René Caumer est mort
Il fut une époque où, à la mi-juin, il fallait être en Corse pour le festival Calvi Jazz. Je n’y étais pas, retenu par le bouclage du numéro d’été de Jazzman et les dernières tâches à accomplir avant la fermeture de nos bureaux en juillet. Et ce n’était pas sans une certaine envie que je voyais partir le monde du jazz vers Calvi.
Le monde du jazz… enfin pas tout le monde. Encore fallait-il y être invité et l’idée ne plaisait pas à tous. Elle était simple : les musiciens passaient une semaine de vacances à Calvi tous frais payés, en échange de quoi, ils donnaient un concert et jammaient la nuit dans les bars. Il y eut des récalcitrants à ce troc. Mais, à compter du 13 juin 1987, date d’ouverture de la première édition, beaucoup adhérèrent au principe, à commencer par Michel Petrucciani qui s’y trouvait chez lui, de Didier Lockwood à Anne Ducros, de Zool Fleischer à Antonio Farao, d’Eric LeLann à Andy Emler, de Luigi Trussardi à Fred Borey… La presse suivait la caravane et, à chaque retour, circulaient photos d’amateurs et de professionnels toutes plus pittoresques les unes que les autres… Outre des milliers de photos de jam sessions, je revois celle de Guy Le Querrec, dont un cliché montrant Philip Catherine et Michel Petrucciani sur la plage parmi les pâtés de sable d’Alexandre, le fils du pianiste, et aussi, toujours sur la plage, photographié sur un jetable, ou peut-être un peu mieux, Francis Marmande traînant sur une bouée, Bruno, le fils de Marc Ducret et Hélène Labarrière…
Longtemps, je n’ai connu de Calvi que ces photos, croisant parfois à la sauvette René Caumer chez Arnaud Merlin chez qui il logeait souvent lors de ses séjours parisiens. C’est ainsi qu’un jour il m’invita en mars 2010 à me joindre à l’oursinade quasi rituelle (dégustation d’oursins, en l’occurrence pêchés par son frère, grand plongeur, comme l’avait été René lui-même) à laquelle il associait un petit cercle d’amis dans son restaurant de Calvi, le Chalut. L’année suivante, je profitais d’un agenda propice pour descendre au festival, une édition qui dénotait hélas un relatif déclin du fait du désengagement de nombreux partenaires. René déjà fatigué par la maladie n’y apparut que discrètement, son cabas à la main, dont j’apprends ce matin à la lecture de corsenetinfos.fr qu’il était légendaire.
Je me souviens de la première conversation que nous avons eue, en tête à tête, à l’aéroport de Calvi, à l’heure du départ, cherchant nos mots pour tuer le temps de l’attente. Je doute qu’il ait été aussi intimidé que moi. Derrière les silences de cet homme dont je ne savais rien, et derrière cette voix douce et posée, d’une élégance étrange et soudain d’une répartie cinglante et truculente, je pressentais une expérience de la vie et une culture littéraire et musicale qui me dépassait et dont j’avais le sentiment qu’il ne servirait à rien de chercher à les dévoiler trop rapidement. Plus de sa part, peut-être, une économie de la parole, un volonté de ne pas l’user pour rien. Curieusement, ce cette conversation, j’ai gardé le nom de Bruce Brown, songwriter au timbre de velours, dont il m’avait recommandé l’écoute et que j’ai inscrit en juin 2012 au nombre des “101 chanteurs” de du numéro 638 de Jazz Magazine/Jazzman.
Nous nous sommes croisés par la suite quelquefois à Paris, entre deux de ses chimiothérapies dont il ne parlait pas, chez Séverine Morin qui, des années durant en toute discrétion et à ses heures perdues, l’assista efficacement dans l’organisation de la grande transhumance annuelle Paris-Calvi. Il aimait y rassembler quelques amis de Séverine autour de spécialités corses, ramenant dans ses bagages charcuteries et fromages, et cuisinant le marché du jour. Nous échangions toujours avec cette même économie et souvent, sans trop en dire, il évoquait Zoot Sims. Le 5 août dernier, de retour du Tremplin Jazz d’Avignon, je trouvais dans ma boîte une lettre de lui, d’une écriture fatiguée. Il aurait voulu réentendre le thème de Zoot Sims qui servait à l’émission d’Alain Gerber Le Jazz est un roman. Je me suis empressé de lui poster une copie de l’album “Zoot Sims Plays Four Altos”. Il est mort dans la nuit du 15 au 16 août. J’espère qu’il a eu le temps de réécouter Let’s Not Waltz Tonight avant de s’éteindre.
