Respire jazz 3 : un final debout sur les pédales
Le festival Respire Jazz se termine sur un bœuf mémorable, spécialité du lieu, entre les membres des deux orchestres qui se sont succédés sur la grande scène (le Living Being Quintet de Vincent Peirani et le Gaëtan Diaz Quintet) et ceux des orchestres programmés les soirées précédentes qui sont restés sur place (et se sont inscrits sur les listes des bénévoles), Matthis Pascaud et Christophe Panzani, sans oublier le maître de céans Pierre Perchaud et le chauffeur du festival, Pascal Ségala.
Respire Jazz, abbaye de Puypéroux (16), le 11 juillet 2015.
Mon compte rendu de la veille rédigé, mes ablutions faites au son de la balance de l’orchestre de Vincent Peirani, et tandis que l’orchestre de Gaëtan Diaz lui succède avec l’aide de l’ingénieur du son Boris Darley, je m’installe à l’ombre sur les balles de foin qui font fauteuil d’orchestre pour relire les épreuves du passionnant dossier sur les musiques de la Blaxploitation que nous ont préparé pour notre numéro d’août Bertrand Bouard, Christophe Geudin, Jean-Stéphane Gitton, Lionel Eskenazi et Julien Ferté. Danger, plus un sujet est passionnant, moins est bon correcteur.
Gaëtan Diaz Quartet : Alexandre Galinié (saxes soprano et ténor), Simon Chivallon (piano), Samuel F’hima (contrebasse), Gaëtan Diaz (batterie), Jean-Marc Pierna (congas, cajon)
Alors que surgit la Fanfare du conservatoire du Grand Angoulême pour un concert-parade fort enlevé, je fais connaissance avec le batteur Gaëtan Diaz (24 ans), leader du quartette avec invité que nous avons entendu la veille et depuis devenu quintette, à peine sorti du cycle d’études du Centre de musique Didier Lockwood. Le père de Gaëtan, de culture musicale traditionnelle, s’est mis à la contrebasse en débarquant du Chili en France où il a fait une carrière de contrebassiste symphonique. Les noms fusent, des musiciens qui le passionnent, David Sanchez, Miguel Zenon, Eric Harland, Marcus Gilmore… et en France, Lukmil Perez. La salsa qu’écoutait son père qui l’a nourri. Les frères Gonzalez (Andy le contrebassiste, Jerry le trompettiste-conguero) ? Ce nom ne lui dit rien, mais le percussionniste Jean-Marc Pierna, qui a quelques années de plus, dresse l’oreille. Il a rencontré Jerry en Espagne et nous partageons le souvenir ému de sa reprise de Fall de Wayne Shorter et sa belle introduction de percussions habitée par la mémoire des ancestrales rumbas et leur foisonnement de voix et de timbres percutés, comme un effondrement perpétuel de frappes qui ne trouvent leur équilibre que dans le déséquilibre de la suivante.
Du saxophoniste Alexandre Galinié nous apprenons qu’il s’est mis sérieusement au jazz après sa licence de mathématiques et qu’au sortir de l’école de Didier Lockwood, dont cet orchestre est issu, il ressent le besoin de prendre du recul et de relever une multitude de solos de ses maîtres immédiats, de Michael Brecker au grand ancêtre Coleman Hawkins. Et à présent qu’il est sur scène avec le quartette augmenté de Diaz, devant un public qui n’a jamais été aussi nombreux dans l’enceinte de l’abbaye, c’est Chris Potter qui semble être son modèle le plus prégnant. Confirmant notre impression de la veille, le pianiste Simon Chivallon s’imposera plus particulièrement dans la partie “ternaire” du bel arrangement de Guillaume Tomachot sur Seven Steps To Heaven découvert la veille et il avoue n’être pas encore totalement dans son assiette sur ces rythmiques latines que Samuel F’hima, Gaëtan Diaz et Jean-Marc Pierna font déferler au pied de l’abbatiale Saint-Gilles. Répertoire identique à celui du concert de la veille, sans rappel : « car nous n’avons pas d’autres morceaux à jouer. » On aura compris que c’est là leur premier vrai concert et qu’il n’ont répété que très brièvement avec leur percussionniste invité. Un très beau début pour une sortie d’école.
