Nevers, D'jazz, I Remember
Faute de pouvoir y être, on jouera les anciens. Pas combattants, car de combats il n’y a point, ou alors purement artistiques. Vous allez voir ça.
Donc Nevers, j’ai retrouvé des traces de photographies depuis 2003, soit pas mal de temps. Celles qui vont servir de support à ce que j’entreprends d’écrire, alors même que le festival est en plein déroulement, datent de 2006 et 2008. Et d’avance, une fois pour toutes, un salut à tous les amis, organisateurs, musiciens, journalistes, photographes, passants, passantes, passantes surtout, si vous pouviez ne pas faire que passer.
D’abord Le Querrec, dit GLQ. La photo figure en ouverture de page. Ce jour là, je venais de lui offrir un petit appareil en plastique, la version 6X9 de celui qui fut le sien, son premier boitier (!). Je crois que cette année-là on signait le livre sur Nevers. Souvent, on me demande de ses nouvelles. Et Guy, alors ? Et je réponds aujourd’hui : téléphonez-lui, ça lui fera sans doute plaisir (ça, c’est vous qui savez), plutôt le matin vers 10.00, son numéro à Paris n’a pas changé, ni son adresse à Paris. Voilà. En un mot, j’ai appris de lui pas mal de choses à Nevers (nous allions bavarder sur un banc), dont une essentielle : ne pas se risquer à faire ce pour quoi on n’est pas vraiment doué. Donc pour ce qui me concerne, plutôt écrire, ou faire des conférences à n’en plus finir, ou programmer des festivals, mais ne pas faire de photos. Ou alors juste pour des albums comme celui-ci.
Là il photographie Paul Rogers (basse baroque), qui préfère regarder ailleurs. Ça se passe au PAC des Ouches, évidemment. Évidemment parce que c’est le seul endroit où vous pouvez faire des photos à peu près nettes (dans mon cas…), et même parfois heureuses. Comme Paul Rogers a été plusieurs fois invité au BJF – apprenez, lectrices et lecteurs, électrices et électeurs, que le BJF c’est le Bordeaux Jazz Festival, un festival fondé en 2001 par mes soins et infondé en 2008 par mon étourderie – qui a donné de nouveau à la belle endormie (de ce point de vue-là ça n’a pas beaucoup changé !) l’impression qu’on ne se payait pas sa tête au point de vue artistique. Mais oui, parfois il faut dire les choses. Entre Paul Rogers, l’ensemble des festivals regroupés sous le sigle AFIJMA (devenu AJC), et ces toutes ces invitations qui m’ont fait aller dans le monde entier, j’ai fini par avoir des fourmis dans la tête : d’où l’idée de faire la même chose (on n’invente pas grand chose), mais à Bordeaux. Donc merci à Paul Rogers pour sa musique, et à tous ceux qui auront été là, dans ces années de « formation ».
Les collègues, ah les collègues… J’en ai choisi deux, parmi les plus agréables, mais ils le sont presque tous. Xavier Prévost qui me donna l’idée du jazz « probablement » (j’adore cette formule), et Pascal Anquetil qui fit de moi un délégué régional du Centre d’Information du Jazz, titre très honorifique puisque je ne l’informais de rien, ou presque. Mais il aimait que mon nom figure, et chaque année on se retrouvait tous à Paris pour faire le coup de poing. Et depuis, vous savez qu’on a liquidé le CIJ, supprimé la mise à jour de sa base de données (un outil merveilleux), enfin détruit d’un clic tout ce travail et poussé Pascal vers une retraite où il se régale de continuer à oeuvrer pour le jazz (Jazz Magazine, des livres) mais n’est plus ce gardien du jazz de France auquel il avait donné une bonne partie de son énergie.
