NattJazz, Bergen, Norvège, 25-28 mai
Voix, électronique et percussion, le jeune jazz norvégien suit la voie de ses aînés avec plus ou moins de bonheur. Toujours est-il que les programmateurs du festival basé à Bergen depuis 1972 n’hésitent pas à leur donner la première place pendant les premiers jours de la manifestation. Peut-on imaginer cela ailleurs ? Voice & String & Tympani rassemble (comme son nom l’indique presque) des voix, des cordes et des percussions (mais pas de timbales d’orchestre), sans oublier l’électronique (dont les multiples fils sont peut-être inclus dans les cordes). Le son est touffu, répétitif sans être lassant, susceptible de moduler à tout moment, créant ainsi la surprise — qui devient ainsi le second élément dominant, en combinaison avec une réitération à laquelle elle s’associe de façon quasi empathique.
A l’opposé de cela, l’après-midi, un jeune homme (Morten Qvenild) entouré de claviers et de cordons égrenait des grappes d’accords simplissimes tout en chantant sans beaucoup de grâce pour un groupe d’invités internationaux. « Se prend-il pour dieu : maître du chant, des touches et des ficelles ? », s’interroge un voisin En tout cas, déjà signé sur un label nordique, ce musicien faisait figure d’exemple des excès jeunistes septentrionaux. Quelques années en tant que sideman chez X ou Y ne feraient pas de mal à ce jeunot.
Quelques jours plus tard le même groupe d’invités entendait se mêler — devant une grange qu’encadrait un fjord sublime — le hard rock teinté de blues de la guitariste Hedvig Mollestad (elle et sa bassiste en robes rouges, leur batteur en chemise blanche-cravate) sur le fond vert du paysage — et le sax baryton free et sur-énergique de Mats Gustavson. Là encore, mélanges qu’osent volontiers les norvégiens et qui fonctionnent à merveille. Hard rock/ free : les passerelles devraient pourtant être évidentes pour quiconque possède une paire d’oreilles.
Le Trondheim Jazz Orchestra — qui, signalons-le au passage, ne joue jamais en France — a une solide réputation dans son pays d’origine. Une réputation méritée. Sur ce programme vocal dédié à Billie Holiday et pris en charge par la chanteuse Live Maria Roggen, l’orchestre déploie une palette de timbres somptueuse qui réussit à sonner d’époque sans jamais sombrer dans le ringard ou le plat revival. Et après ? Le TJO aura montré sa capacité à fonctionner comme un orchestre de répertoire. Mais ce n’est pas le registre dans lequel on le préfère. Toujours en journée et pour les happy few internationaux invités par Natt Jazz, en haut du funiculaire qui offre une vue imprenable sur Bergen, Hilde Marie Holsen : trompette et électronique… et tant d’électronique qu’on ne sait trop quand c’est vraiment elle qui souffle dans son instrument. Elle e une vingtaine d’années et nous dit que son idole est Harve Henriksen. Et voilà qui semble résumer la jeune génération norvégienne qu’on nous a présentée : après les pères défricheurs d’il y a une vingtaine d’années viennent les fils et filles idolâtres qui ont bien du mal à apporter du nouveau, obsédés qu’ils sont par un attirail technologique qui a été beaucoup exploré par la génération précédente. « Go west, young men/ women ! » a –t-on envie de dire à ces « fils/filles de » qui semblent croire que suivre les pas de leurs ainés dans un pays de 4,5 millions d’habitants peut éviter d’aller explorer le vaste monde.
Cette injonction s’applique au dernier « showcase » gentillet et très éloigné du jazz Mari & Stein : guitares, voix et électronique. Du chant naïf, de la guitare minimaliste, le tout fort bien joué mais avec quelles références? On entend les noms de Skip James et d’autres bluesmen antiques dont la vie n’a pas dû avoir grand choses à voir avec de jeunes norvégiens dont l’enfance à baigné dans l’électronique et l’argent du pétrole. Problème de racines, de toute évidence.
Bugge Wesseltoft donne un excellent contre-exemple, avec son groupe exclusivement jeune et féminin (sauf lui). Accroché à ses claviers, le vétéran indique des pistes et donne des indications à des instrumentistes (guitare, tabla, batterie…) qu’on sent libres d’alimenter la musique du claviériste de leurs propres intuitions, de leur énergie, en dehors de toute révérence générationnelle.
Quant à la jeune saxophoniste Hanna Paulsen, elle est encore trop dans le sillage de son idole JanGarbarek pour convaincre. Trop de beau son tue le beau son!
Mais on voit aussi figurer quelques voisins nordiques et moins juvéniles lors de ces premiers jours de NattJazz, entre autres le violoniste polonais Adam Baldych, rare dans l’Hexagone. Si on ne peut lui dénier une évidente musicalité sur son instrument, ses choix musicaux embrassent par contre une palette si large qu’on s’y perd : traits mélodiques romantiques, passages baroques, cris de mouettes et autres clichés violonistiques défilent et reviennent sous les doigts du leader et de son groupe pour finir par lasser. Jazz, classique, folk : qui trop embrasse…
C’est en fait la présence danoise qui marquera le plus :quand le trio danois Firebirds (qui rend hommage à Stravinsky) s’apprête à jouer dans une petite salle isolée, le public est déjà là qui l’attend. C’est que ces trois « oiseaux de feu » sont remplis d’énergie, d’humour et d’étranges mélodies bancales qui vous emmènent loin, ne serait-ce que par le son combiné d’un Rhodes trafiqué, d’une batterie ludique et de deux anches (ténor et clarinette).
Le lendemain, ce sont de nouveau les Danois qui créent l’événement avec entre autres le batteur Stefan Pasborg, cette fois-ci au sein du Carsten Dahl Experiment. Gorgé de sève, pétri de nuances et de dynamiques qui le font osciller entre les hymnes rauques d’un Albert Ayler et le lyrisme du piano de Carsten Dahl ce groupe ne peut laissser indifférent..
