Nantes : Baguenaudages sur Rendez Vous…
Du 31 août au 3 septembre s’est déroulée la 31ème édition des Rendez Vous de l’Erdre (RVDE) : quatre jours de plaisirs intenses et variés au bord d’une belle rivière. Découvertes, confirmations, surprises, imprévus, rencontres, retrouvailles, papotages…
Un concept original et unique : Jazz & Belle Plaisance.
La belle plaisance est une pratique populaire très prisée ici. Sur les 28 kms navigables de l’Erdre, en partant du port de Nort sur Erdre, des centaines d’embarcations modestes et disparates glissent joyeusement pour arriver au pied de la scène nautique du festival au coeur de Nantes. A bord, des « équipages » souvent déguisés et quelques mini fanfares délurées… Des kayaks individuels côtoient de petits voiliers et des vieilles « barques » où des équipes de rameurs imitent avec humour les compétitions d’aviron. Spectacle coloré et assez incroyable. On est bien loin, et cela nous réjouit, des parvenus de la French Riviera sur leurs énormes yachts ostentatoires et obscènes. Souvent ridicules avec leurs casquettes de capitaine « bidon » et leurs blazers, avec armoiries tout aussi « bidon » sur la poche poitrine.
Côté jazz: plus de soixante concerts. Tous les styles de l’histoire du jazz (ou des musiques cousines et voisines) programmés sur 9 scènes, dont une nautique ! Plusieurs centaines de musiciens : ligériens (ie : du bassin de la Loire), hexagonaux, européens, américains (du nord et du sud), africains… Têtes d’affiche ou talents émergents. Plus un Tremplin Blues qui attire beaucoup de monde.
Le tout gratuit. Oui, gratuit…
Mais, comme le précise Armand Meignan, directeur artistique de la manifestation : «la programmation répond à la même exigence et à la même qualité que celle d’un festival de jazz payant».
Pas étonnant donc que des dizaines de milliers de personnes aient déambulé sur les bords de l’Erdre pendant ce premier week-end de septembre à la veille de la rentrée scolaire.
Philippe Meziat et Pascal Anquetil ont déjà publié (les 2, 3, 7 et 10 septembre) sur ce même jazzlive de jazzmagazine.com des chroniques, talentueuses comme toujours, évoquant quelques grands moments des RDVE 2017 : « leurs » grands moments.
L’abondance des propositions faites par les RDVE pose problème aux chroniqueurs… Il est absolument impossible d’assister à tout !
Alors on baguenaude à partir d’un planning « perso » laborieusement établi en « travaillant » la pléthorique grille des programmes. Planning qui doit prendre en compte le paramètre « distances à parcourir » entre les différentes scènes. Car le trekking urbain est une activité redoutable pour les articulations et le système circulatoire du jazzcritic senior + ! Mais… ce planning serré « explose » au premier virage car à tous les coins de rue et devant chaque podium, des rencontres et retrouvailles inattendues perturbent ces prévisions soigneusement élaborées.
Ici les balances ont lieu en public (rappel : toutes les scènes sont « ouvertes ») et cela ravit le public des fidèles jazzfans nantais. Assister aux balances est passionnant. Cet exercice est habituellement réservé seulement à quelques happy fews (« balances interdites au public » est un panneau qui fleurit dans la plupart des concerts et festivals). En y étant présent on apprend beaucoup de choses sur le (difficile) métier de jazzman (travail méticuleux du son, derniers calages de la liste des morceaux prévus, …).
Jeudi 31 août
Pour fêter la rénovation, fort réussie, du Musée des Arts de Nantes, les RDVE avait invité, en partenariat avec le musée, le Quatuor Machaut dans une grande salle du lieu. Elle fut très vite envahie par une foule imposante. Plusieurs salles latérales furent mises à contribution pour contenir l’affluence.
Double plaisir pour les présents : visiter gratuitement le musée qui possède et expose moult œuvres riches et rares (mises en valeur par une muséographie aérée et originale) et découvrir la très étonnante ré-interprétation par le Quatuor Machaut de la « Messe Notre Dame », composée par Guillaume de Machaut en… 1365 ! Quentin Biardeau, subjugué par cette partition polyphonique, l’a transcrite pour quatre saxophonistes et l’a ouverte à l’improvisation. Décoiffant. Interprétée, qui plus est, juste à côté de la salle dédiée à Kandisky… un pionnier de l’art abstrait ! Belle coïncidence.
A la sortie de leur disque (chez le toujours surprenant et créatif label Ayler Records), Stéphane Ollivier écrivait dans Jazz Magazine: « Le quatuor Machaut crée une musique d’une grande puissance poétique où la sensualité des timbres et des textures touche à la métaphysique pure ». M. Durand, dans Jazz News posait la question : « Grande messe free pour le temps présent ?». Réponse, clairement : oui !
Le Quatuor Machaut est Lauréat Jazz Migrations 2017.
Le lancement officiel* du long week-end des RDVE a lieu rituellement le jeudi soir dans le charmant petit port de Nort sur Erde. Beaucoup de monde, une atmosphère festive, familiale et conviviale. Beaucoup de monde sur l’esplanade qui jouxte les quais et beaucoup de plaisanciers aussi, piqueniquant en famille avec voisins et amis sur leurs embarcations hétéroclites et multicolores. Musiques populaires judicieusement programmées : du New-Orleans Revival et une fanfare balkanique volcanique. De 7 (et moins) à 77 ans (et plus) tout le monde ondule…
Vendredi 1er septembre
A la « cantine » (les « branchés » parlent de catering) du Festival (emplie de bénévoles, de techniciens et de membres des services de secours et de sécurité) Boulou et Elios Ferré finissent de dîner. Très anonymement. Pas vus depuis, disons presque 20 ans (au moins). Je ne fais pas partie, loin de là, du premier cercle de leurs intimes, mais quelques rares rencontres avaient été chaleureuses. Incroyable mémoire des musiciens: ils me reconnaissent et la boîte aux souvenirs s’ouvre! Nous parlons fort. On rigole. Plusieurs bénévoles s’approchent. «Tu te rappelles qu’à 13 ans [ndr : bien sûr… j’y étais!] j’ai fait la première partie de Coltrane à Antibes… A l’entracte il m’a invité dans sa loge et on a joué un blues avec Garrison à la basse! [ndr: m… je n’y étais pas!]. Est ce que tu connais la vidéo où à 14 ans je joue Bluesette dans une émission de télé avec Baden Powel, Elek Bacsik et Sacha Distel ? Cherche sur ton smartphone… ». On trouve la vidéo, beaucoup de personnes nous entourent désormais et découvrent ravis l’étonnante séquence que Boulou commente hilare. Une vidéaste amateur filme Boulou, 66 ans, en train de se regarder tout gamin… « Mon père jouait avec Django, moi j’ai fait des études classiques, j’ai travaillé avec Messian. J’étais un enfant prodige… Comme Barney Wilen»…
Cette vidéo postée sur ma page facebook (ouverte à tous) a été visionnée plusieurs centaines de fois!
L’accompagnateur bénévole chargé de guider les frères Ferré vers les lieux du concert commence, inquiet, à regarder sa montre… La scène Swing (au RDVE chaque scène est identifiée par un patronyme et une couleur musicale) n’est pas très loin certes mais ici les concerts commencent à l’heure…
Depuis belle lurette les frères Ferré ne jouent plus de jazz dit manouche… Ils se régalent en se lançant, en grande complicité, des défis harmoniques sur des thèmes bop ou des standards et rendent hommage, entre autres, à Lennie Tristano que Boulou adore. Puis soudain, contrepied, ils se lancent dans une version ultra lyrique de « What a wonderful world ». Désormais senior, Boulou est visiblement toujours aussi heureux de jouer et de surprendre.
Boulou et Ellios sur la scène Swing des RDVE
Exactement à la même heure que la prestation de Frères Ferré (rappel: la grille horaire des concerts est plus qu’« opulente »…) a débuté un concert de Méderic Collignon avec son très électrique et très pêchu projet Wax’in sur la mythique scène Sully (fermée depuis 2 ans pour travaux, elle vient d’être rénovée et est restée dédiée au jazz actuel). A peine quitté la scène Swing et en pressant le pas j’arrive juste à temps pour entendre les dernières minutes incandescentes de Wax’in. Incroyable Médéric: au RDVE il a joué plus de 10 fois, en des contextes très divers. Il en était le «fil rouge» 2017. L’an dernier Louis Sclavis avait assumé cette incroyable fonction.
Chaque matin à 8 heures, pendant presque une semaine, sur les pontons de différents ports Médéric a même célébré des «levers de soleil».
Vous devez lire le CR de Pascal Anquetil dans le jazzlive du 10 septembre pour tout savoir sur les «exploits» nantais de l’infatigable (et toujours taquin, facétieux et gouailleur) Médéric. Le bénévole accompagnateur de Médéric s’est arraché les cheveux tous les jours: pour aller d’une scène à l’autre le timing était très serré mais, en route, Médéric s’arrêtait tous les 20 mètres pour distribuer moult bises et balancer force vannes et jeux de mots avec des mimiques à la Tex Avery!
Sur la scène nautique à 22h30 le duo Terrasson/Belmondo (p/bugle et tp) avait invité le chanteur et joueur de guembri (et d’oud), Majid Bekkas. Souvenir ému: Xavier Matthysens (qui écrivait dans Jazz Magazine), disparu très jeune en 2002 (15 ans déjà), avait organisé plusieurs festivals au Maroc. Majid Bekkas qui travaillait à l’époque au Conservatoire de Rabat avait sympathisé avec Xavier qui l’avait encouragé à se lancer dans une carrière de soliste. Aujourd’hui Majid dans le monde de la world music et du jazz est devenu une pointure très sollicitée. Il a mis au point un système de sonorisation pour son guembri (l’ancêtre archaïque de la guitare basse, pour le dire vite) qui lui permet d’avoir un son puissant et précis. Belle réussite. Majid s’est intégré parfaitement à la belle complicité du duo où le son ouaté du bugle se marie à merveille aux accords affectueux du piano. Terrasson et Belmondo ont enregistré le très remarqué Cd Mother chez Impulse, et ils jouent beaucoup depuis deux ans dans de très nombreux festivals et concerts. Au RDVE le trio a trouvé une belle couleur sonore. Originale et envoûtante.
Stephane Belmondo/Majid Bekkas
Le guembri « customisé » avec « équaliseur » incorporé…
Samedi 2 septembre
Scène Sully (14h30) : Longue balance pour le Daniel Zimmermann Quartet avant son concert de 15H30.
Le quartet était programmé ici pour un set de seulement 60 minutes. En concert, habituellement, le groupe joue généreusement presque 2 heures! Le leader avait donc dû choisir seulement 7 thèmes parmi les 11 qu’il a composé et enregistré pour son superbe CD « Montagnes Russes».
Tous les membres du nouveau groupe de Daniel Zimmermann sont des « pointures » de la scène française. Leurs CV sont impressionnants (euphémisme). Ce sont tous des sidemen très recherchés.
La rythmique est à la fois ferme et souple. Jérôme Regard (elb) est fort apprécié pour son groove et ses qualités d’écoute et d’accompagnement par les innombrables musiciens qui le sollicitent (son agenda est surbooké). Impressionnant d’aisance technique tout en restant discret. Il n’imite jamais le son d’un décollage de Boeing 727 en jouant au célèbre jeu de l’époque du jazzrock : «le premier arrivé attend les autres au tas de sable »! Julien Charlet (dr) musicien impulsif et volcanique, est un des rares batteurs reconnus par ses pairs comme étant aussi à l’aise dans les contextes binaires que ternaires. Lui aussi joue (et a joué) avec beaucoup de groupes depuis une vingtaine d’années dans des contextes aussi bien hardbop que free, groove ou fusion. Son drumming fougueux fait actuellement merveille notamment, entre autres, avec les Volunteered Slaves (un combo qui lui tient particulièrement à cœur). Avec ses inspirations rageuses Pierre Durand (g) est un rouage essentiel du groupe. Son amour du blues, aux couleurs multiples, transparait clairement aussi bien dans ses accompagnements que dans ses solos.
