Pau Jazz: Kyle Eastwood au Foirail fait son cinéma
Kyle Eastwood (b, elb), Andrew Mc Cormack (p), Quentin Collins (trompette, bugle), Brandon Allen sax), Chris Higginbottom (batterie)
Le Foirail, Pau (64000), 26 novembre
« Il est malin ce Kyle Eastwood, il a su trouver les clefs pour conquérir tout de suite le public palois du jazz en faisant son…cinéma» Cette remarque entendue de la part d’un jazz fan vétéran de la capitale béarnaise est frappée au coin du bon sens. Aligner successivement des airs signés Bernard Herrmann, Lalo Schiffrin, Ennnio Morricone et compagnie ne signifie pas parler forcément à toutes les oreilles. Mais si l’on y accole les titres des films concernés, de Taxi Driver à Skyfall en passant par Pink Panther ou même Ciné Paradisio, la partie jouée bénéficie alors d’une grande chance d’être gagnée d’avance. Surtout si le leader de l’orchestre porte un patronyme célèbre dans l’univers du 7e art…
Ceci posé il faut reconnaître malgré tout que le travail de Kyle Eastwood dans les arrangements comme l’exécution orchestrale «live» témoigne d’un travail évident. Inutile d’aller y chercher pour autant des pointes d’originalité à tout prix. De quérir de vraies surprises à noter dans les contenus. Reste que cette musique procède d’un vrai boulot jazzistiquement bien fait.
Ainsi pour la musique du film de Martin Scorsesee, le «score» du Taxi Driver démarre sur un jet de sax soprano en une tonalité acidulée enchaînée d’un trait de bugle, épais, dense, marques qui font qu’on en reconnaît l’intirgue musicale du premier coup d’oreille. Puis une série d’unissons permet d’avancer dans des couleurs différentes, de les faire varier en forme de miroirs déformants. Même effort tenté pour aboutir à une trouvaille à l’occasion de l’illustration de l’iconique «Bullit», musique signée par l’expert argentin Lalo Schiffrin. Le thème se suffit à lui même s’il fallait seulement pouvoir se rappeler en priorité la belle «gueule» de Steve Mc Queen. Ces images inscrites dans le souvenir de tout un chacun se passeraient bien de chorus en mode de développement. Pourtant Eastwood fils en offre un, discours de basse tout en dessin hachuré, phases rythmiques destinées á reproduire un climat d’accelérations qui colle aux séquences vécues du film. Pour célébrer la patte d’Ennio Morricone à présent, c’est au trio sax/basse/piano, ce dernier plutôt brillant ici, de jouer. Un sentiment d’intimité s’exhale de ce triangle instrumental empreint de nuances. Un parfum de « Cinéma Paradisio» en quelque sorte. Et ainsi de suite pour chaque thème abordé…
Ces airs qui ont tout d’un recueil de chants que l’on a perçu un jour ou l’autre dans une salle obscure ou bien même à la radio, on les reconnaît, on les resitue immediatement avec ou sans flashs d’images pour les accompagner dans notre mémoire. Ça marche donc du côté du public évidemment, à Pau présentement comme ailleurs hier et sans doute demain. Nul besoin d’y ajouter le pas cadencé de la Panthère Rose. Et pourtant…à l’écoute de ces notes gimmicks les gradins tout neufs garnis en mode «sold out» pour cette première du Foirail trépignent illico pour l’occasion.
On reviendra au jazz et à ses essences plus discrètes pour «Gran Torino», via une mélodie modulée à trois voix là encore. Partis joints en balade, bugle et ténor sax y accompagnent la basse pour la faire monter en douceur puis retomber comme une crème onctueuse, cette soyeuse ligne mélodique. Et cette fois, qu’on se le dise, la musique du beau film signé Clint est issue de la plume de Kyle lui même. Jazz et cinéma représentent bien, chez les Eastwood, une affaire de famille. Une situation parfaitement en accord avec Pau désormais puisque aussi bien le Foirail, inauguré ce week end ci, offre désormais au public ciblé des salles spécifiques à ces deux formes d’art sujets à création.
Robert Latxague