Thierry Quénum
|Voix, électronique et percussion, le jeune jazz norvégien suit la voie de ses aînés avec plus ou moins de bonheur. Toujours est-il que les programmateurs du festival basé à Bergen depuis 1972 ans n’hésitent pas à leur donner la première place pendant les premiers jours de la manifestation. Peut-on imaginer cela ailleurs ? Voice & String & Tympani rassemble (comme son nom l’indique presque) des voix, des cordes et des percussions (mais pas de timbales d’orchestre), sans oublier l’électronique (dont les multiples fils sont peut-être inclus dans les cordes). Le son est touffu, répétitif sans être lassant, susceptible de moduler à tout moment, créant ainsi la surprise — qui devient ainsi le second élément dominant, en combinaison avec une réitération à laquelle elle s’associe de façon quasi empathique.
A l’opposé de cela, l’après-midi, un jeune homme (Morten Qvenild) entouré de claviers et de cordons égrenait des grappes d’accords simplissimes tout en chantant sans beaucoup de grâce pour un groupe d’invités internationaux. « Se prend-il pour dieu : maître du chant, des touches et des ficelles ? », s’interroge un voisin En tout cas, déjà signé sur un label nordique, ce musicien faisait figure d’exemple des excès jeunistes septentrionaux. Quelques années en tant que sideman chez X ou Y ne feraient pas de mal à ce jeunot.
Quelques heures plus tard le même groupe d’invités entendait se mêler — devant une grange qu’encadrait un fjord sublime — le hard rock teinté de blues de la guitariste Hedvig Mollestad (elle et sa bassiste en robes rouges sur le fond vert du paysage — et le sax baryton free et sur-énergique de Mats Gustavson. Là encore, mélanges qu’osent volontiers les norvégiens et qui fonctionnent à merveille. Hard rock/ free : les passerelles devraient pourtant être évidentes pour quiconque possède une paire d’oreilles.
Le Trondheim Jazz Orchestra — qui, signalons-le au passage, ne joue jamais en France — a une solide réputation dans son pays d’origine. Une réputation méritée. Sur ce programme vocal dédié à Billie Holiday et pris en charge par la chanteuse Live Maria Roggen, l’orchestre déploie une palette de timbres somptueuse qui réussit à sonner d’époque sans jamais sombrer dans le ringard ou le plat revival. Et après ? Le TJO aura montré sa capacité à fonctionner comme un orchestre de répertoire. Ce n’est certes pas le registre dans lequel on le préfère. Toujours en journée et pour les happy few internationaux invités par Natt Jazz, en haut du funiculaire qui offre une vue imprenable sur Bergen, Hilde Marie Holsen : trompette et électronique… et tant d’électronique qu’on ne sait trop quand c’est vraiment elle qui souffle dans son instrument. Elle a une vingtaine d’années et nous dit que son idole est Harve Henriksen. Et voilà qui semble résumer la jeune génération norvégienne qu’on nous a présentée : après les pères défricheurs d’il y a une vingtaine d’années viennent les fils et filles idolâtres qui ont bien du mal à apporter du nouveau, obsédé qu’ils sont par un attirail technologique qui a été beaucoup exploré par la génération précédente. « Go west, young men/ women ! » a –t-on envie de dire à ces « fils/files de » qui semblent croire que suivre les pas de leurs ainés dans un pays de 4,5 millions d’habitants peut éviter d’aller explorer le vaste monde.
Cette injonction s’applique au dernier « showcase » gentillet et très éloigné du jazz Mari & Stein : guitares, voix et électronique. Du chant naïf, de la guitare minimaliste, le tout fort bien joué mais avec quelles références. On entend les noms de Skip James et d’autres bluesmen antiques dont la vie n’a pas dû avoir grand choses à voir avec de jeunes norvégiens dont l’enfance à baigné dans l’électronique et l’argent du pétrole. Problème de racines, de toute évidence.
Bugge Wesseltoft en donne un exemple, avec son groupe exclusivement jeune et féminin (sauf lui). Accroché à ses claviers, le vétéran indique des pistes et donne des indications à des instrumentistes (guitare, tabla, batterie…) qu’on sent libres d’alimenter la musique du claviériste de leurs propres intuitions, de leur énergie, en dehors de toute révérence générationnelle.
Quant à la saxophoniste Hanna Paulsberg et son « Concept », elle est encore trop proche de Jan Garbarek pour convaincre vraiment.
Mais on voit aussi figurer quelques voisins nordiques et moins juvéniles lors de ces premiers jours de NattJazz, entre autres le violoniste polonais Adam Baldych, rare dans l’Hexagone. Si on ne peut lui dénier une évidente musicalité sur son instrument, ses choix musicaux embrassent par contre une palette si large qu’on s’y perd : traits mélodiques romantiques, passages baroques, cris de mouettes et autres clichés violonistiques défilent et reviennent sous les doigts du leader et de son groupe pour finir par lasser. Jazz, classique, folk : qui trop embrasse…
C’est en fait la présence danoise qui marquera le plus ce début de festival : quand le trio danois Firebirds (qui rend hommage à Stravinsky) s’apprête à jouer dans une petite salle isolée, le public est déjà là qui l’attend. C’est que ces trois « oiseaux de feu » sont remplis d’énergie, d’humour et d’étranges mélodies bancales qui vous emmènent loin, ne serait-ce que par le son combiné d’un Rhodes trafiqué, d’une batterie ludique et de deux anches (ténor et clarinette).
Le lendemain, ce sont de nouveau les Danois qui créent l’événement avec entre autres le batteur Stefan Pasborg, cette fois-ci au sein du Carsten Dahl Experiment. Gorgé de sève, pétri de nuances et de dynamiques qui le font osciller entre les hymnes rauques d’un Albert Ayler et le lyrisme du piano de Carsten Dahl ce groupe ne peut laissser indifférent..