Enfin le leader Daniel Zimmermann (tb), l’alchimiste virtuose du quartet, le maître « es coulisse » : « Dans la coulisse cette homme est grand » (Frédéric Goaty).
Une musique originale et inventive, tout en étant simple, actuelle et généreuse. Estampillée (globalement) jazz mais nourrie d’influences funk, pop et new-orleans (ne pas oublier que le trombone a joué un grand rôle dans la naissance du jazz à la Nouvelle Orléans) …
A partir des compositions subtiles et efficaces du leader, le spectateur est convié à voyager, agréablement surpris, dans ces Montagnes Russes à la fois rythmiques et mélodiques. Energie et émotion omniprésentes.
Un grand moment des RDVE 2017.
Pierre Durand, Jerôme Regard, Daniel Zimmermann, Julien Charlet
Daniel Zimmermann pendant la balance
Scène nautique (19 h) : Togetherness par le Quintet de Pierrick Menuau.
Rendre hommage à Don Cherry en interprétant les thèmes de son mythique album de 1966 Togetherness : superbe idée. Armand Meignan a accepté, sacré pari, de financer ce projet (deux musiciens venus spécialement de New-York pour cette seule date). Pierrick Menuau (ts) est responsable de la classe jazz du Conservatoire d’Angers. Il a su fédérer un étonnant quintet intergénérationnel. Du trentenaire Julien Touery au piano (qui a suivi les classes jazz du collège de Marciac avec Emile Parisien), à Barry Altschul (75 ans, en pleine forme: batteur emblématique des bouillonnantes années 80) au quadra Yoann Loustalot (tp) en passant par le sexagénaire épanoui Santi Debriano (b). Santi n’était pas venu depuis longtemps en France où il a beaucoup joué dans les années 70 et 80 avec Archie Shepp et Sam Rivers, entre autres. Il prend des nouvelles d’Archie Shepp qu’il n’a pas rencontré depuis longtemps. Il est heureux d’apprendre qu’Archie, à 80 ans, est en pleine forme.
La musique de D. Cherry, composée et jouée à l’époque de sa splendeur, n’a pas pris une ride. Et elle a généré à Nantes une entente fusionnelle entre les membres du quintet. Lire le CR de Philippe Méziat dans son jazz live du 3 septembre.
Barry Altschul et Santi Debriano
Julien Touery, Santi Debriano, Barry Altschul, Pierrick Menuau et Yoann Loustalot
Barry sur le départ avec son précieux set de cymbales
Scène Mix Jazz (20h) : Charlemagne Palestine
Charlemagne Palestine : un personnage… C’est le moins qu’on puisse dire.
Son CV le confirme (à googleliser pour en savoir plus). Créateur (musicien et plasticien) iconoclaste (ce n’est bien sûr pas un défaut en la matière). Il aime Terry Riley, La Monte Young et Philip Glass (entre autres…). Très envie de l’entendre. Mais toujours cette grille des programmes infernale et l’éloignement de la scène Mix Jazz… Le jazz critic, après avoir discuté un peu trop longtemps avec les musiciens de Togetherness, arrive, essoufflé, au moment où Charlemagne range son « set » un peu étrange.
Dialogue avec une spectatrice : «C’était comment?», «Euh bizarre…», «Normal [ici le jazz critic, qui a lu la notice wikipédia fait le malin], il est de l’école minimaliste…», «Ah bon!»… On en est resté là!
En tous cas il faut dire à quel point la programmation de la scène Mix Jazz dédiée aux musiques actuelles est surprenante. Coup de chapeau à Estelle Beauvineau la programmatrice de cette scène avant gardiste mais pas que.
Le même soir à 22 heures Freaks, le groupe décoiffant des frères Ceccaldi était programmé au Mix Jazz. Loupé aussi. Le concert de Daniel Mille a fini vers 22 h 15. Suivi d’une bonne vingtaine de minutes de parlottes avec les musiciens… L’état des rotules du jazz critic, plus un manque d’entraînement certain pour la marche nordique en milieu urbain l’ont dissuadé de rejoindre le Mix Jazz fort éloigné de la scène Sully! Où il serait arrivé dans tous les cas beaucoup trop tard…
Dur dur la vie de jazzcritic aux RDVE…
Scène Sully 21 h. Daniel Mille et son hommage à Piazzola
Le projet Piazzola de Daniel Mille est à la lisière du jazz, de la world et du classique: jazz par le style et le background de l’artiste, world-classique par le sujet musical. Très loin des clichés du tango, Daniel Mille (acc) accompagné uniquement par des cordes (violoncelles et contrebasse) propose un traitement unique, tout en intimité et subtilité, de l’univers de Piazzolla. Le groupe respire comme un seul homme. Univers poétique, élégant. Un « moment de grâce ».
Diego Imbert (b) est omniprésent dans cette création. Grand maître de la walking bass de la scène française il joue beaucoup avec l’archet dans ce projet.
Il nous annonce, très heureux, la sortie imminente de son nouvel album avec Enrico Pieranunzi (p) et André Ceccarelli: «Tribute to Charlie Haden».
Scène Nautique 22 H 30. Médéric Collignon & Jus de Bocse : MoOvies
Médéric Collignon et son quartet survitaminé « Jus de Bocse » revisite avec MoOvies quelques BO de films cultes. «Une odyssée où l’image s’écoute et la musique est image». Médéric Collignon est partout, il joue de plusieurs instruments (du cornet au clavier Korg), chante, scatte, yodelle, cite des dialogues de film et entraine ses compagnons dans des improvisations qui mènent à l’ivresse.
«Affronter» la scène nautique aux RDVE est une dure épreuve (le public est loin de la scène séparé par plusieurs dizaine de mètres d’eau clapotante…). Médéric a su maîtriser ces contraintes avec sa vitalité « premium » habituelle. A Nantes le projet MoOvies était, qui plus est, boosté par la présence d’Eutepé (Ensemble de Trompettes de Paris).
Rappel (encore!) : lire le jazzlive de Pascal Anquetil du 10 septembre.
Dimanche 3 septembre… « Il pleut sur Nantes »
Dimanche des parapluies passent près de la colonne Morris…
Scène Swing (début d’après midi) : Grande fête du jazz New-Orleans
On se répète… tous les jazz sont programmés ici…
Même le jazz « archaïque » des débuts.
Joué en ligne par des musiciens assis.
Un septet composé de pointures du jazz traditionnel (fr, usa, gb) a fait danser le bop (comme au Caveau de la Huchette) à de nombreux membres de l’association nantaise « Youpi Swing ».
Mentions spéciales pour Boss Queraud (tp) et Tom Sancton (cl). Gardiens du temple de cette musique aujourd’hui fort méconnue.
Info (en exclusivité!) : Nantes s’apprête à évoquer en grande pompe ce « jazz d’avant le jazz » en célébrant en 2018 le centenaire de la première prestation, sur la scène d’un opéra européen (le Théâtre Graslin), du grand orchestre de Jim Europe, composé de soldats afro-américains. La presse locale avait annoncé alors un programme de « Chants populaires américains ».
Scène Sully (16 h). Rita Marcotulli/Mathieu Donarier/Sebastien Boisseau Trio
En milieu d’après midi une bruine, encore « acceptable » (la scène est protégée), commence à perturber les RDVE… Balance et concert du trio ont quand même pu avoir lieu. Le public toujours passionné des fidèles de la Scène Sully est là. Imperturbables : cirés, parkas, kway, parapluies… Ils restent, presque tous, même quand la pluie commence à se déchaîner.
Belle idée (une de plus…) d’avoir invité Rita Marcotulli (p), la grande dame du piano italien, peu programmée ces dernières années dans l’hexagone. Où elle a pourtant de nombreux amis musiciens. Comme Sébastien Boisseau (b) et Matthieu Donarier (sax) qu’elle a invités pour une conversation musicale, franco-italienne, raffinée et lyrique (voir le jazzlive de Philippe Meziat du 7 septembre).
Rita Marcotulli, Sebastien Boisseau, Matthieu Donarier
Vers 17 heures des trombes d’eaux s’abattent sur Nantes et pour la première fois aux RDVE deux concerts (très attendus qui plus est) sont annulés !
Exit le projet Parisien/Peirani Octet File Under Zawinul.
Grosse déception. Musiciens dépités…
Frédéric Goaty dans un post sur Facebook avait dit à quel point le concert du groupe, la veille à La Villette, avait été enthousiasmant. Avec le superbe « All Stars » monté spécialement pour ce projet. Linley Marthe, Paco Séry, Mino Cinelu… Plus les complices habituels d’Emile Parisien (qui a vécu un exceptionnel été 2017 avec entre autres le grand et étonnant moment de son concert de Marciac avec Marsalis…): Manu Codjia et Vincent Peirani. Inutile de commenter plus avant la composition de ce all stars : des très grands.
Jusqu’au dernier moment les musiciens et Armand Meignan ont hésité avant d’annuler, mais des bourrasques infernales balayaient la scène dont les côtés n’étaient pas protégés et la moquette était gorgée d’eau… Trop de risques du côté des branchements électriques.
Vincent Peirani, Manu Codjia, Emile Parisien… dépités et trempés
Linley Marthe et Paco Sery attendent, à l’abri, la décision de maintien ou d’annulation du concert
Exit aussi un peu plus tard le concert de Ping Machine. Les 16 musiciens patientaient en coulisses, espérant eux aussi, jusqu’au dernier moment, que le concert ait lieu.
La pluie s’étant finalement calmée les 14 musiciens du Spanish Harlem Orchestra purent se produire à 21h. Mais le fond de l’air était vraiment frais et humide et pour ce final festif et populaire consacré au Latin Jazz et à la Salsa Dura de Nueva York il y eut beaucoup moins de monde que d’habitude devant la scène nautique. Dommage…
Globalement, malgré ce malencontreux épisode pluvieux final, l’édition 2017 des RDVE fut remarquable et passionnante. Félicitations à la belle équipe des RDVE et à ses deux maitres d’oeuvre: Armand Meignan et Loïc Breteau. Pleinement soutenus par le Président de l’association organisatrice de l’événement (L’Association Culturelle de l’Eté): Nicolas Visier.
Loïc Breteau, Armand Meignan, Nicolas Visier/Photo Ouest France : partenaire des RDVE
Coda : Mot d’excuses
La publication de cette chronique est un peu tardive…
En cette période de rentrée scolaire je vais donc sacrifier à un rite de collégien : le mot d’excuses. Adressé aux responsables du jazzlive.
« Messieurs
Je vous prie d’excuser mon retard à vous remettre ma rédaction sur les RDVE. Mais, ma mère a été malade (c’est vrai), mon ordinateur a dysfonctionné (promis juré…), j’ai été obligé de participer à des fêtes familiales chronophages (« annifs » divers et tout et tout)…
Je peux ajouter aussi que je suis affecté d’une tendance pathologique à la procrastination. J’ai voulu me faire soigner par un spécialiste et voilà ce que j’ai pu lire sur sa plaque en arrivant devant son cabinet:
Merci donc Messieurs de bien vouloir accepter mes sincères excuses.
