Piano Jacobins 2015 : Monty Alexander
Si Monty Alexander reste célèbre pour ses tourbillonnants trios emmenés aux quatre coins du monde, c’est dans un cadre intimiste et en duo qu’il se produit ce soir. Par le choix du répertoire comme par la complicité des instrumentistes, le tandem constitué avec Hassan Shakur évoque celui formé par Charles Davis et John Hicks il y a une quinzaine d’années.
Monty Alexander (p), Hassan Shakur (b)
Cloître des Jacobins, Toulouse, 30 Septembre 2015
I got rhythm donne le ton : swing, punch, espièglerie ; cette vigoureuse version est suivie par un calypso rappelant les origines antillaises du pianiste, qui partage aussi quelques anecdotes sur son adolescence à La Jamaïque.
Situé en plein centre-ville, le couvent, majestueux et d’un calme enviable, semble coupé du monde – sa fonction première il est vrai. La chapelle n’a cependant pas été conçue pour accueillir des contrebassistes, les nuances déployées par Shakur se perdant quelque peu dans les hautes voûtes résonantes. Sagement, le musicien choisit la voie de la tempérance pour la suite du programme. Comme à l’accoutumée, Alexander émaille son discours de citations de standards et réminiscences d’un parcours débuté voici plus d’un demi-siècle. Sa virtuosité véloce et généreuse rappelle celle d’un Wynton Kelly en son temps. Mais, est-ce l’effet de la maturité, un sens de la retenue s’esquisse dans sa musique, qui n’a pas à s’en plaindre. Maniant les contrastes, le pianiste défend alors une plage d’obédience classique, fraîche et pleine de trouvailles. Maîtrise et décontraction en équilibre constant : il ne faut rien y voir de miraculeux, mais le résultat d’un travail assidu, d’une vie de musique. Les amateurs de feux d’artifice pourront préférer l’enregistrement du fameux concert à Montreux en 1976. Je savoure quant à moi sans réserve chaque volée de doigts sur le piano. Isn’t she lovely ? de Stevie Wonder réconcilie sans effort apparent tenants du swing et amateurs de soul. Une rêverie romantique de la plume du pianiste, The River, plonge l’assistance dans un état de contemplation pastorale. Pas longtemps : la couleur revient aux joues de tous avec Things ain’t what they used to be de Duke Ellington. De fait, l’aura d’élégance de Duke convient fort bien à la vedette de la soirée.
Après l’entracte, on explore toujours les ballades des temps jadis avec The man I love de George Gershwhin (également interprété par Paul Lay quelques jours plus tôt). Se succèdent joyeusement pièces populaires, mélodies éternelles et morceaux plus complexes, ces trois axes pouvant se marier à l’envi, selon le feeling du moment. Le pianiste nous expose ainsi à un large panorama de styles ayant irrigué le sillon du jazz : une pédagogie musicale d’autant plus efficace qu’elle ne se présente pas comme telle. C’est l’automne; en solo, Shakur ramasse les Feuilles Mortes, dont il tire une improvisation inspirée. Vient le tour d’un medley au groove rectiligne, qui voit s’enchaîner avec un humour débordant les thèmes des films James Bond et La Panthère Rose, et autres célèbres génériques, talonnés par un Vol du Bourdon adéquatement aérien. Ce sympathique cabotinage cède la place à une pièce d’un romantisme éperdu – nouvelle rupture de ton chez un pianiste qui, en matière d’agilité raffinée dans la tradition, en a toujours sous le coude. La fusion de l’émotion et du rythme s’opère enfin sous la forme d’un calypso nostalgique en piano solo, avec un sens de l’épure qui fait mouche. Redemption Song, l’hymne atypique de Bob Marley, et un sobre Body and Soul, viennent clore le concert. A la sortie de l’église, le nombre de sourires sur les visages devait être sensiblement identique au nombre de billets écoulés. C’est que Monty Alexander reste un incomparable crowd-pleaser, comme on dit outre-Atlantique.