Là, j’insérerais volontiers un couplet sur ce qui a changé en 28 ans dans le domaine de la critique de jazz. Ce qui n’a pas changé, au moins vis à vis des directeurs et programmateurs de style AJC, ou plus près d’ici chez le directeur du Rocher de Palmer, seul lieu à Bordeaux où l’on peut quand même assister à de bons concerts de jazz, c’est le respect profond qu’ils ont pour l’exercice critique. J’ai pu pendant des années donner mon « Point de Vue » (nom de la rubrique dans le journal « Sud-Ouest ») sur les concerts, ou dans les différentes éditions de « Jazz Magazine » (papier, internet) sans que jamais on ne me fasse la moindre remarque. Liberté de la presse. Pour certains – de ma génération ou même plus jeunes – c’était et ça reste intangible. Ce qui a changé, en dehors du monde – mais précisément c’est bien ça le problème – c’est la façon dont certains journalistes eux-mêmes ont fait monter les enchères au fur et à mesure que les médias avaient de moins en moins de moyen pour dépêcher leurs reporters, et que conséquemment, les festivals consacraient de plus en plus de leurs faibles revenus pour les accueillir. Question d’éthique personnelle. J’ai connu cette époque où l’on pouvait dire pis que pendre de telle manifestation et de son mode de fonctionnement en toute liberté, et j’ai connu aussi le moment où tout a basculé. D’un seul coup, le jazz n’était plus un « marqueur politique », mais un signe de statut social. Tout ça se passait fort loin de Nevers, ou de quelque festival AJC. Un seul mot pour résumer ma pensée, en forme de regrets : Serge, pourquoi nous as-tu abandonnés ? Oui, je sais, tu avais l’âge de la retraite. (1)
J’ai gardé le meilleur (ce qui précède est d’une très mauvaise humeur, je l’admets, mais que voulez-vous ?) pour cette fin : les découvertes, les personnes qui vous marquent à jamais dans le sens inverse du poil, au point que quand vous y pensez vous en frissonnez encore. À Nevers ils furent légion, en voici deux, des dames bien sûr : Jeanne Added et Claudia Solal. Aucune malice dans ce rapprochement. Deux photos, dont l’une m’amuse encore parce qu’on croirait du GLQ. Jeanne j’espère que la voix est revenue, Claudia j’aurais tant aimé être là. Je vous embrasse.
(1), Serge Loupien, collègue de bringues verbales à Marciac, et incorrigible pourfendeur de réputations. Un véritable ami.
Philippe Méziat
|Faute de pouvoir y être, on jouera les anciens. Pas combattants, car de combats il n’y a point, ou alors purement artistiques. Vous allez voir ça.
Donc Nevers, j’ai retrouvé des traces de photographies depuis 2003, soit pas mal de temps. Celles qui vont servir de support à ce que j’entreprends d’écrire, alors même que le festival est en plein déroulement, datent de 2006 et 2008. Et d’avance, une fois pour toutes, un salut à tous les amis, organisateurs, musiciens, journalistes, photographes, passants, passantes, passantes surtout, si vous pouviez ne pas faire que passer.
D’abord Le Querrec, dit GLQ. La photo figure en ouverture de page. Ce jour là, je venais de lui offrir un petit appareil en plastique, la version 6X9 de celui qui fut le sien, son premier boitier (!). Je crois que cette année-là on signait le livre sur Nevers. Souvent, on me demande de ses nouvelles. Et Guy, alors ? Et je réponds aujourd’hui : téléphonez-lui, ça lui fera sans doute plaisir (ça, c’est vous qui savez), plutôt le matin vers 10.00, son numéro à Paris n’a pas changé, ni son adresse à Paris. Voilà. En un mot, j’ai appris de lui pas mal de choses à Nevers (nous allions bavarder sur un banc), dont une essentielle : ne pas se risquer à faire ce pour quoi on n’est pas vraiment doué. Donc pour ce qui me concerne, plutôt écrire, ou faire des conférences à n’en plus finir, ou programmer des festivals, mais ne pas faire de photos. Ou alors juste pour des albums comme celui-ci.