Thierry Quénum
|Voix, électronique et percussion, le jeune jazz norvégien suit la voie de ses aînés avec plus ou moins de bonheur. Toujours est-il que les programmateurs du festival basé à Bergen depuis 1972 n’hésitent pas à leur donner la première place pendant les premiers jours de la manifestation. Peut-on imaginer cela ailleurs ? Voice & String & Tympani rassemble (comme son nom l’indique presque) des voix, des cordes et des percussions (mais pas de timbales d’orchestre), sans oublier l’électronique (dont les multiples fils sont peut-être inclus dans les cordes). Le son est touffu, répétitif sans être lassant, susceptible de moduler à tout moment, créant ainsi la surprise — qui devient ainsi le second élément dominant, en combinaison avec une réitération à laquelle elle s’associe de façon quasi empathique.
A l’opposé de cela, l’après-midi, un jeune homme (Morten Qvenild) entouré de claviers et de cordons égrenait des grappes d’accords simplissimes tout en chantant sans beaucoup de grâce pour un groupe d’invités internationaux. « Se prend-il pour dieu : maître du chant, des touches et des ficelles ? », s’interroge un voisin En tout cas, déjà signé sur un label nordique, ce musicien faisait figure d’exemple des excès jeunistes septentrionaux. Quelques années en tant que sideman chez X ou Y ne feraient pas de mal à ce jeunot.
Quelques jours plus tard le même groupe d’invités entendait se mêler — devant une grange qu’encadrait un fjord sublime — le hard rock teinté de blues de la guitariste Hedvig Mollestad (elle et sa bassiste en robes rouges, leur batteur en chemise blanche-cravate) sur le fond vert du paysage — et le sax baryton free et sur-énergique de Mats Gustavson. Là encore, mélanges qu’osent volontiers les norvégiens et qui fonctionnent à merveille. Hard rock/ free : les passerelles devraient pourtant être évidentes pour quiconque possède une paire d’oreilles.
Le Trondheim Jazz Orchestra — qui, signalons-le au passage, ne joue jamais en France — a une solide réputation dans son pays d’origine. Une réputation méritée. Sur ce programme vocal dédié à Billie Holiday et pris en charge par la chanteuse Live Maria Roggen, l’orchestre déploie une palette de timbres somptueuse qui réussit à sonner d’époque sans jamais sombrer dans le ringard ou le plat revival. Et après ? Le TJO aura montré sa capacité à fonctionner comme un orchestre de répertoire. Mais ce n’est pas le registre dans lequel on le préfère. Toujours en journée et pour les happy few internationaux invités par Natt Jazz, en haut du funiculaire qui offre une vue imprenable sur Bergen, Hilde Marie Holsen : trompette et électronique… et tant d’électronique qu’on ne sait trop quand c’est vraiment elle qui souffle dans son instrument. Elle e une vingtaine d’années et nous dit que son idole est Harve Henriksen. Et voilà qui semble résumer la jeune génération norvégienne qu’on nous a présentée : après les pères défricheurs d’il y a une vingtaine d’années viennent les fils et filles idolâtres qui ont bien du mal à apporter du nouveau, obsédés qu’ils sont par un attirail technologique qui a été beaucoup exploré par la génération précédente. « Go west, young men/ women ! » a –t-on envie de dire à ces « fils/filles de » qui semblent croire que suivre les pas de leurs ainés dans un pays de 4,5 millions d’habitants peut éviter d’aller explorer le vaste monde.
Cette injonction s’applique au dernier « showcase » gentillet et très éloigné du jazz Mari & Stein : guitares, voix et électronique. Du chant naïf, de la guitare minimaliste, le tout fort bien joué mais avec quelles références? On entend les noms de Skip James et d’autres bluesmen antiques dont la vie n’a pas dû avoir grand choses à voir avec de jeunes norvégiens dont l’enfance à baigné dans l’électronique et l’argent du pétrole. Problème de racines, de toute évidence.
Bugge Wesseltoft donne un excellent contre-exemple, avec son groupe exclusivement jeune et féminin (sauf lui). Accroché à ses claviers, le vétéran indique des pistes et donne des indications à des instrumentistes (guitare, tabla, batterie…) qu’on sent libres d’alimenter la musique du claviériste de leurs propres intuitions, de leur énergie, en dehors de toute révérence générationnelle.
Quant à la jeune saxophoniste Hanna Paulsen, elle est encore trop dans le sillage de son idole JanGarbarek pour convaincre. Trop de beau son tue le beau son!
Mais on voit aussi figurer quelques voisins nordiques et moins juvéniles lors de ces premiers jours de NattJazz, entre autres le violoniste polonais Adam Baldych, rare dans l’Hexagone. Si on ne peut lui dénier une évidente musicalité sur son instrument, ses choix musicaux embrassent par contre une palette si large qu’on s’y perd : traits mélodiques romantiques, passages baroques, cris de mouettes et autres clichés violonistiques défilent et reviennent sous les doigts du leader et de son groupe pour finir par lasser. Jazz, classique, folk : qui trop embrasse…
C’est en fait la présence danoise qui marquera le plus :quand le trio danois Firebirds (qui rend hommage à Stravinsky) s’apprête à jouer dans une petite salle isolée, le public est déjà là qui l’attend. C’est que ces trois « oiseaux de feu » sont remplis d’énergie, d’humour et d’étranges mélodies bancales qui vous emmènent loin, ne serait-ce que par le son combiné d’un Rhodes trafiqué, d’une batterie ludique et de deux anches (ténor et clarinette).
Le lendemain, ce sont de nouveau les Danois qui créent l’événement avec entre autres le batteur Stefan Pasborg, cette fois-ci au sein du Carsten Dahl Experiment. Gorgé de sève, pétri de nuances et de dynamiques qui le font osciller entre les hymnes rauques d’un Albert Ayler et le lyrisme du piano de Carsten Dahl ce groupe ne peut laissser indifférent..