Vincent Peirani Living Being Quintet : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (Fender Rhodes), Julien Herné (basse électrique), Antoine Paganotti (batterie)
Tandis que le soir descend et que j’aperçois sur la corniche de l’Abbatiale Saint-Gilles le petit Crécerelle qui m’a réveillé tous ces matins, voici donc ce quintette que tout le monde s’arrache et que je n’ai encore jamais entendu en concert. Une musique iconoclaste dont l’écriture et les développements me déconcertent autant qu’elle fera tout à l’heure se lever le public pour trois rappels enthousiastes (de vraies standing ovations désirées, car on ne se propulse pas d’une balle de foin aussi facilement que l’on se lève d’un siège de la salle Pleyel pour ces standing ovations obligées pour justifier le prix de la place). Et finalement je me laisserai emporter par la fluidité nerveuse du tandem Julien Herné-Antoine Paganotti, par les couleurs dispensées par Tony Paeleman sur son piano électrique, par les mélanges de timbres que Peirani amalgame à son accordéon, par la ferveur d’Emile Parisien, par les effets de transe que toutes ses qualités réunies provoquent parmi le public.
Lorsque je parviens à la guinguette, c’est pour y découvrir un parterre d’effets comme je n’en avais jamais vu, et je comprends rapidement que la jam se fera debout sur les pédales, le saxophoniste Christophe Panzani ayant lui-même les siennes dont il fera profiter Emile Parisien en approchant du soprano le micro de son ténor. Les standards naturels de cette génération, comme Chicken de Jaco Pastorius ou Wayne’s Thang de Kenny Garrett suscite des riffs enflammés qui en suscitent d’autres sur de nouveaux tempos, les heures passent, les rythmiques se succèdent devant un public qui tient bon et ne se lève enfin que pour danser. L’atmosphère se calme. Pierre Perchaud sort sa petite guitare folk achetée au luthier Koen Leys, Pascal Ségala sort sa petite Taylor, les chansons des Beatles ressortent, une bénévole chante un Brassens, une autre un Lennon-McCartney, Ségala contre le bar chante un Sting. Il faudra bien finir par aller dormir. Franck Bergerot
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Le festival Respire Jazz se termine sur un bœuf mémorable, spécialité du lieu, entre les membres des deux orchestres qui se sont succédés sur la grande scène (le Living Being Quintet de Vincent Peirani et le Gaëtan Diaz Quintet) et ceux des orchestres programmés les soirées précédentes qui sont restés sur place (et se sont inscrits sur les listes des bénévoles), Matthis Pascaud et Christophe Panzani, sans oublier le maître de céans Pierre Perchaud et le chauffeur du festival, Pascal Ségala.
Respire Jazz, abbaye de Puypéroux (16), le 11 juillet 2015.
Mon compte rendu de la veille rédigé, mes ablutions faites au son de la balance de l’orchestre de Vincent Peirani, et tandis que l’orchestre de Gaëtan Diaz lui succède avec l’aide de l’ingénieur du son Boris Darley, je m’installe à l’ombre sur les balles de foin qui font fauteuil d’orchestre pour relire les épreuves du passionnant dossier sur les musiques de la Blaxploitation que nous ont préparé pour notre numéro d’août Bertrand Bouard, Christophe Geudin, Jean-Stéphane Gitton, Lionel Eskenazi et Julien Ferté. Danger, plus un sujet est passionnant, moins est bon correcteur.
Gaëtan Diaz Quartet : Alexandre Galinié (saxes soprano et ténor), Simon Chivallon (piano), Samuel F’hima (contrebasse), Gaëtan Diaz (batterie), Jean-Marc Pierna (congas, cajon)
Alors que surgit la Fanfare du conservatoire du Grand Angoulême pour un concert-parade fort enlevé, je fais connaissance avec le batteur Gaëtan Diaz (24 ans), leader du quartette avec invité que nous avons entendu la veille et depuis devenu quintette, à peine sorti du cycle d’études du Centre de musique Didier Lockwood. Le père de Gaëtan, de culture musicale traditionnelle, s’est mis à la contrebasse en débarquant du Chili en France où il a fait une carrière de contrebassiste symphonique. Les noms fusent, des musiciens qui le passionnent, David Sanchez, Miguel Zenon, Eric Harland, Marcus Gilmore… et en France, Lukmil Perez. La salsa qu’écoutait son père qui l’a nourri. Les frères Gonzalez (Andy le contrebassiste, Jerry le trompettiste-conguero) ? Ce nom ne lui dit rien, mais le percussionniste Jean-Marc Pierna, qui a quelques années de plus, dresse l’oreille. Il a rencontré Jerry en Espagne et nous partageons le souvenir ému de sa reprise de Fall de Wayne Shorter et sa belle introduction de percussions habitée par la mémoire des ancestrales rumbas et leur foisonnement de voix et de timbres percutés, comme un effondrement perpétuel de frappes qui ne trouvent leur équilibre que dans le déséquilibre de la suivante.
