Jazz live
Publié le 3 Mar 2025 • Par Xavier Prévost

Orchestre des Jeunes de l’ONJ & Académie de composition

Pour la sixième fois l’Orchestre National de Jazz suscite un orchestre des jeunes, recruté en France et en Europe, pour faire revivre les répertoires des directeurs musicaux successifs de l’ONJ depuis sa création en 1986. Avec chaque fois une résidence pour travailler le répertoire choisi, puis une tournée ; en 2021, pour cause de covid, ce fut un concert sans public, mais capté en vidéo, et diffusé via la chaîne Youtube de l’ONJ (début du concert à 3 minutes et 45 secondes)

Il y eut en 2019 le répertoire de François Jeanneau, en 2021 celui de Franck Tortiller, puis Denis Badault, Laurent Cugny et Claude Barthélémy. Cette fois, pour la saison 6, c’est la musique de Didier Levallet (ONJ 1997 -2000), qui sera dirigée par Sophia Domancich, qui était alors la pianiste de cet orchestre.

https://www.onj.org/programme/orchestre-des-jeunes-de-lonj-saison-6

Depuis 2022 l’ONJ s’est joint à l’association Real Time Music pour offrir aux jeunes compositeurs et compositrices la possibilité de faire jouer l’œuvre travaillée lors de l’Académie de composition organisée par cette structure, et c’est l’orchestre des jeunes de l’ONJ qui se fait l’interprète de ces nouvelles œuvres.

https://realtimemusic.fr/membres/academie-de-composition

Après plusieurs jours de rencontres, conférences et répétitions, un événement que Franck Bergerot a évoqué dans ces colonnes

c’est le moment d’écouter l’Orchestre au Pavillon de la Sirène

photo Maxim François

ORCHESTRE DES JEUNES DE L’ONJ

SAISON 6 (2024-2025), sur le répertoire de Didier Levallet
Sophia Domancich
(piano, direction musicale)

Adriana Calvo (saxophone alto, flûte), Clemens Köhler (saxophones ténor & soprano), Baptiste Stanek (saxophone ténor, flûte), Alba Esteban (saxophone baryton, clarinette basse), Timothé Lantoine & Hans Wohlfarth (trompettes), Garance Baltardive & Jules Regard (trombones), Jan Erdos (cor), Paolo Rezze (violoncelle), Heehyun Lee (guitare électrique), Jenny Pillet (contrebasse), Emile Rameau (batterie), Mila Sher (sonorisation)

Paris, Pavillon de la Sirène, 28 février 2025, 20h

photo Maxim François

La musique est empruntée aux trois albums de l’ONJ Didier Levallet. Les solistes ne sont pas nécessairement ceux des instruments de la version princeps : le choix s’est fait à partir des affinités électives. Certains morceaux sont enchaînés via des improvisations qui assurent un parfait tuilage : c’est bien l’esprit originel, et cela nous rappelle opportunément ce qu’est la musique de Didier Levallet, construite tout à la fois sur une grande connaissance de toute l’histoire du jazz et sur les pulsions libertaires issues des années 60-70, qui virent éclore le talent du contrebassiste-compositeur. Ce programme me remet en mémoire l’échange en forme de confraternelle controverse entre Didier Levallet (ONJ 1997-2000) et Laurent Cugny (ONJ 1994-1997), sur le thème de la création, dans le n° 11 des Cahiers du Jazz , période P.U.F. (l’avant dernier de la série), et le numéro unique des Cahiers de l’éphémère période des éditions Alive.