Thierry Quénum
|Voix, électronique et percussion, le jeune jazz norvégien suit la voie de ses aînés avec plus ou moins de bonheur. Toujours est-il que les programmateurs du festival basé à Bergen depuis 1972 ans n’hésitent pas à leur donner la première place pendant les premiers jours de la manifestation. Peut-on imaginer cela ailleurs ? Voice & String & Tympani rassemble (comme son nom l’indique presque) des voix, des cordes et des percussions (mais pas de timbales d’orchestre), sans oublier l’électronique (dont les multiples fils sont peut-être inclus dans les cordes). Le son est touffu, répétitif sans être lassant, susceptible de moduler à tout moment, créant ainsi la surprise — qui devient ainsi le second élément dominant, en combinaison avec une réitération à laquelle elle s’associe de façon quasi empathique.
A l’opposé de cela, l’après-midi, un jeune homme (Morten Qvenild) entouré de claviers et de cordons égrenait des grappes d’accords simplissimes tout en chantant sans beaucoup de grâce pour un groupe d’invités internationaux. « Se prend-il pour dieu : maître du chant, des touches et des ficelles ? », s’interroge un voisin En tout cas, déjà signé sur un label nordique, ce musicien faisait figure d’exemple des excès jeunistes septentrionaux. Quelques années en tant que sideman chez X ou Y ne feraient pas de mal à ce jeunot.
Quelques heures plus tard le même groupe d’invités entendait se mêler — devant une grange qu’encadrait un fjord sublime — le hard rock teinté de blues de la guitariste Hedvig Mollestad (elle et sa bassiste en robes rouges sur le fond vert du paysage — et le sax baryton free et sur-énergique de Mats Gustavson. Là encore, mélanges qu’osent volontiers les norvégiens et qui fonctionnent à merveille. Hard rock/ free : les passerelles devraient pourtant être évidentes pour quiconque possède une paire d’oreilles.
Le Trondheim Jazz Orchestra — qui, signalons-le au passage, ne joue jamais en France — a une solide réputation dans son pays d’origine. Une réputation méritée. Sur ce programme vocal dédié à Billie Holiday et pris en charge par la chanteuse Live Maria Roggen, l’orchestre déploie une palette de timbres somptueuse qui réussit à sonner d’époque sans jamais sombrer dans le ringard ou le plat revival. Et après ? Le TJO aura montré sa capacité à fonctionner comme un orchestre de répertoire. Ce n’est certes pas le registre dans lequel on le préfère. Toujours en journée et pour les happy few internationaux invités par Natt Jazz, en haut du funiculaire qui offre une vue imprenable sur Bergen, Hilde Marie Holsen : trompette et électronique… et tant d’électronique qu’on ne sait trop quand c’est vraiment elle qui souffle dans son instrument. Elle a une vingtaine d’années et nous dit que son idole est Harve Henriksen. Et voilà qui semble résumer la jeune génération norvégienne qu’on nous a présentée : après les pères défricheurs d’il y a une vingtaine d’années viennent les fils et filles idolâtres qui ont bien du mal à apporter du nouveau, obsédé qu’ils sont par un attirail technologique qui a été beaucoup exploré par la génération précédente. « Go west, young men/ women ! » a –t-on envie de dire à ces « fils/files de » qui semblent croire que suivre les pas de leurs ainés dans un pays de 4,5 millions d’habitants peut éviter d’aller explorer le vaste monde.
Cette injonction s’applique au dernier « showcase » gentillet et très éloigné du jazz Mari & Stein : guitares, voix et électronique. Du chant naïf, de la guitare minimaliste, le tout fort bien joué mais avec quelles références. On entend les noms de Skip James et d’autres bluesmen antiques dont la vie n’a pas dû avoir grand choses à voir avec de jeunes norvégiens dont l’enfance à baigné dans l’électronique et l’argent du pétrole. Problème de racines, de toute évidence.
Bugge Wesseltoft en donne un exemple, avec son groupe exclusivement jeune et féminin (sauf lui). Accroché à ses claviers, le vétéran indique des pistes et donne des indications à des instrumentistes (guitare, tabla, batterie…) qu’on sent libres d’alimenter la musique du claviériste de leurs propres intuitions, de leur énergie, en dehors de toute révérence générationnelle.
Quant à la saxophoniste Hanna Paulsberg et son « Concept », elle est encore trop proche de Jan Garbarek pour convaincre vraiment.
Mais on voit aussi figurer quelques voisins nordiques et moins juvéniles lors de ces premiers jours de NattJazz, entre autres le violoniste polonais Adam Baldych, rare dans l’Hexagone. Si on ne peut lui dénier une évidente musicalité sur son instrument, ses choix musicaux embrassent par contre une palette si large qu’on s’y perd : traits mélodiques romantiques, passages baroques, cris de mouettes et autres clichés violonistiques défilent et reviennent sous les doigts du leader et de son groupe pour finir par lasser. Jazz, classique, folk : qui trop embrasse…
C’est en fait la présence danoise qui marquera le plus ce début de festival : quand le trio danois Firebirds (qui rend hommage à Stravinsky) s’apprête à jouer dans une petite salle isolée, le public est déjà là qui l’attend. C’est que ces trois « oiseaux de feu » sont remplis d’énergie, d’humour et d’étranges mélodies bancales qui vous emmènent loin, ne serait-ce que par le son combiné d’un Rhodes trafiqué, d’une batterie ludique et de deux anches (ténor et clarinette).
Le lendemain, ce sont de nouveau les Danois qui créent l’événement avec entre autres le batteur Stefan Pasborg, cette fois-ci au sein du Carsten Dahl Experiment. Gorgé de sève, pétri de nuances et de dynamiques qui le font osciller entre les hymnes rauques d’un Albert Ayler et le lyrisme du piano de Carsten Dahl ce groupe ne peut laissser indifférent..