PHA »
* Les jours précédents l’inauguration du jeudi soir, en prélude, des « petits » (rien de péjoratif), mais stimulants, événements étaient aussi programmés dans et autour de Nantes…
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Du 31 août au 3 septembre s’est déroulée la 31ème édition des Rendez Vous de l’Erdre (RVDE) : quatre jours de plaisirs intenses et variés au bord d’une belle rivière. Découvertes, confirmations, surprises, imprévus, rencontres, retrouvailles, papotages…
Un concept original et unique : Jazz & Belle Plaisance.
La belle plaisance est une pratique populaire très prisée ici. Sur les 28 kms navigables de l’Erdre, en partant du port de Nort sur Erdre, des centaines d’embarcations modestes et disparates glissent joyeusement pour arriver au pied de la scène nautique du festival au coeur de Nantes. A bord, des « équipages » souvent déguisés et quelques mini fanfares délurées… Des kayaks individuels côtoient de petits voiliers et des vieilles « barques » où des équipes de rameurs imitent avec humour les compétitions d’aviron. Spectacle coloré et assez incroyable. On est bien loin, et cela nous réjouit, des parvenus de la French Riviera sur leurs énormes yachts ostentatoires et obscènes. Souvent ridicules avec leurs casquettes de capitaine « bidon » et leurs blazers, avec armoiries tout aussi « bidon » sur la poche poitrine.
Côté jazz: plus de soixante concerts. Tous les styles de l’histoire du jazz (ou des musiques cousines et voisines) programmés sur 9 scènes, dont une nautique ! Plusieurs centaines de musiciens : ligériens (ie : du bassin de la Loire), hexagonaux, européens, américains (du nord et du sud), africains… Têtes d’affiche ou talents émergents. Plus un Tremplin Blues qui attire beaucoup de monde.
Le tout gratuit. Oui, gratuit…
Mais, comme le précise Armand Meignan, directeur artistique de la manifestation : «la programmation répond à la même exigence et à la même qualité que celle d’un festival de jazz payant».
Pas étonnant donc que des dizaines de milliers de personnes aient déambulé sur les bords de l’Erdre pendant ce premier week-end de septembre à la veille de la rentrée scolaire.
Philippe Meziat et Pascal Anquetil ont déjà publié (les 2, 3, 7 et 10 septembre) sur ce même jazzlive de jazzmagazine.com des chroniques, talentueuses comme toujours, évoquant quelques grands moments des RDVE 2017 : « leurs » grands moments.
L’abondance des propositions faites par les RDVE pose problème aux chroniqueurs… Il est absolument impossible d’assister à tout !
Alors on baguenaude à partir d’un planning « perso » laborieusement établi en « travaillant » la pléthorique grille des programmes. Planning qui doit prendre en compte le paramètre « distances à parcourir » entre les différentes scènes. Car le trekking urbain est une activité redoutable pour les articulations et le système circulatoire du jazzcritic senior + ! Mais… ce planning serré « explose » au premier virage car à tous les coins de rue et devant chaque podium, des rencontres et retrouvailles inattendues perturbent ces prévisions soigneusement élaborées.
Ici les balances ont lieu en public (rappel : toutes les scènes sont « ouvertes ») et cela ravit le public des fidèles jazzfans nantais. Assister aux balances est passionnant. Cet exercice est habituellement réservé seulement à quelques happy fews (« balances interdites au public » est un panneau qui fleurit dans la plupart des concerts et festivals). En y étant présent on apprend beaucoup de choses sur le (difficile) métier de jazzman (travail méticuleux du son, derniers calages de la liste des morceaux prévus, …).
Jeudi 31 août
Pour fêter la rénovation, fort réussie, du Musée des Arts de Nantes, les RDVE avait invité, en partenariat avec le musée, le Quatuor Machaut dans une grande salle du lieu. Elle fut très vite envahie par une foule imposante. Plusieurs salles latérales furent mises à contribution pour contenir l’affluence.
Double plaisir pour les présents : visiter gratuitement le musée qui possède et expose moult œuvres riches et rares (mises en valeur par une muséographie aérée et originale) et découvrir la très étonnante ré-interprétation par le Quatuor Machaut de la « Messe Notre Dame », composée par Guillaume de Machaut en… 1365 ! Quentin Biardeau, subjugué par cette partition polyphonique, l’a transcrite pour quatre saxophonistes et l’a ouverte à l’improvisation. Décoiffant. Interprétée, qui plus est, juste à côté de la salle dédiée à Kandisky… un pionnier de l’art abstrait ! Belle coïncidence.
A la sortie de leur disque (chez le toujours surprenant et créatif label Ayler Records), Stéphane Ollivier écrivait dans Jazz Magazine: « Le quatuor Machaut crée une musique d’une grande puissance poétique où la sensualité des timbres et des textures touche à la métaphysique pure ». M. Durand, dans Jazz News posait la question : « Grande messe free pour le temps présent ?». Réponse, clairement : oui !
Le Quatuor Machaut est Lauréat Jazz Migrations 2017.
Le lancement officiel* du long week-end des RDVE a lieu rituellement le jeudi soir dans le charmant petit port de Nort sur Erde. Beaucoup de monde, une atmosphère festive, familiale et conviviale. Beaucoup de monde sur l’esplanade qui jouxte les quais et beaucoup de plaisanciers aussi, piqueniquant en famille avec voisins et amis sur leurs embarcations hétéroclites et multicolores. Musiques populaires judicieusement programmées : du New-Orleans Revival et une fanfare balkanique volcanique. De 7 (et moins) à 77 ans (et plus) tout le monde ondule…
Vendredi 1er septembre
A la « cantine » (les « branchés » parlent de catering) du Festival (emplie de bénévoles, de techniciens et de membres des services de secours et de sécurité) Boulou et Elios Ferré finissent de dîner. Très anonymement. Pas vus depuis, disons presque 20 ans (au moins). Je ne fais pas partie, loin de là, du premier cercle de leurs intimes, mais quelques rares rencontres avaient été chaleureuses. Incroyable mémoire des musiciens: ils me reconnaissent et la boîte aux souvenirs s’ouvre! Nous parlons fort. On rigole. Plusieurs bénévoles s’approchent. «Tu te rappelles qu’à 13 ans [ndr : bien sûr… j’y étais!] j’ai fait la première partie de Coltrane à Antibes… A l’entracte il m’a invité dans sa loge et on a joué un blues avec Garrison à la basse! [ndr: m… je n’y étais pas!]. Est ce que tu connais la vidéo où à 14 ans je joue Bluesette dans une émission de télé avec Baden Powel, Elek Bacsik et Sacha Distel ? Cherche sur ton smartphone… ». On trouve la vidéo, beaucoup de personnes nous entourent désormais et découvrent ravis l’étonnante séquence que Boulou commente hilare. Une vidéaste amateur filme Boulou, 66 ans, en train de se regarder tout gamin… « Mon père jouait avec Django, moi j’ai fait des études classiques, j’ai travaillé avec Messian. J’étais un enfant prodige… Comme Barney Wilen»…
Cette vidéo postée sur ma page facebook (ouverte à tous) a été visionnée plusieurs centaines de fois!
L’accompagnateur bénévole chargé de guider les frères Ferré vers les lieux du concert commence, inquiet, à regarder sa montre… La scène Swing (au RDVE chaque scène est identifiée par un patronyme et une couleur musicale) n’est pas très loin certes mais ici les concerts commencent à l’heure…
Depuis belle lurette les frères Ferré ne jouent plus de jazz dit manouche… Ils se régalent en se lançant, en grande complicité, des défis harmoniques sur des thèmes bop ou des standards et rendent hommage, entre autres, à Lennie Tristano que Boulou adore. Puis soudain, contrepied, ils se lancent dans une version ultra lyrique de « What a wonderful world ». Désormais senior, Boulou est visiblement toujours aussi heureux de jouer et de surprendre.
Boulou et Ellios sur la scène Swing des RDVE
Exactement à la même heure que la prestation de Frères Ferré (rappel: la grille horaire des concerts est plus qu’« opulente »…) a débuté un concert de Méderic Collignon avec son très électrique et très pêchu projet Wax’in sur la mythique scène Sully (fermée depuis 2 ans pour travaux, elle vient d’être rénovée et est restée dédiée au jazz actuel). A peine quitté la scène Swing et en pressant le pas j’arrive juste à temps pour entendre les dernières minutes incandescentes de Wax’in. Incroyable Médéric: au RDVE il a joué plus de 10 fois, en des contextes très divers. Il en était le «fil rouge» 2017. L’an dernier Louis Sclavis avait assumé cette incroyable fonction.
Chaque matin à 8 heures, pendant presque une semaine, sur les pontons de différents ports Médéric a même célébré des «levers de soleil».
Vous devez lire le CR de Pascal Anquetil dans le jazzlive du 10 septembre pour tout savoir sur les «exploits» nantais de l’infatigable (et toujours taquin, facétieux et gouailleur) Médéric. Le bénévole accompagnateur de Médéric s’est arraché les cheveux tous les jours: pour aller d’une scène à l’autre le timing était très serré mais, en route, Médéric s’arrêtait tous les 20 mètres pour distribuer moult bises et balancer force vannes et jeux de mots avec des mimiques à la Tex Avery!
Sur la scène nautique à 22h30 le duo Terrasson/Belmondo (p/bugle et tp) avait invité le chanteur et joueur de guembri (et d’oud), Majid Bekkas. Souvenir ému: Xavier Matthysens (qui écrivait dans Jazz Magazine), disparu très jeune en 2002 (15 ans déjà), avait organisé plusieurs festivals au Maroc. Majid Bekkas qui travaillait à l’époque au Conservatoire de Rabat avait sympathisé avec Xavier qui l’avait encouragé à se lancer dans une carrière de soliste. Aujourd’hui Majid dans le monde de la world music et du jazz est devenu une pointure très sollicitée. Il a mis au point un système de sonorisation pour son guembri (l’ancêtre archaïque de la guitare basse, pour le dire vite) qui lui permet d’avoir un son puissant et précis. Belle réussite. Majid s’est intégré parfaitement à la belle complicité du duo où le son ouaté du bugle se marie à merveille aux accords affectueux du piano. Terrasson et Belmondo ont enregistré le très remarqué Cd Mother chez Impulse, et ils jouent beaucoup depuis deux ans dans de très nombreux festivals et concerts. Au RDVE le trio a trouvé une belle couleur sonore. Originale et envoûtante.
Stephane Belmondo/Majid Bekkas
Le guembri « customisé » avec « équaliseur » incorporé…
Samedi 2 septembre
Scène Sully (14h30) : Longue balance pour le Daniel Zimmermann Quartet avant son concert de 15H30.
Le quartet était programmé ici pour un set de seulement 60 minutes. En concert, habituellement, le groupe joue généreusement presque 2 heures! Le leader avait donc dû choisir seulement 7 thèmes parmi les 11 qu’il a composé et enregistré pour son superbe CD « Montagnes Russes».
Tous les membres du nouveau groupe de Daniel Zimmermann sont des « pointures » de la scène française. Leurs CV sont impressionnants (euphémisme). Ce sont tous des sidemen très recherchés.
La rythmique est à la fois ferme et souple. Jérôme Regard (elb) est fort apprécié pour son groove et ses qualités d’écoute et d’accompagnement par les innombrables musiciens qui le sollicitent (son agenda est surbooké). Impressionnant d’aisance technique tout en restant discret. Il n’imite jamais le son d’un décollage de Boeing 727 en jouant au célèbre jeu de l’époque du jazzrock : «le premier arrivé attend les autres au tas de sable »! Julien Charlet (dr) musicien impulsif et volcanique, est un des rares batteurs reconnus par ses pairs comme étant aussi à l’aise dans les contextes binaires que ternaires. Lui aussi joue (et a joué) avec beaucoup de groupes depuis une vingtaine d’années dans des contextes aussi bien hardbop que free, groove ou fusion. Son drumming fougueux fait actuellement merveille notamment, entre autres, avec les Volunteered Slaves (un combo qui lui tient particulièrement à cœur). Avec ses inspirations rageuses Pierre Durand (g) est un rouage essentiel du groupe. Son amour du blues, aux couleurs multiples, transparait clairement aussi bien dans ses accompagnements que dans ses solos.
