Jazz live
Publié le 17 Juin 2014

Mystères de Wayne Shorter

A plusieurs reprises dans le concert, Wayne Shorter a regardé bizarrement son saxophone (ténor et soprano), comme si l’instrument, doté d’une personnalité ombrageuse, avait pris l’habitude de se dérober malignement à ses injonctions.ferteshorter1

Festival de jazz de La Ferté sous Jouarre

Place du Pâtis de Condé, 77260 la Ferté-sous-Jouarre

Wayne Shorter Quartet, 7 juin 2014

Wayne Shorter (ts, ss) , Danilo Perez (p) , John Patitucci (b) , Brian Blade (dm)

 

 

La mise en train est un peu lente. Shorter est debout, adossé à un siège. Il ne regarde ni le public ni ses partenaires. Tandis que Danilo Perez prend la musique à bras le corps et se lance dans un discours volubile, Shorter tente deux notes au sax ténor, jette à l’objet un regard mauvais, revisse le bec, puis tente une longue note tenue dans le grave. Ça semble bon. Mais pas pour lui. Il prend le soprano, lève un sourcil modérément intéressé vers ce qui est en train de se passer au piano, tente deux notes, jette un nouveau regard soupçonneux à l’objet dans lequel il vient de souffler, puis s’arrête. Danilo Perez est lancé dans un solo ventre à terre, comme s’il venait de débusquer un lapin de garenne. Il continue ses explorations et tombe sur une phrase qu’il mâche et remâche, aidé par John Patitucci, et cette phrase semble provoquer une sorte de déclic intérieur chez Shorter. Le voilà qui reprend son saxophone soprano. Il lance des notes plus fortes, plus aiguës. Cette fois, on dirait que c’est parti.

Il ne s’agit pas de réglages, en réalité, comme le pense une partie de la salle, prête à s’imaginer que ce grand musicien américain en prend un peu à son aise, mais de mise en condition physique, mentale, et surtout poétique, puisque tel est le cœur du sujet. Un concert de Wayne Shorter, c’est une cérémonie sous le signe du mystère. On repère (croit-on) quelques thèmes ou bouts de thèmes qui semblent issus de son dernier disque Without a net (2013). N’y aurait-il pas un peu de Pégasus ici ? Un peu de The Three marias là ? La musique que donne le quartet est étonnamment contrastée, avec des moments pleins comme un œuf, où chacun semble pousser du même côté, et des moments où l’on croit voir quatre jardiniers japonais ratissant sans se voir leur petit bout de jardin zen.

ferteshorter

 

Comme on débute, et qu’on est à peine ceinture jaune en shorterologie, on écoute cette musique en se laissant porter par elle, en s’étonnant de ces décollages foudroyants où l’on se retrouve tout-à-coup pris dans une sorte de transe irrésistible, avec le pyromane Brian Blade qui s’emploie à mettre de l’huile sur le feu. On essaie de se repérer dans la manière dont circule cette musique. Qui emmène qui ? Qui attend qui ? On voit bien Danilo Perez à plusieurs reprises reprendre des phrases du maître, on repère aussi quelques moments où Shorter prélève dans le discours volubile de son pianiste les harmonies qui vont nourrir son discours.

On est intrigué par l’usage que fait Shorter de la petite liasse de partitions qui est posée sur son lutrin. A quatre ou cinq reprises, il daigne s’intéresser à elles. A vrai dire, on a plutôt l’impression qu’il agite, ou défroisse les partitions plutôt qu’il ne les consulte. Il les regarde d’un air mollement ennuyé, comme si elles n’étaient qu’une sorte de conducteur aux indications facultatives. Il semble les mettre en conformité avec ce qui est en train d’être joué plutôt que d’infléchir la musique à partir d’elles.

Au bout du compte on a l’impression que ces gars-là se comportent comme des érudits capricieux et imprévisibles. Ils ont devant eux une bibliothèque avec les œuvres poétiques complètes de Wayne Shorter, une centaine de volumes bien serrés. Ils prélèvent un volume par ci, un volume par là. Parfois ils ne l’ouvrent pas mais se contentent de humer son parfum, ou d’apprécier le reflet du soleil sur la couverture. Ils peuvent disséquer un vers pendant dix minutes, ou dire dix poèmes à la suite, très vite, en une minute. Ils peuvent décider de faire des octosyllabes là où l’œuvre originale proposait des hexamètres. Ils lisent un sonnet mais à l’envers pour voir ce que ça fait, et tiens,  ça ne rend rien sauf une phrase, que l’on répète, enrichit, étoffe. Et puis ils regardent cette bibliothèque d’œuvres merveilleuses, ils ont un moment de lassitude, de vertige, ils se disent, oh la barbe , ce n’est quand même que du bois sur du bois tout ça, et si l’on inventait autre chose ?

