Jazz live
Publié le 30 Juin 2014

Respire Jazz 3 : Open Gate Trio et Triolio

Hier, 29 juin le Respire Jazz festival se terminait par un long et chaleureux bœuf, après les concerts de l’Open Gate Trio (Francesco Bearzatti, Emmanuel Bex, Simon Goubert) et du Triolio (Lynn Cassiers, Pierre Perchaud, Leon Parker).

 

En début d’après-midi, le public se répartit en petits groupes sous les abris de toile dressés en hâte sur l’esplanade de l’Abbaye, pour écouter, à travers les rideaux successifs d’averses pénétrantes, le groupe Ellinoa qu’emmène la chanteuse-parolière-compositrice-arrangeuse Camille Durand, avec Richard Poher (Fender Rhodes), Arthur Hennebique (contrebasse) et Tiss Rodriguez (batterie). Confirmation de mon compte rendu d’hier : il y a là une chanteuse-musicienne à la tête d’un vrai groupe, avec une vraie vocation qui gagnera à se faire une personnalité plus tranchée, par le travail de l’organe et du langage improvisé. Il y a fort à parier qu’on la retrouvera sur nos routes.

 

Repli, vers la grange inaugurée samedi soir pour cause de pluie et aussitôt baptisée “Zénith du Puypéroux”. Je doute que l’on ait jamais vu pareille proximité et convivialité dans un Zénith. Lançons une nouvelle appellation : jazz à la grange ou jazz au fenil. Pour ce qui est de la convivialité on va être servi avec l’…

 

Open Gate Trio : Francesco Bearzatti (sax ténor, clarinette), Emmanuel Bex (orgue Hammond A 100), Simon Goubert (batterie).

 

En effet, si ce “super Trio” a un sens de la grandeur qui évoque tout à la fois le retour des grandes stars du premier hard rock et, plus musicalement, la démesure du Lifetime de Tony Williams (version Larry Young – John McLaughlin), s’exprime à travers la présence scénique de ses trois membres un bonheur de partager, de jouer, de s’amuser qui n’a cependant rien de désinvolte, mais relève d’un “être là” puissant porté par une énergie quasi “punk”. C’est Francesco Bearzatti qui nous amène le mot “punk” à nos lèvres, une espèce de punk “comedia dell’arte”, par sa présence déjantée, agitée, énervée, ses effets soudains de saturation sur l’amplification du sax ou sa façon gommer sa technique par ses effets de growl et les débordements de phrasé à l’articulation souvent elliptique. Bex, sur un orgue d’emprunt, sonne d’emblée comme Bex, avec des sons très évocateurs de Larry Young, mais un vocabulaire qui sédimente tout l’éclectisme de son vécu musical et une folle envie de s’amuser faisant soudain surgir de son instrument un troupeau de moutons qui lui est peut-être inspiré sur le moment par l’une des utilités possibles de cette salle de concert improvisée aux murs de pierres sèches. Simon Goubert swingue à tue-tête, porte, propulse, fait tonner les peaux, fait chanter les cymbales avec une musicalité et une dynamique qui n’appartiennent qu’à lui.

 

Triolio : Lynn Cassiers (chant, traitements sonores), Pierre Perchaud (guitares), Leon Parker (batterie).

 

Ce groupe relativement neuf est le fruit d’une rencontre vieille de six ans (Respire Jazz sortait des limbes) entre la chanteuse belge Lynn Cassiers, le batteur Leon Parker et le guitariste maître de céans, Pierre Perchaud. J’ai mis du temps à entrer dans cet univers composite, qui peinait à trouver son équilibre sonore (difficulté probablement inhérente au dispositif du groupe et au fait d’un retard de transport qui l’obligea à une balance rapide pendant l’entracte) et j’ai finalement regretté de n’avoir pas entendu Lynn Cassiers seule, une configuration dont elle est coutumière et où le délicat équilibre entre ses textes et musiques, sa voix et les dispositifs électroniques auxquels elle les soumet se fait probablement plus naturellement. Et je ne suis pas trop convaincu par la pertinence dans cet ensemble (pourtant présenté comme le sien) du “ton” de Leon Parker dépourvu d’un sens du mystère que l’on attend là tout particulièrement, pas plus que par ses effets de percussions corporelles qui tournent vite au sketch. Et si je me suis enfin laissé gagner par l’émotion lors d’un très bel arrangement pour guitare du Throw it Away d’Abbey Lincoln, j’ai trouvé que la partie de Leon Parker y était de trop. Et c’est finalement, le rappel improvisé qui m’a permis de me joindre à la ferveur collective.

