Néfertiti, du morse qui sonne
Le quartet Néfertiti a sorti son deuxième disque autour de la thématique du morse. Un concert au Studio l’Ermitage a fêté l’événement.
Delphine Deau (piano et compositions), Camille Maussion (sax ténor et soprano), Pedro Ivo Ferreira (basse), Pierre Demange (batterie) , Studio l’Ermitage, 31 Octobre 2018
Me revoilà avec des arrièrés de chroniques. Le mois de novembre a été si riche en très beaux concerts que je n’ai pas trouvé le temps de dire tout le bien que je pense de ce groupe de jeunes musiciens, Néfertiti, dont le deuxième disque, très réussi, vient de paraître, sous le nom de Morse Code.
Au coeur de Néfertiti il y a la complicité de deux musiciennes, la saxophoniste Camille Maussion et la pianiste Delphine Deau. Le premier morceau joué par le quartet, qui donne son nom à l’album, permet de faire entendre la subtilité de Camille Maussion. Au ténor, en jouant sur le souffle et le timbre, elle tisse de très doux nuages, un peu grumelleux, et l’on dirait que ces nuages sont imaginés pour envelopper un secret. Pour le dire autrement, on sent dès son premier chorus que son horizon, sa logique, son esthétique sont d’ordre poétique. A certains moment, les nuages se solidifient, le discours s’affirme et devient lyrique et vibrant. (sur Déluge, par exemple) Delphine Deau, au piano, accompagne ces poétiques lambeaux de nuages avec des accords percussifs, plein d’énergie, (une énergie par moments presque une invitation à la danse) mais un toucher d’une grande délicatesse. Elle affirme aussi tout au long du concert une grande sûreté rythmique. On sent qu’elle est dans les mesures composées comme un poisson dans l’eau (par exemple le morceau Chien à trois pattes), à l’aise au point de faire danser et swinguer ses notes sur ces pistes noires harmoniques et rythmiques. Parmi ses compositions, celle qui me fait la plus forte impression est Save our Souls (SOS en mose). Le morceau commence par une splendide introduction avec une main gauche obsessionnelle, somnambulique, et une main droite qui essaie de la réconforter avec quelques galopades dans l’aigu. Il y a beaucoup d’espace, beaucoup de respiration, c’est très prenant. Ensuite, la manière dont tout le groupe fait monter progressivement la tension, jusqu’à un pic de lyrisme est superbe. C’est d’ailleurs l’équilibre global du groupe qui me semble particulièrement inventif. Je note de la part de tous les instrumentistes un travail particulier sur les nuances et le volume sonore, avec des équilibres inusités, par exemple ces passages où la pianiste joue sur la même ligne de murmure feutré que la batterie. Je note aussi beaucoup de subtilités d’assemblages de toutes ces voix, par exemple dans Morse Code, la manière dont le solo de saxophone se fond avec grâce dans le solo de basse. Tous les jeux entre les premiers plans, second-plan, arrière-plan sont plein d’invention et de délicatesse. Bref, on recommande vivement ce quartet plein de flamme et de poésie, et dont l’univers esthétique est déjà bien affirmé.
Texte: JFMondot
Photos: Eric Delage