Oloron: Lopez-Nussa, un cubain au centre de son Comité
Le public de Jéliote chauffé à blanc chante en choeur et accord parfait le gimmik mélodico -rythmique joué en point d’orgue du concert Et réclame le retour sur scène d’ »El Comité » séance tenante. La bande de jeunes cubains revient sur le plateau, tous interloqués autant que hilares…mais sans thème nouveau à offrir à la suite imprévue du bis. Qu’importe. Entrainés par le trompettiste ils investissent batterie et percussions histoire de rythmer le chant enthousiaste…du public oloronnais qui revendique.
Sandra Nkaké (voc), Ji Dru (fl, voc), Tatiana Paris (elg), Mathilda Haynes (elb), Mathieu Penot (dm)
Harold Lopez Nussa (p, elp) & ElComité: Rolando Luna (p, elp), Carlos Sarduy (tp), Irving Acao (ts), Gaston Joya (b, elb), Yaroldy Abreu (perc), Rodney Barreto (dm)
Des Rives et des Notes, Espace Jéliote, Oloron Sainte Marie, 29, 30 juin
Ils ne s’étaient produits ensemble qu’une seule fois, l’automne dernier dans le cadre de Jazz sur son 31, à Toulouse. sous la férule de Harold Lopez Nussa, un fidèle du festival béarnais. Pourtant dès l’entrée en matière la (joyeuse) bande de jeunes musiciens cubains laisse éclater en mode de « descarga » une fougue communicative dans laquelle s’exprime sans retenue aucune une fusion des énergies conjuguées (E’cha). Ils ont joué (la rythmique, la trompette) avec Chucho Valdes. Ils ont donc appris du maestro cubain également la rigueur, l’art du contraste dans l’exposition des couleurs musicales. Harold Lopez Nussa, lui aussi plutôt expert en la matière conduit les solistes vers des espaces plus dégagés, des terrains propices à l’apaisement (Carlos Saduy– installé à Barcelona- sonorité de trompette toute en finesse,
Irving Acao -il vit à Paris, on l’a entendu notamment aux côtés de Mario Canonge– offre aussi de séduisantes rondeurs au sax ténor. Les rythmes du « son », la soul cubaine, offre au tempo la souplesse de multiples rebonds (Yaroldi Abreu, étonnant/détonnant explore à merveille un incroyable réservoir de sortilèges, frappes ou caresses, sur son set de congés et djembés)
Mais aussi souvent que possible les cuivres se donnent rendez vous avec le soutien du (des) piano(s), pont çu coda, sur des mélodies d’apparence simples (Son a Emiliano) Harold Lopez Nussa évolue il est vrai dans un registre différent de Chucho. Moins de virtuosité affichée, toucher toujours dans l’élégance, construction harmoniques marquée par les allers et retours de l’histoire des musiques entre Cuba et l‘Espagne. Sous sa conduite les musiciens qu’il a choisis sous l’appellation « El Comité« , au delà d’épisodes d’assaut d’énergie folle libératoires (Mandinga) font naturellement étalage d’un haut savoir faire instrumental (j’ai eu l’occasion d’en faire le constat à maintes reprises lors d’un voyage dans l’île l’année passée, comme conté par épisodes dans Jazz Live), le tout dans une décontraction saisissante. Dans cet orchestre (presque) improvisé, la musique vit sa vie, jazz afro cubain aux senteurs d’aujourd’hui (Now days, titre bien choisi) qui n’obèrent en rien quelques flashs back d’histoire (Tres Palabras, chanson sacralisée notamment dans les voix Omara Portuondo ou la diva Celia Cruz) Les contenus vivent par l’échange : « chase » très brillant sax ténor / trompette sur Bacalao que l’on imagine, yeux clos entre disons…Rollins et Wynton Marsalis. On peut rêver non ?…Bref, de la finesse, des trouvailles, de l’expression directe, et toujours chez le pianiste Lopez Nussa, dans un rôle inédit de catalyseur made in Cuba to day, un lyrisme maintenu à fleur de peau
Reste à souhaiter que dans la session qui débute ces jours ci dans un studio de Toulouse, cette marque déposée se retrouve intacte, vivante, pleine des caractères exposés en live dans un disque à venir l’an prochain. Avec, on l’espère le sceau reconnaissable des compositions de Harold Lopez Nussa.
Bon, inutile de le préciser, mais on le fait quand même: une introduction festivalière (pour moi) dans le cadre du festival Des Rives et des Notes (du jazz pour oublier peut-être dans cette ville où la rivière, torrent de montagne baptisée Gave -d’Oloron celui là- rappelle les malheurs de deux cités quasi voisines emportées et martyrisées par des courants de flots devenus fous, Salies de Béarn et Peyrehorade, car malgré la philosophie de l’improvisation, la vraie vie continue pour les locaux…) Bref, les échos et images de Sandra Nkaké, n’offrent pas, au pied d’une superbe vallée pyrénéenne, le même type de reliefs que la furia cubaine Chez elle, corps sonore électrique plus qu’éclectique, les motifs rythmiques tirent le fil rouge musical. A partir d’une parité plus un, c’est à noter dans le contexte actuel: orchestre constitué de trois femmes et deux hommes. Le son frappe direct au plexus, chargé d’impulsions électriques. Bien entendu -c’est le cas de le dire, sono excellente en restitution- la voix, chaude, percutante se place très en avant. Les choeurs, à deux, à trois organes, poussent fort la palette des couleurs. La flûte -original, intéressant le parti pris de relief imposé par Ji Dru dont le strass du costard et des pompes nous rappelle le défunt Odeurs de Ramon Pipin– ajoute un climat orientaliste. On note volontiers le travail des lumières blanches flashées en pleine poire du public « On a bossé le son comme l’éclairage » dira après coup Sandra Nkaké sur le chemin, habituel désormais, de la séquence signature/dédicace de CD, souriante sous les applaudissements dans le hall de la salle Jéliote. Moins de trace d’Afrique, davantage de traits fortement impactants, plus de scénographie, silhouette, gestuelles et mouvement pour un spectacle de sons enrichis d’effets de lumière. Des mots chantés, criés pour dire une soif de liberté de vivre ensemble. Dans une musique bâtie pour frapper fort. A l’estomac à minima.
Robert Latxague