Rencontre du troisième type au 38 Riv
Plus étrange que la rencontre entre un coq et une pendule, plus incongru que le face à face entre un parapluie et un dé à coudre sur une table de dissection, plus déroutant que le tête à tête entre une ballerine et un sumotori : Mercredi soir, dans la cave du 38 Riv, une contrebasse a dialogué avec une viole de gambe.
Jean-Philippe Viret Jay Elfenbein duo
Mercredi 30 avril, le 38 riv’, rue de Rivoli 75004 Paris
Jean-Philippe Viret (contrebasse)
Jay Elfenbein (viole de gambe)
Les deux protagonistes de cette rencontre du troisième type sont des familiers du saute-mouton entre les frontières musicales. Le contrebassiste Jean-Philippe Viret, après ses débuts dans le swing orthodoxe aux côtés de Stéphane Grappelli, a depuis longtemps manifesté son éclectisme et sa curiosité. Son disque « Supplément d’âme » ( 2012) proposait une nouvelle approche du quatuor à cordes. Son complice Jay Elfenbein, à la viole de gambe, est de la même trempe. Il a travaillé notamment avec Dave Brubeck, Antony Braxton, Chris Potter. Depuis longtemps, parallèlement à sa carrière dans le jazz, il s’emploie à explorer et à faire connaître la musique médiévale d’Occitanie et d’Andalousie, et la musique de la Renaissance. Tous deux sont des improvisateurs à l’aise dans tous les idiomes.
Le répertoire choisi pour cette rencontre provenait précisément de la musique médiévale et baroque. Le premier morceau est de la plume de Guillaume de Machaut, « Je ne çuis pas » (« ça s’écrit avec un « ç », relève, pensif, Jean-Philippe Viret), le deuxième est un ductus, c’est-à-dire une marche pour appeler les fidèles à la messe, écrit par un auteur de la Renaissance resté anonyme. Dès ces premiers morceaux le duo fonctionne magnifiquement. Les deux musiciens jouent les compositions et improvisent tour à tour, à l’archet ou au doigt, se passant la parole avec beaucoup de naturel. Le contraste de timbre et de son entre les deux instruments est délectable. Jay Elfenbein s’appuie sur la sonorité ronde et chaude de Jean-Philippe Viret pour mieux faire entendre une sonorité un peu nasale, écorchée, plus aigüe, qui donne une dimension vocale à la viole de gambe. Parfois, au contraire, quand il accompagne Jean-Philippe Viret, il tire de son instrument des effets guitaristiques très réussis.
A propos de Yohannes Simon de Aspres, compositeur du Moyen Âge, Jay Elfenbein fait partager avec enthousiasme les subtilités de la musique médiévale. Il souligne qu’elle comporte des accidents, c’est-à-dire des altérations que le musicien doit sentir mais qui ne sont pas notées (« Pfff…Déjà que quand tout est écrit, j’arrive pas à le jouer « soupire un gars dans le public).
A la pause, on essaiera d’en savoir un peu plus sur ces fameux accidents. Jay explique : « Tu vois, c’est comme si l’on ne notait les notes que quand il s’agit des touches blanches du piano, et comme si c’était à l’instrumentiste de faire les touches noires… ». Juste à côté, le patron du 38 Riv, Vincent Charbonnier, ancien contrebassiste , et Jean-Philippe Viret prennent une longue vue pour apercevoir les débuts de leur amitié : « On se connaît depuis le conservatoire de Versailles » explique Jean-Philippe Viret. Il s’adresse à Vincent Charbonnier : « C’ était quand ? En 1979, non ? ». Vincent Charbonnier hausse les épaules et bougonne : « Je sais que c’était à 18 heures, mais alors le reste… ».
La deuxième partie du concert fait entendre une magnifique composition de George Philippe telemann (« He was more famous in his time than Bach and Haendel » souligne Jay Elfenbein. Jean-Philippe Viret et Jay Elfenbein prennent des chorus inspirés et prenants . « You made your instrument cry » s’écrie quelqu’un dans la salle, à l’adresse de Jay Elfenbein). Sont ensuite mis à l’honneur Thomas Stavitz, compositeur anglais du XVIe siècle, Couperin, et enfin Marin Marais : « A great song, très fameux pour improviser, c’est dans le movie Tous les matins du monde » précise Jay Elfenbein, dans son savoureux mélange d’Anglais et de Français.