Là il photographie Paul Rogers (basse baroque), qui préfère regarder ailleurs. Ça se passe au PAC des Ouches, évidemment. Évidemment parce que c’est le seul endroit où vous pouvez faire des photos à peu près nettes (dans mon cas…), et même parfois heureuses. Comme Paul Rogers a été plusieurs fois invité au BJF – apprenez, lectrices et lecteurs, électrices et électeurs, que le BJF c’est le Bordeaux Jazz Festival, un festival fondé en 2001 par mes soins et infondé en 2008 par mon étourderie – qui a donné de nouveau à la belle endormie (de ce point de vue-là ça n’a pas beaucoup changé !) l’impression qu’on ne se payait pas sa tête au point de vue artistique. Mais oui, parfois il faut dire les choses. Entre Paul Rogers, l’ensemble des festivals regroupés sous le sigle AFIJMA (devenu AJC), et ces toutes ces invitations qui m’ont fait aller dans le monde entier, j’ai fini par avoir des fourmis dans la tête : d’où l’idée de faire la même chose (on n’invente pas grand chose), mais à Bordeaux. Donc merci à Paul Rogers pour sa musique, et à tous ceux qui auront été là, dans ces années de « formation ».
Les collègues, ah les collègues… J’en ai choisi deux, parmi les plus agréables, mais ils le sont presque tous. Xavier Prévost qui me donna l’idée du jazz « probablement » (j’adore cette formule), et Pascal Anquetil qui fit de moi un délégué régional du Centre d’Information du Jazz, titre très honorifique puisque je ne l’informais de rien, ou presque. Mais il aimait que mon nom figure, et chaque année on se retrouvait tous à Paris pour faire le coup de poing. Et depuis, vous savez qu’on a liquidé le CIJ, supprimé la mise à jour de sa base de données (un outil merveilleux), enfin détruit d’un clic tout ce travail et poussé Pascal vers une retraite où il se régale de continuer à oeuvrer pour le jazz (Jazz Magazine, des livres) mais n’est plus ce gardien du jazz de France auquel il avait donné une bonne partie de son énergie.
Là, j’insérerais volontiers un couplet sur ce qui a changé en 28 ans dans le domaine de la critique de jazz. Ce qui n’a pas changé, au moins vis à vis des directeurs et programmateurs de style AJC, ou plus près d’ici chez le directeur du Rocher de Palmer, seul lieu à Bordeaux où l’on peut quand même assister à de bons concerts de jazz, c’est le respect profond qu’ils ont pour l’exercice critique. J’ai pu pendant des années donner mon « Point de Vue » (nom de la rubrique dans le journal « Sud-Ouest ») sur les concerts, ou dans les différentes éditions de « Jazz Magazine » (papier, internet) sans que jamais on ne me fasse la moindre remarque. Liberté de la presse. Pour certains – de ma génération ou même plus jeunes – c’était et ça reste intangible. Ce qui a changé, en dehors du monde – mais précisément c’est bien ça le problème – c’est la façon dont certains journalistes eux-mêmes ont fait monter les enchères au fur et à mesure que les médias avaient de moins en moins de moyen pour dépêcher leurs reporters, et que conséquemment, les festivals consacraient de plus en plus de leurs faibles revenus pour les accueillir. Question d’éthique personnelle. J’ai connu cette époque où l’on pouvait dire pis que pendre de telle manifestation et de son mode de fonctionnement en toute liberté, et j’ai connu aussi le moment où tout a basculé. D’un seul coup, le jazz n’était plus un « marqueur politique », mais un signe de statut social. Tout ça se passait fort loin de Nevers, ou de quelque festival AJC. Un seul mot pour résumer ma pensée, en forme de regrets : Serge, pourquoi nous as-tu abandonnés ? Oui, je sais, tu avais l’âge de la retraite. (1)
J’ai gardé le meilleur (ce qui précède est d’une très mauvaise humeur, je l’admets, mais que voulez-vous ?) pour cette fin : les découvertes, les personnes qui vous marquent à jamais dans le sens inverse du poil, au point que quand vous y pensez vous en frissonnez encore. À Nevers ils furent légion, en voici deux, des dames bien sûr : Jeanne Added et Claudia Solal. Aucune malice dans ce rapprochement. Deux photos, dont l’une m’amuse encore parce qu’on croirait du GLQ. Jeanne j’espère que la voix est revenue, Claudia j’aurais tant aimé être là. Je vous embrasse.
(1), Serge Loupien, collègue de bringues verbales à Marciac, et incorrigible pourfendeur de réputations. Un véritable ami.