Du saxophoniste Alexandre Galinié nous apprenons qu’il s’est mis sérieusement au jazz après sa licence de mathématiques et qu’au sortir de l’école de Didier Lockwood, dont cet orchestre est issu, il ressent le besoin de prendre du recul et de relever une multitude de solos de ses maîtres immédiats, de Michael Brecker au grand ancêtre Coleman Hawkins. Et à présent qu’il est sur scène avec le quartette augmenté de Diaz, devant un public qui n’a jamais été aussi nombreux dans l’enceinte de l’abbaye, c’est Chris Potter qui semble être son modèle le plus prégnant. Confirmant notre impression de la veille, le pianiste Simon Chivallon s’imposera plus particulièrement dans la partie “ternaire” du bel arrangement de Guillaume Tomachot sur Seven Steps To Heaven découvert la veille et il avoue n’être pas encore totalement dans son assiette sur ces rythmiques latines que Samuel F’hima, Gaëtan Diaz et Jean-Marc Pierna font déferler au pied de l’abbatiale Saint-Gilles. Répertoire identique à celui du concert de la veille, sans rappel : « car nous n’avons pas d’autres morceaux à jouer. » On aura compris que c’est là leur premier vrai concert et qu’il n’ont répété que très brièvement avec leur percussionniste invité. Un très beau début pour une sortie d’école.
Vincent Peirani Living Being Quintet : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (Fender Rhodes), Julien Herné (basse électrique), Antoine Paganotti (batterie)
Tandis que le soir descend et que j’aperçois sur la corniche de l’Abbatiale Saint-Gilles le petit Crécerelle qui m’a réveillé tous ces matins, voici donc ce quintette que tout le monde s’arrache et que je n’ai encore jamais entendu en concert. Une musique iconoclaste dont l’écriture et les développements me déconcertent autant qu’elle fera tout à l’heure se lever le public pour trois rappels enthousiastes (de vraies standing ovations désirées, car on ne se propulse pas d’une balle de foin aussi facilement que l’on se lève d’un siège de la salle Pleyel pour ces standing ovations obligées pour justifier le prix de la place). Et finalement je me laisserai emporter par la fluidité nerveuse du tandem Julien Herné-Antoine Paganotti, par les couleurs dispensées par Tony Paeleman sur son piano électrique, par les mélanges de timbres que Peirani amalgame à son accordéon, par la ferveur d’Emile Parisien, par les effets de transe que toutes ses qualités réunies provoquent parmi le public.
Lorsque je parviens à la guinguette, c’est pour y découvrir un parterre d’effets comme je n’en avais jamais vu, et je comprends rapidement que la jam se fera debout sur les pédales, le saxophoniste Christophe Panzani ayant lui-même les siennes dont il fera profiter Emile Parisien en approchant du soprano le micro de son ténor. Les standards naturels de cette génération, comme Chicken de Jaco Pastorius ou Wayne’s Thang de Kenny Garrett suscite des riffs enflammés qui en suscitent d’autres sur de nouveaux tempos, les heures passent, les rythmiques se succèdent devant un public qui tient bon et ne se lève enfin que pour danser. L’atmosphère se calme. Pierre Perchaud sort sa petite guitare folk achetée au luthier Koen Leys, Pascal Ségala sort sa petite Taylor, les chansons des Beatles ressortent, une bénévole chante un Brassens, une autre un Lennon-McCartney, Ségala contre le bar chante un Sting. Il faudra bien finir par aller dormir. Franck Bergerot
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Le festival Respire Jazz se termine sur un bœuf mémorable, spécialité du lieu, entre les membres des deux orchestres qui se sont succédés sur la grande scène (le Living Being Quintet de Vincent Peirani et le Gaëtan Diaz Quintet) et ceux des orchestres programmés les soirées précédentes qui sont restés sur place (et se sont inscrits sur les listes des bénévoles), Matthis Pascaud et Christophe Panzani, sans oublier le maître de céans Pierre Perchaud et le chauffeur du festival, Pascal Ségala.
