RADIO FRANCE OCCITANIE MONTPELLIER : OZMA
Pas de direct France Musique ce soir, mais bien deux concerts : à 22h dans l’Amphi d’O avec le groupe OZMA, et dès 20h, sous les micocouliers, avec KUNZIT, un groupe qui fait partie du collectif Koa, centré à Montpellier, mais qui s’est élaboré dans tout le Languedoc Roussillon.
KUNZIT
Evlyn Andria (flûte, voix), Caroline Lavina (voix), Pascal Bouvier (trombone), Hervé Duret (guitare, voix), Alfred Vilayleck (guitare basse, voix), Julien Grégoire (batterie, électronique, voix)
Montpellier, Amphithéâtre des Micocouliers, 17 juillet 2021, 20h
C’est une création, une sorte de ‘conte stellaire’ qui parle des lointains de l’univers. Une musique collective, en ce sens que les différents tableaux ont été composés par les membres du groupe. L’aspect ‘musique à programme’ reliée à un argument narratif n’étouffe pas la créativité. C’est un peu un jazz-fusion rêveur mâtiné de rock progressif et de musique répétitive. Le batteur insère parfois, avec ses machines, des ondes mystérieuses venues de l’espace intersidéral, mais l’essentiel est dans les lignes chantées, aux intervalles tendus, mélodies habitées d’expressivité ; et dans le dialogue des solistes, dont les improvisations sont de belle facture. Les harmonies sont tendues, la musique est exigeante, et c’est encore en phase de mise au point, mais le résultat est d’une belle qualité. D’ailleurs le public ne s’y est pas trompé, qui a fait un bel accueil à ce groupe. À suivre donc, avec intérêt, comme beaucoup des groupes qui émanent du Collectif Koa.
OZMA «Hyperlapse»
Julien Soro (saxophone ténor, clavier), Guillaume Nuss (trombone, effet, Tam de Villiers (guitare),Édouard Séro-Guillaume (guitare basse, clavier), Stéphane Scharlé (batterie)
Montpellier, Amphithéâtre du Domaine d’O, 17 juillet 2021, 22h
©David Abécassis
Le groupe était déjà venu sur cette scène. Le 18 juillet 2007 exactement : au moment où j’écris ce compte rendu, cela fait exactement 14 ans ! Le guitariste et le saxophoniste ont changé, mais les autres sont des ‘historiques’, déjà sur le premier CD paru en 2005. Le quintette joue le répertoire de son disque «Hyperlapse», paru en 2020, et inspiré par des villes traversées au cours des tournées autour du monde. On n’est pas en direct aujourd’hui (le concert sera diffusé sur France Musique le 28 juillet), mais Alex Dutilh fait une présentation pour le public, avec un historique du groupe et de son évolution musicale.
©David Abécassis
Le voyage commence par la Chine, avec une évocation de l’armée de figurines de terre au tombeau du premier empereur, Quin Shi Huang, trois siècles avant notre ère, figurines que l’on peut voir à Xi’an. D’abord un trio guitare-basse- batterie, presque psychédélique, puis un tutti sur un rythme binaire déstructuré : le groupe, dont la musique est majoritairement composée par le batteur, aime jouer sur les rythmes, et infiltrer de la complexité dans cet univers, qui semble venu du jazz fusion, mais navigue aussi beaucoup vers le jazz (contemporain) de stricte obédience, vers le rock progressif, voire le rock tout court, et le funk. Bref ça bouge, et c’est infiniment vivant. Sur l’effervescence du trio, sax et trombone vont se sentir pousser des ailes, avant retour apaisé vers la coda. Le thème suivant est celui qui donne son titre au récent album, et au programme de ce concert. C’est une évocation de la ville de Hambourg, sur une sorte de binaire urbain, presque électro, mais sur un drumming d’une richesse folle et d’une énergie renversante. Le sax pousse les feux avec son synthétiseur, et il y a de multiples épisodes d’intensité, d’accalmie. Ce sont des montagnes russes, et c’est jouissif. Sera ensuite évoquée la ville de Lübeck, et la Ligue Hanséatique. Lyrisme du trombone, avec contrechant de sax : après le plein, le délié.
©David Abécassis
Direction Jakarta (quand j’étais jeune on écrivait Djakarta), épisode mélancolique, mais avec des phases explosives, des impro croisées, et toujours cette abondance de contrastes, avec de soudaines poussées d’intensité.
©David Abécassis
Nous irons ensuite en Inde, dans un épisode où le saxophoniste va nous gratifier d’une improvisation façon Andalousie qui conduira à un déchaînement furieux, avant un solo de batterie soutenu par le groupe. Une escale à Strasbourg, pour évoquer la collaboration d’Ozma avec Les Percussions de Strasbourg, ensemble mythique de musique contemporaine qui initia des générations à la curiosité musicale (dont votre serviteur, qui découvrit la première génération de cet orchestre hors-norme dans les années 60, à un concert JMF). Puis Cap au Maroc, pour évoquer avec émotion la photographe Leïla Alaoui, morte à Ouagadougou où elle fut la victime d’une attaque terroriste : Julien Soro nous offre un solo d’un lyrisme extrême.
©David Abécassis
Retour en Inde pour un finale explosif, premier rappel vers le Zimbabwe version afro beat, et ultime rappel, sur une composition du bassiste : après une sorte de contrepoint improvisé et burlesque entre sax et trombone, éclats de funk et de rock jusqu’à l’explosion finale. Ces contrastes violents ont un peu éprouvé le vieil amateur que je suis, mais une autre vieil amateur et ami, qui se trouvait non loin de moi, n’avait pas ressenti cette légère saturation provoquée par l’effet ‘montagnes russes’. Il est vrai que ledit vieil amateur est plus jeune que moi, de six ou sept mois. Ceci explique probablement cela….
Xavier Prévost
Le concert d’Ozma sera diffusé sur France Musique le mercredi 28 juillet à 23h dans l’émission ‘Jazz Été’