A la fin du concert, Jean-Philippe Viret et Vincent Charbonnier évoquent les contrebasses qui ont jalonné leur existence. Il y a celles qui répondirent à leur amour et celles qui se refusèrent, celles qui les réconfortèrent et celles qui leur en firent voir de toutes les couleurs. A voix basse, ils se remémorent les intègres et les vénales, les fragiles et les fêlées. Les instruments d’un soir et les instruments d’une vie. Ils évoquent sur le ton de la confidence leur allure, leur odeur, la douceur de leur contact. Un peu gêné par le tour impudique pris par cette conversation, on préfère s’esquiver sur la pointe des pieds.
Texte: Jean-François Mondot
Dessins : Annie-Claire Alvoët
Post scriptum : Il n’y a pas encore, malheureusement, d’enregistrement de Jay Elfenbein et jean-Philippe Viret en duo. Mais on peut écouter ces merveilleux musiciens séparément dans d’autres aventures. Jean-Philippe Viret jouera le 15 juin au Parc Floral avec son trio 60% de matière grave. Quant aux nombreux projets de Jay Elfenbein, on les trouvera sur son site : www.elfpagesmusic.com
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Plus étrange que la rencontre entre un coq et une pendule, plus incongru que le face à face entre un parapluie et un dé à coudre sur une table de dissection, plus déroutant que le tête à tête entre une ballerine et un sumotori : Mercredi soir, dans la cave du 38 Riv, une contrebasse a dialogué avec une viole de gambe.
Jean-Philippe Viret Jay Elfenbein duo
Mercredi 30 avril, le 38 riv’, rue de Rivoli 75004 Paris
Jean-Philippe Viret (contrebasse)
Jay Elfenbein (viole de gambe)
Les deux protagonistes de cette rencontre du troisième type sont des familiers du saute-mouton entre les frontières musicales. Le contrebassiste Jean-Philippe Viret, après ses débuts dans le swing orthodoxe aux côtés de Stéphane Grappelli, a depuis longtemps manifesté son éclectisme et sa curiosité. Son disque « Supplément d’âme » ( 2012) proposait une nouvelle approche du quatuor à cordes. Son complice Jay Elfenbein, à la viole de gambe, est de la même trempe. Il a travaillé notamment avec Dave Brubeck, Antony Braxton, Chris Potter. Depuis longtemps, parallèlement à sa carrière dans le jazz, il s’emploie à explorer et à faire connaître la musique médiévale d’Occitanie et d’Andalousie, et la musique de la Renaissance. Tous deux sont des improvisateurs à l’aise dans tous les idiomes.
Le répertoire choisi pour cette rencontre provenait précisément de la musique médiévale et baroque. Le premier morceau est de la plume de Guillaume de Machaut, « Je ne çuis pas » (« ça s’écrit avec un « ç », relève, pensif, Jean-Philippe Viret), le deuxième est un ductus, c’est-à-dire une marche pour appeler les fidèles à la messe, écrit par un auteur de la Renaissance resté anonyme. Dès ces premiers morceaux le duo fonctionne magnifiquement. Les deux musiciens jouent les compositions et improvisent tour à tour, à l’archet ou au doigt, se passant la parole avec beaucoup de naturel. Le contraste de timbre et de son entre les deux instruments est délectable. Jay Elfenbein s’appuie sur la sonorité ronde et chaude de Jean-Philippe Viret pour mieux faire entendre une sonorité un peu nasale, écorchée, plus aigüe, qui donne une dimension vocale à la viole de gambe. Parfois, au contraire, quand il accompagne Jean-Philippe Viret, il tire de son instrument des effets guitaristiques très réussis.
A propos de Yohannes Simon de Aspres, compositeur du Moyen Âge, Jay Elfenbein fait partager avec enthousiasme les subtilités de la musique médiévale. Il souligne qu’elle comporte des accidents, c’est-à-dire des altérations que le musicien doit sentir mais qui ne sont pas notées (« Pfff…Déjà que quand tout est écrit, j’arrive pas à le jouer « soupire un gars dans le public).
A la pause, on essaiera d’en savoir un peu plus sur ces fameux accidents. Jay explique : « Tu vois, c’est comme si l’on ne notait les notes que quand il s’agit des touches blanches du piano, et comme si c’était à l’instrumentiste de faire les touches noires… ». Juste à côté, le patron du 38 Riv, Vincent Charbonnier, ancien contrebassiste , et Jean-Philippe Viret prennent une longue vue pour apercevoir les débuts de leur amitié : « On se connaît depuis le conservatoire de Versailles » explique Jean-Philippe Viret. Il s’adresse à Vincent Charbonnier : « C’ était quand ? En 1979, non ? ». Vincent Charbonnier hausse les épaules et bougonne : « Je sais que c’était à 18 heures, mais alors le reste… ».