Enfin le leader Daniel Zimmermann (tb), l’alchimiste virtuose du quartet, le maître « es coulisse » : « Dans la coulisse cette homme est grand » (Frédéric Goaty).
Une musique originale et inventive, tout en étant simple, actuelle et généreuse. Estampillée (globalement) jazz mais nourrie d’influences funk, pop et new-orleans (ne pas oublier que le trombone a joué un grand rôle dans la naissance du jazz à la Nouvelle Orléans) …
A partir des compositions subtiles et efficaces du leader, le spectateur est convié à voyager, agréablement surpris, dans ces Montagnes Russes à la fois rythmiques et mélodiques. Energie et émotion omniprésentes.
Un grand moment des RDVE 2017.
Pierre Durand, Jerôme Regard, Daniel Zimmermann, Julien Charlet
Daniel Zimmermann pendant la balance
Scène nautique (19 h) : Togetherness par le Quintet de Pierrick Menuau.
Rendre hommage à Don Cherry en interprétant les thèmes de son mythique album de 1966 Togetherness : superbe idée. Armand Meignan a accepté, sacré pari, de financer ce projet (deux musiciens venus spécialement de New-York pour cette seule date). Pierrick Menuau (ts) est responsable de la classe jazz du Conservatoire d’Angers. Il a su fédérer un étonnant quintet intergénérationnel. Du trentenaire Julien Touery au piano (qui a suivi les classes jazz du collège de Marciac avec Emile Parisien), à Barry Altschul (75 ans, en pleine forme: batteur emblématique des bouillonnantes années 80) au quadra Yoann Loustalot (tp) en passant par le sexagénaire épanoui Santi Debriano (b). Santi n’était pas venu depuis longtemps en France où il a beaucoup joué dans les années 70 et 80 avec Archie Shepp et Sam Rivers, entre autres. Il prend des nouvelles d’Archie Shepp qu’il n’a pas rencontré depuis longtemps. Il est heureux d’apprendre qu’Archie, à 80 ans, est en pleine forme.
La musique de D. Cherry, composée et jouée à l’époque de sa splendeur, n’a pas pris une ride. Et elle a généré à Nantes une entente fusionnelle entre les membres du quintet. Lire le CR de Philippe Méziat dans son jazz live du 3 septembre.
Barry Altschul et Santi Debriano
Julien Touery, Santi Debriano, Barry Altschul, Pierrick Menuau et Yoann Loustalot
Barry sur le départ avec son précieux set de cymbales
Scène Mix Jazz (20h) : Charlemagne Palestine
Charlemagne Palestine : un personnage… C’est le moins qu’on puisse dire.
Son CV le confirme (à googleliser pour en savoir plus). Créateur (musicien et plasticien) iconoclaste (ce n’est bien sûr pas un défaut en la matière). Il aime Terry Riley, La Monte Young et Philip Glass (entre autres…). Très envie de l’entendre. Mais toujours cette grille des programmes infernale et l’éloignement de la scène Mix Jazz… Le jazz critic, après avoir discuté un peu trop longtemps avec les musiciens de Togetherness, arrive, essoufflé, au moment où Charlemagne range son « set » un peu étrange.
Dialogue avec une spectatrice : «C’était comment?», «Euh bizarre…», «Normal [ici le jazz critic, qui a lu la notice wikipédia fait le malin], il est de l’école minimaliste…», «Ah bon!»… On en est resté là!
En tous cas il faut dire à quel point la programmation de la scène Mix Jazz dédiée aux musiques actuelles est surprenante. Coup de chapeau à Estelle Beauvineau la programmatrice de cette scène avant gardiste mais pas que.
Le même soir à 22 heures Freaks, le groupe décoiffant des frères Ceccaldi était programmé au Mix Jazz. Loupé aussi. Le concert de Daniel Mille a fini vers 22 h 15. Suivi d’une bonne vingtaine de minutes de parlottes avec les musiciens… L’état des rotules du jazz critic, plus un manque d’entraînement certain pour la marche nordique en milieu urbain l’ont dissuadé de rejoindre le Mix Jazz fort éloigné de la scène Sully! Où il serait arrivé dans tous les cas beaucoup trop tard…
Dur dur la vie de jazzcritic aux RDVE…
Scène Sully 21 h. Daniel Mille et son hommage à Piazzola
Le projet Piazzola de Daniel Mille est à la lisière du jazz, de la world et du classique: jazz par le style et le background de l’artiste, world-classique par le sujet musical. Très loin des clichés du tango, Daniel Mille (acc) accompagné uniquement par des cordes (violoncelles et contrebasse) propose un traitement unique, tout en intimité et subtilité, de l’univers de Piazzolla. Le groupe respire comme un seul homme. Univers poétique, élégant. Un « moment de grâce ».
Diego Imbert (b) est omniprésent dans cette création. Grand maître de la walking bass de la scène française il joue beaucoup avec l’archet dans ce projet.
Il nous annonce, très heureux, la sortie imminente de son nouvel album avec Enrico Pieranunzi (p) et André Ceccarelli: «Tribute to Charlie Haden».
Scène Nautique 22 H 30. Médéric Collignon & Jus de Bocse : MoOvies
Médéric Collignon et son quartet survitaminé « Jus de Bocse » revisite avec MoOvies quelques BO de films cultes. «Une odyssée où l’image s’écoute et la musique est image». Médéric Collignon est partout, il joue de plusieurs instruments (du cornet au clavier Korg), chante, scatte, yodelle, cite des dialogues de film et entraine ses compagnons dans des improvisations qui mènent à l’ivresse.
«Affronter» la scène nautique aux RDVE est une dure épreuve (le public est loin de la scène séparé par plusieurs dizaine de mètres d’eau clapotante…). Médéric a su maîtriser ces contraintes avec sa vitalité « premium » habituelle. A Nantes le projet MoOvies était, qui plus est, boosté par la présence d’Eutepé (Ensemble de Trompettes de Paris).
Rappel (encore!) : lire le jazzlive de Pascal Anquetil du 10 septembre.
Dimanche 3 septembre… « Il pleut sur Nantes »
Dimanche des parapluies passent près de la colonne Morris…
Scène Swing (début d’après midi) : Grande fête du jazz New-Orleans
On se répète… tous les jazz sont programmés ici…
Même le jazz « archaïque » des débuts.
Joué en ligne par des musiciens assis.
Un septet composé de pointures du jazz traditionnel (fr, usa, gb) a fait danser le bop (comme au Caveau de la Huchette) à de nombreux membres de l’association nantaise « Youpi Swing ».
Mentions spéciales pour Boss Queraud (tp) et Tom Sancton (cl). Gardiens du temple de cette musique aujourd’hui fort méconnue.
Info (en exclusivité!) : Nantes s’apprête à évoquer en grande pompe ce « jazz d’avant le jazz » en célébrant en 2018 le centenaire de la première prestation, sur la scène d’un opéra européen (le Théâtre Graslin), du grand orchestre de Jim Europe, composé de soldats afro-américains. La presse locale avait annoncé alors un programme de « Chants populaires américains ».
Scène Sully (16 h). Rita Marcotulli/Mathieu Donarier/Sebastien Boisseau Trio
En milieu d’après midi une bruine, encore « acceptable » (la scène est protégée), commence à perturber les RDVE… Balance et concert du trio ont quand même pu avoir lieu. Le public toujours passionné des fidèles de la Scène Sully est là. Imperturbables : cirés, parkas, kway, parapluies… Ils restent, presque tous, même quand la pluie commence à se déchaîner.
Belle idée (une de plus…) d’avoir invité Rita Marcotulli (p), la grande dame du piano italien, peu programmée ces dernières années dans l’hexagone. Où elle a pourtant de nombreux amis musiciens. Comme Sébastien Boisseau (b) et Matthieu Donarier (sax) qu’elle a invités pour une conversation musicale, franco-italienne, raffinée et lyrique (voir le jazzlive de Philippe Meziat du 7 septembre).
Rita Marcotulli, Sebastien Boisseau, Matthieu Donarier
Vers 17 heures des trombes d’eaux s’abattent sur Nantes et pour la première fois aux RDVE deux concerts (très attendus qui plus est) sont annulés !
Exit le projet Parisien/Peirani Octet File Under Zawinul.
Grosse déception. Musiciens dépités…
Frédéric Goaty dans un post sur Facebook avait dit à quel point le concert du groupe, la veille à La Villette, avait été enthousiasmant. Avec le superbe « All Stars » monté spécialement pour ce projet. Linley Marthe, Paco Séry, Mino Cinelu… Plus les complices habituels d’Emile Parisien (qui a vécu un exceptionnel été 2017 avec entre autres le grand et étonnant moment de son concert de Marciac avec Marsalis…): Manu Codjia et Vincent Peirani. Inutile de commenter plus avant la composition de ce all stars : des très grands.
Jusqu’au dernier moment les musiciens et Armand Meignan ont hésité avant d’annuler, mais des bourrasques infernales balayaient la scène dont les côtés n’étaient pas protégés et la moquette était gorgée d’eau… Trop de risques du côté des branchements électriques.
Vincent Peirani, Manu Codjia, Emile Parisien… dépités et trempés
Linley Marthe et Paco Sery attendent, à l’abri, la décision de maintien ou d’annulation du concert
Exit aussi un peu plus tard le concert de Ping Machine. Les 16 musiciens patientaient en coulisses, espérant eux aussi, jusqu’au dernier moment, que le concert ait lieu.
La pluie s’étant finalement calmée les 14 musiciens du Spanish Harlem Orchestra purent se produire à 21h. Mais le fond de l’air était vraiment frais et humide et pour ce final festif et populaire consacré au Latin Jazz et à la Salsa Dura de Nueva York il y eut beaucoup moins de monde que d’habitude devant la scène nautique. Dommage…
Globalement, malgré ce malencontreux épisode pluvieux final, l’édition 2017 des RDVE fut remarquable et passionnante. Félicitations à la belle équipe des RDVE et à ses deux maitres d’oeuvre: Armand Meignan et Loïc Breteau. Pleinement soutenus par le Président de l’association organisatrice de l’événement (L’Association Culturelle de l’Eté): Nicolas Visier.
Loïc Breteau, Armand Meignan, Nicolas Visier/Photo Ouest France : partenaire des RDVE
Coda : Mot d’excuses
La publication de cette chronique est un peu tardive…
En cette période de rentrée scolaire je vais donc sacrifier à un rite de collégien : le mot d’excuses. Adressé aux responsables du jazzlive.
« Messieurs
Je vous prie d’excuser mon retard à vous remettre ma rédaction sur les RDVE. Mais, ma mère a été malade (c’est vrai), mon ordinateur a dysfonctionné (promis juré…), j’ai été obligé de participer à des fêtes familiales chronophages (« annifs » divers et tout et tout)…
Je peux ajouter aussi que je suis affecté d’une tendance pathologique à la procrastination. J’ai voulu me faire soigner par un spécialiste et voilà ce que j’ai pu lire sur sa plaque en arrivant devant son cabinet:
Merci donc Messieurs de bien vouloir accepter mes sincères excuses.