Bref, la musique donne l’impression de moments où tout est possible, de grande dilution, et des moments de forte condensation. Même le son de Wayne Shorter fluctue. Il acquiert à la fin du concert une force et une intensité surprenante. Le voilà qui, au soprano, jette à nouveau une poignée de flèches dans l’aigu. Personne comme lui pour déchirer ainsi le ciel. Il est debout, s’éloigne un peu de son siège, il transmet une force surprenante. Un rappel et c’est fini. Un type gueule : « Footprints !». Le public est debout, un peu hébété. On reste un peu devant la scène quelques instants. John Patitucci remballe sa basse en discutant avec Chris Jennings, bassiste canadien établi à Paris, qui est son élève. Après une conversation entre bassistes sur la meilleure manière de faire entrer cet instrument dans un avion (il faut plier l’avion dans le sens de la largeur), John Patitucci confie son enthousiasme à Jennings : « Et tu as vu comme il a joué du sax ténor ce soir ? Tu as vu ce son ? On lui a offert un nouveau sax ténor pour son anniversaire, il en est fou ! ».

 

 ferté richard

Avant Wayne Shorter, un autre artiste avait fait se lever le public de ce troisième festival de jazz de la ferté sous Jouarre. Jean-Charles Richard se présentait en solo, flanqué seulement de son saxophone baryton et de son saxophone soprano. La formule, sur le papier, semblait risquée. Mais Jean-Charles Richard a su très intelligemment varier les atmosphères et les climats, alternant baryton et soprano, morceaux lyriques, et pièces plus dissonantes, au croisement du jazz et de la musique contemporaine, comme cette Réflexion sur le langage d’Olivier Messiaen  (qui figure sur
son disque Faces). Mais à chaque fois, avec beaucoup de simplicité et d’humilité, il prenait soin d’expliquer ce qu’il faisait, ne laissant personne au bord de la route. Il finit par deux rappels . Il s’empare d’abord de Caravan, (qu’il joue au baryton, dont il maîtrise tous les registres, du barrissement au sifflement suraigu). Il joue ensuite le toujours bouleversant Indifférence de Tony Murena. Le public, dont au moins la moitié n’avait jamais entendu parler de Jean-Charles Richard deux heures plus tôt est debout. On se réjouit de voir une musique exigeante faire un tel tabac. Une dizaine de personnes font la queue pour acheter l’album et se le faire dédicacer. Mais Jean-Charles Richard est en retard. Il apparaît enfin, les yeux brillants, avec sur le visage une sorte de lumière étrange : « Excusez-moi…j’étais en train de parler avec Wayne Shorter… ». On tente d’en savoir plus : « Il voulait essayer mon saxophone soprano…Alors je lui ai dit : « mais prenez-le , prenez-le je vous le donne »… ». On sent que Jean-Charles Richard aurait été prêt à lui donner, en sus de son saxophone, toutes ses chemises. Mais le grand homme, qui possède déjà quelques saxophones et quelques chemises, a gentiment décliné l’offrande. Je lui demande s’il pense que Wayne Sorter a écouté son concert . Il fait une petite grimace navrée : « Eh Non…non…je ne crois pas ».

Le lendemain, c’était le dernier jour du festival. Les organisateurs (avec en particulier Nicolas Folmer comme directeur musical) présentaient une double affiche : Richard Galliano jouant Nino Rota, précédé d’un duo entre Airelle Besson et Nelson Veras.ferte1

Airelle Besson joue de la trompette sur le fil de la fragilité et de l’émotion. Nelson Veras tresse des broderies légères sous ses pas. Les compositions sont de la plume d’Airelle Besson, sauf un Body and Soul en rappel. C’est une musique intimiste , intérieure jouée par deux personnes qui s’écoutent de toute leur âme et qui requièrent du public la même profondeur. Là encore le public reçoit cette musique comme elle est offerte. fertegalliano

Puis Richard Galliano fait son entrée. Il joue la musique de Nino Rota dans une configuration qui la magnifie, avec Nicolas Folmer à la trompette (surtout bouchée) et Mauro Negri à la clarinette, Sylvain le Provost à la contrebasse, et Mattia Barberi à la batterie. Le lyrisme de Galliano s’épanouit dans les œuvres de Rota, qui sont devenues , plus que des standards du jazz, des standards de la musique universelle. Il les joue à l’accordéon ou dans une curieuse version réduite de l’instrument, qui est à l’accordéon ce que le mélodica est au piano. La musique de huit et demi, de la Strada, du Parrain…rien n’est oublié. On note le jeu dissonant de Mauro Negri à la clarinette, qui apporte quelques épices bienvenues, et montre que la musique de Nino Rota se porte très bien d’être caressée à rebrousse-poil…

Les festival de jazz auraient donc d’autres solutions pour remplir leurs gradins que d’inviter l’aimable Thomas Dutronc ? Ce troisième festival de La Ferté-sous-Jouarre tend à prouver que oui. Il présentait une programmation réussie (due notamment à Nicolas Folmer) mélange intelligemment dosé de têtes d’affiche et de musiciens moins connus, de musique séduisante et musiques plus exigeantes. Si le festival réussit à tenir cette ligne, il aura de beaux jours devant lui.