Respire Jazz, abbaye de Puypéroux (16), le 11 juillet 2015.
Mon compte rendu de la veille rédigé, mes ablutions faites au son de la balance de l’orchestre de Vincent Peirani, et tandis que l’orchestre de Gaëtan Diaz lui succède avec l’aide de l’ingénieur du son Boris Darley, je m’installe à l’ombre sur les balles de foin qui font fauteuil d’orchestre pour relire les épreuves du passionnant dossier sur les musiques de la Blaxploitation que nous ont préparé pour notre numéro d’août Bertrand Bouard, Christophe Geudin, Jean-Stéphane Gitton, Lionel Eskenazi et Julien Ferté. Danger, plus un sujet est passionnant, moins est bon correcteur.
Gaëtan Diaz Quartet : Alexandre Galinié (saxes soprano et ténor), Simon Chivallon (piano), Samuel F’hima (contrebasse), Gaëtan Diaz (batterie), Jean-Marc Pierna (congas, cajon)
Alors que surgit la Fanfare du conservatoire du Grand Angoulême pour un concert-parade fort enlevé, je fais connaissance avec le batteur Gaëtan Diaz (24 ans), leader du quartette avec invité que nous avons entendu la veille et depuis devenu quintette, à peine sorti du cycle d’études du Centre de musique Didier Lockwood. Le père de Gaëtan, de culture musicale traditionnelle, s’est mis à la contrebasse en débarquant du Chili en France où il a fait une carrière de contrebassiste symphonique. Les noms fusent, des musiciens qui le passionnent, David Sanchez, Miguel Zenon, Eric Harland, Marcus Gilmore… et en France, Lukmil Perez. La salsa qu’écoutait son père qui l’a nourri. Les frères Gonzalez (Andy le contrebassiste, Jerry le trompettiste-conguero) ? Ce nom ne lui dit rien, mais le percussionniste Jean-Marc Pierna, qui a quelques années de plus, dresse l’oreille. Il a rencontré Jerry en Espagne et nous partageons le souvenir ému de sa reprise de Fall de Wayne Shorter et sa belle introduction de percussions habitée par la mémoire des ancestrales rumbas et leur foisonnement de voix et de timbres percutés, comme un effondrement perpétuel de frappes qui ne trouvent leur équilibre que dans le déséquilibre de la suivante.
Du saxophoniste Alexandre Galinié nous apprenons qu’il s’est mis sérieusement au jazz après sa licence de mathématiques et qu’au sortir de l’école de Didier Lockwood, dont cet orchestre est issu, il ressent le besoin de prendre du recul et de relever une multitude de solos de ses maîtres immédiats, de Michael Brecker au grand ancêtre Coleman Hawkins. Et à présent qu’il est sur scène avec le quartette augmenté de Diaz, devant un public qui n’a jamais été aussi nombreux dans l’enceinte de l’abbaye, c’est Chris Potter qui semble être son modèle le plus prégnant. Confirmant notre impression de la veille, le pianiste Simon Chivallon s’imposera plus particulièrement dans la partie “ternaire” du bel arrangement de Guillaume Tomachot sur Seven Steps To Heaven découvert la veille et il avoue n’être pas encore totalement dans son assiette sur ces rythmiques latines que Samuel F’hima, Gaëtan Diaz et Jean-Marc Pierna font déferler au pied de l’abbatiale Saint-Gilles. Répertoire identique à celui du concert de la veille, sans rappel : « car nous n’avons pas d’autres morceaux à jouer. » On aura compris que c’est là leur premier vrai concert et qu’il n’ont répété que très brièvement avec leur percussionniste invité. Un très beau début pour une sortie d’école.
