Le quartette se produisait à la Scala de Paris le 20 octobre. Jazz Magazine y était.
J’y retrouve cette même impression ressentie lors de leur concert à la Petite Halle le 31 mars dernier. Un équilibre instable entre l’incertitude et l’autorité, la puissance et la fragilité, le massif et l’évanescent, le batteur Stéphane Adsuar donnant le ton avec une énergie de “gospel drummer”, d’une main ferme et précise de géomètre à la Escher sous les traits duquel l’envers se fait l’endroit dans des miroirs déformants. La contrebasse de Damien Varaillon assure une puissante assise d’une main néanmoins virevoltante, plus Mingus que Lafaro ; le piano d’Enzo Carniel pose un sobre et obsédant ostinato qui débordera progressivement de son cadre lorsque sera survenue la trompette d’Hermon Mehari pour un exposé simplissime et obscur qui se fêle ici et là sous de ces effets de souffle remontant à Rex Stewart, via Lester Bowie, Ambrose Akinmusire étant une source très probable d’inspiration. Non seulement sur cette trompette qui surfe à la crête orchestrale plus qu’elle ne se propulse à travers elle, mais source d’inspiration sur le poudroiement de cette musique où l’on passe d’un soliste à l’autre sans s’en rendre compte, sans parfois prendre conscience de qui chorusse.
Unique standard dans ce répertoire original auquel chacun contribue, For All We Know sera joué comme on rêve, et Enzo Carniel ramènera sa composition Organa des tintinnabulements et des accents liturgiques empruntés au Fratres d’Arvo Pärt (“emprunt” revendiqué) vers les orages harmoniques qui ont cours sur son piano. Ce cours moment de répit nous met en bouche pour quelque chose qui manque toutefois un peu à cette musique. Ce n’est pas tant son ébouriffant foisonnement qui est en cause – mais ébouriffant il pourrait l’être d’autant plus qu’il s’autoriserait parfois à l’être moins – que la dynamique d’une musique qui descend rarement en dessous du mezzo-forte : l’abandon plus fréquent des baguettes pour les fagots, les mailloches, les balais ou la paume des mains pourrait être une solution. À moins que notre impression ne résulte de ce charmant petit amphi baptisé Piccola Scola aussi convivial qu’il est inconfortable acoustiquement tant pour le public que pour les musiciens.