Texte JF Mondot

Dessins AC Alvoët

|

A plusieurs reprises dans le concert, Wayne Shorter a regardé bizarrement son saxophone (ténor et soprano), comme si l’instrument, doté d’une personnalité ombrageuse, avait pris l’habitude de se dérober malignement à ses injonctions.ferteshorter1

Festival de jazz de La Ferté sous Jouarre

Place du Pâtis de Condé, 77260 la Ferté-sous-Jouarre

Wayne Shorter Quartet, 7 juin 2014

Wayne Shorter (ts, ss) , Danilo Perez (p) , John Patitucci (b) , Brian Blade (dm)

 

 

La mise en train est un peu lente. Shorter est debout, adossé à un siège. Il ne regarde ni le public ni ses partenaires. Tandis que Danilo Perez prend la musique à bras le corps et se lance dans un discours volubile, Shorter tente deux notes au sax ténor, jette à l’objet un regard mauvais, revisse le bec, puis tente une longue note tenue dans le grave. Ça semble bon. Mais pas pour lui. Il prend le soprano, lève un sourcil modérément intéressé vers ce qui est en train de se passer au piano, tente deux notes, jette un nouveau regard soupçonneux à l’objet dans lequel il vient de souffler, puis s’arrête. Danilo Perez est lancé dans un solo ventre à terre, comme s’il venait de débusquer un lapin de garenne. Il continue ses explorations et tombe sur une phrase qu’il mâche et remâche, aidé par John Patitucci, et cette phrase semble provoquer une sorte de déclic intérieur chez Shorter. Le voilà qui reprend son saxophone soprano. Il lance des notes plus fortes, plus aiguës. Cette fois, on dirait que c’est parti.

Il ne s’agit pas de réglages, en réalité, comme le pense une partie de la salle, prête à s’imaginer que ce grand musicien américain en prend un peu à son aise, mais de mise en condition physique, mentale, et surtout poétique, puisque tel est le cœur du sujet. Un concert de Wayne Shorter, c’est une cérémonie sous le signe du mystère. On repère (croit-on) quelques thèmes ou bouts de thèmes qui semblent issus de son dernier disque Without a net (2013). N’y aurait-il pas un peu de Pégasus ici ? Un peu de The Three marias là ? La musique que donne le quartet est étonnamment contrastée, avec des moments pleins comme un œuf, où chacun semble pousser du même côté, et des moments où l’on croit voir quatre jardiniers japonais ratissant sans se voir leur petit bout de jardin zen.

ferteshorter

 

Comme on débute, et qu’on est à peine ceinture jaune en shorterologie, on écoute cette musique en se laissant porter par elle, en s’étonnant de ces décollages foudroyants où l’on se retrouve tout-à-coup pris dans une sorte de transe irrésistible, avec le pyromane Brian Blade qui s’emploie à mettre de l’huile sur le feu. On essaie de se repérer dans la manière dont circule cette musique. Qui emmène qui ? Qui attend qui ? On voit bien Danilo Perez à plusieurs reprises reprendre des phrases du maître, on repère aussi quelques moments où Shorter prélève dans le discours volubile de son pianiste les harmonies qui vont nourrir son discours.

On est intrigué par l’usage que fait Shorter de la petite liasse de partitions qui est posée sur son lutrin. A quatre ou cinq reprises, il daigne s’intéresser à elles. A vrai dire, on a plutôt l’impression qu’il agite, ou défroisse les partitions plutôt qu’il ne les consulte. Il les regarde d’un air mollement ennuyé, comme si elles n’étaient qu’une sorte de conducteur aux indications facultatives. Il semble les mettre en conformité avec ce qui est en train d’être joué plutôt que d’infléchir la musique à partir d’elles.

Au bout du compte on a l’impression que ces gars-là se comportent comme des érudits capricieux et imprévisibles. Ils ont devant eux une bibliothèque avec les œuvres poétiques complètes de Wayne Shorter, une centaine de volumes bien serrés. Ils prélèvent un volume par ci, un volume par là. Parfois ils ne l’ouvrent pas mais se contentent de humer son parfum, ou d’apprécier le reflet du soleil sur la couverture. Ils peuvent disséquer un vers pendant dix minutes, ou dire dix poèmes à la suite, très vite, en une minute. Ils peuvent décider de faire des octosyllabes là où l’œuvre originale proposait des hexamètres. Ils lisent un sonnet mais à l’envers pour voir ce que ça fait, et tiens,  ça ne rend rien sauf une phrase, que l’on répète, enrichit, étoffe. Et puis ils regardent cette bibliothèque d’œuvres merveilleuses, ils ont un moment de lassitude, de vertige, ils se disent, oh la barbe , ce n’est quand même que du bois sur du bois tout ça, et si l’on inventait autre chose ?