Franck Bergerot
Arnaud Merlin m’écrit des Etats-Unis où la nouvelle de la mort de René vient de le frapper. Et il me rappelle que René demandait régulièrement à ses amis de lui fournir la musique du générique de l’émission d’Alain Gerber et qu’il le perdait autant de fois. Il le soupçonne même René d’avoir aimé perdre les choses pour le seul plaisir de les redemander aux amis. Dans sa lettre, René m’avouait d’ailleurs avoir obtenu une copie de ce générique par Alain Gerber lui-même. Et il me semblait bien lui avoir offert il y a un an l’édition Fresh Sound réunissant “Zoot Sims Plays Four Altos” et “Zoot”. C’est aussi pour ces petits travers que l’on pleure les disparus.
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Il fut une époque où, à la mi-juin, il fallait être en Corse pour le festival Calvi Jazz. Je n’y étais pas, retenu par le bouclage du numéro d’été de Jazzman et les dernières tâches à accomplir avant la fermeture de nos bureaux en juillet. Et ce n’était pas sans une certaine envie que je voyais partir le monde du jazz vers Calvi.
Le monde du jazz… enfin pas tout le monde. Encore fallait-il y être invité et l’idée ne plaisait pas à tous. Elle était simple : les musiciens passaient une semaine de vacances à Calvi tous frais payés, en échange de quoi, ils donnaient un concert et jammaient la nuit dans les bars. Il y eut des récalcitrants à ce troc. Mais, à compter du 13 juin 1987, date d’ouverture de la première édition, beaucoup adhérèrent au principe, à commencer par Michel Petrucciani qui s’y trouvait chez lui, de Didier Lockwood à Anne Ducros, de Zool Fleischer à Antonio Farao, d’Eric LeLann à Andy Emler, de Luigi Trussardi à Fred Borey… La presse suivait la caravane et, à chaque retour, circulaient photos d’amateurs et de professionnels toutes plus pittoresques les unes que les autres… Outre des milliers de photos de jam sessions, je revois celle de Guy Le Querrec, dont un cliché montrant Philip Catherine et Michel Petrucciani sur la plage parmi les pâtés de sable d’Alexandre, le fils du pianiste, et aussi, toujours sur la plage, photographié sur un jetable, ou peut-être un peu mieux, Francis Marmande traînant sur une bouée, Bruno, le fils de Marc Ducret et Hélène Labarrière…
Longtemps, je n’ai connu de Calvi que ces photos, croisant parfois à la sauvette René Caumer chez Arnaud Merlin chez qui il logeait souvent lors de ses séjours parisiens. C’est ainsi qu’un jour il m’invita en mars 2010 à me joindre à l’oursinade quasi rituelle (dégustation d’oursins, en l’occurrence pêchés par son frère, grand plongeur, comme l’avait été René lui-même) à laquelle il associait un petit cercle d’amis dans son restaurant de Calvi, le Chalut. L’année suivante, je profitais d’un agenda propice pour descendre au festival, une édition qui dénotait hélas un relatif déclin du fait du désengagement de nombreux partenaires. René déjà fatigué par la maladie n’y apparut que discrètement, son cabas à la main, dont j’apprends ce matin à la lecture de corsenetinfos.fr qu’il était légendaire.
Je me souviens de la première conversation que nous avons eue, en tête à tête, à l’aéroport de Calvi, à l’heure du départ, cherchant nos mots pour tuer le temps de l’attente. Je doute qu’il ait été aussi intimidé que moi. Derrière les silences de cet homme dont je ne savais rien, et derrière cette voix douce et posée, d’une élégance étrange et soudain d’une répartie cinglante et truculente, je pressentais une expérience de la vie et une culture littéraire et musicale qui me dépassait et dont j’avais le sentiment qu’il ne servirait à rien de chercher à les dévoiler trop rapidement. Plus de sa part, peut-être, une économie de la parole, un volonté de ne pas l’user pour rien. Curieusement, ce cette conversation, j’ai gardé le nom de Bruce Brown, songwriter au timbre de velours, dont il m’avait recommandé l’écoute et que j’ai inscrit en juin 2012 au nombre des “101 chanteurs” de du numéro 638 de Jazz Magazine/Jazzman.