Philippe Méziat
|Faute de pouvoir y être, on jouera les anciens. Pas combattants, car de combats il n’y a point, ou alors purement artistiques. Vous allez voir ça.
Donc Nevers, j’ai retrouvé des traces de photographies depuis 2003, soit pas mal de temps. Celles qui vont servir de support à ce que j’entreprends d’écrire, alors même que le festival est en plein déroulement, datent de 2006 et 2008. Et d’avance, une fois pour toutes, un salut à tous les amis, organisateurs, musiciens, journalistes, photographes, passants, passantes, passantes surtout, si vous pouviez ne pas faire que passer.
D’abord Le Querrec, dit GLQ. La photo figure en ouverture de page. Ce jour là, je venais de lui offrir un petit appareil en plastique, la version 6X9 de celui qui fut le sien, son premier boitier (!). Je crois que cette année-là on signait le livre sur Nevers. Souvent, on me demande de ses nouvelles. Et Guy, alors ? Et je réponds aujourd’hui : téléphonez-lui, ça lui fera sans doute plaisir (ça, c’est vous qui savez), plutôt le matin vers 10.00, son numéro à Paris n’a pas changé, ni son adresse à Paris. Voilà. En un mot, j’ai appris de lui pas mal de choses à Nevers (nous allions bavarder sur un banc), dont une essentielle : ne pas se risquer à faire ce pour quoi on n’est pas vraiment doué. Donc pour ce qui me concerne, plutôt écrire, ou faire des conférences à n’en plus finir, ou programmer des festivals, mais ne pas faire de photos. Ou alors juste pour des albums comme celui-ci.
Là il photographie Paul Rogers (basse baroque), qui préfère regarder ailleurs. Ça se passe au PAC des Ouches, évidemment. Évidemment parce que c’est le seul endroit où vous pouvez faire des photos à peu près nettes (dans mon cas…), et même parfois heureuses. Comme Paul Rogers a été plusieurs fois invité au BJF – apprenez, lectrices et lecteurs, électrices et électeurs, que le BJF c’est le Bordeaux Jazz Festival, un festival fondé en 2001 par mes soins et infondé en 2008 par mon étourderie – qui a donné de nouveau à la belle endormie (de ce point de vue-là ça n’a pas beaucoup changé !) l’impression qu’on ne se payait pas sa tête au point de vue artistique. Mais oui, parfois il faut dire les choses. Entre Paul Rogers, l’ensemble des festivals regroupés sous le sigle AFIJMA (devenu AJC), et ces toutes ces invitations qui m’ont fait aller dans le monde entier, j’ai fini par avoir des fourmis dans la tête : d’où l’idée de faire la même chose (on n’invente pas grand chose), mais à Bordeaux. Donc merci à Paul Rogers pour sa musique, et à tous ceux qui auront été là, dans ces années de « formation ».
Les collègues, ah les collègues… J’en ai choisi deux, parmi les plus agréables, mais ils le sont presque tous. Xavier Prévost qui me donna l’idée du jazz « probablement » (j’adore cette formule), et Pascal Anquetil qui fit de moi un délégué régional du Centre d’Information du Jazz, titre très honorifique puisque je ne l’informais de rien, ou presque. Mais il aimait que mon nom figure, et chaque année on se retrouvait tous à Paris pour faire le coup de poing. Et depuis, vous savez qu’on a liquidé le CIJ, supprimé la mise à jour de sa base de données (un outil merveilleux), enfin détruit d’un clic tout ce travail et poussé Pascal vers une retraite où il se régale de continuer à oeuvrer pour le jazz (Jazz Magazine, des livres) mais n’est plus ce gardien du jazz de France auquel il avait donné une bonne partie de son énergie.