David Cristol
Photographie : Emmanuel Deckert
Le Festival International Piano aux Jacobins est soutenu par la Mairie de Toulouse, le Conseil Départemental de la Haute-Garonne, la Région Midi-Pyrénées et la Fondation BNP Paribas.|Si Monty Alexander reste célèbre pour ses tourbillonnants trios emmenés aux quatre coins du monde, c’est dans un cadre intimiste et en duo qu’il se produit ce soir. Par le choix du répertoire comme par la complicité des instrumentistes, le tandem constitué avec Hassan Shakur évoque celui formé par Charles Davis et John Hicks il y a une quinzaine d’années.
Monty Alexander (p), Hassan Shakur (b)
Cloître des Jacobins, Toulouse, 30 Septembre 2015
I got rhythm donne le ton : swing, punch, espièglerie ; cette vigoureuse version est suivie par un calypso rappelant les origines antillaises du pianiste, qui partage aussi quelques anecdotes sur son adolescence à La Jamaïque.
Situé en plein centre-ville, le couvent, majestueux et d’un calme enviable, semble coupé du monde – sa fonction première il est vrai. La chapelle n’a cependant pas été conçue pour accueillir des contrebassistes, les nuances déployées par Shakur se perdant quelque peu dans les hautes voûtes résonantes. Sagement, le musicien choisit la voie de la tempérance pour la suite du programme. Comme à l’accoutumée, Alexander émaille son discours de citations de standards et réminiscences d’un parcours débuté voici plus d’un demi-siècle. Sa virtuosité véloce et généreuse rappelle celle d’un Wynton Kelly en son temps. Mais, est-ce l’effet de la maturité, un sens de la retenue s’esquisse dans sa musique, qui n’a pas à s’en plaindre. Maniant les contrastes, le pianiste défend alors une plage d’obédience classique, fraîche et pleine de trouvailles. Maîtrise et décontraction en équilibre constant : il ne faut rien y voir de miraculeux, mais le résultat d’un travail assidu, d’une vie de musique. Les amateurs de feux d’artifice pourront préférer l’enregistrement du fameux concert à Montreux en 1976. Je savoure quant à moi sans réserve chaque volée de doigts sur le piano. Isn’t she lovely ? de Stevie Wonder réconcilie sans effort apparent tenants du swing et amateurs de soul. Une rêverie romantique de la plume du pianiste, The River, plonge l’assistance dans un état de contemplation pastorale. Pas longtemps : la couleur revient aux joues de tous avec Things ain’t what they used to be de Duke Ellington. De fait, l’aura d’élégance de Duke convient fort bien à la vedette de la soirée.
Après l’entracte, on explore toujours les ballades des temps jadis avec The man I love de George Gershwhin (également interprété par Paul Lay quelques jours plus tôt). Se succèdent joyeusement pièces populaires, mélodies éternelles et morceaux plus complexes, ces trois axes pouvant se marier à l’envi, selon le feeling du moment. Le pianiste nous expose ainsi à un large panorama de styles ayant irrigué le sillon du jazz : une pédagogie musicale d’autant plus efficace qu’elle ne se présente pas comme telle. C’est l’automne; en solo, Shakur ramasse les Feuilles Mortes, dont il tire une improvisation inspirée. Vient le tour d’un medley au groove rectiligne, qui voit s’enchaîner avec un humour débordant les thèmes des films James Bond et La Panthère Rose, et autres célèbres génériques, talonnés par un Vol du Bourdon adéquatement aérien. Ce sympathique cabotinage cède la place à une pièce d’un romantisme éperdu – nouvelle rupture de ton chez un pianiste qui, en matière d’agilité raffinée dans la tradition, en a toujours sous le coude. La fusion de l’émotion et du rythme s’opère enfin sous la forme d’un calypso nostalgique en piano solo, avec un sens de l’épure qui fait mouche. Redemption Song, l’hymne atypique de Bob Marley, et un sobre Body and Soul, viennent clore le concert. A la sortie de l’église, le nombre de sourires sur les visages devait être sensiblement identique au nombre de billets écoulés. C’est que Monty Alexander reste un incomparable crowd-pleaser, comme on dit outre-Atlantique.