 

Après quoi, tout ce petit monde s’est retrouvé à la buvette pour une jam session qui s’est poursuivie tard dans la nuit, probablement l’une de plus belles qu’ait connues l’abbaye du Puypéroux, chacun y trouvant tour à tour sa place, des animateurs titulaires de la jam (le guitariste Mathis Pascaud et le batteur

Gabriel Westphall

Gabriel Westphall

Gabriel Westphall) aux membres des deux trios de la soirée et ceux d’Ellinoa : Camille Durant qui s’est jetée à l’eau entre Emmanuel Bex et Francesco Bearzatti avec les honneurs, Tiss Rodriguez qui s’est gagné quelques sympathies par son sens très sûr de la polyrythmie et de la polychromie, Richard Poher qui a tenu son rang entre Emmanuel Bex et Simon Goubert (pianiste pour l’occasion), Arthur Hennebique et Nicolas Moreaux (resté sur place après le concert du quartette d’Olivier Bogé la veille) qui donnèrent deux visions distinctes et néanmoins admirables de la contrebasse. Cerise sur le gâteau, Lynn Cassiers qui s’est imposée sur les standards, notamment sur un Body and Soul ultra lent, avec une voix évoquant Rickie Lee Jones, et une intonation et un phrasé qui renvoyait plutôt à Chet Baker, des audaces de placement-déplacement presque davisiennes et un scat à la fois très sûr, tout en évitant la prouesse “instrumentaliste” au profit du sens de l’espace, du mystère, du drame. Vers 1h30, je me suis glissé dans le lit de la mère abbesse la gorge nouée et les échos de la jam sessions qui continuait bercèrent mon endormissement.

Franck Bergerot

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Hier, 29 juin le Respire Jazz festival se terminait par un long et chaleureux bœuf, après les concerts de l’Open Gate Trio (Francesco Bearzatti, Emmanuel Bex, Simon Goubert) et du Triolio (Lynn Cassiers, Pierre Perchaud, Leon Parker).

 

En début d’après-midi, le public se répartit en petits groupes sous les abris de toile dressés en hâte sur l’esplanade de l’Abbaye, pour écouter, à travers les rideaux successifs d’averses pénétrantes, le groupe Ellinoa qu’emmène la chanteuse-parolière-compositrice-arrangeuse Camille Durand, avec Richard Poher (Fender Rhodes), Arthur Hennebique (contrebasse) et Tiss Rodriguez (batterie). Confirmation de mon compte rendu d’hier : il y a là une chanteuse-musicienne à la tête d’un vrai groupe, avec une vraie vocation qui gagnera à se faire une personnalité plus tranchée, par le travail de l’organe et du langage improvisé. Il y a fort à parier qu’on la retrouvera sur nos routes.

 

Repli, vers la grange inaugurée samedi soir pour cause de pluie et aussitôt baptisée “Zénith du Puypéroux”. Je doute que l’on ait jamais vu pareille proximité et convivialité dans un Zénith. Lançons une nouvelle appellation : jazz à la grange ou jazz au fenil. Pour ce qui est de la convivialité on va être servi avec l’…

 

Open Gate Trio : Francesco Bearzatti (sax ténor, clarinette), Emmanuel Bex (orgue Hammond A 100), Simon Goubert (batterie).