Nous nous sommes croisés par la suite quelquefois à Paris, entre deux de ses chimiothérapies dont il ne parlait pas, chez Séverine Morin qui, des années durant en toute discrétion et à ses heures perdues, l’assista efficacement dans l’organisation de la grande transhumance annuelle Paris-Calvi. Il aimait y rassembler quelques amis de Séverine autour de spécialités corses, ramenant dans ses bagages charcuteries et fromages, et cuisinant le marché du jour. Nous échangions toujours avec cette même économie et souvent, sans trop en dire, il évoquait Zoot Sims. Le 5 août dernier, de retour du Tremplin Jazz d’Avignon, je trouvais dans ma boîte une lettre de lui, d’une écriture fatiguée. Il aurait voulu réentendre le thème de Zoot Sims qui servait à l’émission d’Alain Gerber Le Jazz est un roman. Je me suis empressé de lui poster une copie de l’album “Zoot Sims Plays Four Altos”. Il est mort dans la nuit du 15 au 16 août. J’espère qu’il a eu le temps de réécouter Let’s Not Waltz Tonight avant de s’éteindre.
Franck Bergerot
Arnaud Merlin m’écrit des Etats-Unis où la nouvelle de la mort de René vient de le frapper. Et il me rappelle que René demandait régulièrement à ses amis de lui fournir la musique du générique de l’émission d’Alain Gerber et qu’il le perdait autant de fois. Il le soupçonne même René d’avoir aimé perdre les choses pour le seul plaisir de les redemander aux amis. Dans sa lettre, René m’avouait d’ailleurs avoir obtenu une copie de ce générique par Alain Gerber lui-même. Et il me semblait bien lui avoir offert il y a un an l’édition Fresh Sound réunissant “Zoot Sims Plays Four Altos” et “Zoot”. C’est aussi pour ces petits travers que l’on pleure les disparus.
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Il fut une époque où, à la mi-juin, il fallait être en Corse pour le festival Calvi Jazz. Je n’y étais pas, retenu par le bouclage du numéro d’été de Jazzman et les dernières tâches à accomplir avant la fermeture de nos bureaux en juillet. Et ce n’était pas sans une certaine envie que je voyais partir le monde du jazz vers Calvi.
Le monde du jazz… enfin pas tout le monde. Encore fallait-il y être invité et l’idée ne plaisait pas à tous. Elle était simple : les musiciens passaient une semaine de vacances à Calvi tous frais payés, en échange de quoi, ils donnaient un concert et jammaient la nuit dans les bars. Il y eut des récalcitrants à ce troc. Mais, à compter du 13 juin 1987, date d’ouverture de la première édition, beaucoup adhérèrent au principe, à commencer par Michel Petrucciani qui s’y trouvait chez lui, de Didier Lockwood à Anne Ducros, de Zool Fleischer à Antonio Farao, d’Eric LeLann à Andy Emler, de Luigi Trussardi à Fred Borey… La presse suivait la caravane et, à chaque retour, circulaient photos d’amateurs et de professionnels toutes plus pittoresques les unes que les autres… Outre des milliers de photos de jam sessions, je revois celle de Guy Le Querrec, dont un cliché montrant Philip Catherine et Michel Petrucciani sur la plage parmi les pâtés de sable d’Alexandre, le fils du pianiste, et aussi, toujours sur la plage, photographié sur un jetable, ou peut-être un peu mieux, Francis Marmande traînant sur une bouée, Bruno, le fils de Marc Ducret et Hélène Labarrière…
Longtemps, je n’ai connu de Calvi que ces photos, croisant parfois à la sauvette René Caumer chez Arnaud Merlin chez qui il logeait souvent lors de ses séjours parisiens. C’est ainsi qu’un jour il m’invita en mars 2010 à me joindre à l’oursinade quasi rituelle (dégustation d’oursins, en l’occurrence pêchés par son frère, grand plongeur, comme l’avait été René lui-même) à laquelle il associait un petit cercle d’amis dans son restaurant de Calvi, le Chalut. L’année suivante, je profitais d’un agenda propice pour descendre au festival, une édition qui dénotait hélas un relatif déclin du fait du désengagement de nombreux partenaires. René déjà fatigué par la maladie n’y apparut que discrètement, son cabas à la main, dont j’apprends ce matin à la lecture de corsenetinfos.fr qu’il était légendaire.