David Cristol
Photographie : Emmanuel Deckert
Le Festival International Piano aux Jacobins est soutenu par la Mairie de Toulouse, le Conseil Départemental de la Haute-Garonne, la Région Midi-Pyrénées et la Fondation BNP Paribas.|Si Monty Alexander reste célèbre pour ses tourbillonnants trios emmenés aux quatre coins du monde, c’est dans un cadre intimiste et en duo qu’il se produit ce soir. Par le choix du répertoire comme par la complicité des instrumentistes, le tandem constitué avec Hassan Shakur évoque celui formé par Charles Davis et John Hicks il y a une quinzaine d’années.
Monty Alexander (p), Hassan Shakur (b)
Cloître des Jacobins, Toulouse, 30 Septembre 2015
I got rhythm donne le ton : swing, punch, espièglerie ; cette vigoureuse version est suivie par un calypso rappelant les origines antillaises du pianiste, qui partage aussi quelques anecdotes sur son adolescence à La Jamaïque.
Situé en plein centre-ville, le couvent, majestueux et d’un calme enviable, semble coupé du monde – sa fonction première il est vrai. La chapelle n’a cependant pas été conçue pour accueillir des contrebassistes, les nuances déployées par Shakur se perdant quelque peu dans les hautes voûtes résonantes. Sagement, le musicien choisit la voie de la tempérance pour la suite du programme. Comme à l’accoutumée, Alexander émaille son discours de citations de standards et réminiscences d’un parcours débuté voici plus d’un demi-siècle. Sa virtuosité véloce et généreuse rappelle celle d’un Wynton Kelly en son temps. Mais, est-ce l’effet de la maturité, un sens de la retenue s’esquisse dans sa musique, qui n’a pas à s’en plaindre. Maniant les contrastes, le pianiste défend alors une plage d’obédience classique, fraîche et pleine de trouvailles. Maîtrise et décontraction en équilibre constant : il ne faut rien y voir de miraculeux, mais le résultat d’un travail assidu, d’une vie de musique. Les amateurs de feux d’artifice pourront préférer l’enregistrement du fameux concert à Montreux en 1976. Je savoure quant à moi sans réserve chaque volée de doigts sur le piano. Isn’t she lovely ? de Stevie Wonder réconcilie sans effort apparent tenants du swing et amateurs de soul. Une rêverie romantique de la plume du pianiste, The River, plonge l’assistance dans un état de contemplation pastorale. Pas longtemps : la couleur revient aux joues de tous avec Things ain’t what they used to be de Duke Ellington. De fait, l’aura d’élégance de Duke convient fort bien à la vedette de la soirée.
Après l’entracte, on explore toujours les ballades des temps jadis avec The man I love de George Gershwhin (également interprété par Paul Lay quelques jours plus tôt). Se succèdent joyeusement pièces populaires, mélodies éternelles et morceaux plus complexes, ces trois axes pouvant se marier à l’envi, selon le feeling du moment. Le pianiste nous expose ainsi à un large panorama de styles ayant irrigué le sillon du jazz : une pédagogie musicale d’autant plus efficace qu’elle ne se présente pas comme telle. C’est l’automne; en solo, Shakur ramasse les Feuilles Mortes, dont il tire une improvisation inspirée. Vient le tour d’un medley au groove rectiligne, qui voit s’enchaîner avec un humour débordant les thèmes des films James Bond et La Panthère Rose, et autres célèbres génériques, talonnés par un Vol du Bourdon adéquatement aérien. Ce sympathique cabotinage cède la place à une pièce d’un romantisme éperdu – nouvelle rupture de ton chez un pianiste qui, en matière d’agilité raffinée dans la tradition, en a toujours sous le coude. La fusion de l’émotion et du rythme s’opère enfin sous la forme d’un calypso nostalgique en piano solo, avec un sens de l’épure qui fait mouche. Redemption Song, l’hymne atypique de Bob Marley, et un sobre Body and Soul, viennent clore le concert. A la sortie de l’église, le nombre de sourires sur les visages devait être sensiblement identique au nombre de billets écoulés. C’est que Monty Alexander reste un incomparable crowd-pleaser, comme on dit outre-Atlantique.
