Jazz live
Publié le 19 Juil 2014

Port-Louis, le Pays de William Faulkner

Le 15 juillet en clôture du festival Jazz Miniatures, à la grande poudrière de Port-Louis, le guitariste Pierre Durand et les récitants, Feodor Atkine, Nicole Kaufmann et Joël Jouanneau évoquait le monde de William Faulkner.

 

C’était il y a déjà quatre jours que j’ai écrit ce compte rendu dans le train en rentrant de Bretagne pour boucler Jazzmag en compagnie de mon compère Frédéric Goaty et de notre maquettiste Claude Gentiletti qui la veille, avait dû démonter une partie de ce qu’ils avaient mis en place fin juin, pour rendre hommage à Charlie Haden disparu le 11 juillet. Et puis les urgences du bouclage m’ont happé et ce compte rendu est resté dans mon ordinateur. Notre numéro d’août parti hier à l’imprimerie avec Chick Corea à la Une, qui s’est livré en juin dernier à Frédéric Goaty comme il l’a rarement fait, je dépose enfin le compte rendu de cette belle soirée dont je garde encore un souvenir très vif :

 

Grande poudrière, Port-Louis (56), le 15 juillet 2014.

 

Feodor Atkine, Nicole Kaufmann, Joël Jouanneau (récitants), Pierre Durand (guitare électrique, dobro).

 

Découragé par le peu d’intérêt rencontré par ses interlocuteurs à Larmor Plage, Christophe Desforges et son équipe bénévole de l’association lorientaise Hop’n Jazz envisageaient de jeter l’éponge. Mais un concours de circonstances, quelques sympathies régionales et une dévorante envie de “faire” ont eu raison de leur découragement. Parmi les éléments déclencheurs, la découverte des photos d’Alain Desvergnes qui suscitèrent l’exposition Yoknapatawpha, le pays de William Faulker, du nom de ce comté imaginaire, inspiré du comté de Lafayette dans le Mississippi où l’auteur de Lumière d’août situa la plupart de ces romans. Du Sud maudit de Faulkner que Desvergnes visita au lendemain de sa mort, en pleine fureur du combat pour les droits civiques, il nous montre comme un écho finissant, tout comme il révèle une sorte d’envers paisible encore enraciné dans les douleurs du passé, d’un passé encore bien présent, mais où les jeux semblent faits, envers incarné notamment par la belle figure de Fred McDowell qui chantait peut-être son célèbre You Got to Move lorsque Desvergnes le fixa dans l’argentique.

 

L’exposition donnait lieu au photo-concert du 11 juillet avec le groupe Lightnin’ Soulstars et pourra être vue jusqu’au 27 juillet, puis du 15 au 31 août à la Galerie Le Lieu de l’Hôtel Gabriel, du mardi au dimanche.

 

Parmi les sympathies évoquées plus haut, outre celle avec Xavier Le Jeune à l’Estran de Guidel (voir mon compte rendu du concert de Matthieu Donarier à la date du 12 juillet), celle de l’homme de théâtre Joël Jouanneau et son action à la Grande Poudrière de Port-Louis dont la voute de briques et les rudimentaires gradins sourient encore du souvenir laissé l’an passé par Elise Caron et Jacques Rebotier. Et comme Christophe Desforges venait de prendre connaissance du travail de Pierre Durand sur la Louisiane, c’est ainsi qu’advint l’idée de prolonger l’évocation de Faulkner par un concert lecture.

 

Tout se fit dans la plus grande improvisation : Joël Jouanneau ayant prévu d’alterner quelques lectures avec les interventions de Pierre Durand, il se vit offrir sur le tard les services des comédiens Feodor Atkine et Nicole Kaufmann. Une petite répétition dans l’après-midi et un programme qui semblait répété de longue date se mit en place. Avec une simplicité bonhomme, évoquant ces grands professeurs d’université qui savaient captiver leurs amphis avec un naturel qui les ramenaient à la dimension d’intimes salons, voire de quelque arrière-salle de bistrot, Joël Jouanneau piocha des portraits photographiques commentés par Michèle Desbordes dans L’Eté des glycines ou de Pierre Michon dans Corps du roi, survola l’appareil critique de l’édition intégrale de la Pléiade. Feodor Atkine fit une lecture limpide et lumineuse du discours de Faulkner à sa réception du prix Nobel et de puissantes réflexions sur l’art, Nicole Kaufman fit revivre dans un admirable mélange de pudeur et de ferveur les pages de Le Bruit et la fureur. Tout en puisant dans le répertoire de son programme “Nola”, Pierre Durand sut jouer du fond sonore, du contrepoint musical, du commentaire, de la note de bas de page, de la résonance au texte, de l’évasion, de la postface, de cette simple “lumière d’août” qu’il posa sur ces lectures. Dobro-sitar dans une sorte “alap-blues” conduit avec un sens inouï du développement (où les connaisseurs de son disque retrouveront les accents de son hommage Coltrane), reprise du standard de Sigmund Romberg When I Grow to Old to Dream que Durand trempe dans les eaux du bayou, boogie à la John Lee Hooker, hymne naviguant entre l’art du choral baroque et les accents du gospel.