Vincent Peirani Living Being Quintet : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (Fender Rhodes), Julien Herné (basse électrique), Antoine Paganotti (batterie)
Tandis que le soir descend et que j’aperçois sur la corniche de l’Abbatiale Saint-Gilles le petit Crécerelle qui m’a réveillé tous ces matins, voici donc ce quintette que tout le monde s’arrache et que je n’ai encore jamais entendu en concert. Une musique iconoclaste dont l’écriture et les développements me déconcertent autant qu’elle fera tout à l’heure se lever le public pour trois rappels enthousiastes (de vraies standing ovations désirées, car on ne se propulse pas d’une balle de foin aussi facilement que l’on se lève d’un siège de la salle Pleyel pour ces standing ovations obligées pour justifier le prix de la place). Et finalement je me laisserai emporter par la fluidité nerveuse du tandem Julien Herné-Antoine Paganotti, par les couleurs dispensées par Tony Paeleman sur son piano électrique, par les mélanges de timbres que Peirani amalgame à son accordéon, par la ferveur d’Emile Parisien, par les effets de transe que toutes ses qualités réunies provoquent parmi le public.
Lorsque je parviens à la guinguette, c’est pour y découvrir un parterre d’effets comme je n’en avais jamais vu, et je comprends rapidement que la jam se fera debout sur les pédales, le saxophoniste Christophe Panzani ayant lui-même les siennes dont il fera profiter Emile Parisien en approchant du soprano le micro de son ténor. Les standards naturels de cette génération, comme Chicken de Jaco Pastorius ou Wayne’s Thang de Kenny Garrett suscite des riffs enflammés qui en suscitent d’autres sur de nouveaux tempos, les heures passent, les rythmiques se succèdent devant un public qui tient bon et ne se lève enfin que pour danser. L’atmosphère se calme. Pierre Perchaud sort sa petite guitare folk achetée au luthier Koen Leys, Pascal Ségala sort sa petite Taylor, les chansons des Beatles ressortent, une bénévole chante un Brassens, une autre un Lennon-McCartney, Ségala contre le bar chante un Sting. Il faudra bien finir par aller dormir. Franck Bergerot
|
Le festival Respire Jazz se termine sur un bœuf mémorable, spécialité du lieu, entre les membres des deux orchestres qui se sont succédés sur la grande scène (le Living Being Quintet de Vincent Peirani et le Gaëtan Diaz Quintet) et ceux des orchestres programmés les soirées précédentes qui sont restés sur place (et se sont inscrits sur les listes des bénévoles), Matthis Pascaud et Christophe Panzani, sans oublier le maître de céans Pierre Perchaud et le chauffeur du festival, Pascal Ségala.
Respire Jazz, abbaye de Puypéroux (16), le 11 juillet 2015.
Mon compte rendu de la veille rédigé, mes ablutions faites au son de la balance de l’orchestre de Vincent Peirani, et tandis que l’orchestre de Gaëtan Diaz lui succède avec l’aide de l’ingénieur du son Boris Darley, je m’installe à l’ombre sur les balles de foin qui font fauteuil d’orchestre pour relire les épreuves du passionnant dossier sur les musiques de la Blaxploitation que nous ont préparé pour notre numéro d’août Bertrand Bouard, Christophe Geudin, Jean-Stéphane Gitton, Lionel Eskenazi et Julien Ferté. Danger, plus un sujet est passionnant, moins est bon correcteur.
Gaëtan Diaz Quartet : Alexandre Galinié (saxes soprano et ténor), Simon Chivallon (piano), Samuel F’hima (contrebasse), Gaëtan Diaz (batterie), Jean-Marc Pierna (congas, cajon)
Alors que surgit la Fanfare du conservatoire du Grand Angoulême pour un concert-parade fort enlevé, je fais connaissance avec le batteur Gaëtan Diaz (24 ans), leader du quartette avec invité que nous avons entendu la veille et depuis devenu quintette, à peine sorti du cycle d’études du Centre de musique Didier Lockwood. Le père de Gaëtan, de culture musicale traditionnelle, s’est mis à la contrebasse en débarquant du Chili en France où il a fait une carrière de contrebassiste symphonique. Les noms fusent, des musiciens qui le passionnent, David Sanchez, Miguel Zenon, Eric Harland, Marcus Gilmore… et en France, Lukmil Perez. La salsa qu’écoutait son père qui l’a nourri. Les frères Gonzalez (Andy le contrebassiste, Jerry le trompettiste-conguero) ? Ce nom ne lui dit rien, mais le percussionniste Jean-Marc Pierna, qui a quelques années de plus, dresse l’oreille. Il a rencontré Jerry en Espagne et nous partageons le souvenir ému de sa reprise de Fall de Wayne Shorter et sa belle introduction de percussions habitée par la mémoire des ancestrales rumbas et leur foisonnement de voix et de timbres percutés, comme un effondrement perpétuel de frappes qui ne trouvent leur équilibre que dans le déséquilibre de la suivante.