La deuxième partie du concert fait entendre une magnifique composition de George Philippe telemann (« He was more famous in his time than Bach and Haendel » souligne Jay Elfenbein. Jean-Philippe Viret et Jay Elfenbein prennent des chorus inspirés et prenants . « You made your instrument cry » s’écrie quelqu’un dans la salle, à l’adresse de Jay Elfenbein). Sont ensuite mis à l’honneur Thomas Stavitz, compositeur anglais du XVIe siècle, Couperin, et enfin Marin Marais : « A great song, très fameux pour improviser, c’est dans le movie Tous les matins du monde » précise Jay Elfenbein, dans son savoureux mélange d’Anglais et de Français.
A la fin du concert, Jean-Philippe Viret et Vincent Charbonnier évoquent les contrebasses qui ont jalonné leur existence. Il y a celles qui répondirent à leur amour et celles qui se refusèrent, celles qui les réconfortèrent et celles qui leur en firent voir de toutes les couleurs. A voix basse, ils se remémorent les intègres et les vénales, les fragiles et les fêlées. Les instruments d’un soir et les instruments d’une vie. Ils évoquent sur le ton de la confidence leur allure, leur odeur, la douceur de leur contact. Un peu gêné par le tour impudique pris par cette conversation, on préfère s’esquiver sur la pointe des pieds.
Texte: Jean-François Mondot
Dessins : Annie-Claire Alvoët
Post scriptum : Il n’y a pas encore, malheureusement, d’enregistrement de Jay Elfenbein et jean-Philippe Viret en duo. Mais on peut écouter ces merveilleux musiciens séparément dans d’autres aventures. Jean-Philippe Viret jouera le 15 juin au Parc Floral avec son trio 60% de matière grave. Quant aux nombreux projets de Jay Elfenbein, on les trouvera sur son site : www.elfpagesmusic.com
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Plus étrange que la rencontre entre un coq et une pendule, plus incongru que le face à face entre un parapluie et un dé à coudre sur une table de dissection, plus déroutant que le tête à tête entre une ballerine et un sumotori : Mercredi soir, dans la cave du 38 Riv, une contrebasse a dialogué avec une viole de gambe.
Jean-Philippe Viret Jay Elfenbein duo
Mercredi 30 avril, le 38 riv’, rue de Rivoli 75004 Paris
Jean-Philippe Viret (contrebasse)
Jay Elfenbein (viole de gambe)
Les deux protagonistes de cette rencontre du troisième type sont des familiers du saute-mouton entre les frontières musicales. Le contrebassiste Jean-Philippe Viret, après ses débuts dans le swing orthodoxe aux côtés de Stéphane Grappelli, a depuis longtemps manifesté son éclectisme et sa curiosité. Son disque « Supplément d’âme » ( 2012) proposait une nouvelle approche du quatuor à cordes. Son complice Jay Elfenbein, à la viole de gambe, est de la même trempe. Il a travaillé notamment avec Dave Brubeck, Antony Braxton, Chris Potter. Depuis longtemps, parallèlement à sa carrière dans le jazz, il s’emploie à explorer et à faire connaître la musique médiévale d’Occitanie et d’Andalousie, et la musique de la Renaissance. Tous deux sont des improvisateurs à l’aise dans tous les idiomes.
Le répertoire choisi pour cette rencontre provenait précisément de la musique médiévale et baroque. Le premier morceau est de la plume de Guillaume de Machaut, « Je ne çuis pas » (« ça s’écrit avec un « ç », relève, pensif, Jean-Philippe Viret), le deuxième est un ductus, c’est-à-dire une marche pour appeler les fidèles à la messe, écrit par un auteur de la Renaissance resté anonyme. Dès ces premiers morceaux le duo fonctionne magnifiquement. Les deux musiciens jouent les compositions et improvisent tour à tour, à l’archet ou au doigt, se passant la parole avec beaucoup de naturel. Le contraste de timbre et de son entre les deux instruments est délectable. Jay Elfenbein s’appuie sur la sonorité ronde et chaude de Jean-Philippe Viret pour mieux faire entendre une sonorité un peu nasale, écorchée, plus aigüe, qui donne une dimension vocale à la viole de gambe. Parfois, au contraire, quand il accompagne Jean-Philippe Viret, il tire de son instrument des effets guitaristiques très réussis.
