Les Métanuits et Samara Joy à Radio France Occitanie Montpellier
Deuxième jour de jazz au festival, et qui commence dans un lieu de musique de chambre, la Salle Pasteur du Corum, avec un duo piano-sax qui adapte librement, et brillamment, un quatuor à cordes de Ligeti
Les MÉTANUITS
Émile Parisien (saxophone soprano), Roberto Negro (piano)
Corum, Salle Pasteur, 24 juillet 2023, 18h
Le duo a librement adapté les Métamorphoses nocturnes, quatuor à cordes de Ligeti composé en 1954. Cela fait des années que j’écoute ces deux musiciens, séparément ou au sein d’un même groupe, et je suis toujours impressionné par le formidable mélange de liberté, de maîtrise, d’inspiration, de profondeur et de fantaisie dont ils font preuve. Avant de jouer Roberto Negro présente sobrement cette aventure musicale, entreprise voici plusieurs années et concrétisée par un disque récent sous le label ACT. Et pour expliquer la répartition des rôles il nous dit, désignant Émile Parisien, violons 1 et 2 ; et se désignant…. violons 3 et 4 ! Ils partent du texte, finement adapté pour leur instrumentation, et s’offrent des espaces d’improvisation lyrique, inventive, et parfois sauvage jusqu’à l’extrême. Le piano devient piano préparé, le sax soprano s’envole au-delà du vertige, et leur gestuelle fait corps avec la musique. Comme toujours Émile souligne de son corps le cours de sa musique (et ses geste sont manifestement le vecteur de le folle expressivité à laquelle il parvient). Quant à Roberto, au plus fort de l’effervescence, et tandis que son pied droit taquine la pédale forte, son pied gauche s’écarte vers l’arrière du tabouret, dans la posture de celui qui s’apprête à faire le grand saut. C’est d’une folle intensité. Tous les mouvements s’enchaînent, mais à l’issue d’une séquence particulièrement torride, le public n’a pas pu s’empêcher d’applaudir, comme on le fait au concert de jazz pour saluer la fin d’un solo. Et les deux musiciens savent atterrir en douceur vers la nuance la plus ténue après l’ardeur la plus vive. Nous sommes saisis au plexus autant qu’aux neurones qui filtrent la beauté. Public debout pour l’ovation finale. Un public qui pour une bonne part sans doute n’avait pas écouté leur disque, et venait en découverte. Le grand talent, c’est de communiquer aussi intensément avec un auditoire qui n’était pas forcément préparé à un tel tourbillon d’audace, mais avec le respect de la source musicale : chapeau bas !
SAMARA JOY
Samara Joy (voix), Luther S. Allison (piano), Mikey Migliore (contrebasse), Evan Sherman (batterie)
Amphithéâtre d’O, 24 juillet 2023, 20h
En introduction le nouveau directeur du festival, Michel Orier, dit le plaisir qu’il éprouve à présenter une étoile montante du jazz vocal, qui après deux disques et à peine plus d’années de carrière, vient de recevoir deux Grammy Awards. Il faut se rappeler que cette même scène accueillait en 2011 une débutante appelée Cécile McLorin Salvant, qui avait remporté six mois plus tôt le concours Thelonious Monk , et qui a depuis remporté quelques Grammy Awards….
La chanteuse commence très fort, avec une sorte d’abattage qui fleure bon le jazz entertainment. Mais bien vite les qualités vocales et musicales se manifestent. La largeur de sa dynamique et de sa tessiture impressionne, et la sonorisation ne lui rend pas toujours justice, notamment dans l’extrême aigu fortissimo, qui sature. Mais la musique est là. Un thème de Jobim, puis Stardust issu de son premier disque, un petit tour dans le répertoire de Betty Carter, et de Monk aussi. Le chroniqueur écoute avec l’attention vive du vieil amateur presque blasé. Mais quand elle chante Reincarnation Of A Lovebird de Mingus, monument de la révolution de la forme dans le répertoire du jazz des années cinquante, alors là ’je grimpe aux rideaux’, comme l’ensemble du public. Ovation, triomphe : vive la nouvelle étoile !
Le concert de Samara Joy sera diffusé sur France Musique le vendredi 28 juillet à 20h