Thierry Quénum
|Voix, électronique et percussion, le jeune jazz norvégien suit la voie de ses aînés avec plus ou moins de bonheur. Toujours est-il que les programmateurs du festival basé à Bergen depuis 1972 n’hésitent pas à leur donner la première place pendant les premiers jours de la manifestation. Peut-on imaginer cela ailleurs ? Voice & String & Tympani rassemble (comme son nom l’indique presque) des voix, des cordes et des percussions (mais pas de timbales d’orchestre), sans oublier l’électronique (dont les multiples fils sont peut-être inclus dans les cordes). Le son est touffu, répétitif sans être lassant, susceptible de moduler à tout moment, créant ainsi la surprise — qui devient ainsi le second élément dominant, en combinaison avec une réitération à laquelle elle s’associe de façon quasi empathique.
A l’opposé de cela, l’après-midi, un jeune homme (Morten Qvenild) entouré de claviers et de cordons égrenait des grappes d’accords simplissimes tout en chantant sans beaucoup de grâce pour un groupe d’invités internationaux. « Se prend-il pour dieu : maître du chant, des touches et des ficelles ? », s’interroge un voisin En tout cas, déjà signé sur un label nordique, ce musicien faisait figure d’exemple des excès jeunistes septentrionaux. Quelques années en tant que sideman chez X ou Y ne feraient pas de mal à ce jeunot.
Quelques jours plus tard le même groupe d’invités entendait se mêler — devant une grange qu’encadrait un fjord sublime — le hard rock teinté de blues de la guitariste Hedvig Mollestad (elle et sa bassiste en robes rouges, leur batteur en chemise blanche-cravate) sur le fond vert du paysage — et le sax baryton free et sur-énergique de Mats Gustavson. Là encore, mélanges qu’osent volontiers les norvégiens et qui fonctionnent à merveille. Hard rock/ free : les passerelles devraient pourtant être évidentes pour quiconque possède une paire d’oreilles.
Le Trondheim Jazz Orchestra — qui, signalons-le au passage, ne joue jamais en France — a une solide réputation dans son pays d’origine. Une réputation méritée. Sur ce programme vocal dédié à Billie Holiday et pris en charge par la chanteuse Live Maria Roggen, l’orchestre déploie une palette de timbres somptueuse qui réussit à sonner d’époque sans jamais sombrer dans le ringard ou le plat revival. Et après ? Le TJO aura montré sa capacité à fonctionner comme un orchestre de répertoire. Mais ce n’est pas le registre dans lequel on le préfère. Toujours en journée et pour les happy few internationaux invités par Natt Jazz, en haut du funiculaire qui offre une vue imprenable sur Bergen, Hilde Marie Holsen : trompette et électronique… et tant d’électronique qu’on ne sait trop quand c’est vraiment elle qui souffle dans son instrument. Elle e une vingtaine d’années et nous dit que son idole est Harve Henriksen. Et voilà qui semble résumer la jeune génération norvégienne qu’on nous a présentée : après les pères défricheurs d’il y a une vingtaine d’années viennent les fils et filles idolâtres qui ont bien du mal à apporter du nouveau, obsédés qu’ils sont par un attirail technologique qui a été beaucoup exploré par la génération précédente. « Go west, young men/ women ! » a –t-on envie de dire à ces « fils/filles de » qui semblent croire que suivre les pas de leurs ainés dans un pays de 4,5 millions d’habitants peut éviter d’aller explorer le vaste monde.
Cette injonction s’applique au dernier « showcase » gentillet et très éloigné du jazz Mari & Stein : guitares, voix et électronique. Du chant naïf, de la guitare minimaliste, le tout fort bien joué mais avec quelles références? On entend les noms de Skip James et d’autres bluesmen antiques dont la vie n’a pas dû avoir grand choses à voir avec de jeunes norvégiens dont l’enfance à baigné dans l’électronique et l’argent du pétrole. Problème de racines, de toute évidence.
Bugge Wesseltoft donne un excellent contre-exemple, avec son groupe exclusivement jeune et féminin (sauf lui). Accroché à ses claviers, le vétéran indique des pistes et donne des indications à des instrumentistes (guitare, tabla, batterie…) qu’on sent libres d’alimenter la musique du claviériste de leurs propres intuitions, de leur énergie, en dehors de toute révérence générationnelle.
Quant à la jeune saxophoniste Hanna Paulsen, elle est encore trop dans le sillage de son idole JanGarbarek pour convaincre. Trop de beau son tue le beau son!
Mais on voit aussi figurer quelques voisins nordiques et moins juvéniles lors de ces premiers jours de NattJazz, entre autres le violoniste polonais Adam Baldych, rare dans l’Hexagone. Si on ne peut lui dénier une évidente musicalité sur son instrument, ses choix musicaux embrassent par contre une palette si large qu’on s’y perd : traits mélodiques romantiques, passages baroques, cris de mouettes et autres clichés violonistiques défilent et reviennent sous les doigts du leader et de son groupe pour finir par lasser. Jazz, classique, folk : qui trop embrasse…
C’est en fait la présence danoise qui marquera le plus :quand le trio danois Firebirds (qui rend hommage à Stravinsky) s’apprête à jouer dans une petite salle isolée, le public est déjà là qui l’attend. C’est que ces trois « oiseaux de feu » sont remplis d’énergie, d’humour et d’étranges mélodies bancales qui vous emmènent loin, ne serait-ce que par le son combiné d’un Rhodes trafiqué, d’une batterie ludique et de deux anches (ténor et clarinette).
Le lendemain, ce sont de nouveau les Danois qui créent l’événement avec entre autres le batteur Stefan Pasborg, cette fois-ci au sein du Carsten Dahl Experiment. Gorgé de sève, pétri de nuances et de dynamiques qui le font osciller entre les hymnes rauques d’un Albert Ayler et le lyrisme du piano de Carsten Dahl ce groupe ne peut laissser indifférent..