 

En effet, si ce “super Trio” a un sens de la grandeur qui évoque tout à la fois le retour des grandes stars du premier hard rock et, plus musicalement, la démesure du Lifetime de Tony Williams (version Larry Young – John McLaughlin), s’exprime à travers la présence scénique de ses trois membres un bonheur de partager, de jouer, de s’amuser qui n’a cependant rien de désinvolte, mais relève d’un “être là” puissant porté par une énergie quasi “punk”. C’est Francesco Bearzatti qui nous amène le mot “punk” à nos lèvres, une espèce de punk “comedia dell’arte”, par sa présence déjantée, agitée, énervée, ses effets soudains de saturation sur l’amplification du sax ou sa façon gommer sa technique par ses effets de growl et les débordements de phrasé à l’articulation souvent elliptique. Bex, sur un orgue d’emprunt, sonne d’emblée comme Bex, avec des sons très évocateurs de Larry Young, mais un vocabulaire qui sédimente tout l’éclectisme de son vécu musical et une folle envie de s’amuser faisant soudain surgir de son instrument un troupeau de moutons qui lui est peut-être inspiré sur le moment par l’une des utilités possibles de cette salle de concert improvisée aux murs de pierres sèches. Simon Goubert swingue à tue-tête, porte, propulse, fait tonner les peaux, fait chanter les cymbales avec une musicalité et une dynamique qui n’appartiennent qu’à lui.

 

Triolio : Lynn Cassiers (chant, traitements sonores), Pierre Perchaud (guitares), Leon Parker (batterie).

 

Ce groupe relativement neuf est le fruit d’une rencontre vieille de six ans (Respire Jazz sortait des limbes) entre la chanteuse belge Lynn Cassiers, le batteur Leon Parker et le guitariste maître de céans, Pierre Perchaud. J’ai mis du temps à entrer dans cet univers composite, qui peinait à trouver son équilibre sonore (difficulté probablement inhérente au dispositif du groupe et au fait d’un retard de transport qui l’obligea à une balance rapide pendant l’entracte) et j’ai finalement regretté de n’avoir pas entendu Lynn Cassiers seule, une configuration dont elle est coutumière et où le délicat équilibre entre ses textes et musiques, sa voix et les dispositifs électroniques auxquels elle les soumet se fait probablement plus naturellement. Et je ne suis pas trop convaincu par la pertinence dans cet ensemble (pourtant présenté comme le sien) du “ton” de Leon Parker dépourvu d’un sens du mystère que l’on attend là tout particulièrement, pas plus que par ses effets de percussions corporelles qui tournent vite au sketch. Et si je me suis enfin laissé gagner par l’émotion lors d’un très bel arrangement pour guitare du Throw it Away d’Abbey Lincoln, j’ai trouvé que la partie de Leon Parker y était de trop. Et c’est finalement, le rappel improvisé qui m’a permis de me joindre à la ferveur collective.

 

Après quoi, tout ce petit monde s’est retrouvé à la buvette pour une jam session qui s’est poursuivie tard dans la nuit, probablement l’une de plus belles qu’ait connues l’abbaye du Puypéroux, chacun y trouvant tour à tour sa place, des animateurs titulaires de la jam (le guitariste Mathis Pascaud et le batteur

Gabriel Westphall

Gabriel Westphall

Gabriel Westphall) aux membres des deux trios de la soirée et ceux d’Ellinoa : Camille Durant qui s’est jetée à l’eau entre Emmanuel Bex et Francesco Bearzatti avec les honneurs, Tiss Rodriguez qui s’est gagné quelques sympathies par son sens très sûr de la polyrythmie et de la polychromie, Richard Poher qui a tenu son rang entre Emmanuel Bex et Simon Goubert (pianiste pour l’occasion), Arthur Hennebique et Nicolas Moreaux (resté sur place après le concert du quartette d’Olivier Bogé la veille) qui donnèrent deux visions distinctes et néanmoins admirables de la contrebasse. Cerise sur le gâteau, Lynn Cassiers qui s’est imposée sur les standards, notamment sur un Body and Soul ultra lent, avec une voix évoquant Rickie Lee Jones, et une intonation et un phrasé qui renvoyait plutôt à Chet Baker, des audaces de placement-déplacement presque davisiennes et un scat à la fois très sûr, tout en évitant la prouesse “instrumentaliste” au profit du sens de l’espace, du mystère, du drame. Vers 1h30, je me suis glissé dans le lit de la mère abbesse la gorge nouée et les échos de la jam sessions qui continuait bercèrent mon endormissement.