Bref, la musique donne l’impression de moments où tout est possible, de grande dilution, et des moments de forte condensation. Même le son de Wayne Shorter fluctue. Il acquiert à la fin du concert une force et une intensité surprenante. Le voilà qui, au soprano, jette à nouveau une poignée de flèches dans l’aigu. Personne comme lui pour déchirer ainsi le ciel. Il est debout, s’éloigne un peu de son siège, il transmet une force surprenante. Un rappel et c’est fini. Un type gueule : « Footprints !». Le public est debout, un peu hébété. On reste un peu devant la scène quelques instants. John Patitucci remballe sa basse en discutant avec Chris Jennings, bassiste canadien établi à Paris, qui est son élève. Après une conversation entre bassistes sur la meilleure manière de faire entrer cet instrument dans un avion (il faut plier l’avion dans le sens de la largeur), John Patitucci confie son enthousiasme à Jennings : « Et tu as vu comme il a joué du sax ténor ce soir ? Tu as vu ce son ? On lui a offert un nouveau sax ténor pour son anniversaire, il en est fou ! ».

 

 ferté richard

Avant Wayne Shorter, un autre artiste avait fait se lever le public de ce troisième festival de jazz de la ferté sous Jouarre. Jean-Charles Richard se présentait en solo, flanqué seulement de son saxophone baryton et de son saxophone soprano. La formule, sur le papier, semblait risquée. Mais Jean-Charles Richard a su très intelligemment varier les atmosphères et les climats, alternant baryton et soprano, morceaux lyriques, et pièces plus dissonantes, au croisement du jazz et de la musique contemporaine, comme cette Réflexion sur le langage d’Olivier Messiaen  (qui figure sur
son disque Faces). Mais à chaque fois, avec beaucoup de simplicité et d’humilité, il prenait soin d’expliquer ce qu’il faisait, ne laissant personne au bord de la route. Il finit par deux rappels . Il s’empare d’abord de Caravan, (qu’il joue au baryton, dont il maîtrise tous les registres, du barrissement au sifflement suraigu). Il joue ensuite le toujours bouleversant Indifférence de Tony Murena. Le public, dont au moins la moitié n’avait jamais entendu parler de Jean-Charles Richard deux heures plus tôt est debout. On se réjouit de voir une musique exigeante faire un tel tabac. Une dizaine de personnes font la queue pour acheter l’album et se le faire dédicacer. Mais Jean-Charles Richard est en retard. Il apparaît enfin, les yeux brillants, avec sur le visage une sorte de lumière étrange : « Excusez-moi…j’étais en train de parler avec Wayne Shorter… ». On tente d’en savoir plus : « Il voulait essayer mon saxophone soprano…Alors je lui ai dit : « mais prenez-le , prenez-le je vous le donne »… ». On sent que Jean-Charles Richard aurait été prêt à lui donner, en sus de son saxophone, toutes ses chemises. Mais le grand homme, qui possède déjà quelques saxophones et quelques chemises, a gentiment décliné l’offrande. Je lui demande s’il pense que Wayne Sorter a écouté son concert . Il fait une petite grimace navrée : « Eh Non…non…je ne crois pas ».

Le lendemain, c’était le dernier jour du festival. Les organisateurs (avec en particulier Nicolas Folmer comme directeur musical) présentaient une double affiche : Richard Galliano jouant Nino Rota, précédé d’un duo entre Airelle Besson et Nelson Veras.ferte1

Airelle Besson joue de la trompette sur le fil de la fragilité et de l’émotion. Nelson Veras tresse des broderies légères sous ses pas. Les compositions sont de la plume d’Airelle Besson, sauf un Body and Soul en rappel. C’est une musique intimiste , intérieure jouée par deux personnes qui s’écoutent de toute leur âme et qui requièrent du public la même profondeur. Là encore le public reçoit cette musique comme elle est offerte. fertegalliano

Puis Richard Galliano fait son entrée. Il joue la musique de Nino Rota dans une configuration qui la magnifie, avec Nicolas Folmer à la trompette (surtout bouchée) et Mauro Negri à la clarinette, Sylvain le Provost à la contrebasse, et Mattia Barberi à la batterie. Le lyrisme de Galliano s’épanouit dans les œuvres de Rota, qui sont devenues , plus que des standards du jazz, des standards de la musique universelle. Il les joue à l’accordéon ou dans une curieuse version réduite de l’instrument, qui est à l’accordéon ce que le mélodica est au piano. La musique de huit et demi, de la Strada, du Parrain…rien n’est oublié. On note le jeu dissonant de Mauro Negri à la clarinette, qui apporte quelques épices bienvenues, et montre que la musique de Nino Rota se porte très bien d’être caressée à rebrousse-poil…

Les festival de jazz auraient donc d’autres solutions pour remplir leurs gradins que d’inviter l’aimable Thomas Dutronc ? Ce troisième festival de La Ferté-sous-Jouarre tend à prouver que oui. Il présentait une programmation réussie (due notamment à Nicolas Folmer) mélange intelligemment dosé de têtes d’affiche et de musiciens moins connus, de musique séduisante et musiques plus exigeantes. Si le festival réussit à tenir cette ligne, il aura de beaux jours devant lui.