A propos de Yohannes Simon de Aspres, compositeur du Moyen Âge, Jay Elfenbein fait partager avec enthousiasme les subtilités de la musique médiévale. Il souligne qu’elle comporte des accidents, c’est-à-dire des altérations que le musicien doit sentir mais qui ne sont pas notées (« Pfff…Déjà que quand tout est écrit, j’arrive pas à le jouer « soupire un gars dans le public).
A la pause, on essaiera d’en savoir un peu plus sur ces fameux accidents. Jay explique : « Tu vois, c’est comme si l’on ne notait les notes que quand il s’agit des touches blanches du piano, et comme si c’était à l’instrumentiste de faire les touches noires… ». Juste à côté, le patron du 38 Riv, Vincent Charbonnier, ancien contrebassiste , et Jean-Philippe Viret prennent une longue vue pour apercevoir les débuts de leur amitié : « On se connaît depuis le conservatoire de Versailles » explique Jean-Philippe Viret. Il s’adresse à Vincent Charbonnier : « C’ était quand ? En 1979, non ? ». Vincent Charbonnier hausse les épaules et bougonne : « Je sais que c’était à 18 heures, mais alors le reste… ».
La deuxième partie du concert fait entendre une magnifique composition de George Philippe telemann (« He was more famous in his time than Bach and Haendel » souligne Jay Elfenbein. Jean-Philippe Viret et Jay Elfenbein prennent des chorus inspirés et prenants . « You made your instrument cry » s’écrie quelqu’un dans la salle, à l’adresse de Jay Elfenbein). Sont ensuite mis à l’honneur Thomas Stavitz, compositeur anglais du XVIe siècle, Couperin, et enfin Marin Marais : « A great song, très fameux pour improviser, c’est dans le movie Tous les matins du monde » précise Jay Elfenbein, dans son savoureux mélange d’Anglais et de Français.
A la fin du concert, Jean-Philippe Viret et Vincent Charbonnier évoquent les contrebasses qui ont jalonné leur existence. Il y a celles qui répondirent à leur amour et celles qui se refusèrent, celles qui les réconfortèrent et celles qui leur en firent voir de toutes les couleurs. A voix basse, ils se remémorent les intègres et les vénales, les fragiles et les fêlées. Les instruments d’un soir et les instruments d’une vie. Ils évoquent sur le ton de la confidence leur allure, leur odeur, la douceur de leur contact. Un peu gêné par le tour impudique pris par cette conversation, on préfère s’esquiver sur la pointe des pieds.
Texte: Jean-François Mondot
Dessins : Annie-Claire Alvoët
Post scriptum : Il n’y a pas encore, malheureusement, d’enregistrement de Jay Elfenbein et jean-Philippe Viret en duo. Mais on peut écouter ces merveilleux musiciens séparément dans d’autres aventures. Jean-Philippe Viret jouera le 15 juin au Parc Floral avec son trio 60% de matière grave. Quant aux nombreux projets de Jay Elfenbein, on les trouvera sur son site : www.elfpagesmusic.com
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Plus étrange que la rencontre entre un coq et une pendule, plus incongru que le face à face entre un parapluie et un dé à coudre sur une table de dissection, plus déroutant que le tête à tête entre une ballerine et un sumotori : Mercredi soir, dans la cave du 38 Riv, une contrebasse a dialogué avec une viole de gambe.
Jean-Philippe Viret Jay Elfenbein duo
Mercredi 30 avril, le 38 riv’, rue de Rivoli 75004 Paris
Jean-Philippe Viret (contrebasse)
Jay Elfenbein (viole de gambe)
Les deux protagonistes de cette rencontre du troisième type sont des familiers du saute-mouton entre les frontières musicales. Le contrebassiste Jean-Philippe Viret, après ses débuts dans le swing orthodoxe aux côtés de Stéphane Grappelli, a depuis longtemps manifesté son éclectisme et sa curiosité. Son disque « Supplément d’âme » ( 2012) proposait une nouvelle approche du quatuor à cordes. Son complice Jay Elfenbein, à la viole de gambe, est de la même trempe. Il a travaillé notamment avec Dave Brubeck, Antony Braxton, Chris Potter. Depuis longtemps, parallèlement à sa carrière dans le jazz, il s’emploie à explorer et à faire connaître la musique médiévale d’Occitanie et d’Andalousie, et la musique de la Renaissance. Tous deux sont des improvisateurs à l’aise dans tous les idiomes.