Franck Bergerot

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Hier, 29 juin le Respire Jazz festival se terminait par un long et chaleureux bœuf, après les concerts de l’Open Gate Trio (Francesco Bearzatti, Emmanuel Bex, Simon Goubert) et du Triolio (Lynn Cassiers, Pierre Perchaud, Leon Parker).

 

En début d’après-midi, le public se répartit en petits groupes sous les abris de toile dressés en hâte sur l’esplanade de l’Abbaye, pour écouter, à travers les rideaux successifs d’averses pénétrantes, le groupe Ellinoa qu’emmène la chanteuse-parolière-compositrice-arrangeuse Camille Durand, avec Richard Poher (Fender Rhodes), Arthur Hennebique (contrebasse) et Tiss Rodriguez (batterie). Confirmation de mon compte rendu d’hier : il y a là une chanteuse-musicienne à la tête d’un vrai groupe, avec une vraie vocation qui gagnera à se faire une personnalité plus tranchée, par le travail de l’organe et du langage improvisé. Il y a fort à parier qu’on la retrouvera sur nos routes.

 

Repli, vers la grange inaugurée samedi soir pour cause de pluie et aussitôt baptisée “Zénith du Puypéroux”. Je doute que l’on ait jamais vu pareille proximité et convivialité dans un Zénith. Lançons une nouvelle appellation : jazz à la grange ou jazz au fenil. Pour ce qui est de la convivialité on va être servi avec l’…

 

Open Gate Trio : Francesco Bearzatti (sax ténor, clarinette), Emmanuel Bex (orgue Hammond A 100), Simon Goubert (batterie).

 

En effet, si ce “super Trio” a un sens de la grandeur qui évoque tout à la fois le retour des grandes stars du premier hard rock et, plus musicalement, la démesure du Lifetime de Tony Williams (version Larry Young – John McLaughlin), s’exprime à travers la présence scénique de ses trois membres un bonheur de partager, de jouer, de s’amuser qui n’a cependant rien de désinvolte, mais relève d’un “être là” puissant porté par une énergie quasi “punk”. C’est Francesco Bearzatti qui nous amène le mot “punk” à nos lèvres, une espèce de punk “comedia dell’arte”, par sa présence déjantée, agitée, énervée, ses effets soudains de saturation sur l’amplification du sax ou sa façon gommer sa technique par ses effets de growl et les débordements de phrasé à l’articulation souvent elliptique. Bex, sur un orgue d’emprunt, sonne d’emblée comme Bex, avec des sons très évocateurs de Larry Young, mais un vocabulaire qui sédimente tout l’éclectisme de son vécu musical et une folle envie de s’amuser faisant soudain surgir de son instrument un troupeau de moutons qui lui est peut-être inspiré sur le moment par l’une des utilités possibles de cette salle de concert improvisée aux murs de pierres sèches. Simon Goubert swingue à tue-tête, porte, propulse, fait tonner les peaux, fait chanter les cymbales avec une musicalité et une dynamique qui n’appartiennent qu’à lui.

 

Triolio : Lynn Cassiers (chant, traitements sonores), Pierre Perchaud (guitares), Leon Parker (batterie).

 

Ce groupe relativement neuf est le fruit d’une rencontre vieille de six ans (Respire Jazz sortait des limbes) entre la chanteuse belge Lynn Cassiers, le batteur Leon Parker et le guitariste maître de céans, Pierre Perchaud. J’ai mis du temps à entrer dans cet univers composite, qui peinait à trouver son équilibre sonore (difficulté probablement inhérente au dispositif du groupe et au fait d’un retard de transport qui l’obligea à une balance rapide pendant l’entracte) et j’ai finalement regretté de n’avoir pas entendu Lynn Cassiers seule, une configuration dont elle est coutumière et où le délicat équilibre entre ses textes et musiques, sa voix et les dispositifs électroniques auxquels elle les soumet se fait probablement plus naturellement. Et je ne suis pas trop convaincu par la pertinence dans cet ensemble (pourtant présenté comme le sien) du “ton” de Leon Parker dépourvu d’un sens du mystère que l’on attend là tout particulièrement, pas plus que par ses effets de percussions corporelles qui tournent vite au sketch. Et si je me suis enfin laissé gagner par l’émotion lors d’un très bel arrangement pour guitare du Throw it Away d’Abbey Lincoln, j’ai trouvé que la partie de Leon Parker y était de trop. Et c’est finalement, le rappel improvisé qui m’a permis de me joindre à la ferveur collective.