 

L’émotion dont témoignèrent les applaudissements du public de la (petite et intime) Grande Poudrière faisait la nique aux grands festivals de jazz souvent condamnés à jouer la disproportion médiatique et l’abandon de l’exigence artistique pour remplir des lieux surdimensionnés et je ne sais plus qui cita cette phrase de Samuel Beckett lors de cette soirée « Etre artiste, c’est échouer comme personne n’ose échouer. » On ne poussera pas le paradoxe pour dire que Hop’n jazz et ses invités ont échoué, mais on dira qu’ils ont osé comme personne. Franck Bergerot

 

|

Le 15 juillet en clôture du festival Jazz Miniatures, à la grande poudrière de Port-Louis, le guitariste Pierre Durand et les récitants, Feodor Atkine, Nicole Kaufmann et Joël Jouanneau évoquait le monde de William Faulkner.

 

C’était il y a déjà quatre jours que j’ai écrit ce compte rendu dans le train en rentrant de Bretagne pour boucler Jazzmag en compagnie de mon compère Frédéric Goaty et de notre maquettiste Claude Gentiletti qui la veille, avait dû démonter une partie de ce qu’ils avaient mis en place fin juin, pour rendre hommage à Charlie Haden disparu le 11 juillet. Et puis les urgences du bouclage m’ont happé et ce compte rendu est resté dans mon ordinateur. Notre numéro d’août parti hier à l’imprimerie avec Chick Corea à la Une, qui s’est livré en juin dernier à Frédéric Goaty comme il l’a rarement fait, je dépose enfin le compte rendu de cette belle soirée dont je garde encore un souvenir très vif :

 

Grande poudrière, Port-Louis (56), le 15 juillet 2014.

 

Feodor Atkine, Nicole Kaufmann, Joël Jouanneau (récitants), Pierre Durand (guitare électrique, dobro).

 

Découragé par le peu d’intérêt rencontré par ses interlocuteurs à Larmor Plage, Christophe Desforges et son équipe bénévole de l’association lorientaise Hop’n Jazz envisageaient de jeter l’éponge. Mais un concours de circonstances, quelques sympathies régionales et une dévorante envie de “faire” ont eu raison de leur découragement. Parmi les éléments déclencheurs, la découverte des photos d’Alain Desvergnes qui suscitèrent l’exposition Yoknapatawpha, le pays de William Faulker, du nom de ce comté imaginaire, inspiré du comté de Lafayette dans le Mississippi où l’auteur de Lumière d’août situa la plupart de ces romans. Du Sud maudit de Faulkner que Desvergnes visita au lendemain de sa mort, en pleine fureur du combat pour les droits civiques, il nous montre comme un écho finissant, tout comme il révèle une sorte d’envers paisible encore enraciné dans les douleurs du passé, d’un passé encore bien présent, mais où les jeux semblent faits, envers incarné notamment par la belle figure de Fred McDowell qui chantait peut-être son célèbre You Got to Move lorsque Desvergnes le fixa dans l’argentique.

 

L’exposition donnait lieu au photo-concert du 11 juillet avec le groupe Lightnin’ Soulstars et pourra être vue jusqu’au 27 juillet, puis du 15 au 31 août à la Galerie Le Lieu de l’Hôtel Gabriel, du mardi au dimanche.

 

Parmi les sympathies évoquées plus haut, outre celle avec Xavier Le Jeune à l’Estran de Guidel (voir mon compte rendu du concert de Matthieu Donarier à la date du 12 juillet), celle de l’homme de théâtre Joël Jouanneau et son action à la Grande Poudrière de Port-Louis dont la voute de briques et les rudimentaires gradins sourient encore du souvenir laissé l’an passé par Elise Caron et Jacques Rebotier. Et comme Christophe Desforges venait de prendre connaissance du travail de Pierre Durand sur la Louisiane, c’est ainsi qu’advint l’idée de prolonger l’évocation de Faulkner par un concert lecture.