Thierry Quénum
|Voix, électronique et percussion, le jeune jazz norvégien suit la voie de ses aînés avec plus ou moins de bonheur. Toujours est-il que les programmateurs du festival basé à Bergen depuis 1972 ans n’hésitent pas à leur donner la première place pendant les premiers jours de la manifestation. Peut-on imaginer cela ailleurs ? Voice & String & Tympani rassemble (comme son nom l’indique presque) des voix, des cordes et des percussions (mais pas de timbales d’orchestre), sans oublier l’électronique (dont les multiples fils sont peut-être inclus dans les cordes). Le son est touffu, répétitif sans être lassant, susceptible de moduler à tout moment, créant ainsi la surprise — qui devient ainsi le second élément dominant, en combinaison avec une réitération à laquelle elle s’associe de façon quasi empathique.
A l’opposé de cela, l’après-midi, un jeune homme (Morten Qvenild) entouré de claviers et de cordons égrenait des grappes d’accords simplissimes tout en chantant sans beaucoup de grâce pour un groupe d’invités internationaux. « Se prend-il pour dieu : maître du chant, des touches et des ficelles ? », s’interroge un voisin En tout cas, déjà signé sur un label nordique, ce musicien faisait figure d’exemple des excès jeunistes septentrionaux. Quelques années en tant que sideman chez X ou Y ne feraient pas de mal à ce jeunot.
Quelques heures plus tard le même groupe d’invités entendait se mêler — devant une grange qu’encadrait un fjord sublime — le hard rock teinté de blues de la guitariste Hedvig Mollestad (elle et sa bassiste en robes rouges sur le fond vert du paysage — et le sax baryton free et sur-énergique de Mats Gustavson. Là encore, mélanges qu’osent volontiers les norvégiens et qui fonctionnent à merveille. Hard rock/ free : les passerelles devraient pourtant être évidentes pour quiconque possède une paire d’oreilles.
Le Trondheim Jazz Orchestra — qui, signalons-le au passage, ne joue jamais en France — a une solide réputation dans son pays d’origine. Une réputation méritée. Sur ce programme vocal dédié à Billie Holiday et pris en charge par la chanteuse Live Maria Roggen, l’orchestre déploie une palette de timbres somptueuse qui réussit à sonner d’époque sans jamais sombrer dans le ringard ou le plat revival. Et après ? Le TJO aura montré sa capacité à fonctionner comme un orchestre de répertoire. Ce n’est certes pas le registre dans lequel on le préfère. Toujours en journée et pour les happy few internationaux invités par Natt Jazz, en haut du funiculaire qui offre une vue imprenable sur Bergen, Hilde Marie Holsen : trompette et électronique… et tant d’électronique qu’on ne sait trop quand c’est vraiment elle qui souffle dans son instrument. Elle a une vingtaine d’années et nous dit que son idole est Harve Henriksen. Et voilà qui semble résumer la jeune génération norvégienne qu’on nous a présentée : après les pères défricheurs d’il y a une vingtaine d’années viennent les fils et filles idolâtres qui ont bien du mal à apporter du nouveau, obsédé qu’ils sont par un attirail technologique qui a été beaucoup exploré par la génération précédente. « Go west, young men/ women ! » a –t-on envie de dire à ces « fils/files de » qui semblent croire que suivre les pas de leurs ainés dans un pays de 4,5 millions d’habitants peut éviter d’aller explorer le vaste monde.
Cette injonction s’applique au dernier « showcase » gentillet et très éloigné du jazz Mari & Stein : guitares, voix et électronique. Du chant naïf, de la guitare minimaliste, le tout fort bien joué mais avec quelles références. On entend les noms de Skip James et d’autres bluesmen antiques dont la vie n’a pas dû avoir grand choses à voir avec de jeunes norvégiens dont l’enfance à baigné dans l’électronique et l’argent du pétrole. Problème de racines, de toute évidence.
Bugge Wesseltoft en donne un exemple, avec son groupe exclusivement jeune et féminin (sauf lui). Accroché à ses claviers, le vétéran indique des pistes et donne des indications à des instrumentistes (guitare, tabla, batterie…) qu’on sent libres d’alimenter la musique du claviériste de leurs propres intuitions, de leur énergie, en dehors de toute révérence générationnelle.
Quant à la saxophoniste Hanna Paulsberg et son « Concept », elle est encore trop proche de Jan Garbarek pour convaincre vraiment.
Mais on voit aussi figurer quelques voisins nordiques et moins juvéniles lors de ces premiers jours de NattJazz, entre autres le violoniste polonais Adam Baldych, rare dans l’Hexagone. Si on ne peut lui dénier une évidente musicalité sur son instrument, ses choix musicaux embrassent par contre une palette si large qu’on s’y perd : traits mélodiques romantiques, passages baroques, cris de mouettes et autres clichés violonistiques défilent et reviennent sous les doigts du leader et de son groupe pour finir par lasser. Jazz, classique, folk : qui trop embrasse…
C’est en fait la présence danoise qui marquera le plus ce début de festival : quand le trio danois Firebirds (qui rend hommage à Stravinsky) s’apprête à jouer dans une petite salle isolée, le public est déjà là qui l’attend. C’est que ces trois « oiseaux de feu » sont remplis d’énergie, d’humour et d’étranges mélodies bancales qui vous emmènent loin, ne serait-ce que par le son combiné d’un Rhodes trafiqué, d’une batterie ludique et de deux anches (ténor et clarinette).
Le lendemain, ce sont de nouveau les Danois qui créent l’événement avec entre autres le batteur Stefan Pasborg, cette fois-ci au sein du Carsten Dahl Experiment. Gorgé de sève, pétri de nuances et de dynamiques qui le font osciller entre les hymnes rauques d’un Albert Ayler et le lyrisme du piano de Carsten Dahl ce groupe ne peut laissser indifférent..
