Pau: Trio Persona en Tonerre de Jazz
Persona trio : Paul Jarret (g). Alexandre Perrot (b) Ariel Tessier (dm)
Chapelle du Conservatoire de Pau (64000) 14 février
Dans ses nombreux albums enregistrés en plus ou moins grande formation le sceau de la musique du guitariste Paul Jarret passe par une série de climats plus ou moins contrastés. Celui célébrant l’ouverture de ce concert plein Pau( (*) en période hivernale se veut supposément représentatif de l’atmosphère climatique d’une ville de Suède (pays de la grand mère de Paul Jarret, signataire de ce » Sören’s Place » ) Soit en introduction la projection froide d’une monotonie lisse installée ici sous la voûte de pierre d’une chapelle. Comme des vagues de sons qui vont, viennent, puis refluent insistantes sous les accords réverbérés et le seul relief notoire de crêtes de percussions. Même cause, (quasi) même effet avec le second thème,« Wallumrad » écrit par le bassiste Alexandre Perrot, parcours pratiqué à mi-chemin entre échos d’un folklore nordique et chromos jazz. La mélodie générée par les cordes de basses s’exhale dans des temps très courts mais s’impose pourtant au final revenant telle un refrain, motif simple, dépouillé à l’image de celui repris par les voix d’un choeur. La batterie jouée à main nue fait résonner des caisses natures avec le rebond d’une grosse caisse grave en mode bourdon.
On note dans l’exécution des différents contenus une démarche volontairement de marque plutôt collective. Le trio affirme se prévaloir d’un « jazz joué au présent » À l’évidence la musique à l‘écoute live, de facture très improvisée, s’en trouve difficilement classable, étiquetable. Impossible à placer entre des bornes de référence.
On demeure dans le cadre d’un vocable suédois pour une séquence évocatrice d’un épisode de vie quotidienne enfantine « Barn pa mattan » pour « Les enfants sur le tapis » traduit du suédois…Ou comment porter des petites notes en mouvement d’ascension jusqu’à son acmé, sorte d’apocalypse en modèle réduit issue d’une exploration sous (pédale de) distorsion et acidité poussée crispante de (l’effet) larsen. Idée singulière maintenant d’évoquer Monk – « Brillant corners », un thème peu connu de son époque de jeunesse- dans le triangle dépouillé du trio avec la guitare comme seul instrument potentiel vecteur harmonique. Petit boulot ficelé à part. Pour célébrer un autre jazz héros, guitariste celui là ( « Slam « de Jim Hall ) le climax se fait plus cool, déroulant par surprise une scène de pur swing partagé par les trois jeunes musiciens. Un problème de sono ensuite, petit intermède imprévu à régler en silence obligé…On se rend compte alors dans cette chapelle adjacente au bâtiment neuf du Conervatoire de la ville et donc seul élément réchappé d’un ancien couvent, du drôle de décor dans lequel vivre un tel concert: une nef vide avec pour seule lumière les spots rougeoyants des filaments de radiateurs électriques du chauffage fichés haut sur les colonnes de l’ancien édifice religieux. Un énorme volume d‘air (frais!) stagne ainsi au dessus des musiciens.
La musique toutefois reprend ses droits et ses lignes en hachures. De quoi susciter pourtant un autre sentiment dans l’appréhension du travail du trio vécu en direct dans le dit décor. Le son global du trio assuré par les sonorités propres à chaque instrument pris stricto sensu ne relève pas à cet instant d’une fusion, d’un quelconque effet de mix ou de simple mélange à proprement parler Sinon d’une équation simple : la musique du trio égale 1+1+1. Selon la nature des morceaux et porté par des élans d’improvisation différenciés, le dit « jazz au présent » passe aussi par un jazz mouvant. Reste un moment fort vécu en conclusion « Lonely Woman » résonne non sans un certain lyrisme partagé celui là en hommage à la mystérieuse syntaxe de « l’harmolodie », invention complexe à expliciter chère à Ornette Coleman. Voire – les couleurs données à la sonorité de la guitare en particulier -aux chemins expérimentaux, autre conjugaison de notes, accords, grilles harmoniques en décapage /décalage caractéristique du travail de recherche beaucoup moins connu propre au guitariste et compositeur guadeloupéen Gérard Lockel disparu il y a quelques mois. Morceau final qui fut l’occasion d’une démonstration, question de puissance et volume imbriqués, du savoir faire du batteur, ancien élève du conservatoire palois, le « local » Ariel Tessier.
Robert Latxague
(*) Une initiative à relever puisque ce concert comme le suivant qui associera au Cinéma le Mélies projection de film et concert du groupe L’Arbre Rouge du saxophoniste Hugot Mayot, deux des rendez-vous de la saison fixés par l’association Tonnerre de Jazz jusqu’ici souvent cantonnée pour ses actions jazz dans la périphérie de la capitale du Béarn ont enfin pour cadre des salles de la cité berceau du Roi Henri IV, régie par le maire et présentement Premier Ministre François Bayrou