 

Tout se fit dans la plus grande improvisation : Joël Jouanneau ayant prévu d’alterner quelques lectures avec les interventions de Pierre Durand, il se vit offrir sur le tard les services des comédiens Feodor Atkine et Nicole Kaufmann. Une petite répétition dans l’après-midi et un programme qui semblait répété de longue date se mit en place. Avec une simplicité bonhomme, évoquant ces grands professeurs d’université qui savaient captiver leurs amphis avec un naturel qui les ramenaient à la dimension d’intimes salons, voire de quelque arrière-salle de bistrot, Joël Jouanneau piocha des portraits photographiques commentés par Michèle Desbordes dans L’Eté des glycines ou de Pierre Michon dans Corps du roi, survola l’appareil critique de l’édition intégrale de la Pléiade. Feodor Atkine fit une lecture limpide et lumineuse du discours de Faulkner à sa réception du prix Nobel et de puissantes réflexions sur l’art, Nicole Kaufman fit revivre dans un admirable mélange de pudeur et de ferveur les pages de Le Bruit et la fureur. Tout en puisant dans le répertoire de son programme “Nola”, Pierre Durand sut jouer du fond sonore, du contrepoint musical, du commentaire, de la note de bas de page, de la résonance au texte, de l’évasion, de la postface, de cette simple “lumière d’août” qu’il posa sur ces lectures. Dobro-sitar dans une sorte “alap-blues” conduit avec un sens inouï du développement (où les connaisseurs de son disque retrouveront les accents de son hommage Coltrane), reprise du standard de Sigmund Romberg When I Grow to Old to Dream que Durand trempe dans les eaux du bayou, boogie à la John Lee Hooker, hymne naviguant entre l’art du choral baroque et les accents du gospel.

 

L’émotion dont témoignèrent les applaudissements du public de la (petite et intime) Grande Poudrière faisait la nique aux grands festivals de jazz souvent condamnés à jouer la disproportion médiatique et l’abandon de l’exigence artistique pour remplir des lieux surdimensionnés et je ne sais plus qui cita cette phrase de Samuel Beckett lors de cette soirée « Etre artiste, c’est échouer comme personne n’ose échouer. » On ne poussera pas le paradoxe pour dire que Hop’n jazz et ses invités ont échoué, mais on dira qu’ils ont osé comme personne. Franck Bergerot

 

|

Le 15 juillet en clôture du festival Jazz Miniatures, à la grande poudrière de Port-Louis, le guitariste Pierre Durand et les récitants, Feodor Atkine, Nicole Kaufmann et Joël Jouanneau évoquait le monde de William Faulkner.

 

C’était il y a déjà quatre jours que j’ai écrit ce compte rendu dans le train en rentrant de Bretagne pour boucler Jazzmag en compagnie de mon compère Frédéric Goaty et de notre maquettiste Claude Gentiletti qui la veille, avait dû démonter une partie de ce qu’ils avaient mis en place fin juin, pour rendre hommage à Charlie Haden disparu le 11 juillet. Et puis les urgences du bouclage m’ont happé et ce compte rendu est resté dans mon ordinateur. Notre numéro d’août parti hier à l’imprimerie avec Chick Corea à la Une, qui s’est livré en juin dernier à Frédéric Goaty comme il l’a rarement fait, je dépose enfin le compte rendu de cette belle soirée dont je garde encore un souvenir très vif :

 

Grande poudrière, Port-Louis (56), le 15 juillet 2014.

 

Feodor Atkine, Nicole Kaufmann, Joël Jouanneau (récitants), Pierre Durand (guitare électrique, dobro).

 

Découragé par le peu d’intérêt rencontré par ses interlocuteurs à Larmor Plage, Christophe Desforges et son équipe bénévole de l’association lorientaise Hop’n Jazz envisageaient de jeter l’éponge. Mais un concours de circonstances, quelques sympathies régionales et une dévorante envie de “faire” ont eu raison de leur découragement. Parmi les éléments déclencheurs, la découverte des photos d’Alain Desvergnes qui suscitèrent l’exposition Yoknapatawpha, le pays de William Faulker, du nom de ce comté imaginaire, inspiré du comté de Lafayette dans le Mississippi où l’auteur de Lumière d’août situa la plupart de ces romans. Du Sud maudit de Faulkner que Desvergnes visita au lendemain de sa mort, en pleine fureur du combat pour les droits civiques, il nous montre comme un écho finissant, tout comme il révèle une sorte d’envers paisible encore enraciné dans les douleurs du passé, d’un passé encore bien présent, mais où les jeux semblent faits, envers incarné notamment par la belle figure de Fred McDowell qui chantait peut-être son célèbre You Got to Move lorsque Desvergnes le fixa dans l’argentique.