Le répertoire choisi pour cette rencontre provenait précisément de la musique médiévale et baroque. Le premier morceau est de la plume de Guillaume de Machaut, « Je ne çuis pas » (« ça s’écrit avec un « ç », relève, pensif, Jean-Philippe Viret), le deuxième est un ductus, c’est-à-dire une marche pour appeler les fidèles à la messe, écrit par un auteur de la Renaissance resté anonyme. Dès ces premiers morceaux le duo fonctionne magnifiquement. Les deux musiciens jouent les compositions et improvisent tour à tour, à l’archet ou au doigt, se passant la parole avec beaucoup de naturel. Le contraste de timbre et de son entre les deux instruments est délectable. Jay Elfenbein s’appuie sur la sonorité ronde et chaude de Jean-Philippe Viret pour mieux faire entendre une sonorité un peu nasale, écorchée, plus aigüe, qui donne une dimension vocale à la viole de gambe. Parfois, au contraire, quand il accompagne Jean-Philippe Viret, il tire de son instrument des effets guitaristiques très réussis.
A propos de Yohannes Simon de Aspres, compositeur du Moyen Âge, Jay Elfenbein fait partager avec enthousiasme les subtilités de la musique médiévale. Il souligne qu’elle comporte des accidents, c’est-à-dire des altérations que le musicien doit sentir mais qui ne sont pas notées (« Pfff…Déjà que quand tout est écrit, j’arrive pas à le jouer « soupire un gars dans le public).
A la pause, on essaiera d’en savoir un peu plus sur ces fameux accidents. Jay explique : « Tu vois, c’est comme si l’on ne notait les notes que quand il s’agit des touches blanches du piano, et comme si c’était à l’instrumentiste de faire les touches noires… ». Juste à côté, le patron du 38 Riv, Vincent Charbonnier, ancien contrebassiste , et Jean-Philippe Viret prennent une longue vue pour apercevoir les débuts de leur amitié : « On se connaît depuis le conservatoire de Versailles » explique Jean-Philippe Viret. Il s’adresse à Vincent Charbonnier : « C’ était quand ? En 1979, non ? ». Vincent Charbonnier hausse les épaules et bougonne : « Je sais que c’était à 18 heures, mais alors le reste… ».
La deuxième partie du concert fait entendre une magnifique composition de George Philippe telemann (« He was more famous in his time than Bach and Haendel » souligne Jay Elfenbein. Jean-Philippe Viret et Jay Elfenbein prennent des chorus inspirés et prenants . « You made your instrument cry » s’écrie quelqu’un dans la salle, à l’adresse de Jay Elfenbein). Sont ensuite mis à l’honneur Thomas Stavitz, compositeur anglais du XVIe siècle, Couperin, et enfin Marin Marais : « A great song, très fameux pour improviser, c’est dans le movie Tous les matins du monde » précise Jay Elfenbein, dans son savoureux mélange d’Anglais et de Français.
A la fin du concert, Jean-Philippe Viret et Vincent Charbonnier évoquent les contrebasses qui ont jalonné leur existence. Il y a celles qui répondirent à leur amour et celles qui se refusèrent, celles qui les réconfortèrent et celles qui leur en firent voir de toutes les couleurs. A voix basse, ils se remémorent les intègres et les vénales, les fragiles et les fêlées. Les instruments d’un soir et les instruments d’une vie. Ils évoquent sur le ton de la confidence leur allure, leur odeur, la douceur de leur contact. Un peu gêné par le tour impudique pris par cette conversation, on préfère s’esquiver sur la pointe des pieds.
Texte: Jean-François Mondot
Dessins : Annie-Claire Alvoët
Post scriptum : Il n’y a pas encore, malheureusement, d’enregistrement de Jay Elfenbein et jean-Philippe Viret en duo. Mais on peut écouter ces merveilleux musiciens séparément dans d’autres aventures. Jean-Philippe Viret jouera le 15 juin au Parc Floral avec son trio 60% de matière grave. Quant aux nombreux projets de Jay Elfenbein, on les trouvera sur son site : www.elfpagesmusic.com