David Cristol
Photographie : Emmanuel Deckert
Le Festival International Piano aux Jacobins est soutenu par la Mairie de Toulouse, le Conseil Départemental de la Haute-Garonne, la Région Midi-Pyrénées et la Fondation BNP Paribas.|Si Monty Alexander reste célèbre pour ses tourbillonnants trios emmenés aux quatre coins du monde, c’est dans un cadre intimiste et en duo qu’il se produit ce soir. Par le choix du répertoire comme par la complicité des instrumentistes, le tandem constitué avec Hassan Shakur évoque celui formé par Charles Davis et John Hicks il y a une quinzaine d’années.
Monty Alexander (p), Hassan Shakur (b)
Cloître des Jacobins, Toulouse, 30 Septembre 2015
I got rhythm donne le ton : swing, punch, espièglerie ; cette vigoureuse version est suivie par un calypso rappelant les origines antillaises du pianiste, qui partage aussi quelques anecdotes sur son adolescence à La Jamaïque.
Situé en plein centre-ville, le couvent, majestueux et d’un calme enviable, semble coupé du monde – sa fonction première il est vrai. La chapelle n’a cependant pas été conçue pour accueillir des contrebassistes, les nuances déployées par Shakur se perdant quelque peu dans les hautes voûtes résonantes. Sagement, le musicien choisit la voie de la tempérance pour la suite du programme. Comme à l’accoutumée, Alexander émaille son discours de citations de standards et réminiscences d’un parcours débuté voici plus d’un demi-siècle. Sa virtuosité véloce et généreuse rappelle celle d’un Wynton Kelly en son temps. Mais, est-ce l’effet de la maturité, un sens de la retenue s’esquisse dans sa musique, qui n’a pas à s’en plaindre. Maniant les contrastes, le pianiste défend alors une plage d’obédience classique, fraîche et pleine de trouvailles. Maîtrise et décontraction en équilibre constant : il ne faut rien y voir de miraculeux, mais le résultat d’un travail assidu, d’une vie de musique. Les amateurs de feux d’artifice pourront préférer l’enregistrement du fameux concert à Montreux en 1976. Je savoure quant à moi sans réserve chaque volée de doigts sur le piano. Isn’t she lovely ? de Stevie Wonder réconcilie sans effort apparent tenants du swing et amateurs de soul. Une rêverie romantique de la plume du pianiste, The River, plonge l’assistance dans un état de contemplation pastorale. Pas longtemps : la couleur revient aux joues de tous avec Things ain’t what they used to be de Duke Ellington. De fait, l’aura d’élégance de Duke convient fort bien à la vedette de la soirée.
Après l’entracte, on explore toujours les ballades des temps jadis avec The man I love de George Gershwhin (également interprété par Paul Lay quelques jours plus tôt). Se succèdent joyeusement pièces populaires, mélodies éternelles et morceaux plus complexes, ces trois axes pouvant se marier à l’envi, selon le feeling du moment. Le pianiste nous expose ainsi à un large panorama de styles ayant irrigué le sillon du jazz : une pédagogie musicale d’autant plus efficace qu’elle ne se présente pas comme telle. C’est l’automne; en solo, Shakur ramasse les Feuilles Mortes, dont il tire une improvisation inspirée. Vient le tour d’un medley au groove rectiligne, qui voit s’enchaîner avec un humour débordant les thèmes des films James Bond et La Panthère Rose, et autres célèbres génériques, talonnés par un Vol du Bourdon adéquatement aérien. Ce sympathique cabotinage cède la place à une pièce d’un romantisme éperdu – nouvelle rupture de ton chez un pianiste qui, en matière d’agilité raffinée dans la tradition, en a toujours sous le coude. La fusion de l’émotion et du rythme s’opère enfin sous la forme d’un calypso nostalgique en piano solo, avec un sens de l’épure qui fait mouche. Redemption Song, l’hymne atypique de Bob Marley, et un sobre Body and Soul, viennent clore le concert. A la sortie de l’église, le nombre de sourires sur les visages devait être sensiblement identique au nombre de billets écoulés. C’est que Monty Alexander reste un incomparable crowd-pleaser, comme on dit outre-Atlantique.
David Cristol
Photographie : Emmanuel Deckert
Le Festival International Piano aux Jacobins est soutenu par la Mairie de Toulouse, le Conseil Départemental de la Haute-Garonne, la Région Midi-Pyrénées et la Fondation BNP Paribas.