 

L’exposition donnait lieu au photo-concert du 11 juillet avec le groupe Lightnin’ Soulstars et pourra être vue jusqu’au 27 juillet, puis du 15 au 31 août à la Galerie Le Lieu de l’Hôtel Gabriel, du mardi au dimanche.

 

Parmi les sympathies évoquées plus haut, outre celle avec Xavier Le Jeune à l’Estran de Guidel (voir mon compte rendu du concert de Matthieu Donarier à la date du 12 juillet), celle de l’homme de théâtre Joël Jouanneau et son action à la Grande Poudrière de Port-Louis dont la voute de briques et les rudimentaires gradins sourient encore du souvenir laissé l’an passé par Elise Caron et Jacques Rebotier. Et comme Christophe Desforges venait de prendre connaissance du travail de Pierre Durand sur la Louisiane, c’est ainsi qu’advint l’idée de prolonger l’évocation de Faulkner par un concert lecture.

 

Tout se fit dans la plus grande improvisation : Joël Jouanneau ayant prévu d’alterner quelques lectures avec les interventions de Pierre Durand, il se vit offrir sur le tard les services des comédiens Feodor Atkine et Nicole Kaufmann. Une petite répétition dans l’après-midi et un programme qui semblait répété de longue date se mit en place. Avec une simplicité bonhomme, évoquant ces grands professeurs d’université qui savaient captiver leurs amphis avec un naturel qui les ramenaient à la dimension d’intimes salons, voire de quelque arrière-salle de bistrot, Joël Jouanneau piocha des portraits photographiques commentés par Michèle Desbordes dans L’Eté des glycines ou de Pierre Michon dans Corps du roi, survola l’appareil critique de l’édition intégrale de la Pléiade. Feodor Atkine fit une lecture limpide et lumineuse du discours de Faulkner à sa réception du prix Nobel et de puissantes réflexions sur l’art, Nicole Kaufman fit revivre dans un admirable mélange de pudeur et de ferveur les pages de Le Bruit et la fureur. Tout en puisant dans le répertoire de son programme “Nola”, Pierre Durand sut jouer du fond sonore, du contrepoint musical, du commentaire, de la note de bas de page, de la résonance au texte, de l’évasion, de la postface, de cette simple “lumière d’août” qu’il posa sur ces lectures. Dobro-sitar dans une sorte “alap-blues” conduit avec un sens inouï du développement (où les connaisseurs de son disque retrouveront les accents de son hommage Coltrane), reprise du standard de Sigmund Romberg When I Grow to Old to Dream que Durand trempe dans les eaux du bayou, boogie à la John Lee Hooker, hymne naviguant entre l’art du choral baroque et les accents du gospel.

 

L’émotion dont témoignèrent les applaudissements du public de la (petite et intime) Grande Poudrière faisait la nique aux grands festivals de jazz souvent condamnés à jouer la disproportion médiatique et l’abandon de l’exigence artistique pour remplir des lieux surdimensionnés et je ne sais plus qui cita cette phrase de Samuel Beckett lors de cette soirée « Etre artiste, c’est échouer comme personne n’ose échouer. » On ne poussera pas le paradoxe pour dire que Hop’n jazz et ses invités ont échoué, mais on dira qu’ils ont osé comme personne. Franck Bergerot

 

|

Le 15 juillet en clôture du festival Jazz Miniatures, à la grande poudrière de Port-Louis, le guitariste Pierre Durand et les récitants, Feodor Atkine, Nicole Kaufmann et Joël Jouanneau évoquait le monde de William Faulkner.

 

C’était il y a déjà quatre jours que j’ai écrit ce compte rendu dans le train en rentrant de Bretagne pour boucler Jazzmag en compagnie de mon compère Frédéric Goaty et de notre maquettiste Claude Gentiletti qui la veille, avait dû démonter une partie de ce qu’ils avaient mis en place fin juin, pour rendre hommage à Charlie Haden disparu le 11 juillet. Et puis les urgences du bouclage m’ont happé et ce compte rendu est resté dans mon ordinateur. Notre numéro d’août parti hier à l’imprimerie avec Chick Corea à la Une, qui s’est livré en juin dernier à Frédéric Goaty comme il l’a rarement fait, je dépose enfin le compte rendu de cette belle soirée dont je garde encore un souvenir très vif :

 

Grande poudrière, Port-Louis (56), le 15 juillet 2014.