Du saxophoniste Alexandre Galinié nous apprenons qu’il s’est mis sérieusement au jazz après sa licence de mathématiques et qu’au sortir de l’école de Didier Lockwood, dont cet orchestre est issu, il ressent le besoin de prendre du recul et de relever une multitude de solos de ses maîtres immédiats, de Michael Brecker au grand ancêtre Coleman Hawkins. Et à présent qu’il est sur scène avec le quartette augmenté de Diaz, devant un public qui n’a jamais été aussi nombreux dans l’enceinte de l’abbaye, c’est Chris Potter qui semble être son modèle le plus prégnant. Confirmant notre impression de la veille, le pianiste Simon Chivallon s’imposera plus particulièrement dans la partie “ternaire” du bel arrangement de Guillaume Tomachot sur Seven Steps To Heaven découvert la veille et il avoue n’être pas encore totalement dans son assiette sur ces rythmiques latines que Samuel F’hima, Gaëtan Diaz et Jean-Marc Pierna font déferler au pied de l’abbatiale Saint-Gilles. Répertoire identique à celui du concert de la veille, sans rappel : « car nous n’avons pas d’autres morceaux à jouer. » On aura compris que c’est là leur premier vrai concert et qu’il n’ont répété que très brièvement avec leur percussionniste invité. Un très beau début pour une sortie d’école.
Vincent Peirani Living Being Quintet : Emile Parisien (sax soprano), Vincent Peirani (accordéon), Tony Paeleman (Fender Rhodes), Julien Herné (basse électrique), Antoine Paganotti (batterie)
Tandis que le soir descend et que j’aperçois sur la corniche de l’Abbatiale Saint-Gilles le petit Crécerelle qui m’a réveillé tous ces matins, voici donc ce quintette que tout le monde s’arrache et que je n’ai encore jamais entendu en concert. Une musique iconoclaste dont l’écriture et les développements me déconcertent autant qu’elle fera tout à l’heure se lever le public pour trois rappels enthousiastes (de vraies standing ovations désirées, car on ne se propulse pas d’une balle de foin aussi facilement que l’on se lève d’un siège de la salle Pleyel pour ces standing ovations obligées pour justifier le prix de la place). Et finalement je me laisserai emporter par la fluidité nerveuse du tandem Julien Herné-Antoine Paganotti, par les couleurs dispensées par Tony Paeleman sur son piano électrique, par les mélanges de timbres que Peirani amalgame à son accordéon, par la ferveur d’Emile Parisien, par les effets de transe que toutes ses qualités réunies provoquent parmi le public.
Lorsque je parviens à la guinguette, c’est pour y découvrir un parterre d’effets comme je n’en avais jamais vu, et je comprends rapidement que la jam se fera debout sur les pédales, le saxophoniste Christophe Panzani ayant lui-même les siennes dont il fera profiter Emile Parisien en approchant du soprano le micro de son ténor. Les standards naturels de cette génération, comme Chicken de Jaco Pastorius ou Wayne’s Thang de Kenny Garrett suscite des riffs enflammés qui en suscitent d’autres sur de nouveaux tempos, les heures passent, les rythmiques se succèdent devant un public qui tient bon et ne se lève enfin que pour danser. L’atmosphère se calme. Pierre Perchaud sort sa petite guitare folk achetée au luthier Koen Leys, Pascal Ségala sort sa petite Taylor, les chansons des Beatles ressortent, une bénévole chante un Brassens, une autre un Lennon-McCartney, Ségala contre le bar chante un Sting. Il faudra bien finir par aller dormir. Franck Bergerot