Thierry Quénum
|Voix, électronique et percussion, le jeune jazz norvégien suit la voie de ses aînés avec plus ou moins de bonheur. Toujours est-il que les programmateurs du festival basé à Bergen depuis 1972 n’hésitent pas à leur donner la première place pendant les premiers jours de la manifestation. Peut-on imaginer cela ailleurs ? Voice & String & Tympani rassemble (comme son nom l’indique presque) des voix, des cordes et des percussions (mais pas de timbales d’orchestre), sans oublier l’électronique (dont les multiples fils sont peut-être inclus dans les cordes). Le son est touffu, répétitif sans être lassant, susceptible de moduler à tout moment, créant ainsi la surprise — qui devient ainsi le second élément dominant, en combinaison avec une réitération à laquelle elle s’associe de façon quasi empathique.
A l’opposé de cela, l’après-midi, un jeune homme (Morten Qvenild) entouré de claviers et de cordons égrenait des grappes d’accords simplissimes tout en chantant sans beaucoup de grâce pour un groupe d’invités internationaux. « Se prend-il pour dieu : maître du chant, des touches et des ficelles ? », s’interroge un voisin En tout cas, déjà signé sur un label nordique, ce musicien faisait figure d’exemple des excès jeunistes septentrionaux. Quelques années en tant que sideman chez X ou Y ne feraient pas de mal à ce jeunot.
Quelques jours plus tard le même groupe d’invités entendait se mêler — devant une grange qu’encadrait un fjord sublime — le hard rock teinté de blues de la guitariste Hedvig Mollestad (elle et sa bassiste en robes rouges, leur batteur en chemise blanche-cravate) sur le fond vert du paysage — et le sax baryton free et sur-énergique de Mats Gustavson. Là encore, mélanges qu’osent volontiers les norvégiens et qui fonctionnent à merveille. Hard rock/ free : les passerelles devraient pourtant être évidentes pour quiconque possède une paire d’oreilles.
Le Trondheim Jazz Orchestra — qui, signalons-le au passage, ne joue jamais en France — a une solide réputation dans son pays d’origine. Une réputation méritée. Sur ce programme vocal dédié à Billie Holiday et pris en charge par la chanteuse Live Maria Roggen, l’orchestre déploie une palette de timbres somptueuse qui réussit à sonner d’époque sans jamais sombrer dans le ringard ou le plat revival. Et après ? Le TJO aura montré sa capacité à fonctionner comme un orchestre de répertoire. Mais ce n’est pas le registre dans lequel on le préfère. Toujours en journée et pour les happy few internationaux invités par Natt Jazz, en haut du funiculaire qui offre une vue imprenable sur Bergen, Hilde Marie Holsen : trompette et électronique… et tant d’électronique qu’on ne sait trop quand c’est vraiment elle qui souffle dans son instrument. Elle e une vingtaine d’années et nous dit que son idole est Harve Henriksen. Et voilà qui semble résumer la jeune génération norvégienne qu’on nous a présentée : après les pères défricheurs d’il y a une vingtaine d’années viennent les fils et filles idolâtres qui ont bien du mal à apporter du nouveau, obsédés qu’ils sont par un attirail technologique qui a été beaucoup exploré par la génération précédente. « Go west, young men/ women ! » a –t-on envie de dire à ces « fils/filles de » qui semblent croire que suivre les pas de leurs ainés dans un pays de 4,5 millions d’habitants peut éviter d’aller explorer le vaste monde.
Cette injonction s’applique au dernier « showcase » gentillet et très éloigné du jazz Mari & Stein : guitares, voix et électronique. Du chant naïf, de la guitare minimaliste, le tout fort bien joué mais avec quelles références? On entend les noms de Skip James et d’autres bluesmen antiques dont la vie n’a pas dû avoir grand choses à voir avec de jeunes norvégiens dont l’enfance à baigné dans l’électronique et l’argent du pétrole. Problème de racines, de toute évidence.
Bugge Wesseltoft donne un excellent contre-exemple, avec son groupe exclusivement jeune et féminin (sauf lui). Accroché à ses claviers, le vétéran indique des pistes et donne des indications à des instrumentistes (guitare, tabla, batterie…) qu’on sent libres d’alimenter la musique du claviériste de leurs propres intuitions, de leur énergie, en dehors de toute révérence générationnelle.
Quant à la jeune saxophoniste Hanna Paulsen, elle est encore trop dans le sillage de son idole JanGarbarek pour convaincre. Trop de beau son tue le beau son!
Mais on voit aussi figurer quelques voisins nordiques et moins juvéniles lors de ces premiers jours de NattJazz, entre autres le violoniste polonais Adam Baldych, rare dans l’Hexagone. Si on ne peut lui dénier une évidente musicalité sur son instrument, ses choix musicaux embrassent par contre une palette si large qu’on s’y perd : traits mélodiques romantiques, passages baroques, cris de mouettes et autres clichés violonistiques défilent et reviennent sous les doigts du leader et de son groupe pour finir par lasser. Jazz, classique, folk : qui trop embrasse…
C’est en fait la présence danoise qui marquera le plus :quand le trio danois Firebirds (qui rend hommage à Stravinsky) s’apprête à jouer dans une petite salle isolée, le public est déjà là qui l’attend. C’est que ces trois « oiseaux de feu » sont remplis d’énergie, d’humour et d’étranges mélodies bancales qui vous emmènent loin, ne serait-ce que par le son combiné d’un Rhodes trafiqué, d’une batterie ludique et de deux anches (ténor et clarinette).
Le lendemain, ce sont de nouveau les Danois qui créent l’événement avec entre autres le batteur Stefan Pasborg, cette fois-ci au sein du Carsten Dahl Experiment. Gorgé de sève, pétri de nuances et de dynamiques qui le font osciller entre les hymnes rauques d’un Albert Ayler et le lyrisme du piano de Carsten Dahl ce groupe ne peut laissser indifférent..