Texte JF Mondot

Dessins AC Alvoët

|

A plusieurs reprises dans le concert, Wayne Shorter a regardé bizarrement son saxophone (ténor et soprano), comme si l’instrument, doté d’une personnalité ombrageuse, avait pris l’habitude de se dérober malignement à ses injonctions.ferteshorter1

Festival de jazz de La Ferté sous Jouarre

Place du Pâtis de Condé, 77260 la Ferté-sous-Jouarre

Wayne Shorter Quartet, 7 juin 2014

Wayne Shorter (ts, ss) , Danilo Perez (p) , John Patitucci (b) , Brian Blade (dm)

 

 

La mise en train est un peu lente. Shorter est debout, adossé à un siège. Il ne regarde ni le public ni ses partenaires. Tandis que Danilo Perez prend la musique à bras le corps et se lance dans un discours volubile, Shorter tente deux notes au sax ténor, jette à l’objet un regard mauvais, revisse le bec, puis tente une longue note tenue dans le grave. Ça semble bon. Mais pas pour lui. Il prend le soprano, lève un sourcil modérément intéressé vers ce qui est en train de se passer au piano, tente deux notes, jette un nouveau regard soupçonneux à l’objet dans lequel il vient de souffler, puis s’arrête. Danilo Perez est lancé dans un solo ventre à terre, comme s’il venait de débusquer un lapin de garenne. Il continue ses explorations et tombe sur une phrase qu’il mâche et remâche, aidé par John Patitucci, et cette phrase semble provoquer une sorte de déclic intérieur chez Shorter. Le voilà qui reprend son saxophone soprano. Il lance des notes plus fortes, plus aiguës. Cette fois, on dirait que c’est parti.

Il ne s’agit pas de réglages, en réalité, comme le pense une partie de la salle, prête à s’imaginer que ce grand musicien américain en prend un peu à son aise, mais de mise en condition physique, mentale, et surtout poétique, puisque tel est le cœur du sujet. Un concert de Wayne Shorter, c’est une cérémonie sous le signe du mystère. On repère (croit-on) quelques thèmes ou bouts de thèmes qui semblent issus de son dernier disque Without a net (2013). N’y aurait-il pas un peu de Pégasus ici ? Un peu de The Three marias là ? La musique que donne le quartet est étonnamment contrastée, avec des moments pleins comme un œuf, où chacun semble pousser du même côté, et des moments où l’on croit voir quatre jardiniers japonais ratissant sans se voir leur petit bout de jardin zen.

ferteshorter

 

Comme on débute, et qu’on est à peine ceinture jaune en shorterologie, on écoute cette musique en se laissant porter par elle, en s’étonnant de ces décollages foudroyants où l’on se retrouve tout-à-coup pris dans une sorte de transe irrésistible, avec le pyromane Brian Blade qui s’emploie à mettre de l’huile sur le feu. On essaie de se repérer dans la manière dont circule cette musique. Qui emmène qui ? Qui attend qui ? On voit bien Danilo Perez à plusieurs reprises reprendre des phrases du maître, on repère aussi quelques moments où Shorter prélève dans le discours volubile de son pianiste les harmonies qui vont nourrir son discours.

On est intrigué par l’usage que fait Shorter de la petite liasse de partitions qui est posée sur son lutrin. A quatre ou cinq reprises, il daigne s’intéresser à elles. A vrai dire, on a plutôt l’impression qu’il agite, ou défroisse les partitions plutôt qu’il ne les consulte. Il les regarde d’un air mollement ennuyé, comme si elles n’étaient qu’une sorte de conducteur aux indications facultatives. Il semble les mettre en conformité avec ce qui est en train d’être joué plutôt que d’infléchir la musique à partir d’elles.

Au bout du compte on a l’impression que ces gars-là se comportent comme des érudits capricieux et imprévisibles. Ils ont devant eux une bibliothèque avec les œuvres poétiques complètes de Wayne Shorter, une centaine de volumes bien serrés. Ils prélèvent un volume par ci, un volume par là. Parfois ils ne l’ouvrent pas mais se contentent de humer son parfum, ou d’apprécier le reflet du soleil sur la couverture. Ils peuvent disséquer un vers pendant dix minutes, ou dire dix poèmes à la suite, très vite, en une minute. Ils peuvent décider de faire des octosyllabes là où l’œuvre originale proposait des hexamètres. Ils lisent un sonnet mais à l’envers pour voir ce que ça fait, et tiens,  ça ne rend rien sauf une phrase, que l’on répète, enrichit, étoffe. Et puis ils regardent cette bibliothèque d’œuvres merveilleuses, ils ont un moment de lassitude, de vertige, ils se disent, oh la barbe , ce n’est quand même que du bois sur du bois tout ça, et si l’on inventait autre chose ?