 

Après quoi, tout ce petit monde s’est retrouvé à la buvette pour une jam session qui s’est poursuivie tard dans la nuit, probablement l’une de plus belles qu’ait connues l’abbaye du Puypéroux, chacun y trouvant tour à tour sa place, des animateurs titulaires de la jam (le guitariste Mathis Pascaud et le batteur

Gabriel Westphall

Gabriel Westphall

Gabriel Westphall) aux membres des deux trios de la soirée et ceux d’Ellinoa : Camille Durant qui s’est jetée à l’eau entre Emmanuel Bex et Francesco Bearzatti avec les honneurs, Tiss Rodriguez qui s’est gagné quelques sympathies par son sens très sûr de la polyrythmie et de la polychromie, Richard Poher qui a tenu son rang entre Emmanuel Bex et Simon Goubert (pianiste pour l’occasion), Arthur Hennebique et Nicolas Moreaux (resté sur place après le concert du quartette d’Olivier Bogé la veille) qui donnèrent deux visions distinctes et néanmoins admirables de la contrebasse. Cerise sur le gâteau, Lynn Cassiers qui s’est imposée sur les standards, notamment sur un Body and Soul ultra lent, avec une voix évoquant Rickie Lee Jones, et une intonation et un phrasé qui renvoyait plutôt à Chet Baker, des audaces de placement-déplacement presque davisiennes et un scat à la fois très sûr, tout en évitant la prouesse “instrumentaliste” au profit du sens de l’espace, du mystère, du drame. Vers 1h30, je me suis glissé dans le lit de la mère abbesse la gorge nouée et les échos de la jam sessions qui continuait bercèrent mon endormissement.

Franck Bergerot

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Hier, 29 juin le Respire Jazz festival se terminait par un long et chaleureux bœuf, après les concerts de l’Open Gate Trio (Francesco Bearzatti, Emmanuel Bex, Simon Goubert) et du Triolio (Lynn Cassiers, Pierre Perchaud, Leon Parker).

 

En début d’après-midi, le public se répartit en petits groupes sous les abris de toile dressés en hâte sur l’esplanade de l’Abbaye, pour écouter, à travers les rideaux successifs d’averses pénétrantes, le groupe Ellinoa qu’emmène la chanteuse-parolière-compositrice-arrangeuse Camille Durand, avec Richard Poher (Fender Rhodes), Arthur Hennebique (contrebasse) et Tiss Rodriguez (batterie). Confirmation de mon compte rendu d’hier : il y a là une chanteuse-musicienne à la tête d’un vrai groupe, avec une vraie vocation qui gagnera à se faire une personnalité plus tranchée, par le travail de l’organe et du langage improvisé. Il y a fort à parier qu’on la retrouvera sur nos routes.

 

Repli, vers la grange inaugurée samedi soir pour cause de pluie et aussitôt baptisée “Zénith du Puypéroux”. Je doute que l’on ait jamais vu pareille proximité et convivialité dans un Zénith. Lançons une nouvelle appellation : jazz à la grange ou jazz au fenil. Pour ce qui est de la convivialité on va être servi avec l’…

 

Open Gate Trio : Francesco Bearzatti (sax ténor, clarinette), Emmanuel Bex (orgue Hammond A 100), Simon Goubert (batterie).

