Oloron: Bardaine et le jazz en Comité
Sur scène pour qui veut les prendre en compte sinon les interpréter, ressortent des attitudes, des comportements, de ceux qui parlent, de ceux qui font sens.. Côté Tigres d’eau douce, on note dans l’expression scénique un calme, un sílence, une réserve permanentes imprimée sur les visages. Pas d’échanges explicites, de regards perçants derrière les lunettes de soleil, aucune gestuelle en mode booster. Encore moins de signes complices. Pourtant la musique est là, présente, forte. Au sein du Comité c’est l’inverse, On se toise, on se parle, on se rapproche, on se touche. L’entrain de la,musique jouée, l’élan, le mouvement du corpus musical afro-cubain offert jusqu’au torrentiel, jusqu’à l‘explosion part des lèvres, des pupilles, de la voix, naît du mouvement du corps «Un joyeux bordel ils mettent sur les planches ces cubains» commentera à crû,un photographe du festival.
Laurent Bardaine et les Tigres d’eau douce
Arnaud Roulin (org), Sylvain Daniel (b), Philippe Gleizes (dm), Fabe Beaurel Bambi (. perc)
Des Rives et des Notes, Fronton Municipal Oloron (64400), 29 juillet
Le concert débute plein jour dans un décor de «cancha» (le plancher des vaches du fronton) grand ouvert sur des Pyrénées ennuagées, cadre de vibrations garanties dans un air un peu frais. Le groupe de Laurent Bardaine bénéficie d’un son compact, sous l’impulsion d’un duo de percussions générateur de moments notables porteurs d’intensité. Sans doute dans le «Tigre» plus qu’au sein du « Supersonic» de Didier de Pourquery les claviers managés par Arnaud Roulin griffent à dessein la sonorité globale de l’orchestre.
Exemple : ce petit gimmick lancé au synthe et la mélodie qui s’en suit, claire, facile d’accès. Les suivis de sillons mélodiques représentent bien la marque de fabrique de Laurent Bardaine. Y compris au travers de la saillie ponctuelle de quelques ritournelles. Le saxophoniste l’explique et l’expose rituellement: « Pour ceux qui ont disparu….» se veut un thème qui tourne à la réalisation d’un quasi hymne. Empreint d’une sorte de refrain, autant de repères sonores livrés en un duo ponctuel sax/orgue en insert tel un marqueur.
Justement on le retrouve ce sillon tracé par l’orgue. «Le vent, les oiseaux m’encouragent » Vient ainsi l’annince de cete ode au Facteur Cheval…introduction tracée en sinusoïdes de ténor teintées d’un léger vibrato sur un tapis d’accords du Hammond, l’orgue de toujours, lui aussi lancé dans les vents de la tournante de son complément électro accoustique baptisé Leslie. Dans un contexte ainsi transcrit les développements autour du sax à partir de notes tenues jouent essentiellement sur l’intensité, Tel se définit l’élément dominant comme maître des horloges de la sonorité globale du groupe, renforcé d’un pic notable dans le registre aigu au beau milieu du solo d’orgue.
N’était le solo de batterie apte à plonger á lui tout seul le public dans la démesure, la dite « Chanson pour ma femme un peu miro qui cherche ses lunettes tous les matins » livre brut de construction un thème funky en diable, limite obsédant. L’Hymne au soleil final, effervescent situe la vraie nature du climat fourni.
El Comiié : Harold López Nussa, Rolando Luna p, clav), Irving Acao ts, ss), Carlos Sarduy (tp, bug), Irving Acao (ts, ss), Gaston Joya (b), Yaroldy Abreu (perc), Rodney Baretto (dm)
Ce band-bande de cubains quadras dans sa majorité ne se pose pas de question. Ils jouent et surtout ne se la jouent pas. Musique «a tope» comme ils aiment à dire, A fond donc. Deux pianos. Face à eux, en contre de leur jet musical co-produit, livrant un son tiré avec une légère saturation de la colonne d’air, son ténor dans les mains, Irving Acao le doyen de la bande installé lui à Paris depuis des lustres joue «à toi à moi» avec le feu de la trompette de Carlos Sarduy.
Celui qui vient, pianiste lui, n’est rien de moins qu’un phénomène. De façon incompréhensible il demeure très peu connu en France. Le solo sans barrière de Rolando Luna doté d’un patronyme astral prédestiné lâche soudain un orage de notes avec accords en éclairs plaqués sur fond de percussions frappés en rafales. Ça «pète» dans tous les sens, orage cubain tombé sur le jazz.
Les climats se succèdent. Contrastés. Le « Giitana » de Gaston Joya, bassiste tout en rondeurs, procure u;e gamme de couleurs fortes via les cordes caressées puis frappées de sa contrebasse tenue très verticale commee il sied à une majorité de bassistes cubains dans la lignée de Cachao, la légende. S’impose à cet instant en complément, en corrélation un très séduisant unisson ténor/bugle, Carlos Sarduy dessinant alors des contours de souffle soyeux sur ce dernier instrument de la section cuivres. Séquence d’apaisement toujours: « Transiciones », morceau le bien nommé vit le temps d’une balade toute en lenteur, en douceur, en nuances, objet d’un .chorus de sax soprano moelleux via Irvin Acao encore, solo soutenu en ce sens par le piano de Harold Lopez Nussa.
Complicité, écoute, disponibilité totale : chaque membre de El Comiité paraît quelque fois partir pour des chemins de traverse, histoire de tirer la couverture á soi. Pourtant les lignes, la trame mélodique se retrouvent au final toujours au rendez vous commun, se rejoignent au point prévu. Témoin, tiens encore ce petit moment de dialogue des deux pianos où Rolandon Luna et H.L.N. se regardent dans les yeux tandis que sax et bugle dans l’echange se tutoient au naturel.
Un concert de El Comiité c’est une série de moments comme autant d’images de couleurs fortes flashées live. Et se termine chaque fois en pas de danse partagés musiciens et public pris en symbiose.
Robert Latxague