Quelques angles morts de Malguénac
Les inconnus, les méconnus, les “à découvrir”, ou simplement ceux dont l’esthétique se situent à la marge de la galaxie jazz qui est la raison d’être de jazzmagazine.com.
“Arts des villes – Arts des champs”, tel est le titre exact du festival de Malguénac qui prit garde de ne pas s’enfermer dans une esthétique précise, mais qui, à partir de 2017 crut bon d’ajouter sur l’affiche en plus petits caractères sous l’intitulé original “Jazz et alentours”, mention qui l’année suivante est venue se placer en tête en caractères équivalents. Précision évidente, tant la présence du jazz à Malguénac a toujours été indéniable sinon essentielle, même si pas centrale, même si la chronologie à l’intérieur de chaque édition relevait souvent de l’élargissement, de musiques plus à écouter (le jazz en est une) jusqu’à une soirée du samedi plus festive, consacrée à ces musiques que l’on écoute debout, avec son plexus et ses pieds, des protections sur les oreilles pour les plus prudents, voire avec des lunettes de soleil.
Malguénac moins jazz que Jazz à Vienne ou Jazz à La Villette ? En aucune façon. Deux choses m’attirent à Malguénac : la résistance à la tentation du gigantisme ; une programmation éclairée. De mémoire : Chris Potter / Ari Hoenig Duo, Brian Blade et sa Fellowship, Wayne Kranz Trio, Magic Malik 4tet, Philipppe Gleizes (que l’on retrouvera en fin de soirée ce vendredi 16 au sein du quartette Caillou), Emmanuel Bex “La Chose commune”, Marc Ducret Trio, Andy Emler MegaOctet, Hélène Labarrière 4tet (et ce vendredi 16, son quintette Puzzle, voir le premier épisode de sa grande interview), Craig Taborn / Dave King, Sophia Domancich / Simon Goubert, Oli Steidle & The Killing Popes, Leïla Martial (de retour ce samedi 17 en solo), Ambrose Akinmusire encore peu connu et annulé parce qu’aucun autre festival ne l’avait programmé, Antonio Farao, etc. À quoi s’ajoute un regard, moins évident que lors des premières éditions, sur la galaxie Magma (la Zeuhl pour les initiés), regard déporté vers ces marges qui ont fait de Malguénac notamment une terre d’accueil pour les membres du groupe One Shot (Emmanuel Borghi, Philippe Bussonnet, Daniel Jeand’Heur) et ce que fut le Crescent de Mâcon et les anciens du Collectif Mu dont on retrouve ce soir le saxophoniste Eric Prost au sein du quintette de Romain Barret et son programme “Essor et chute de notre civilisation”. S’ajoute à cet aspect du programme, une fenêtre ouverte sur une scène bretonne hyper-créative, ce soir représentée en ouverture (19h30) par le Moger Orchestra largement commenté dans nos pages par le biais du portrait de l’un de ses fondateurs, le clarinettiste Étienne Cabaret.
Ma curiosité ira certainement au trio vocal féminin Maar qui ouvrira la soirée du 16 à 19h30 dans une veine qui, d’après les vidéos aperçues sur le net, n’est pas sans m’évoquer le travail de la grande Giovanna Marini. Le grand final festif du samedi 17 s’annonce d’une qualité toute particulière avec (outre le one woman show de Leïla Martial) Inui déjà entendu dans le cadre de Jazz Migrations, quartette à deux voix plus clavier (retenez le nom de la discrète et poétiquement efficace Maya Cros) et batterie ; puis Guembri Superstars qui associe le chanteur congolais Wilfried Lova au trio The Space Galvachers, soit le violoniste Clément Janinet, le violoncelliste Clément Petit et le percussionniste Benjamin Flament, trois musiciens passés par la case jazz et musiques improvisées mais pas que (Radiation 10, La Litanie des Cimes, Sylvain Rifflet…). Franck Bergerot