Je me souviens de la première conversation que nous avons eue, en tête à tête, à l’aéroport de Calvi, à l’heure du départ, cherchant nos mots pour tuer le temps de l’attente. Je doute qu’il ait été aussi intimidé que moi. Derrière les silences de cet homme dont je ne savais rien, et derrière cette voix douce et posée, d’une élégance étrange et soudain d’une répartie cinglante et truculente, je pressentais une expérience de la vie et une culture littéraire et musicale qui me dépassait et dont j’avais le sentiment qu’il ne servirait à rien de chercher à les dévoiler trop rapidement. Plus de sa part, peut-être, une économie de la parole, un volonté de ne pas l’user pour rien. Curieusement, ce cette conversation, j’ai gardé le nom de Bruce Brown, songwriter au timbre de velours, dont il m’avait recommandé l’écoute et que j’ai inscrit en juin 2012 au nombre des “101 chanteurs” de du numéro 638 de Jazz Magazine/Jazzman.
Nous nous sommes croisés par la suite quelquefois à Paris, entre deux de ses chimiothérapies dont il ne parlait pas, chez Séverine Morin qui, des années durant en toute discrétion et à ses heures perdues, l’assista efficacement dans l’organisation de la grande transhumance annuelle Paris-Calvi. Il aimait y rassembler quelques amis de Séverine autour de spécialités corses, ramenant dans ses bagages charcuteries et fromages, et cuisinant le marché du jour. Nous échangions toujours avec cette même économie et souvent, sans trop en dire, il évoquait Zoot Sims. Le 5 août dernier, de retour du Tremplin Jazz d’Avignon, je trouvais dans ma boîte une lettre de lui, d’une écriture fatiguée. Il aurait voulu réentendre le thème de Zoot Sims qui servait à l’émission d’Alain Gerber Le Jazz est un roman. Je me suis empressé de lui poster une copie de l’album “Zoot Sims Plays Four Altos”. Il est mort dans la nuit du 15 au 16 août. J’espère qu’il a eu le temps de réécouter Let’s Not Waltz Tonight avant de s’éteindre.
Franck Bergerot
Arnaud Merlin m’écrit des Etats-Unis où la nouvelle de la mort de René vient de le frapper. Et il me rappelle que René demandait régulièrement à ses amis de lui fournir la musique du générique de l’émission d’Alain Gerber et qu’il le perdait autant de fois. Il le soupçonne même René d’avoir aimé perdre les choses pour le seul plaisir de les redemander aux amis. Dans sa lettre, René m’avouait d’ailleurs avoir obtenu une copie de ce générique par Alain Gerber lui-même. Et il me semblait bien lui avoir offert il y a un an l’édition Fresh Sound réunissant “Zoot Sims Plays Four Altos” et “Zoot”. C’est aussi pour ces petits travers que l’on pleure les disparus.
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Il fut une époque où, à la mi-juin, il fallait être en Corse pour le festival Calvi Jazz. Je n’y étais pas, retenu par le bouclage du numéro d’été de Jazzman et les dernières tâches à accomplir avant la fermeture de nos bureaux en juillet. Et ce n’était pas sans une certaine envie que je voyais partir le monde du jazz vers Calvi.
