe Havana-Paris-Dakar (CD World Village/Harmonia Mundi), la musique puisse surtout aux sources de la première et la dernière ville. Fruit de l’envie conjuguée des natifs des deux lieux concernés, Harold Lopez-Nussa et Alune Wade. Les rythmes, les harmonies livrés, les couplets chantés sans plus de manière, au naturel sur la scène de l’Opéra Garnier en témoignent directement. A propos du projet qu’il mûrit actuellement (un disque en préparation pour 2017) le bassiste sénégalais entend mettre en avant « la basse plus que la voix. » Sur la ligne suivie entre La Havane et Dakar, visiblement le vocal tient le haut du pavé. Marque indélébile de son continent d’origine, « des Afriques » comme il se plait à le préciser. De la même manière la griffe posée sur le contenu musical de la part des deux frères Lopez-Nussa laisse clairement apparaître les veines africaines de la musique cubaine: contrechants au piano, parties à dominante de tambours imprimées à la batterie. Les couleurs écloses/éclatées à Cuba (son, cha cha, boléro) se métissent en douceur de mélopées -au passage les textes, le phrasé que l’on entend habituellement en langue espagnole passent très bien en wolof également- et syncopes caractéristiques d’une musique que justifie parfaitement le vocable afro-cubain souvent accouplé au jazz généré dans la Caraïbe. Alliance naturelle, autant que juste retour de l’histoire. Avec, favorisé par la qualité de l’acoustique de la salle monégasque, un bonus question plaisir d’écoute donné.
Cuba, Richard Bona autre bassiste africain ancré lui basiquement à New York (même s’il bataille toujours pour monter un club à Paris « c’est pas facile, mais je vais pas lâcher pour autant » après celui créé à NY justement) le célèbre également à partir du répertoire de son disque Héritage produit par Quincy Jones sur son label Qwest. Des musiciens de haut savoir faire venus de l’île mais également de Maracaïbo ou Caracas. Une mise en place impeccable. une série de thèmes illustrants son projet Mandekan Cubano apte à donner écho aux sonorités chamarrées, épicées juste comme il faut des saveurs musicales créoles made in Cuba (la justesse des frappes du percussionniste Luisito Quintero, les attaques dans l’aigu du trompettiste Dennis Herrnandez) Et puis bien sur, dans ses présentations, son lot d’histoires teintées d’humour, son métier Richard Bona fait le show. Le métier. Manque juste…la dose de piment ? le souffle rafraichissant de l’alizé ? la goutte de citron vert ? pour apprécier totalement le verre de Cuba libre ainsi servi…Peut être -« il l’avouera lui même au final du set parce que « au bout de cent trente concerts dans l’année, 80 au moins avec cet orchestre »- l’envie d’étonner fait un peu défaut. Il le confiera d’ailleurs après coup « J’ai besoin de couper un peu avant de penser au prochain projet »
La machine groupe Manu Katché fonctionne à plein, tourne comme une horloge sur Unstatic (CD Act Company) Là encore, sur les thèmes joués depuis deux ans désormais (y compris le gimmick vocal de fin que reprend sans barguigner la chambrée hétéroclite -question nationalités représentées- monégasque) les musiciens font le boulot. Et Manu, fidèle à la scène de Monte Carlo (il y avait même joué sur la scène du club Moods) bien entendu est un sacré batteur « Notre problème ce soir c’est de venir devant vous alors que vous avez déjà absorbé plus de deux heures et demie de musique… » Difficile dans ces conditions de provoquer in extenso choc ou surprise.
Surprise, tiens, justement parlons-en. Dans ses différents spectacles ou disques passés, on l’avait laissée, elle issue de « la chanson de rue », un peu perdue, comme noyée au milieu d’ambiances (imposées?) folk, country pour ne pas parler de jazz, éphémère tentation en dépit du déploiement au début de ce XXI e siècle d’un gros battage médiatique à ce (malheureux) propos. Et bien dans un autre registre, teinté de blues celui là, Madeleine Peyroux accompagnée seulement (si l’on peut parler ainsi de musiciens de bon goût et talent, témoin ces parties originales de slide au bottleneck de la part de Jon Herington) d’une guitare et d’une contrebasse, pardon pour l’expression triviale, mais ça le fait ! Voix chaude, discours tout de modestie, chansons construites sans longueurs mais interprétées avec à propos: le contenu comme la forme sonnent juste. Sonnent vrai. Adaptés à sa voix, sa personnalité artistique.
Arrivé à sa onzième édition, le festival qu’il a créé ex nihilo sur un territoire qui ne résonnait jusque là que très peu jazz, Jean-René Palacio tient à le faire progresser en tenant compte des réalités du Rocher et de son public. Cette année par exemple en parallèle à Wayne Shorter. Airelle Besson ou Al Jarreau, en mode complément de programmation, le Monte Carlo Jazz Festival a tenu à inviter aussi les voix d ‘Angelique Kidjo, de Lambert Wilson chantant Montand et de Robert Charlebois pour célébrer ses 50 ans de carrière « Le jazz live à Monaco, je le vois tel qu’il a toujours été, libre, sans carcan, laissant place à la tradition mais ouvert, s’inspirant des musiques du monde. Donc créatif » Une ligne, un défi artistique et économique que le Directeur Artistique qu’il est entend relever également sur ses deux autres chantiers de festival, Antibes et Mégève.
Robert Latxague