PHA »
* Les jours précédents l’inauguration du jeudi soir, en prélude, des « petits » (rien de péjoratif), mais stimulants, événements étaient aussi programmés dans et autour de Nantes…
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Du 31 août au 3 septembre s’est déroulée la 31ème édition des Rendez Vous de l’Erdre (RVDE) : quatre jours de plaisirs intenses et variés au bord d’une belle rivière. Découvertes, confirmations, surprises, imprévus, rencontres, retrouvailles, papotages…
Un concept original et unique : Jazz & Belle Plaisance.
La belle plaisance est une pratique populaire très prisée ici. Sur les 28 kms navigables de l’Erdre, en partant du port de Nort sur Erdre, des centaines d’embarcations modestes et disparates glissent joyeusement pour arriver au pied de la scène nautique du festival au coeur de Nantes. A bord, des « équipages » souvent déguisés et quelques mini fanfares délurées… Des kayaks individuels côtoient de petits voiliers et des vieilles « barques » où des équipes de rameurs imitent avec humour les compétitions d’aviron. Spectacle coloré et assez incroyable. On est bien loin, et cela nous réjouit, des parvenus de la French Riviera sur leurs énormes yachts ostentatoires et obscènes. Souvent ridicules avec leurs casquettes de capitaine « bidon » et leurs blazers, avec armoiries tout aussi « bidon » sur la poche poitrine.
Côté jazz: plus de soixante concerts. Tous les styles de l’histoire du jazz (ou des musiques cousines et voisines) programmés sur 9 scènes, dont une nautique ! Plusieurs centaines de musiciens : ligériens (ie : du bassin de la Loire), hexagonaux, européens, américains (du nord et du sud), africains… Têtes d’affiche ou talents émergents. Plus un Tremplin Blues qui attire beaucoup de monde.
Le tout gratuit. Oui, gratuit…
Mais, comme le précise Armand Meignan, directeur artistique de la manifestation : «la programmation répond à la même exigence et à la même qualité que celle d’un festival de jazz payant».
Pas étonnant donc que des dizaines de milliers de personnes aient déambulé sur les bords de l’Erdre pendant ce premier week-end de septembre à la veille de la rentrée scolaire.
Philippe Meziat et Pascal Anquetil ont déjà publié (les 2, 3, 7 et 10 septembre) sur ce même jazzlive de jazzmagazine.com des chroniques, talentueuses comme toujours, évoquant quelques grands moments des RDVE 2017 : « leurs » grands moments.
L’abondance des propositions faites par les RDVE pose problème aux chroniqueurs… Il est absolument impossible d’assister à tout !
Alors on baguenaude à partir d’un planning « perso » laborieusement établi en « travaillant » la pléthorique grille des programmes. Planning qui doit prendre en compte le paramètre « distances à parcourir » entre les différentes scènes. Car le trekking urbain est une activité redoutable pour les articulations et le système circulatoire du jazzcritic senior + ! Mais… ce planning serré « explose » au premier virage car à tous les coins de rue et devant chaque podium, des rencontres et retrouvailles inattendues perturbent ces prévisions soigneusement élaborées.
Ici les balances ont lieu en public (rappel : toutes les scènes sont « ouvertes ») et cela ravit le public des fidèles jazzfans nantais. Assister aux balances est passionnant. Cet exercice est habituellement réservé seulement à quelques happy fews (« balances interdites au public » est un panneau qui fleurit dans la plupart des concerts et festivals). En y étant présent on apprend beaucoup de choses sur le (difficile) métier de jazzman (travail méticuleux du son, derniers calages de la liste des morceaux prévus, …).
Jeudi 31 août
Pour fêter la rénovation, fort réussie, du Musée des Arts de Nantes, les RDVE avait invité, en partenariat avec le musée, le Quatuor Machaut dans une grande salle du lieu. Elle fut très vite envahie par une foule imposante. Plusieurs salles latérales furent mises à contribution pour contenir l’affluence.
Double plaisir pour les présents : visiter gratuitement le musée qui possède et expose moult œuvres riches et rares (mises en valeur par une muséographie aérée et originale) et découvrir la très étonnante ré-interprétation par le Quatuor Machaut de la « Messe Notre Dame », composée par Guillaume de Machaut en… 1365 ! Quentin Biardeau, subjugué par cette partition polyphonique, l’a transcrite pour quatre saxophonistes et l’a ouverte à l’improvisation. Décoiffant. Interprétée, qui plus est, juste à côté de la salle dédiée à Kandisky… un pionnier de l’art abstrait ! Belle coïncidence.
A la sortie de leur disque (chez le toujours surprenant et créatif label Ayler Records), Stéphane Ollivier écrivait dans Jazz Magazine: « Le quatuor Machaut crée une musique d’une grande puissance poétique où la sensualité des timbres et des textures touche à la métaphysique pure ». M. Durand, dans Jazz News posait la question : « Grande messe free pour le temps présent ?». Réponse, clairement : oui !
Le Quatuor Machaut est Lauréat Jazz Migrations 2017.
Le lancement officiel* du long week-end des RDVE a lieu rituellement le jeudi soir dans le charmant petit port de Nort sur Erde. Beaucoup de monde, une atmosphère festive, familiale et conviviale. Beaucoup de monde sur l’esplanade qui jouxte les quais et beaucoup de plaisanciers aussi, piqueniquant en famille avec voisins et amis sur leurs embarcations hétéroclites et multicolores. Musiques populaires judicieusement programmées : du New-Orleans Revival et une fanfare balkanique volcanique. De 7 (et moins) à 77 ans (et plus) tout le monde ondule…
Vendredi 1er septembre
A la « cantine » (les « branchés » parlent de catering) du Festival (emplie de bénévoles, de techniciens et de membres des services de secours et de sécurité) Boulou et Elios Ferré finissent de dîner. Très anonymement. Pas vus depuis, disons presque 20 ans (au moins). Je ne fais pas partie, loin de là, du premier cercle de leurs intimes, mais quelques rares rencontres avaient été chaleureuses. Incroyable mémoire des musiciens: ils me reconnaissent et la boîte aux souvenirs s’ouvre! Nous parlons fort. On rigole. Plusieurs bénévoles s’approchent. «Tu te rappelles qu’à 13 ans [ndr : bien sûr… j’y étais!] j’ai fait la première partie de Coltrane à Antibes… A l’entracte il m’a invité dans sa loge et on a joué un blues avec Garrison à la basse! [ndr: m… je n’y étais pas!]. Est ce que tu connais la vidéo où à 14 ans je joue Bluesette dans une émission de télé avec Baden Powel, Elek Bacsik et Sacha Distel ? Cherche sur ton smartphone… ». On trouve la vidéo, beaucoup de personnes nous entourent désormais et découvrent ravis l’étonnante séquence que Boulou commente hilare. Une vidéaste amateur filme Boulou, 66 ans, en train de se regarder tout gamin… « Mon père jouait avec Django, moi j’ai fait des études classiques, j’ai travaillé avec Messian. J’étais un enfant prodige… Comme Barney Wilen»…
Cette vidéo postée sur ma page facebook (ouverte à tous) a été visionnée plusieurs centaines de fois!
L’accompagnateur bénévole chargé de guider les frères Ferré vers les lieux du concert commence, inquiet, à regarder sa montre… La scène Swing (au RDVE chaque scène est identifiée par un patronyme et une couleur musicale) n’est pas très loin certes mais ici les concerts commencent à l’heure…
Depuis belle lurette les frères Ferré ne jouent plus de jazz dit manouche… Ils se régalent en se lançant, en grande complicité, des défis harmoniques sur des thèmes bop ou des standards et rendent hommage, entre autres, à Lennie Tristano que Boulou adore. Puis soudain, contrepied, ils se lancent dans une version ultra lyrique de « What a wonderful world ». Désormais senior, Boulou est visiblement toujours aussi heureux de jouer et de surprendre.
Boulou et Ellios sur la scène Swing des RDVE
Exactement à la même heure que la prestation de Frères Ferré (rappel: la grille horaire des concerts est plus qu’« opulente »…) a débuté un concert de Méderic Collignon avec son très électrique et très pêchu projet Wax’in sur la mythique scène Sully (fermée depuis 2 ans pour travaux, elle vient d’être rénovée et est restée dédiée au jazz actuel). A peine quitté la scène Swing et en pressant le pas j’arrive juste à temps pour entendre les dernières minutes incandescentes de Wax’in. Incroyable Médéric: au RDVE il a joué plus de 10 fois, en des contextes très divers. Il en était le «fil rouge» 2017. L’an dernier Louis Sclavis avait assumé cette incroyable fonction.
Chaque matin à 8 heures, pendant presque une semaine, sur les pontons de différents ports Médéric a même célébré des «levers de soleil».
Vous devez lire le CR de Pascal Anquetil dans le jazzlive du 10 septembre pour tout savoir sur les «exploits» nantais de l’infatigable (et toujours taquin, facétieux et gouailleur) Médéric. Le bénévole accompagnateur de Médéric s’est arraché les cheveux tous les jours: pour aller d’une scène à l’autre le timing était très serré mais, en route, Médéric s’arrêtait tous les 20 mètres pour distribuer moult bises et balancer force vannes et jeux de mots avec des mimiques à la Tex Avery!
Sur la scène nautique à 22h30 le duo Terrasson/Belmondo (p/bugle et tp) avait invité le chanteur et joueur de guembri (et d’oud), Majid Bekkas. Souvenir ému: Xavier Matthysens (qui écrivait dans Jazz Magazine), disparu très jeune en 2002 (15 ans déjà), avait organisé plusieurs festivals au Maroc. Majid Bekkas qui travaillait à l’époque au Conservatoire de Rabat avait sympathisé avec Xavier qui l’avait encouragé à se lancer dans une carrière de soliste. Aujourd’hui Majid dans le monde de la world music et du jazz est devenu une pointure très sollicitée. Il a mis au point un système de sonorisation pour son guembri (l’ancêtre archaïque de la guitare basse, pour le dire vite) qui lui permet d’avoir un son puissant et précis. Belle réussite. Majid s’est intégré parfaitement à la belle complicité du duo où le son ouaté du bugle se marie à merveille aux accords affectueux du piano. Terrasson et Belmondo ont enregistré le très remarqué Cd Mother chez Impulse, et ils jouent beaucoup depuis deux ans dans de très nombreux festivals et concerts. Au RDVE le trio a trouvé une belle couleur sonore. Originale et envoûtante.
Stephane Belmondo/Majid Bekkas
Le guembri « customisé » avec « équaliseur » incorporé…
Samedi 2 septembre
Scène Sully (14h30) : Longue balance pour le Daniel Zimmermann Quartet avant son concert de 15H30.
Le quartet était programmé ici pour un set de seulement 60 minutes. En concert, habituellement, le groupe joue généreusement presque 2 heures! Le leader avait donc dû choisir seulement 7 thèmes parmi les 11 qu’il a composé et enregistré pour son superbe CD « Montagnes Russes».
Tous les membres du nouveau groupe de Daniel Zimmermann sont des « pointures » de la scène française. Leurs CV sont impressionnants (euphémisme). Ce sont tous des sidemen très recherchés.
La rythmique est à la fois ferme et souple. Jérôme Regard (elb) est fort apprécié pour son groove et ses qualités d’écoute et d’accompagnement par les innombrables musiciens qui le sollicitent (son agenda est surbooké). Impressionnant d’aisance technique tout en restant discret. Il n’imite jamais le son d’un décollage de Boeing 727 en jouant au célèbre jeu de l’époque du jazzrock : «le premier arrivé attend les autres au tas de sable »! Julien Charlet (dr) musicien impulsif et volcanique, est un des rares batteurs reconnus par ses pairs comme étant aussi à l’aise dans les contextes binaires que ternaires. Lui aussi joue (et a joué) avec beaucoup de groupes depuis une vingtaine d’années dans des contextes aussi bien hardbop que free, groove ou fusion. Son drumming fougueux fait actuellement merveille notamment, entre autres, avec les Volunteered Slaves (un combo qui lui tient particulièrement à cœur). Avec ses inspirations rageuses Pierre Durand (g) est un rouage essentiel du groupe. Son amour du blues, aux couleurs multiples, transparait clairement aussi bien dans ses accompagnements que dans ses solos.