Le monde du jazz… enfin pas tout le monde. Encore fallait-il y être invité et l’idée ne plaisait pas à tous. Elle était simple : les musiciens passaient une semaine de vacances à Calvi tous frais payés, en échange de quoi, ils donnaient un concert et jammaient la nuit dans les bars. Il y eut des récalcitrants à ce troc. Mais, à compter du 13 juin 1987, date d’ouverture de la première édition, beaucoup adhérèrent au principe, à commencer par Michel Petrucciani qui s’y trouvait chez lui, de Didier Lockwood à Anne Ducros, de Zool Fleischer à Antonio Farao, d’Eric LeLann à Andy Emler, de Luigi Trussardi à Fred Borey… La presse suivait la caravane et, à chaque retour, circulaient photos d’amateurs et de professionnels toutes plus pittoresques les unes que les autres… Outre des milliers de photos de jam sessions, je revois celle de Guy Le Querrec, dont un cliché montrant Philip Catherine et Michel Petrucciani sur la plage parmi les pâtés de sable d’Alexandre, le fils du pianiste, et aussi, toujours sur la plage, photographié sur un jetable, ou peut-être un peu mieux, Francis Marmande traînant sur une bouée, Bruno, le fils de Marc Ducret et Hélène Labarrière…
Longtemps, je n’ai connu de Calvi que ces photos, croisant parfois à la sauvette René Caumer chez Arnaud Merlin chez qui il logeait souvent lors de ses séjours parisiens. C’est ainsi qu’un jour il m’invita en mars 2010 à me joindre à l’oursinade quasi rituelle (dégustation d’oursins, en l’occurrence pêchés par son frère, grand plongeur, comme l’avait été René lui-même) à laquelle il associait un petit cercle d’amis dans son restaurant de Calvi, le Chalut. L’année suivante, je profitais d’un agenda propice pour descendre au festival, une édition qui dénotait hélas un relatif déclin du fait du désengagement de nombreux partenaires. René déjà fatigué par la maladie n’y apparut que discrètement, son cabas à la main, dont j’apprends ce matin à la lecture de corsenetinfos.fr qu’il était légendaire.
Je me souviens de la première conversation que nous avons eue, en tête à tête, à l’aéroport de Calvi, à l’heure du départ, cherchant nos mots pour tuer le temps de l’attente. Je doute qu’il ait été aussi intimidé que moi. Derrière les silences de cet homme dont je ne savais rien, et derrière cette voix douce et posée, d’une élégance étrange et soudain d’une répartie cinglante et truculente, je pressentais une expérience de la vie et une culture littéraire et musicale qui me dépassait et dont j’avais le sentiment qu’il ne servirait à rien de chercher à les dévoiler trop rapidement. Plus de sa part, peut-être, une économie de la parole, un volonté de ne pas l’user pour rien. Curieusement, ce cette conversation, j’ai gardé le nom de Bruce Brown, songwriter au timbre de velours, dont il m’avait recommandé l’écoute et que j’ai inscrit en juin 2012 au nombre des “101 chanteurs” de du numéro 638 de Jazz Magazine/Jazzman.
Nous nous sommes croisés par la suite quelquefois à Paris, entre deux de ses chimiothérapies dont il ne parlait pas, chez Séverine Morin qui, des années durant en toute discrétion et à ses heures perdues, l’assista efficacement dans l’organisation de la grande transhumance annuelle Paris-Calvi. Il aimait y rassembler quelques amis de Séverine autour de spécialités corses, ramenant dans ses bagages charcuteries et fromages, et cuisinant le marché du jour. Nous échangions toujours avec cette même économie et souvent, sans trop en dire, il évoquait Zoot Sims. Le 5 août dernier, de retour du Tremplin Jazz d’Avignon, je trouvais dans ma boîte une lettre de lui, d’une écriture fatiguée. Il aurait voulu réentendre le thème de Zoot Sims qui servait à l’émission d’Alain Gerber Le Jazz est un roman. Je me suis empressé de lui poster une copie de l’album “Zoot Sims Plays Four Altos”. Il est mort dans la nuit du 15 au 16 août. J’espère qu’il a eu le temps de réécouter Let’s Not Waltz Tonight avant de s’éteindre.
Franck Bergerot
Arnaud Merlin m’écrit des Etats-Unis où la nouvelle de la mort de René vient de le frapper. Et il me rappelle que René demandait régulièrement à ses amis de lui fournir la musique du générique de l’émission d’Alain Gerber et qu’il le perdait autant de fois. Il le soupçonne même René d’avoir aimé perdre les choses pour le seul plaisir de les redemander aux amis. Dans sa lettre, René m’avouait d’ailleurs avoir obtenu une copie de ce générique par Alain Gerber lui-même. Et il me semblait bien lui avoir offert il y a un an l’édition Fresh Sound réunissant “Zoot Sims Plays Four Altos” et “Zoot”. C’est aussi pour ces petits travers que l’on pleure les disparus.