Retour sur l’hommage à Gérard Terronès
Dimanche dernier, une incroyable assemblée de musiciens s’est retrouvée au Sunset-Sunside pour un hommage musical au producteur Gérard Terronès
François Tusques, Manu Pekar, Gerard marais, Christian Lété, Françoise Franca Cuomo, Alain Jean-Marie, Cyril trochu, Jeff Sicard, Richad Bonnet, Irakli, Claude Barthélémy, Hélène Bass, Mirtha Pozzi, Joëlle Léandre, François Lemonnier, Raphaël Lemonnier, Paul Wacrenier, Xavier Bormon, Arnaud Sacase, Mario Quaresimin, Steve Potts, Caroline Faber, Alain Pinsolle, Dominique Collignon, Claire Gillet, Nelly Pouget, Julie Saury, danny Doriz, jacques Coursil, François Jeanneau, Harry Swift, John Betsch, Bobby Few, Jobic le Masson, Claudine François,Manuel Villarroel Borquez, Noel Mc Ghie, Eric Barret, Simon Goubert, sophia Domancich, Awa TimboGilles Naturel, laurent de Wilde, Gilles Naturel, David Beaussier, Nicolas Morinot, Aldridge Hansberry
Sunset-Sunside, 10 décembre 2017
Xavier Prévost a déjà rendu compte de ce concert ici-même, à sa manière chaleureuse et précise. Nous nous joignons à lui pour faire revivre cette soirée inoubliable en l’honneur du producteur Gérard Terronès, tout en renvoyant à un autre article, celui de Philippe Vincent, qui a retracé sur ce site la carrière du patron des mythiques labels Futura et Marge. Ce soir-là, au Sunside et Sunset, on put entendre des musiciens exceptionnels, bien trop rares dans les salles parisiennes, et qui ont prouvé qu’ils avaient encore beaucoup de musiques à offrir.
Ce fut le cas notamment de François Tusques. J’ai quelques disques récents de lui (notamment Le fond de l’air, avec Pablo Cueco et Mirtha Pozzi, où figure une merveilleuse version de Come Sunday). Mais je ne l’avais jamais entendu en direct. Pendant un quart d’heure, seul au piano, le voilà qui improvise avec une intensité rare. Il donne l’impression de penser devant nous, de penser avec ses doigts. Certaines idées sont fluides, d’autres exigent une mastication plus lente. Parfois les doigts de François Tusques attrappent des bribes de souvenirs, et tricotent des paragraphes autour de Bud Powell ou Thelonious Monk. On relève des obsessions et des associations d’idées. Quelques thèmes remontent à la surface de ces réflexions partagées: In my soliude, I got it bad, ou encore Salt Peanuts. C’est urgent, intense, personnel.
Peu de temps après lui, un autre « historique » de cette musique, François Jeanneau, lui-aussi en grande forme. Il est au saxophone soprano, en duo avec Alain Jean-Marie qui l’accompagne avec une souveraine délicatesse. François Jeanneau rappelle ce jour-là quel merveilleux joueur de ballades il peut être quand il le veut. Il joue une inoubliable version de Lush Life, en cabotant autour de la mélodie pendant qu’Alain Jean-Marie propulse dans ses voiles un vent porteur. Le son qui sort de son saxophone soprano est rond, souple, ferme, les traits rapides sont exécutés avec aisance. On se dit que ce serait formidable d’entendre à nouveau ce duo sur une soirée toute entière.
Dans cette soirée d’hommage, le tromboniste François Lemonnier joue un rôle particulier, à la fois organisateur et participant. Son duo avec son homonyme Raphaël au piano est un grand moment. François Lemonnier fait admirer au trombone sa virulence, sa maîtrise des doubles sons, et sa sensibilité écorchée dans une magnifique version du vieux Saint James Infirmary.
Je garde aussi de cette soirée le souvenir de Jacques Coursil, un passage éclair et flamboyant, presque un rêve. Coursil joue a capella. C’est de la trompette nue. Mais quel son! Un vibrato rapide et très personnel, un voile épais qui parfois se déchire, une sorte de réverbération naturelle, quelque chose de très organique…On a l’impression qu’il fait tout seul et naturellement ce que d’autres trompettistes ne sauraient reproduire qu’avec les effets spéciaux des ingénieurs du son. Irrél, splendide.
Un autre musicien à se rappeler au bon souvenir des auditeurs: le grand Bobby Few, qui a joué avec Ayler, Jackie Mac Lean, Roland Kirk. Epais comme un filet de vinaigre mais vif, sautillant, espiègle, avec au piano un swing qui construit un pont entre hier et aujourd’hui. Avec John Betsch à la batterie et Harry Swift à la contrebasse, il joue magnifiquement un thème de Sun ra,Tapestry from an asteroïd</. A la fin du thème, letrompettiste Rasul Siddik vient ajouter son grain de sel, avec la poésie sifflante de sa trompette.
Je termine par une dernière image sonore de cette soirée inoubliable, le saxophoniste Steve Potts (compagnon de route, entre autres de Steve Lacy) accompagné de manière vive et cinglante par Jobic le Masson au piano. Il souffle des phrases longues et inspirées. Raddul Siddik se joint à eux. Magnifique.
A la fin de la soirée, Laurent de Wilde, survolté, joue trois ou quatre morceaux de Monk avec Gilles Naturel à la contrebasse. Je n’ai pas connu Gerard Terronès. Mais en quittant le Sunset, je me dis qu’un homme qui a su inspirer l’amitié et la reconnaissance de tant de musiciens de style et d’univers différents était forcément un être exceptionnel.
Texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoët (autres dessins, gravures, peintres à découvrir sur son site www.annie-claire.com )
(ceux qui voudraient acquérir l’un des dessins figurant sur cette chronique peuvent s’adresser à l’artiste: annie_claire@hotmail.fr)