 

Feodor Atkine, Nicole Kaufmann, Joël Jouanneau (récitants), Pierre Durand (guitare électrique, dobro).

 

Découragé par le peu d’intérêt rencontré par ses interlocuteurs à Larmor Plage, Christophe Desforges et son équipe bénévole de l’association lorientaise Hop’n Jazz envisageaient de jeter l’éponge. Mais un concours de circonstances, quelques sympathies régionales et une dévorante envie de “faire” ont eu raison de leur découragement. Parmi les éléments déclencheurs, la découverte des photos d’Alain Desvergnes qui suscitèrent l’exposition Yoknapatawpha, le pays de William Faulker, du nom de ce comté imaginaire, inspiré du comté de Lafayette dans le Mississippi où l’auteur de Lumière d’août situa la plupart de ces romans. Du Sud maudit de Faulkner que Desvergnes visita au lendemain de sa mort, en pleine fureur du combat pour les droits civiques, il nous montre comme un écho finissant, tout comme il révèle une sorte d’envers paisible encore enraciné dans les douleurs du passé, d’un passé encore bien présent, mais où les jeux semblent faits, envers incarné notamment par la belle figure de Fred McDowell qui chantait peut-être son célèbre You Got to Move lorsque Desvergnes le fixa dans l’argentique.

 

L’exposition donnait lieu au photo-concert du 11 juillet avec le groupe Lightnin’ Soulstars et pourra être vue jusqu’au 27 juillet, puis du 15 au 31 août à la Galerie Le Lieu de l’Hôtel Gabriel, du mardi au dimanche.

 

Parmi les sympathies évoquées plus haut, outre celle avec Xavier Le Jeune à l’Estran de Guidel (voir mon compte rendu du concert de Matthieu Donarier à la date du 12 juillet), celle de l’homme de théâtre Joël Jouanneau et son action à la Grande Poudrière de Port-Louis dont la voute de briques et les rudimentaires gradins sourient encore du souvenir laissé l’an passé par Elise Caron et Jacques Rebotier. Et comme Christophe Desforges venait de prendre connaissance du travail de Pierre Durand sur la Louisiane, c’est ainsi qu’advint l’idée de prolonger l’évocation de Faulkner par un concert lecture.

 

Tout se fit dans la plus grande improvisation : Joël Jouanneau ayant prévu d’alterner quelques lectures avec les interventions de Pierre Durand, il se vit offrir sur le tard les services des comédiens Feodor Atkine et Nicole Kaufmann. Une petite répétition dans l’après-midi et un programme qui semblait répété de longue date se mit en place. Avec une simplicité bonhomme, évoquant ces grands professeurs d’université qui savaient captiver leurs amphis avec un naturel qui les ramenaient à la dimension d’intimes salons, voire de quelque arrière-salle de bistrot, Joël Jouanneau piocha des portraits photographiques commentés par Michèle Desbordes dans L’Eté des glycines ou de Pierre Michon dans Corps du roi, survola l’appareil critique de l’édition intégrale de la Pléiade. Feodor Atkine fit une lecture limpide et lumineuse du discours de Faulkner à sa réception du prix Nobel et de puissantes réflexions sur l’art, Nicole Kaufman fit revivre dans un admirable mélange de pudeur et de ferveur les pages de Le Bruit et la fureur. Tout en puisant dans le répertoire de son programme “Nola”, Pierre Durand sut jouer du fond sonore, du contrepoint musical, du commentaire, de la note de bas de page, de la résonance au texte, de l’évasion, de la postface, de cette simple “lumière d’août” qu’il posa sur ces lectures. Dobro-sitar dans une sorte “alap-blues” conduit avec un sens inouï du développement (où les connaisseurs de son disque retrouveront les accents de son hommage Coltrane), reprise du standard de Sigmund Romberg When I Grow to Old to Dream que Durand trempe dans les eaux du bayou, boogie à la John Lee Hooker, hymne naviguant entre l’art du choral baroque et les accents du gospel.

 

L’émotion dont témoignèrent les applaudissements du public de la (petite et intime) Grande Poudrière faisait la nique aux grands festivals de jazz souvent condamnés à jouer la disproportion médiatique et l’abandon de l’exigence artistique pour remplir des lieux surdimensionnés et je ne sais plus qui cita cette phrase de Samuel Beckett lors de cette soirée « Etre artiste, c’est échouer comme personne n’ose échouer. » On ne poussera pas le paradoxe pour dire que Hop’n jazz et ses invités ont échoué, mais on dira qu’ils ont osé comme personne. Franck Bergerot