Palmer: Yves Rousseau, un jazz millésimé
Csaba Palotaī, chevelure argentée abondante, lunettes montures rectangle, bref de faux airs du look Larry Corryell des années 80, triture sa Fender Télécaster en de furieux allers et retours de mediator sur le haut du manche. Chorus sur-compressé. Au point de casser d’un coup, d’un seul une corde aiguë sans pour autant stopper son exercice exploratoire extrême entamé en guise de solo. Accident impromptu, isn’t It, dans un moment de jazz ? Au lendemain même de la disparition de Van Halen…
Yves Rousseau (b), Géraldine Laurent (as), Thomas Savy (bcl), Jean-Louis Pommier (tb), Csaba Palotaï (g), Étienne Manchon (cla), Vincent Tortiller (dm)
Le Rocher de Palmer, 8octobre, Cenon (33152)
La photo cover de son nouvel album ( CD Yolk Music) parle d’elle même avec ces ados fixés en couleur dans un décor de plongeoir de piscine « J’ai conçu ce disque comme autant de réminiscences de la découverte incroyable au Lycée de grands groupes qui livraient une musique expérimentale, les King Crimson, Pink Floyd, Soft Machine ou autres Genesis… » Les compositions originales écrites pour l’occasion célèbrent donc les sonorités de l’époque, individuelles liées aux instruments choisis, comme collectives en fonction des couleurs additionnées, tramées. Ceci posé l’ecoute live révèle rapidement que l’écriture signée Yves Rousseau s’avère à la base, rigoureuse, fort construite. Déroulées, enchaînées en plusieurs parties tout au long du concert (Réminiscences, Darknesse Desires) ou piquées de petits épisodes thématiques empruntés à des figures emblématiques de cette pop des seventies. Il en va ainsi de Ending with Orleans de David Crosby, petite mélodie chatoyante célébrée avec délicatesse à trois voix sax/trombone/clarinette basse dans Personal Computer. Ou In a court of à Krimson King de Robert Fripp, en guise de complainte jouée pur feeling par le leader sur cordes de basse pour Winding Pathway.
L’ensemble des thèmes répercute bien sur des climats, des couleurs, des timbres, des sons (effets réverb, phasiing, pédale wah wah par exemple habillent les sonorités de la guitare), des instruments (claviers Wurlitzer et Moog utilisés avec inventivité par le tout jeune Etienne Manchon) dans la veine des musiques dont s’inspire Yves Rousseau pour ces Fragments. Une constante revient au cours de ces épisodes ainsi exposés sur la scène bordelaise: les lignes de mélodies traversent l’espace de la salle pour pénétrer profondément dans le cortex. Musique de présence, de prégnance. Sans doute aussi faut-il y déceler le fruit mûri d’une forte énergie déployée cash (témoin les frappes stroboscopiques de Vincent Tortiller) Et aussitôt transmise. Alors certes, hormis quelques pics culminants (Jean-Louis Pommier, ses effets de souffle multiple, Csaba Palotai, drôle de guitariste aux riffs ravageurs) les parties solos ne revêtent pas forcément une importance déterminante façon mise en avant de l’instrumentiste à tout prix. Elles n’en soulignent pas moins le propos, la marque de fabrique du groupe. Fragments, une marque (clairement) déposée en live également.
Robert Latxague