Pour ce concert, les thèmes abordés furent Elascap, Rue de Charenton, Cornouailles (arrangement d’une composition de Gérard Marais), Passages et Aléas. Et aussi un arrangement de Didier Levallet sur Vashkar de Carla Bley, sublime composition que le contrebassiste sut faire entendre sous un angle neuf. Très bel engagement musical, en solo comme en section, de tous les membres de l’orchestre : ce fut un pur bonheur pour le public, et singulièrement pour votre serviteur, amateur chenu qui se souvient d’avoir écouté Didier en 1967 à Lille avec le regretté Mickey Graillier, et à la batterie un Ami tout autant regretté, Jean-Michel Mailly ; puis dans le big band de Claude Cagnasso…. et aussi avec le groupe Perception, et par la suite, ailleurs et très souvent, notamment lorsqu’il dirigeait l’ONJ. Décidément cet Orchestre des Jeunes faisant revivre les répertoires passés de l’ONJ est une bien belle aventure, et Sophia Domancich assurait cette année avec maestria la renaissance de cette musique dont elle fut naguère l’interprète et la soliste. Chapeau bas !

L’orchestre des Jeunes jouera ce programme le 9 mars au Conservatoire de Dreux, le 20 avril au Conservatoire d’Orléans, et le 18 mai au Petit Faucheux de Tours

Un reportage vidéo sur ce concert a été réalisé. Il sera accessible dans quelque temps sur la chaîne Youtube de l’ONJ

photo X.Prévost

L’académie de composition s’est déroulée toute la semaine précédente sous la houlette de Sylvaine Hélary, nouvelle directrice artistique de l’ONJ, pour les pièces en petites et moyennes formations, et de Fred Maurin, son prédécesseur, pour les pièces en grand ensemble ; le tout avec le concours du trompettiste Xavier Bornens pour l’association Real Time Music

L’orchestre :

Adriana Calvo (saxophone alto, flûte), Clemens Köhler (saxophones ténor & soprano), Baptiste Stanek (saxophone ténor, flûte), Olivier Roch (saxophone baryton), Timothé Lantoine & Hans Wohlfarth (trompettes), Garance Baltardive & Jules Regard (trombones), Jan Erdos (cor), Paolo Rezze (violoncelle), Heehyun Lee (guitare électrique), Oscar Teruel (piano), Jenny Pillet (contrebasse), Emile Rameau (batterie), Mila Sher (sonorisation)

Les compositrices et compositeurs, et les effectifs :

Rozann Bézier, Olivier Roch, Irina Leach (sextettes)

Laura Humbert (tentette)

Pierre-Antoine Savoyat, Vigdis Hansa Elst, Marco Luparia, Laura Veltri (grand orchestre)

Paris, Pavillon de la Sirène, 1er mars 2025, 20h

L’orchestre des jeunes reprend du service, avec cette fois un autre pianiste, et au saxophone baryton l’un des compositeurs, car la titulaire, présente la veille sur scène, était souffrante le jour suivant.

Grande variété de langages et de formes, avec pour quasi constante une alternance de longues tenues harmoniques et de séquences avec ce que les Italiens appellent tempo di jazz, lorsque qu’un tempo plus vif et affirmé se fait jour, et que les syncopes s’installent. Avec une combinatoire formelle qui peut aller jusqu’à une sorte de suite fragmentée et délibérément nourrie de contrastes violents, comme ce sera le cas avec la pièce composée par Pierre-Antoine Savoyat.

photo Maxim François

Une œuvre intitulée Adieu la vie, adieu l’amour, en référence à La chanson de Craonne (les autochtones du département de l’Aisne, dont je fais partie, prononcent ‘crane’, comme on prononce ‘Lan’ pour la préfecture qui s’écrit Laon….). Une chanson militante inspirée par le carnage du Chemin des Dames provoqué par un Général en chef qui envoya à la mort, en 1917, des milliers de soldats, par son obstination à défendre une position indéfendable.

photo Maxim François

Également pour la grande formation, la composition de Vigdis Hansa Elst, La villanelle du vélo, procédait aussi d’une forme complexe et diversifiée, plus concise cette fois.

Dans les petites et moyennes formations, même forme très contrastée dans la composition de Laura Humbert intitulée Jusqu’à ce qu’il disparaisse. Au-delà des diversités esthétiques, l’ensemble des œuvres proposées affichait un réel intérêt, et donnait une fois encore à cette académie sa raison d’être.

Xavier Prévost