Bref, la musique donne l’impression de moments où tout est possible, de grande dilution, et des moments de forte condensation. Même le son de Wayne Shorter fluctue. Il acquiert à la fin du concert une force et une intensité surprenante. Le voilà qui, au soprano, jette à nouveau une poignée de flèches dans l’aigu. Personne comme lui pour déchirer ainsi le ciel. Il est debout, s’éloigne un peu de son siège, il transmet une force surprenante. Un rappel et c’est fini. Un type gueule : « Footprints !». Le public est debout, un peu hébété. On reste un peu devant la scène quelques instants. John Patitucci remballe sa basse en discutant avec Chris Jennings, bassiste canadien établi à Paris, qui est son élève. Après une conversation entre bassistes sur la meilleure manière de faire entrer cet instrument dans un avion (il faut plier l’avion dans le sens de la largeur), John Patitucci confie son enthousiasme à Jennings : « Et tu as vu comme il a joué du sax ténor ce soir ? Tu as vu ce son ? On lui a offert un nouveau sax ténor pour son anniversaire, il en est fou ! ».

 

 ferté richard

Avant Wayne Shorter, un autre artiste avait fait se lever le public de ce troisième festival de jazz de la ferté sous Jouarre. Jean-Charles Richard se présentait en solo, flanqué seulement de son saxophone baryton et de son saxophone soprano. La formule, sur le papier, semblait risquée. Mais Jean-Charles Richard a su très intelligemment varier les atmosphères et les climats, alternant baryton et soprano, morceaux lyriques, et pièces plus dissonantes, au croisement du jazz et de la musique contemporaine, comme cette Réflexion sur le langage d’Olivier Messiaen  (qui figure sur
son disque Faces). Mais à chaque fois, avec beaucoup de simplicité et d’humilité, il prenait soin d’expliquer ce qu’il faisait, ne laissant personne au bord de la route. Il finit par deux rappels . Il s’empare d’abord de Caravan, (qu’il joue au baryton, dont il maîtrise tous les registres, du barrissement au sifflement suraigu). Il joue ensuite le toujours bouleversant Indifférence de Tony Murena. Le public, dont au moins la moitié n’avait jamais entendu parler de Jean-Charles Richard deux heures plus tôt est debout. On se réjouit de voir une musique exigeante faire un tel tabac. Une dizaine de personnes font la queue pour acheter l’album et se le faire dédicacer. Mais Jean-Charles Richard est en retard. Il apparaît enfin, les yeux brillants, avec sur le visage une sorte de lumière étrange : « Excusez-moi…j’étais en train de parler avec Wayne Shorter… ». On tente d’en savoir plus : « Il voulait essayer mon saxophone soprano…Alors je lui ai dit : « mais prenez-le , prenez-le je vous le donne »… ». On sent que Jean-Charles Richard aurait été prêt à lui donner, en sus de son saxophone, toutes ses chemises. Mais le grand homme, qui possède déjà quelques saxophones et quelques chemises, a gentiment décliné l’offrande. Je lui demande s’il pense que Wayne Sorter a écouté son concert . Il fait une petite grimace navrée : « Eh Non…non…je ne crois pas ».

Le lendemain, c’était le dernier jour du festival. Les organisateurs (avec en particulier Nicolas Folmer comme directeur musical) présentaient une double affiche : Richard Galliano jouant Nino Rota, précédé d’un duo entre Airelle Besson et Nelson Veras.ferte1

Airelle Besson joue de la trompette sur le fil de la fragilité et de l’émotion. Nelson Veras tresse des broderies légères sous ses pas. Les compositions sont de la plume d’Airelle Besson, sauf un Body and Soul en rappel. C’est une musique intimiste , intérieure jouée par deux personnes qui s’écoutent de toute leur âme et qui requièrent du public la même profondeur. Là encore le public reçoit cette musique comme elle est offerte. fertegalliano

Puis Richard Galliano fait son entrée. Il joue la musique de Nino Rota dans une configuration qui la magnifie, avec Nicolas Folmer à la trompette (surtout bouchée) et Mauro Negri à la clarinette, Sylvain le Provost à la contrebasse, et Mattia Barberi à la batterie. Le lyrisme de Galliano s’épanouit dans les œuvres de Rota, qui sont devenues , plus que des standards du jazz, des standards de la musique universelle. Il les joue à l’accordéon ou dans une curieuse version réduite de l’instrument, qui est à l’accordéon ce que le mélodica est au piano. La musique de huit et demi, de la Strada, du Parrain…rien n’est oublié. On note le jeu dissonant de Mauro Negri à la clarinette, qui apporte quelques épices bienvenues, et montre que la musique de Nino Rota se porte très bien d’être caressée à rebrousse-poil…

Les festival de jazz auraient donc d’autres solutions pour remplir leurs gradins que d’inviter l’aimable Thomas Dutronc ? Ce troisième festival de La Ferté-sous-Jouarre tend à prouver que oui. Il présentait une programmation réussie (due notamment à Nicolas Folmer) mélange intelligemment dosé de têtes d’affiche et de musiciens moins connus, de musique séduisante et musiques plus exigeantes. Si le festival réussit à tenir cette ligne, il aura de beaux jours devant lui.

