Orchestre des Jeunes de l’ONJ saison 5 : Claude Barthélémy

Un concert éruptif, chamarré, et un répertoire maîtrisé (et même magnifié) par de jeunes musiciennes et musiciens recrutés en France, et dans d’autres pays d’Europe, sur des auditions assurées, avec la complicité de Jean-Charles Richard, conjointement par le chef invité et l’actuel directeur artistique de l’Orchestre National de Jazz, Frédéric Maurin. C’est ce dernier qui, au début de son mandat en 2019, a souhaité que l’on recrute chaque année un ONJ des Jeunes, et que cet orchestre relativement éphémère joue le répertoire des directeurs musicaux et directeurs artistiques qui se sont succédés à la tête de cette institution, sans forcément respecter le calendrier historique. Ce furent donc, de la saison 1 à la saison 4, François Jeanneau, Franck Tortiller, Denis Badault et Laurent Cugny. Cette année c’est le tour de Claude Barthélémy, le seul à avoir fait deux mandats distincts à la tête de l’ONJ, d’abord en 1989-1990, puis en 2002-2005. Et après plusieurs résidences en région Nouvelle Aquitaine, l’orchestre fait escale à Paris, d’abord au CRR de Paris pour des répétions publiques, puis en Banlieue, près de la Mairie des Lilas, au Triton. Et cela se termine, au moment où j’écris ces lignes, au Conservatoire National Supérieur de Paris (CNSMDP) par une séance d’enregistrement

ORCHESTRE des JEUNES DE l’ONJ, saison 5

Claude Barthélémy (direction musicale, guitare électrique, oud)

Liam Szymonik (saxophones alto & sopranino), Pierre Carbonneaux (saxophones ténor & soprano, remplaçant ‘au pied levé’ Robert Wypasek), Johannes Knoll & Dmitriy Loginov (trompettes), Rozann Bézier & Gaspard Moglia (trombones), Amélie Ratle (euphonium), Selma Benlarbi (accordéon), Léo Laurent (vibraphone), Raphaël Gautier (guitare électrique), Joana Lazzarotto (guitare basse), Léna Aubert (contrebasse) & Loup Godfroy (batterie)

Les Lilas, Le Triton, 4 mai 2024, 20h30

L’orchestre joue des musiques empruntées aux deux périodes de l’ONJ-Barthélémy ; dont deux thèmes qui furent joués à l’époque, mais ne figurent pas sur les quatre disques publiés. C’est le cas du premier, Munir, éruption musicale virtuose et très maîtrisée par les jeunes artistes qui composent l’orchestre. Comme plusieurs des compositions jouées ce soir, ce titre fait la part belle aux influences médiorentales puisqu’il était à l’origine (le CD « Sereine », en quintette augmenté, enregistré en 2000) dédié à Nusrat Fateh Ali Khan. Puis c’est un atterrissage vertigineux sur le blues avec Yves Klein, où le chef d’orchestre (qui ne s’offrira pas – loin de là – le rôle de soliste privilégié au fil du concert) va donner libre cours à sa formidable expressivité. L’arrangement, comme ce sera le cas en permanence, s’offre des ruptures et des échappées que l’orchestre négocie à merveille. Par exemple dans le blues surgira une sorte de fanfare ‘à la Monteverdi’…. Et ça s’enchaînera avec BadGag, insiré par la deuxième guerre d’Irak en 2003.

Puis Claude Barthélémy annonce ‘du vrai jazz’, lequel se trouvera dynamité par des excursions ‘vieux style’, et une relecture hardie de Fats Waller. Ce qui me frappe, c’est que cette musique (son arrangement, son interprétation) respire à la fois le binaire et le ternaire : une mystère pour le vieil amateur que je suis, amateur certes mais pas expert en rythmicité. Au gré des thèmes nous aurons des écarts vers le rock, le funk, et de nouveaux détours ‘à l’orientale’, voire des réminiscences de musique celtique. Et aussi un déboulé furieux sur les harmonies de Giant Steps de Coltrane. Sans oublier une séquence où Claude Barthélémy jouera du oud d’une manière toujours aussi surprenante que convaincante. Arrangements virtuoses, très bons solistes, et belle sonorisation (sur une nomenclature singulière) par un étudiant au département musique-son-image du CNSM, Tom Fougedoire : le concert fut un régal de bout en bout. Pour le public du Triton, venu nombreux, comme pour votre serviteur, tout aussi enthousiaste.

Xavier Prévost