Enfin le leader Daniel Zimmermann (tb), l’alchimiste virtuose du quartet, le maître « es coulisse » : « Dans la coulisse cette homme est grand » (Frédéric Goaty).
Une musique originale et inventive, tout en étant simple, actuelle et généreuse. Estampillée (globalement) jazz mais nourrie d’influences funk, pop et new-orleans (ne pas oublier que le trombone a joué un grand rôle dans la naissance du jazz à la Nouvelle Orléans) …
A partir des compositions subtiles et efficaces du leader, le spectateur est convié à voyager, agréablement surpris, dans ces Montagnes Russes à la fois rythmiques et mélodiques. Energie et émotion omniprésentes.
Un grand moment des RDVE 2017.
Pierre Durand, Jerôme Regard, Daniel Zimmermann, Julien Charlet
Daniel Zimmermann pendant la balance
Scène nautique (19 h) : Togetherness par le Quintet de Pierrick Menuau.
Rendre hommage à Don Cherry en interprétant les thèmes de son mythique album de 1966 Togetherness : superbe idée. Armand Meignan a accepté, sacré pari, de financer ce projet (deux musiciens venus spécialement de New-York pour cette seule date). Pierrick Menuau (ts) est responsable de la classe jazz du Conservatoire d’Angers. Il a su fédérer un étonnant quintet intergénérationnel. Du trentenaire Julien Touery au piano (qui a suivi les classes jazz du collège de Marciac avec Emile Parisien), à Barry Altschul (75 ans, en pleine forme: batteur emblématique des bouillonnantes années 80) au quadra Yoann Loustalot (tp) en passant par le sexagénaire épanoui Santi Debriano (b). Santi n’était pas venu depuis longtemps en France où il a beaucoup joué dans les années 70 et 80 avec Archie Shepp et Sam Rivers, entre autres. Il prend des nouvelles d’Archie Shepp qu’il n’a pas rencontré depuis longtemps. Il est heureux d’apprendre qu’Archie, à 80 ans, est en pleine forme.
La musique de D. Cherry, composée et jouée à l’époque de sa splendeur, n’a pas pris une ride. Et elle a généré à Nantes une entente fusionnelle entre les membres du quintet. Lire le CR de Philippe Méziat dans son jazz live du 3 septembre.
Barry Altschul et Santi Debriano
Julien Touery, Santi Debriano, Barry Altschul, Pierrick Menuau et Yoann Loustalot
Barry sur le départ avec son précieux set de cymbales
Scène Mix Jazz (20h) : Charlemagne Palestine
Charlemagne Palestine : un personnage… C’est le moins qu’on puisse dire.
Son CV le confirme (à googleliser pour en savoir plus). Créateur (musicien et plasticien) iconoclaste (ce n’est bien sûr pas un défaut en la matière). Il aime Terry Riley, La Monte Young et Philip Glass (entre autres…). Très envie de l’entendre. Mais toujours cette grille des programmes infernale et l’éloignement de la scène Mix Jazz… Le jazz critic, après avoir discuté un peu trop longtemps avec les musiciens de Togetherness, arrive, essoufflé, au moment où Charlemagne range son « set » un peu étrange.
Dialogue avec une spectatrice : «C’était comment?», «Euh bizarre…», «Normal [ici le jazz critic, qui a lu la notice wikipédia fait le malin], il est de l’école minimaliste…», «Ah bon!»… On en est resté là!
En tous cas il faut dire à quel point la programmation de la scène Mix Jazz dédiée aux musiques actuelles est surprenante. Coup de chapeau à Estelle Beauvineau la programmatrice de cette scène avant gardiste mais pas que.
Le même soir à 22 heures Freaks, le groupe décoiffant des frères Ceccaldi était programmé au Mix Jazz. Loupé aussi. Le concert de Daniel Mille a fini vers 22 h 15. Suivi d’une bonne vingtaine de minutes de parlottes avec les musiciens… L’état des rotules du jazz critic, plus un manque d’entraînement certain pour la marche nordique en milieu urbain l’ont dissuadé de rejoindre le Mix Jazz fort éloigné de la scène Sully! Où il serait arrivé dans tous les cas beaucoup trop tard…
Dur dur la vie de jazzcritic aux RDVE…
Scène Sully 21 h. Daniel Mille et son hommage à Piazzola
Le projet Piazzola de Daniel Mille est à la lisière du jazz, de la world et du classique: jazz par le style et le background de l’artiste, world-classique par le sujet musical. Très loin des clichés du tango, Daniel Mille (acc) accompagné uniquement par des cordes (violoncelles et contrebasse) propose un traitement unique, tout en intimité et subtilité, de l’univers de Piazzolla. Le groupe respire comme un seul homme. Univers poétique, élégant. Un « moment de grâce ».
Diego Imbert (b) est omniprésent dans cette création. Grand maître de la walking bass de la scène française il joue beaucoup avec l’archet dans ce projet.
Il nous annonce, très heureux, la sortie imminente de son nouvel album avec Enrico Pieranunzi (p) et André Ceccarelli: «Tribute to Charlie Haden».
Scène Nautique 22 H 30. Médéric Collignon & Jus de Bocse : MoOvies
Médéric Collignon et son quartet survitaminé « Jus de Bocse » revisite avec MoOvies quelques BO de films cultes. «Une odyssée où l’image s’écoute et la musique est image». Médéric Collignon est partout, il joue de plusieurs instruments (du cornet au clavier Korg), chante, scatte, yodelle, cite des dialogues de film et entraine ses compagnons dans des improvisations qui mènent à l’ivresse.
«Affronter» la scène nautique aux RDVE est une dure épreuve (le public est loin de la scène séparé par plusieurs dizaine de mètres d’eau clapotante…). Médéric a su maîtriser ces contraintes avec sa vitalité « premium » habituelle. A Nantes le projet MoOvies était, qui plus est, boosté par la présence d’Eutepé (Ensemble de Trompettes de Paris).
Rappel (encore!) : lire le jazzlive de Pascal Anquetil du 10 septembre.
Dimanche 3 septembre… « Il pleut sur Nantes »
Dimanche des parapluies passent près de la colonne Morris…
Scène Swing (début d’après midi) : Grande fête du jazz New-Orleans
On se répète… tous les jazz sont programmés ici…
Même le jazz « archaïque » des débuts.
Joué en ligne par des musiciens assis.
Un septet composé de pointures du jazz traditionnel (fr, usa, gb) a fait danser le bop (comme au Caveau de la Huchette) à de nombreux membres de l’association nantaise « Youpi Swing ».
Mentions spéciales pour Boss Queraud (tp) et Tom Sancton (cl). Gardiens du temple de cette musique aujourd’hui fort méconnue.
Info (en exclusivité!) : Nantes s’apprête à évoquer en grande pompe ce « jazz d’avant le jazz » en célébrant en 2018 le centenaire de la première prestation, sur la scène d’un opéra européen (le Théâtre Graslin), du grand orchestre de Jim Europe, composé de soldats afro-américains. La presse locale avait annoncé alors un programme de « Chants populaires américains ».
Scène Sully (16 h). Rita Marcotulli/Mathieu Donarier/Sebastien Boisseau Trio
En milieu d’après midi une bruine, encore « acceptable » (la scène est protégée), commence à perturber les RDVE… Balance et concert du trio ont quand même pu avoir lieu. Le public toujours passionné des fidèles de la Scène Sully est là. Imperturbables : cirés, parkas, kway, parapluies… Ils restent, presque tous, même quand la pluie commence à se déchaîner.
Belle idée (une de plus…) d’avoir invité Rita Marcotulli (p), la grande dame du piano italien, peu programmée ces dernières années dans l’hexagone. Où elle a pourtant de nombreux amis musiciens. Comme Sébastien Boisseau (b) et Matthieu Donarier (sax) qu’elle a invités pour une conversation musicale, franco-italienne, raffinée et lyrique (voir le jazzlive de Philippe Meziat du 7 septembre).
Rita Marcotulli, Sebastien Boisseau, Matthieu Donarier
Vers 17 heures des trombes d’eaux s’abattent sur Nantes et pour la première fois aux RDVE deux concerts (très attendus qui plus est) sont annulés !
Exit le projet Parisien/Peirani Octet File Under Zawinul.
Grosse déception. Musiciens dépités…
Frédéric Goaty dans un post sur Facebook avait dit à quel point le concert du groupe, la veille à La Villette, avait été enthousiasmant. Avec le superbe « All Stars » monté spécialement pour ce projet. Linley Marthe, Paco Séry, Mino Cinelu… Plus les complices habituels d’Emile Parisien (qui a vécu un exceptionnel été 2017 avec entre autres le grand et étonnant moment de son concert de Marciac avec Marsalis…): Manu Codjia et Vincent Peirani. Inutile de commenter plus avant la composition de ce all stars : des très grands.
Jusqu’au dernier moment les musiciens et Armand Meignan ont hésité avant d’annuler, mais des bourrasques infernales balayaient la scène dont les côtés n’étaient pas protégés et la moquette était gorgée d’eau… Trop de risques du côté des branchements électriques.
Vincent Peirani, Manu Codjia, Emile Parisien… dépités et trempés
Linley Marthe et Paco Sery attendent, à l’abri, la décision de maintien ou d’annulation du concert
Exit aussi un peu plus tard le concert de Ping Machine. Les 16 musiciens patientaient en coulisses, espérant eux aussi, jusqu’au dernier moment, que le concert ait lieu.
La pluie s’étant finalement calmée les 14 musiciens du Spanish Harlem Orchestra purent se produire à 21h. Mais le fond de l’air était vraiment frais et humide et pour ce final festif et populaire consacré au Latin Jazz et à la Salsa Dura de Nueva York il y eut beaucoup moins de monde que d’habitude devant la scène nautique. Dommage…
Globalement, malgré ce malencontreux épisode pluvieux final, l’édition 2017 des RDVE fut remarquable et passionnante. Félicitations à la belle équipe des RDVE et à ses deux maitres d’oeuvre: Armand Meignan et Loïc Breteau. Pleinement soutenus par le Président de l’association organisatrice de l’événement (L’Association Culturelle de l’Eté): Nicolas Visier.
Loïc Breteau, Armand Meignan, Nicolas Visier/Photo Ouest France : partenaire des RDVE
Coda : Mot d’excuses
La publication de cette chronique est un peu tardive…
En cette période de rentrée scolaire je vais donc sacrifier à un rite de collégien : le mot d’excuses. Adressé aux responsables du jazzlive.
« Messieurs
Je vous prie d’excuser mon retard à vous remettre ma rédaction sur les RDVE. Mais, ma mère a été malade (c’est vrai), mon ordinateur a dysfonctionné (promis juré…), j’ai été obligé de participer à des fêtes familiales chronophages (« annifs » divers et tout et tout)…
Je peux ajouter aussi que je suis affecté d’une tendance pathologique à la procrastination. J’ai voulu me faire soigner par un spécialiste et voilà ce que j’ai pu lire sur sa plaque en arrivant devant son cabinet:
Merci donc Messieurs de bien vouloir accepter mes sincères excuses.