Là, j’insérerais volontiers un couplet sur ce qui a changé en 28 ans dans le domaine de la critique de jazz. Ce qui n’a pas changé, au moins vis à vis des directeurs et programmateurs de style AJC, ou plus près d’ici chez le directeur du Rocher de Palmer, seul lieu à Bordeaux où l’on peut quand même assister à de bons concerts de jazz, c’est le respect profond qu’ils ont pour l’exercice critique. J’ai pu pendant des années donner mon « Point de Vue » (nom de la rubrique dans le journal « Sud-Ouest ») sur les concerts, ou dans les différentes éditions de « Jazz Magazine » (papier, internet) sans que jamais on ne me fasse la moindre remarque. Liberté de la presse. Pour certains – de ma génération ou même plus jeunes – c’était et ça reste intangible. Ce qui a changé, en dehors du monde – mais précisément c’est bien ça le problème – c’est la façon dont certains journalistes eux-mêmes ont fait monter les enchères au fur et à mesure que les médias avaient de moins en moins de moyen pour dépêcher leurs reporters, et que conséquemment, les festivals consacraient de plus en plus de leurs faibles revenus pour les accueillir. Question d’éthique personnelle. J’ai connu cette époque où l’on pouvait dire pis que pendre de telle manifestation et de son mode de fonctionnement en toute liberté, et j’ai connu aussi le moment où tout a basculé. D’un seul coup, le jazz n’était plus un « marqueur politique », mais un signe de statut social. Tout ça se passait fort loin de Nevers, ou de quelque festival AJC. Un seul mot pour résumer ma pensée, en forme de regrets : Serge, pourquoi nous as-tu abandonnés ? Oui, je sais, tu avais l’âge de la retraite. (1)
J’ai gardé le meilleur (ce qui précède est d’une très mauvaise humeur, je l’admets, mais que voulez-vous ?) pour cette fin : les découvertes, les personnes qui vous marquent à jamais dans le sens inverse du poil, au point que quand vous y pensez vous en frissonnez encore. À Nevers ils furent légion, en voici deux, des dames bien sûr : Jeanne Added et Claudia Solal. Aucune malice dans ce rapprochement. Deux photos, dont l’une m’amuse encore parce qu’on croirait du GLQ. Jeanne j’espère que la voix est revenue, Claudia j’aurais tant aimé être là. Je vous embrasse.
(1), Serge Loupien, collègue de bringues verbales à Marciac, et incorrigible pourfendeur de réputations. Un véritable ami.
Philippe Méziat
|Faute de pouvoir y être, on jouera les anciens. Pas combattants, car de combats il n’y a point, ou alors purement artistiques. Vous allez voir ça.
Donc Nevers, j’ai retrouvé des traces de photographies depuis 2003, soit pas mal de temps. Celles qui vont servir de support à ce que j’entreprends d’écrire, alors même que le festival est en plein déroulement, datent de 2006 et 2008. Et d’avance, une fois pour toutes, un salut à tous les amis, organisateurs, musiciens, journalistes, photographes, passants, passantes, passantes surtout, si vous pouviez ne pas faire que passer.
D’abord Le Querrec, dit GLQ. La photo figure en ouverture de page. Ce jour là, je venais de lui offrir un petit appareil en plastique, la version 6X9 de celui qui fut le sien, son premier boitier (!). Je crois que cette année-là on signait le livre sur Nevers. Souvent, on me demande de ses nouvelles. Et Guy, alors ? Et je réponds aujourd’hui : téléphonez-lui, ça lui fera sans doute plaisir (ça, c’est vous qui savez), plutôt le matin vers 10.00, son numéro à Paris n’a pas changé, ni son adresse à Paris. Voilà. En un mot, j’ai appris de lui pas mal de choses à Nevers (nous allions bavarder sur un banc), dont une essentielle : ne pas se risquer à faire ce pour quoi on n’est pas vraiment doué. Donc pour ce qui me concerne, plutôt écrire, ou faire des conférences à n’en plus finir, ou programmer des festivals, mais ne pas faire de photos. Ou alors juste pour des albums comme celui-ci.