Texte JF Mondot

Dessins AC Alvoët

|

A plusieurs reprises dans le concert, Wayne Shorter a regardé bizarrement son saxophone (ténor et soprano), comme si l’instrument, doté d’une personnalité ombrageuse, avait pris l’habitude de se dérober malignement à ses injonctions.ferteshorter1

Festival de jazz de La Ferté sous Jouarre

Place du Pâtis de Condé, 77260 la Ferté-sous-Jouarre

Wayne Shorter Quartet, 7 juin 2014

Wayne Shorter (ts, ss) , Danilo Perez (p) , John Patitucci (b) , Brian Blade (dm)

 

 

La mise en train est un peu lente. Shorter est debout, adossé à un siège. Il ne regarde ni le public ni ses partenaires. Tandis que Danilo Perez prend la musique à bras le corps et se lance dans un discours volubile, Shorter tente deux notes au sax ténor, jette à l’objet un regard mauvais, revisse le bec, puis tente une longue note tenue dans le grave. Ça semble bon. Mais pas pour lui. Il prend le soprano, lève un sourcil modérément intéressé vers ce qui est en train de se passer au piano, tente deux notes, jette un nouveau regard soupçonneux à l’objet dans lequel il vient de souffler, puis s’arrête. Danilo Perez est lancé dans un solo ventre à terre, comme s’il venait de débusquer un lapin de garenne. Il continue ses explorations et tombe sur une phrase qu’il mâche et remâche, aidé par John Patitucci, et cette phrase semble provoquer une sorte de déclic intérieur chez Shorter. Le voilà qui reprend son saxophone soprano. Il lance des notes plus fortes, plus aiguës. Cette fois, on dirait que c’est parti.

Il ne s’agit pas de réglages, en réalité, comme le pense une partie de la salle, prête à s’imaginer que ce grand musicien américain en prend un peu à son aise, mais de mise en condition physique, mentale, et surtout poétique, puisque tel est le cœur du sujet. Un concert de Wayne Shorter, c’est une cérémonie sous le signe du mystère. On repère (croit-on) quelques thèmes ou bouts de thèmes qui semblent issus de son dernier disque Without a net (2013). N’y aurait-il pas un peu de Pégasus ici ? Un peu de The Three marias là ? La musique que donne le quartet est étonnamment contrastée, avec des moments pleins comme un œuf, où chacun semble pousser du même côté, et des moments où l’on croit voir quatre jardiniers japonais ratissant sans se voir leur petit bout de jardin zen.

ferteshorter

 

Comme on débute, et qu’on est à peine ceinture jaune en shorterologie, on écoute cette musique en se laissant porter par elle, en s’étonnant de ces décollages foudroyants où l’on se retrouve tout-à-coup pris dans une sorte de transe irrésistible, avec le pyromane Brian Blade qui s’emploie à mettre de l’huile sur le feu. On essaie de se repérer dans la manière dont circule cette musique. Qui emmène qui ? Qui attend qui ? On voit bien Danilo Perez à plusieurs reprises reprendre des phrases du maître, on repère aussi quelques moments où Shorter prélève dans le discours volubile de son pianiste les harmonies qui vont nourrir son discours.

On est intrigué par l’usage que fait Shorter de la petite liasse de partitions qui est posée sur son lutrin. A quatre ou cinq reprises, il daigne s’intéresser à elles. A vrai dire, on a plutôt l’impression qu’il agite, ou défroisse les partitions plutôt qu’il ne les consulte. Il les regarde d’un air mollement ennuyé, comme si elles n’étaient qu’une sorte de conducteur aux indications facultatives. Il semble les mettre en conformité avec ce qui est en train d’être joué plutôt que d’infléchir la musique à partir d’elles.

Au bout du compte on a l’impression que ces gars-là se comportent comme des érudits capricieux et imprévisibles. Ils ont devant eux une bibliothèque avec les œuvres poétiques complètes de Wayne Shorter, une centaine de volumes bien serrés. Ils prélèvent un volume par ci, un volume par là. Parfois ils ne l’ouvrent pas mais se contentent de humer son parfum, ou d’apprécier le reflet du soleil sur la couverture. Ils peuvent disséquer un vers pendant dix minutes, ou dire dix poèmes à la suite, très vite, en une minute. Ils peuvent décider de faire des octosyllabes là où l’œuvre originale proposait des hexamètres. Ils lisent un sonnet mais à l’envers pour voir ce que ça fait, et tiens,  ça ne rend rien sauf une phrase, que l’on répète, enrichit, étoffe. Et puis ils regardent cette bibliothèque d’œuvres merveilleuses, ils ont un moment de lassitude, de vertige, ils se disent, oh la barbe , ce n’est quand même que du bois sur du bois tout ça, et si l’on inventait autre chose ?