PHA »
* Les jours précédents l’inauguration du jeudi soir, en prélude, des « petits » (rien de péjoratif), mais stimulants, événements étaient aussi programmés dans et autour de Nantes…
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Du 31 août au 3 septembre s’est déroulée la 31ème édition des Rendez Vous de l’Erdre (RVDE) : quatre jours de plaisirs intenses et variés au bord d’une belle rivière. Découvertes, confirmations, surprises, imprévus, rencontres, retrouvailles, papotages…
Un concept original et unique : Jazz & Belle Plaisance.
La belle plaisance est une pratique populaire très prisée ici. Sur les 28 kms navigables de l’Erdre, en partant du port de Nort sur Erdre, des centaines d’embarcations modestes et disparates glissent joyeusement pour arriver au pied de la scène nautique du festival au coeur de Nantes. A bord, des « équipages » souvent déguisés et quelques mini fanfares délurées… Des kayaks individuels côtoient de petits voiliers et des vieilles « barques » où des équipes de rameurs imitent avec humour les compétitions d’aviron. Spectacle coloré et assez incroyable. On est bien loin, et cela nous réjouit, des parvenus de la French Riviera sur leurs énormes yachts ostentatoires et obscènes. Souvent ridicules avec leurs casquettes de capitaine « bidon » et leurs blazers, avec armoiries tout aussi « bidon » sur la poche poitrine.
Côté jazz: plus de soixante concerts. Tous les styles de l’histoire du jazz (ou des musiques cousines et voisines) programmés sur 9 scènes, dont une nautique ! Plusieurs centaines de musiciens : ligériens (ie : du bassin de la Loire), hexagonaux, européens, américains (du nord et du sud), africains… Têtes d’affiche ou talents émergents. Plus un Tremplin Blues qui attire beaucoup de monde.
Le tout gratuit. Oui, gratuit…
Mais, comme le précise Armand Meignan, directeur artistique de la manifestation : «la programmation répond à la même exigence et à la même qualité que celle d’un festival de jazz payant».
Pas étonnant donc que des dizaines de milliers de personnes aient déambulé sur les bords de l’Erdre pendant ce premier week-end de septembre à la veille de la rentrée scolaire.
Philippe Meziat et Pascal Anquetil ont déjà publié (les 2, 3, 7 et 10 septembre) sur ce même jazzlive de jazzmagazine.com des chroniques, talentueuses comme toujours, évoquant quelques grands moments des RDVE 2017 : « leurs » grands moments.
L’abondance des propositions faites par les RDVE pose problème aux chroniqueurs… Il est absolument impossible d’assister à tout !
Alors on baguenaude à partir d’un planning « perso » laborieusement établi en « travaillant » la pléthorique grille des programmes. Planning qui doit prendre en compte le paramètre « distances à parcourir » entre les différentes scènes. Car le trekking urbain est une activité redoutable pour les articulations et le système circulatoire du jazzcritic senior + ! Mais… ce planning serré « explose » au premier virage car à tous les coins de rue et devant chaque podium, des rencontres et retrouvailles inattendues perturbent ces prévisions soigneusement élaborées.
Ici les balances ont lieu en public (rappel : toutes les scènes sont « ouvertes ») et cela ravit le public des fidèles jazzfans nantais. Assister aux balances est passionnant. Cet exercice est habituellement réservé seulement à quelques happy fews (« balances interdites au public » est un panneau qui fleurit dans la plupart des concerts et festivals). En y étant présent on apprend beaucoup de choses sur le (difficile) métier de jazzman (travail méticuleux du son, derniers calages de la liste des morceaux prévus, …).
Jeudi 31 août
Pour fêter la rénovation, fort réussie, du Musée des Arts de Nantes, les RDVE avait invité, en partenariat avec le musée, le Quatuor Machaut dans une grande salle du lieu. Elle fut très vite envahie par une foule imposante. Plusieurs salles latérales furent mises à contribution pour contenir l’affluence.
Double plaisir pour les présents : visiter gratuitement le musée qui possède et expose moult œuvres riches et rares (mises en valeur par une muséographie aérée et originale) et découvrir la très étonnante ré-interprétation par le Quatuor Machaut de la « Messe Notre Dame », composée par Guillaume de Machaut en… 1365 ! Quentin Biardeau, subjugué par cette partition polyphonique, l’a transcrite pour quatre saxophonistes et l’a ouverte à l’improvisation. Décoiffant. Interprétée, qui plus est, juste à côté de la salle dédiée à Kandisky… un pionnier de l’art abstrait ! Belle coïncidence.
A la sortie de leur disque (chez le toujours surprenant et créatif label Ayler Records), Stéphane Ollivier écrivait dans Jazz Magazine: « Le quatuor Machaut crée une musique d’une grande puissance poétique où la sensualité des timbres et des textures touche à la métaphysique pure ». M. Durand, dans Jazz News posait la question : « Grande messe free pour le temps présent ?». Réponse, clairement : oui !
Le Quatuor Machaut est Lauréat Jazz Migrations 2017.
Le lancement officiel* du long week-end des RDVE a lieu rituellement le jeudi soir dans le charmant petit port de Nort sur Erde. Beaucoup de monde, une atmosphère festive, familiale et conviviale. Beaucoup de monde sur l’esplanade qui jouxte les quais et beaucoup de plaisanciers aussi, piqueniquant en famille avec voisins et amis sur leurs embarcations hétéroclites et multicolores. Musiques populaires judicieusement programmées : du New-Orleans Revival et une fanfare balkanique volcanique. De 7 (et moins) à 77 ans (et plus) tout le monde ondule…
Vendredi 1er septembre
A la « cantine » (les « branchés » parlent de catering) du Festival (emplie de bénévoles, de techniciens et de membres des services de secours et de sécurité) Boulou et Elios Ferré finissent de dîner. Très anonymement. Pas vus depuis, disons presque 20 ans (au moins). Je ne fais pas partie, loin de là, du premier cercle de leurs intimes, mais quelques rares rencontres avaient été chaleureuses. Incroyable mémoire des musiciens: ils me reconnaissent et la boîte aux souvenirs s’ouvre! Nous parlons fort. On rigole. Plusieurs bénévoles s’approchent. «Tu te rappelles qu’à 13 ans [ndr : bien sûr… j’y étais!] j’ai fait la première partie de Coltrane à Antibes… A l’entracte il m’a invité dans sa loge et on a joué un blues avec Garrison à la basse! [ndr: m… je n’y étais pas!]. Est ce que tu connais la vidéo où à 14 ans je joue Bluesette dans une émission de télé avec Baden Powel, Elek Bacsik et Sacha Distel ? Cherche sur ton smartphone… ». On trouve la vidéo, beaucoup de personnes nous entourent désormais et découvrent ravis l’étonnante séquence que Boulou commente hilare. Une vidéaste amateur filme Boulou, 66 ans, en train de se regarder tout gamin… « Mon père jouait avec Django, moi j’ai fait des études classiques, j’ai travaillé avec Messian. J’étais un enfant prodige… Comme Barney Wilen»…
Cette vidéo postée sur ma page facebook (ouverte à tous) a été visionnée plusieurs centaines de fois!
L’accompagnateur bénévole chargé de guider les frères Ferré vers les lieux du concert commence, inquiet, à regarder sa montre… La scène Swing (au RDVE chaque scène est identifiée par un patronyme et une couleur musicale) n’est pas très loin certes mais ici les concerts commencent à l’heure…
Depuis belle lurette les frères Ferré ne jouent plus de jazz dit manouche… Ils se régalent en se lançant, en grande complicité, des défis harmoniques sur des thèmes bop ou des standards et rendent hommage, entre autres, à Lennie Tristano que Boulou adore. Puis soudain, contrepied, ils se lancent dans une version ultra lyrique de « What a wonderful world ». Désormais senior, Boulou est visiblement toujours aussi heureux de jouer et de surprendre.
Boulou et Ellios sur la scène Swing des RDVE
Exactement à la même heure que la prestation de Frères Ferré (rappel: la grille horaire des concerts est plus qu’« opulente »…) a débuté un concert de Méderic Collignon avec son très électrique et très pêchu projet Wax’in sur la mythique scène Sully (fermée depuis 2 ans pour travaux, elle vient d’être rénovée et est restée dédiée au jazz actuel). A peine quitté la scène Swing et en pressant le pas j’arrive juste à temps pour entendre les dernières minutes incandescentes de Wax’in. Incroyable Médéric: au RDVE il a joué plus de 10 fois, en des contextes très divers. Il en était le «fil rouge» 2017. L’an dernier Louis Sclavis avait assumé cette incroyable fonction.
Chaque matin à 8 heures, pendant presque une semaine, sur les pontons de différents ports Médéric a même célébré des «levers de soleil».
Vous devez lire le CR de Pascal Anquetil dans le jazzlive du 10 septembre pour tout savoir sur les «exploits» nantais de l’infatigable (et toujours taquin, facétieux et gouailleur) Médéric. Le bénévole accompagnateur de Médéric s’est arraché les cheveux tous les jours: pour aller d’une scène à l’autre le timing était très serré mais, en route, Médéric s’arrêtait tous les 20 mètres pour distribuer moult bises et balancer force vannes et jeux de mots avec des mimiques à la Tex Avery!
Sur la scène nautique à 22h30 le duo Terrasson/Belmondo (p/bugle et tp) avait invité le chanteur et joueur de guembri (et d’oud), Majid Bekkas. Souvenir ému: Xavier Matthysens (qui écrivait dans Jazz Magazine), disparu très jeune en 2002 (15 ans déjà), avait organisé plusieurs festivals au Maroc. Majid Bekkas qui travaillait à l’époque au Conservatoire de Rabat avait sympathisé avec Xavier qui l’avait encouragé à se lancer dans une carrière de soliste. Aujourd’hui Majid dans le monde de la world music et du jazz est devenu une pointure très sollicitée. Il a mis au point un système de sonorisation pour son guembri (l’ancêtre archaïque de la guitare basse, pour le dire vite) qui lui permet d’avoir un son puissant et précis. Belle réussite. Majid s’est intégré parfaitement à la belle complicité du duo où le son ouaté du bugle se marie à merveille aux accords affectueux du piano. Terrasson et Belmondo ont enregistré le très remarqué Cd Mother chez Impulse, et ils jouent beaucoup depuis deux ans dans de très nombreux festivals et concerts. Au RDVE le trio a trouvé une belle couleur sonore. Originale et envoûtante.
Stephane Belmondo/Majid Bekkas
Le guembri « customisé » avec « équaliseur » incorporé…
Samedi 2 septembre
Scène Sully (14h30) : Longue balance pour le Daniel Zimmermann Quartet avant son concert de 15H30.
Le quartet était programmé ici pour un set de seulement 60 minutes. En concert, habituellement, le groupe joue généreusement presque 2 heures! Le leader avait donc dû choisir seulement 7 thèmes parmi les 11 qu’il a composé et enregistré pour son superbe CD « Montagnes Russes».
Tous les membres du nouveau groupe de Daniel Zimmermann sont des « pointures » de la scène française. Leurs CV sont impressionnants (euphémisme). Ce sont tous des sidemen très recherchés.
La rythmique est à la fois ferme et souple. Jérôme Regard (elb) est fort apprécié pour son groove et ses qualités d’écoute et d’accompagnement par les innombrables musiciens qui le sollicitent (son agenda est surbooké). Impressionnant d’aisance technique tout en restant discret. Il n’imite jamais le son d’un décollage de Boeing 727 en jouant au célèbre jeu de l’époque du jazzrock : «le premier arrivé attend les autres au tas de sable »! Julien Charlet (dr) musicien impulsif et volcanique, est un des rares batteurs reconnus par ses pairs comme étant aussi à l’aise dans les contextes binaires que ternaires. Lui aussi joue (et a joué) avec beaucoup de groupes depuis une vingtaine d’années dans des contextes aussi bien hardbop que free, groove ou fusion. Son drumming fougueux fait actuellement merveille notamment, entre autres, avec les Volunteered Slaves (un combo qui lui tient particulièrement à cœur). Avec ses inspirations rageuses Pierre Durand (g) est un rouage essentiel du groupe. Son amour du blues, aux couleurs multiples, transparait clairement aussi bien dans ses accompagnements que dans ses solos.