Thierry Quénum
|Voix, électronique et percussion, le jeune jazz norvégien suit la voie de ses aînés avec plus ou moins de bonheur. Toujours est-il que les programmateurs du festival basé à Bergen depuis 1972 ans n’hésitent pas à leur donner la première place pendant les premiers jours de la manifestation. Peut-on imaginer cela ailleurs ? Voice & String & Tympani rassemble (comme son nom l’indique presque) des voix, des cordes et des percussions (mais pas de timbales d’orchestre), sans oublier l’électronique (dont les multiples fils sont peut-être inclus dans les cordes). Le son est touffu, répétitif sans être lassant, susceptible de moduler à tout moment, créant ainsi la surprise — qui devient ainsi le second élément dominant, en combinaison avec une réitération à laquelle elle s’associe de façon quasi empathique.
A l’opposé de cela, l’après-midi, un jeune homme (Morten Qvenild) entouré de claviers et de cordons égrenait des grappes d’accords simplissimes tout en chantant sans beaucoup de grâce pour un groupe d’invités internationaux. « Se prend-il pour dieu : maître du chant, des touches et des ficelles ? », s’interroge un voisin En tout cas, déjà signé sur un label nordique, ce musicien faisait figure d’exemple des excès jeunistes septentrionaux. Quelques années en tant que sideman chez X ou Y ne feraient pas de mal à ce jeunot.
Quelques heures plus tard le même groupe d’invités entendait se mêler — devant une grange qu’encadrait un fjord sublime — le hard rock teinté de blues de la guitariste Hedvig Mollestad (elle et sa bassiste en robes rouges sur le fond vert du paysage — et le sax baryton free et sur-énergique de Mats Gustavson. Là encore, mélanges qu’osent volontiers les norvégiens et qui fonctionnent à merveille. Hard rock/ free : les passerelles devraient pourtant être évidentes pour quiconque possède une paire d’oreilles.
Le Trondheim Jazz Orchestra — qui, signalons-le au passage, ne joue jamais en France — a une solide réputation dans son pays d’origine. Une réputation méritée. Sur ce programme vocal dédié à Billie Holiday et pris en charge par la chanteuse Live Maria Roggen, l’orchestre déploie une palette de timbres somptueuse qui réussit à sonner d’époque sans jamais sombrer dans le ringard ou le plat revival. Et après ? Le TJO aura montré sa capacité à fonctionner comme un orchestre de répertoire. Ce n’est certes pas le registre dans lequel on le préfère. Toujours en journée et pour les happy few internationaux invités par Natt Jazz, en haut du funiculaire qui offre une vue imprenable sur Bergen, Hilde Marie Holsen : trompette et électronique… et tant d’électronique qu’on ne sait trop quand c’est vraiment elle qui souffle dans son instrument. Elle a une vingtaine d’années et nous dit que son idole est Harve Henriksen. Et voilà qui semble résumer la jeune génération norvégienne qu’on nous a présentée : après les pères défricheurs d’il y a une vingtaine d’années viennent les fils et filles idolâtres qui ont bien du mal à apporter du nouveau, obsédé qu’ils sont par un attirail technologique qui a été beaucoup exploré par la génération précédente. « Go west, young men/ women ! » a –t-on envie de dire à ces « fils/files de » qui semblent croire que suivre les pas de leurs ainés dans un pays de 4,5 millions d’habitants peut éviter d’aller explorer le vaste monde.
Cette injonction s’applique au dernier « showcase » gentillet et très éloigné du jazz Mari & Stein : guitares, voix et électronique. Du chant naïf, de la guitare minimaliste, le tout fort bien joué mais avec quelles références. On entend les noms de Skip James et d’autres bluesmen antiques dont la vie n’a pas dû avoir grand choses à voir avec de jeunes norvégiens dont l’enfance à baigné dans l’électronique et l’argent du pétrole. Problème de racines, de toute évidence.
Bugge Wesseltoft en donne un exemple, avec son groupe exclusivement jeune et féminin (sauf lui). Accroché à ses claviers, le vétéran indique des pistes et donne des indications à des instrumentistes (guitare, tabla, batterie…) qu’on sent libres d’alimenter la musique du claviériste de leurs propres intuitions, de leur énergie, en dehors de toute révérence générationnelle.
Quant à la saxophoniste Hanna Paulsberg et son « Concept », elle est encore trop proche de Jan Garbarek pour convaincre vraiment.
Mais on voit aussi figurer quelques voisins nordiques et moins juvéniles lors de ces premiers jours de NattJazz, entre autres le violoniste polonais Adam Baldych, rare dans l’Hexagone. Si on ne peut lui dénier une évidente musicalité sur son instrument, ses choix musicaux embrassent par contre une palette si large qu’on s’y perd : traits mélodiques romantiques, passages baroques, cris de mouettes et autres clichés violonistiques défilent et reviennent sous les doigts du leader et de son groupe pour finir par lasser. Jazz, classique, folk : qui trop embrasse…
C’est en fait la présence danoise qui marquera le plus ce début de festival : quand le trio danois Firebirds (qui rend hommage à Stravinsky) s’apprête à jouer dans une petite salle isolée, le public est déjà là qui l’attend. C’est que ces trois « oiseaux de feu » sont remplis d’énergie, d’humour et d’étranges mélodies bancales qui vous emmènent loin, ne serait-ce que par le son combiné d’un Rhodes trafiqué, d’une batterie ludique et de deux anches (ténor et clarinette).
Le lendemain, ce sont de nouveau les Danois qui créent l’événement avec entre autres le batteur Stefan Pasborg, cette fois-ci au sein du Carsten Dahl Experiment. Gorgé de sève, pétri de nuances et de dynamiques qui le font osciller entre les hymnes rauques d’un Albert Ayler et le lyrisme du piano de Carsten Dahl ce groupe ne peut laissser indifférent..
Thierry Quénum