Là il photographie Paul Rogers (basse baroque), qui préfère regarder ailleurs. Ça se passe au PAC des Ouches, évidemment. Évidemment parce que c’est le seul endroit où vous pouvez faire des photos à peu près nettes (dans mon cas…), et même parfois heureuses. Comme Paul Rogers a été plusieurs fois invité au BJF – apprenez, lectrices et lecteurs, électrices et électeurs, que le BJF c’est le Bordeaux Jazz Festival, un festival fondé en 2001 par mes soins et infondé en 2008 par mon étourderie – qui a donné de nouveau à la belle endormie (de ce point de vue-là ça n’a pas beaucoup changé !) l’impression qu’on ne se payait pas sa tête au point de vue artistique. Mais oui, parfois il faut dire les choses. Entre Paul Rogers, l’ensemble des festivals regroupés sous le sigle AFIJMA (devenu AJC), et ces toutes ces invitations qui m’ont fait aller dans le monde entier, j’ai fini par avoir des fourmis dans la tête : d’où l’idée de faire la même chose (on n’invente pas grand chose), mais à Bordeaux. Donc merci à Paul Rogers pour sa musique, et à tous ceux qui auront été là, dans ces années de « formation ».
Les collègues, ah les collègues… J’en ai choisi deux, parmi les plus agréables, mais ils le sont presque tous. Xavier Prévost qui me donna l’idée du jazz « probablement » (j’adore cette formule), et Pascal Anquetil qui fit de moi un délégué régional du Centre d’Information du Jazz, titre très honorifique puisque je ne l’informais de rien, ou presque. Mais il aimait que mon nom figure, et chaque année on se retrouvait tous à Paris pour faire le coup de poing. Et depuis, vous savez qu’on a liquidé le CIJ, supprimé la mise à jour de sa base de données (un outil merveilleux), enfin détruit d’un clic tout ce travail et poussé Pascal vers une retraite où il se régale de continuer à oeuvrer pour le jazz (Jazz Magazine, des livres) mais n’est plus ce gardien du jazz de France auquel il avait donné une bonne partie de son énergie.
Là, j’insérerais volontiers un couplet sur ce qui a changé en 28 ans dans le domaine de la critique de jazz. Ce qui n’a pas changé, au moins vis à vis des directeurs et programmateurs de style AJC, ou plus près d’ici chez le directeur du Rocher de Palmer, seul lieu à Bordeaux où l’on peut quand même assister à de bons concerts de jazz, c’est le respect profond qu’ils ont pour l’exercice critique. J’ai pu pendant des années donner mon « Point de Vue » (nom de la rubrique dans le journal « Sud-Ouest ») sur les concerts, ou dans les différentes éditions de « Jazz Magazine » (papier, internet) sans que jamais on ne me fasse la moindre remarque. Liberté de la presse. Pour certains – de ma génération ou même plus jeunes – c’était et ça reste intangible. Ce qui a changé, en dehors du monde – mais précisément c’est bien ça le problème – c’est la façon dont certains journalistes eux-mêmes ont fait monter les enchères au fur et à mesure que les médias avaient de moins en moins de moyen pour dépêcher leurs reporters, et que conséquemment, les festivals consacraient de plus en plus de leurs faibles revenus pour les accueillir. Question d’éthique personnelle. J’ai connu cette époque où l’on pouvait dire pis que pendre de telle manifestation et de son mode de fonctionnement en toute liberté, et j’ai connu aussi le moment où tout a basculé. D’un seul coup, le jazz n’était plus un « marqueur politique », mais un signe de statut social. Tout ça se passait fort loin de Nevers, ou de quelque festival AJC. Un seul mot pour résumer ma pensée, en forme de regrets : Serge, pourquoi nous as-tu abandonnés ? Oui, je sais, tu avais l’âge de la retraite. (1)
J’ai gardé le meilleur (ce qui précède est d’une très mauvaise humeur, je l’admets, mais que voulez-vous ?) pour cette fin : les découvertes, les personnes qui vous marquent à jamais dans le sens inverse du poil, au point que quand vous y pensez vous en frissonnez encore. À Nevers ils furent légion, en voici deux, des dames bien sûr : Jeanne Added et Claudia Solal. Aucune malice dans ce rapprochement. Deux photos, dont l’une m’amuse encore parce qu’on croirait du GLQ. Jeanne j’espère que la voix est revenue, Claudia j’aurais tant aimé être là. Je vous embrasse.
(1), Serge Loupien, collègue de bringues verbales à Marciac, et incorrigible pourfendeur de réputations. Un véritable ami.
Philippe Méziat