Enfin le leader Daniel Zimmermann (tb), l’alchimiste virtuose du quartet, le maître « es coulisse » : « Dans la coulisse cette homme est grand » (Frédéric Goaty).
Une musique originale et inventive, tout en étant simple, actuelle et généreuse. Estampillée (globalement) jazz mais nourrie d’influences funk, pop et new-orleans (ne pas oublier que le trombone a joué un grand rôle dans la naissance du jazz à la Nouvelle Orléans) …
A partir des compositions subtiles et efficaces du leader, le spectateur est convié à voyager, agréablement surpris, dans ces Montagnes Russes à la fois rythmiques et mélodiques. Energie et émotion omniprésentes.
Un grand moment des RDVE 2017.
Pierre Durand, Jerôme Regard, Daniel Zimmermann, Julien Charlet
Daniel Zimmermann pendant la balance
Scène nautique (19 h) : Togetherness par le Quintet de Pierrick Menuau.
Rendre hommage à Don Cherry en interprétant les thèmes de son mythique album de 1966 Togetherness : superbe idée. Armand Meignan a accepté, sacré pari, de financer ce projet (deux musiciens venus spécialement de New-York pour cette seule date). Pierrick Menuau (ts) est responsable de la classe jazz du Conservatoire d’Angers. Il a su fédérer un étonnant quintet intergénérationnel. Du trentenaire Julien Touery au piano (qui a suivi les classes jazz du collège de Marciac avec Emile Parisien), à Barry Altschul (75 ans, en pleine forme: batteur emblématique des bouillonnantes années 80) au quadra Yoann Loustalot (tp) en passant par le sexagénaire épanoui Santi Debriano (b). Santi n’était pas venu depuis longtemps en France où il a beaucoup joué dans les années 70 et 80 avec Archie Shepp et Sam Rivers, entre autres. Il prend des nouvelles d’Archie Shepp qu’il n’a pas rencontré depuis longtemps. Il est heureux d’apprendre qu’Archie, à 80 ans, est en pleine forme.
La musique de D. Cherry, composée et jouée à l’époque de sa splendeur, n’a pas pris une ride. Et elle a généré à Nantes une entente fusionnelle entre les membres du quintet. Lire le CR de Philippe Méziat dans son jazz live du 3 septembre.
Barry Altschul et Santi Debriano
Julien Touery, Santi Debriano, Barry Altschul, Pierrick Menuau et Yoann Loustalot
Barry sur le départ avec son précieux set de cymbales
Scène Mix Jazz (20h) : Charlemagne Palestine
Charlemagne Palestine : un personnage… C’est le moins qu’on puisse dire.
Son CV le confirme (à googleliser pour en savoir plus). Créateur (musicien et plasticien) iconoclaste (ce n’est bien sûr pas un défaut en la matière). Il aime Terry Riley, La Monte Young et Philip Glass (entre autres…). Très envie de l’entendre. Mais toujours cette grille des programmes infernale et l’éloignement de la scène Mix Jazz… Le jazz critic, après avoir discuté un peu trop longtemps avec les musiciens de Togetherness, arrive, essoufflé, au moment où Charlemagne range son « set » un peu étrange.
Dialogue avec une spectatrice : «C’était comment?», «Euh bizarre…», «Normal [ici le jazz critic, qui a lu la notice wikipédia fait le malin], il est de l’école minimaliste…», «Ah bon!»… On en est resté là!
En tous cas il faut dire à quel point la programmation de la scène Mix Jazz dédiée aux musiques actuelles est surprenante. Coup de chapeau à Estelle Beauvineau la programmatrice de cette scène avant gardiste mais pas que.
Le même soir à 22 heures Freaks, le groupe décoiffant des frères Ceccaldi était programmé au Mix Jazz. Loupé aussi. Le concert de Daniel Mille a fini vers 22 h 15. Suivi d’une bonne vingtaine de minutes de parlottes avec les musiciens… L’état des rotules du jazz critic, plus un manque d’entraînement certain pour la marche nordique en milieu urbain l’ont dissuadé de rejoindre le Mix Jazz fort éloigné de la scène Sully! Où il serait arrivé dans tous les cas beaucoup trop tard…
Dur dur la vie de jazzcritic aux RDVE…
Scène Sully 21 h. Daniel Mille et son hommage à Piazzola
Le projet Piazzola de Daniel Mille est à la lisière du jazz, de la world et du classique: jazz par le style et le background de l’artiste, world-classique par le sujet musical. Très loin des clichés du tango, Daniel Mille (acc) accompagné uniquement par des cordes (violoncelles et contrebasse) propose un traitement unique, tout en intimité et subtilité, de l’univers de Piazzolla. Le groupe respire comme un seul homme. Univers poétique, élégant. Un « moment de grâce ».
Diego Imbert (b) est omniprésent dans cette création. Grand maître de la walking bass de la scène française il joue beaucoup avec l’archet dans ce projet.
Il nous annonce, très heureux, la sortie imminente de son nouvel album avec Enrico Pieranunzi (p) et André Ceccarelli: «Tribute to Charlie Haden».
Scène Nautique 22 H 30. Médéric Collignon & Jus de Bocse : MoOvies
Médéric Collignon et son quartet survitaminé « Jus de Bocse » revisite avec MoOvies quelques BO de films cultes. «Une odyssée où l’image s’écoute et la musique est image». Médéric Collignon est partout, il joue de plusieurs instruments (du cornet au clavier Korg), chante, scatte, yodelle, cite des dialogues de film et entraine ses compagnons dans des improvisations qui mènent à l’ivresse.
«Affronter» la scène nautique aux RDVE est une dure épreuve (le public est loin de la scène séparé par plusieurs dizaine de mètres d’eau clapotante…). Médéric a su maîtriser ces contraintes avec sa vitalité « premium » habituelle. A Nantes le projet MoOvies était, qui plus est, boosté par la présence d’Eutepé (Ensemble de Trompettes de Paris).
Rappel (encore!) : lire le jazzlive de Pascal Anquetil du 10 septembre.
Dimanche 3 septembre… « Il pleut sur Nantes »
Dimanche des parapluies passent près de la colonne Morris…
Scène Swing (début d’après midi) : Grande fête du jazz New-Orleans
On se répète… tous les jazz sont programmés ici…
Même le jazz « archaïque » des débuts.
Joué en ligne par des musiciens assis.
Un septet composé de pointures du jazz traditionnel (fr, usa, gb) a fait danser le bop (comme au Caveau de la Huchette) à de nombreux membres de l’association nantaise « Youpi Swing ».
Mentions spéciales pour Boss Queraud (tp) et Tom Sancton (cl). Gardiens du temple de cette musique aujourd’hui fort méconnue.
Info (en exclusivité!) : Nantes s’apprête à évoquer en grande pompe ce « jazz d’avant le jazz » en célébrant en 2018 le centenaire de la première prestation, sur la scène d’un opéra européen (le Théâtre Graslin), du grand orchestre de Jim Europe, composé de soldats afro-américains. La presse locale avait annoncé alors un programme de « Chants populaires américains ».
Scène Sully (16 h). Rita Marcotulli/Mathieu Donarier/Sebastien Boisseau Trio
En milieu d’après midi une bruine, encore « acceptable » (la scène est protégée), commence à perturber les RDVE… Balance et concert du trio ont quand même pu avoir lieu. Le public toujours passionné des fidèles de la Scène Sully est là. Imperturbables : cirés, parkas, kway, parapluies… Ils restent, presque tous, même quand la pluie commence à se déchaîner.
Belle idée (une de plus…) d’avoir invité Rita Marcotulli (p), la grande dame du piano italien, peu programmée ces dernières années dans l’hexagone. Où elle a pourtant de nombreux amis musiciens. Comme Sébastien Boisseau (b) et Matthieu Donarier (sax) qu’elle a invités pour une conversation musicale, franco-italienne, raffinée et lyrique (voir le jazzlive de Philippe Meziat du 7 septembre).
Rita Marcotulli, Sebastien Boisseau, Matthieu Donarier
Vers 17 heures des trombes d’eaux s’abattent sur Nantes et pour la première fois aux RDVE deux concerts (très attendus qui plus est) sont annulés !
Exit le projet Parisien/Peirani Octet File Under Zawinul.
Grosse déception. Musiciens dépités…
Frédéric Goaty dans un post sur Facebook avait dit à quel point le concert du groupe, la veille à La Villette, avait été enthousiasmant. Avec le superbe « All Stars » monté spécialement pour ce projet. Linley Marthe, Paco Séry, Mino Cinelu… Plus les complices habituels d’Emile Parisien (qui a vécu un exceptionnel été 2017 avec entre autres le grand et étonnant moment de son concert de Marciac avec Marsalis…): Manu Codjia et Vincent Peirani. Inutile de commenter plus avant la composition de ce all stars : des très grands.
Jusqu’au dernier moment les musiciens et Armand Meignan ont hésité avant d’annuler, mais des bourrasques infernales balayaient la scène dont les côtés n’étaient pas protégés et la moquette était gorgée d’eau… Trop de risques du côté des branchements électriques.
Vincent Peirani, Manu Codjia, Emile Parisien… dépités et trempés
Linley Marthe et Paco Sery attendent, à l’abri, la décision de maintien ou d’annulation du concert
Exit aussi un peu plus tard le concert de Ping Machine. Les 16 musiciens patientaient en coulisses, espérant eux aussi, jusqu’au dernier moment, que le concert ait lieu.
La pluie s’étant finalement calmée les 14 musiciens du Spanish Harlem Orchestra purent se produire à 21h. Mais le fond de l’air était vraiment frais et humide et pour ce final festif et populaire consacré au Latin Jazz et à la Salsa Dura de Nueva York il y eut beaucoup moins de monde que d’habitude devant la scène nautique. Dommage…
Globalement, malgré ce malencontreux épisode pluvieux final, l’édition 2017 des RDVE fut remarquable et passionnante. Félicitations à la belle équipe des RDVE et à ses deux maitres d’oeuvre: Armand Meignan et Loïc Breteau. Pleinement soutenus par le Président de l’association organisatrice de l’événement (L’Association Culturelle de l’Eté): Nicolas Visier.
Loïc Breteau, Armand Meignan, Nicolas Visier/Photo Ouest France : partenaire des RDVE
Coda : Mot d’excuses
La publication de cette chronique est un peu tardive…
En cette période de rentrée scolaire je vais donc sacrifier à un rite de collégien : le mot d’excuses. Adressé aux responsables du jazzlive.
« Messieurs
Je vous prie d’excuser mon retard à vous remettre ma rédaction sur les RDVE. Mais, ma mère a été malade (c’est vrai), mon ordinateur a dysfonctionné (promis juré…), j’ai été obligé de participer à des fêtes familiales chronophages (« annifs » divers et tout et tout)…
Je peux ajouter aussi que je suis affecté d’une tendance pathologique à la procrastination. J’ai voulu me faire soigner par un spécialiste et voilà ce que j’ai pu lire sur sa plaque en arrivant devant son cabinet:
Merci donc Messieurs de bien vouloir accepter mes sincères excuses.
PHA »
* Les jours précédents l’inauguration du jeudi soir, en prélude, des « petits » (rien de péjoratif), mais stimulants, événements étaient aussi programmés dans et autour de Nantes…