Bref, la musique donne l’impression de moments où tout est possible, de grande dilution, et des moments de forte condensation. Même le son de Wayne Shorter fluctue. Il acquiert à la fin du concert une force et une intensité surprenante. Le voilà qui, au soprano, jette à nouveau une poignée de flèches dans l’aigu. Personne comme lui pour déchirer ainsi le ciel. Il est debout, s’éloigne un peu de son siège, il transmet une force surprenante. Un rappel et c’est fini. Un type gueule : « Footprints !». Le public est debout, un peu hébété. On reste un peu devant la scène quelques instants. John Patitucci remballe sa basse en discutant avec Chris Jennings, bassiste canadien établi à Paris, qui est son élève. Après une conversation entre bassistes sur la meilleure manière de faire entrer cet instrument dans un avion (il faut plier l’avion dans le sens de la largeur), John Patitucci confie son enthousiasme à Jennings : « Et tu as vu comme il a joué du sax ténor ce soir ? Tu as vu ce son ? On lui a offert un nouveau sax ténor pour son anniversaire, il en est fou ! ».

 

 ferté richard

Avant Wayne Shorter, un autre artiste avait fait se lever le public de ce troisième festival de jazz de la ferté sous Jouarre. Jean-Charles Richard se présentait en solo, flanqué seulement de son saxophone baryton et de son saxophone soprano. La formule, sur le papier, semblait risquée. Mais Jean-Charles Richard a su très intelligemment varier les atmosphères et les climats, alternant baryton et soprano, morceaux lyriques, et pièces plus dissonantes, au croisement du jazz et de la musique contemporaine, comme cette Réflexion sur le langage d’Olivier Messiaen  (qui figure sur
son disque Faces). Mais à chaque fois, avec beaucoup de simplicité et d’humilité, il prenait soin d’expliquer ce qu’il faisait, ne laissant personne au bord de la route. Il finit par deux rappels . Il s’empare d’abord de Caravan, (qu’il joue au baryton, dont il maîtrise tous les registres, du barrissement au sifflement suraigu). Il joue ensuite le toujours bouleversant Indifférence de Tony Murena. Le public, dont au moins la moitié n’avait jamais entendu parler de Jean-Charles Richard deux heures plus tôt est debout. On se réjouit de voir une musique exigeante faire un tel tabac. Une dizaine de personnes font la queue pour acheter l’album et se le faire dédicacer. Mais Jean-Charles Richard est en retard. Il apparaît enfin, les yeux brillants, avec sur le visage une sorte de lumière étrange : « Excusez-moi…j’étais en train de parler avec Wayne Shorter… ». On tente d’en savoir plus : « Il voulait essayer mon saxophone soprano…Alors je lui ai dit : « mais prenez-le , prenez-le je vous le donne »… ». On sent que Jean-Charles Richard aurait été prêt à lui donner, en sus de son saxophone, toutes ses chemises. Mais le grand homme, qui possède déjà quelques saxophones et quelques chemises, a gentiment décliné l’offrande. Je lui demande s’il pense que Wayne Sorter a écouté son concert . Il fait une petite grimace navrée : « Eh Non…non…je ne crois pas ».

Le lendemain, c’était le dernier jour du festival. Les organisateurs (avec en particulier Nicolas Folmer comme directeur musical) présentaient une double affiche : Richard Galliano jouant Nino Rota, précédé d’un duo entre Airelle Besson et Nelson Veras.ferte1

Airelle Besson joue de la trompette sur le fil de la fragilité et de l’émotion. Nelson Veras tresse des broderies légères sous ses pas. Les compositions sont de la plume d’Airelle Besson, sauf un Body and Soul en rappel. C’est une musique intimiste , intérieure jouée par deux personnes qui s’écoutent de toute leur âme et qui requièrent du public la même profondeur. Là encore le public reçoit cette musique comme elle est offerte. fertegalliano

Puis Richard Galliano fait son entrée. Il joue la musique de Nino Rota dans une configuration qui la magnifie, avec Nicolas Folmer à la trompette (surtout bouchée) et Mauro Negri à la clarinette, Sylvain le Provost à la contrebasse, et Mattia Barberi à la batterie. Le lyrisme de Galliano s’épanouit dans les œuvres de Rota, qui sont devenues , plus que des standards du jazz, des standards de la musique universelle. Il les joue à l’accordéon ou dans une curieuse version réduite de l’instrument, qui est à l’accordéon ce que le mélodica est au piano. La musique de huit et demi, de la Strada, du Parrain…rien n’est oublié. On note le jeu dissonant de Mauro Negri à la clarinette, qui apporte quelques épices bienvenues, et montre que la musique de Nino Rota se porte très bien d’être caressée à rebrousse-poil…

Les festival de jazz auraient donc d’autres solutions pour remplir leurs gradins que d’inviter l’aimable Thomas Dutronc ? Ce troisième festival de La Ferté-sous-Jouarre tend à prouver que oui. Il présentait une programmation réussie (due notamment à Nicolas Folmer) mélange intelligemment dosé de têtes d’affiche et de musiciens moins connus, de musique séduisante et musiques plus exigeantes. Si le festival réussit à tenir cette ligne, il aura de beaux jours devant lui.

Texte JF Mondot

Dessins AC Alvoët