 

En effet, si ce “super Trio” a un sens de la grandeur qui évoque tout à la fois le retour des grandes stars du premier hard rock et, plus musicalement, la démesure du Lifetime de Tony Williams (version Larry Young – John McLaughlin), s’exprime à travers la présence scénique de ses trois membres un bonheur de partager, de jouer, de s’amuser qui n’a cependant rien de désinvolte, mais relève d’un “être là” puissant porté par une énergie quasi “punk”. C’est Francesco Bearzatti qui nous amène le mot “punk” à nos lèvres, une espèce de punk “comedia dell’arte”, par sa présence déjantée, agitée, énervée, ses effets soudains de saturation sur l’amplification du sax ou sa façon gommer sa technique par ses effets de growl et les débordements de phrasé à l’articulation souvent elliptique. Bex, sur un orgue d’emprunt, sonne d’emblée comme Bex, avec des sons très évocateurs de Larry Young, mais un vocabulaire qui sédimente tout l’éclectisme de son vécu musical et une folle envie de s’amuser faisant soudain surgir de son instrument un troupeau de moutons qui lui est peut-être inspiré sur le moment par l’une des utilités possibles de cette salle de concert improvisée aux murs de pierres sèches. Simon Goubert swingue à tue-tête, porte, propulse, fait tonner les peaux, fait chanter les cymbales avec une musicalité et une dynamique qui n’appartiennent qu’à lui.

 

Triolio : Lynn Cassiers (chant, traitements sonores), Pierre Perchaud (guitares), Leon Parker (batterie).

 

Ce groupe relativement neuf est le fruit d’une rencontre vieille de six ans (Respire Jazz sortait des limbes) entre la chanteuse belge Lynn Cassiers, le batteur Leon Parker et le guitariste maître de céans, Pierre Perchaud. J’ai mis du temps à entrer dans cet univers composite, qui peinait à trouver son équilibre sonore (difficulté probablement inhérente au dispositif du groupe et au fait d’un retard de transport qui l’obligea à une balance rapide pendant l’entracte) et j’ai finalement regretté de n’avoir pas entendu Lynn Cassiers seule, une configuration dont elle est coutumière et où le délicat équilibre entre ses textes et musiques, sa voix et les dispositifs électroniques auxquels elle les soumet se fait probablement plus naturellement. Et je ne suis pas trop convaincu par la pertinence dans cet ensemble (pourtant présenté comme le sien) du “ton” de Leon Parker dépourvu d’un sens du mystère que l’on attend là tout particulièrement, pas plus que par ses effets de percussions corporelles qui tournent vite au sketch. Et si je me suis enfin laissé gagner par l’émotion lors d’un très bel arrangement pour guitare du Throw it Away d’Abbey Lincoln, j’ai trouvé que la partie de Leon Parker y était de trop. Et c’est finalement, le rappel improvisé qui m’a permis de me joindre à la ferveur collective.

 

Après quoi, tout ce petit monde s’est retrouvé à la buvette pour une jam session qui s’est poursuivie tard dans la nuit, probablement l’une de plus belles qu’ait connues l’abbaye du Puypéroux, chacun y trouvant tour à tour sa place, des animateurs titulaires de la jam (le guitariste Mathis Pascaud et le batteur

Gabriel Westphall

Gabriel Westphall

Gabriel Westphall) aux membres des deux trios de la soirée et ceux d’Ellinoa : Camille Durant qui s’est jetée à l’eau entre Emmanuel Bex et Francesco Bearzatti avec les honneurs, Tiss Rodriguez qui s’est gagné quelques sympathies par son sens très sûr de la polyrythmie et de la polychromie, Richard Poher qui a tenu son rang entre Emmanuel Bex et Simon Goubert (pianiste pour l’occasion), Arthur Hennebique et Nicolas Moreaux (resté sur place après le concert du quartette d’Olivier Bogé la veille) qui donnèrent deux visions distinctes et néanmoins admirables de la contrebasse. Cerise sur le gâteau, Lynn Cassiers qui s’est imposée sur les standards, notamment sur un Body and Soul ultra lent, avec une voix évoquant Rickie Lee Jones, et une intonation et un phrasé qui renvoyait plutôt à Chet Baker, des audaces de placement-déplacement presque davisiennes et un scat à la fois très sûr, tout en évitant la prouesse “instrumentaliste” au profit du sens de l’espace, du mystère, du drame. Vers 1h30, je me suis glissé dans le lit de la mère abbesse la gorge nouée et les échos de la jam sessions qui continuait bercèrent mon endormissement.

Franck Bergerot