Jazz live
Publié le 19 Déc 2018

Raphaël Imbert : Leçon de blues au Bal Blomet

Dans le cadre des Nuits du jazz au bal Blomet, Raphaël Imbert  avait choisi la thématique du Blues

 

Raphael Imbert (saxophones alto et soprano) Jean-Philippe Scali (saxophone baryton), Julien Roger (trombone), Noé Moureaux-Néry (sax tenor), Johan Farjot (piano) Laure Sanchez (contrebasse), Julie Saury (batterie) Au Bal Blomet, le 29 novembre 2018

 

Raphaël Imbert a une connaissance du blues puisée à la source, au cours de ses nombreux séjours dans le sud des Etats-Unis, qui ont modelé son univers musical et son esthétique (on entend dans son dernier disque, Music is my hope, l’omniprésence  du blues).

Comme à chaque fois, il sait trouver les mots, les images, et les anecdotes qui éclairent. Par exemple quand il dit que « Le blues et le jazz, c’est la même chose, juste une différence de point de vue », ou encore quand il souligne que « Le jazz a trois sources, le blues, les work song, les spirituals ». Et enfin, sur un mode plus humoristique : « On a souvent remarqué qu’énormément de blues commencent par « Woke up this morning ». Mais en fait c’est normal. C’est parce que bluesmen qui n’en reviennent pas de pouvoir se relever le matin après tout ce qu’ils ont fait la veille… ».

 

Raphaël Imbert sait trouver les mots, mais aussi et surtout les notes. C’est évidemment avec son saxophone qu’il nous en dit le plus sur le blues, qu’il a choisi d’aborder à travers un sentiment (la colère) et une personnalité forte, celle de Charles Mingus. Il a rassemblé pour l’occasion une très belle section de soufflants avec Jean-Philippe Scali (sax baryton) et deux jeunes et brillants musiciens formés au CMDL (centre des musiques Didier Lockwood) : le tromboniste Julien Roger et le saxophoniste ténor Noé Moureaux-Néry. C’est d’abord Jean-Philippe Scali qui se met en évidence sur le premier morceau, Moanin, composition emblématique de Mingus sur laquelle il se montre bouillonnant, éruptif, abrasif. Par la suite il continuera de montrer de quel bois il se chauffe avec des chorus très bien équilibrés entre phrases longues et mélodiques, et phrases courtes et brèves comme des uppercuts. Raphaël Imbert n’est pas en reste, avec ses zébrures et dérapages dans l’aigu au sax alto, et une sonorité plus enfantine, presque ingénue au sax soprano. Les deux jeunes musiciens du CMDL  apportent leur propre bouillonnement à l’ensemble. On remarque notamment l’épatante maturité de Noé Moureaux-Néry, solos impeccablement découpés et sonorité admirable dans les graves. Dans certaines parties collectives, les quatre soufflants sonnent comme un petit big band et groovent avec une jubilation que le public renvoie en l’amplifiant.

 

Johan Farjot, pianiste élégant et subtil, dénoue sa cravate et affirme un côté griffant que je ne lui connaissais pas.

 

Plusieurs moments inoubliables : Moanin’, donc, Work Song, Good Bye Pork Pie hat (où la contrebassiste Laure Sanchez, reprenant les paroles de Joni Mitchell, montre qu’elle est aussi une très talentueuse chanteuse), et enfin I feel  good déchaîné, propulsé par Julie Saury à la batterie, comme pour affirmer qu’il y a plus de liens que de  lignes de séparations entre James Brown et Mingus.

 

C’est d’ailleurs un fil rouge de ces initiations musicales du jeudi par Raphaël Imbert que de tracer des ponts entre les musiques, et de relativiser les concepts de « musique noire » et de « musique blanche » : « Amazing Grace est chanté avec autant de ferveur par Mahalia Jackson que par des catholiques irlandais dans une église de Boston ». Belle conclusion de cette vibrante soirée au Bal Blomet.

 

texte JF Mondot

Dessins AC Alvoët

Autres dessins et peintures à découvrir sur son site www.annie-claire.com. (Pour acquérir l’un des dessins de cette chronique, s’adresser à l’artiste à l’adresse suivante annie_claire@hotmail.com )