Jazz live
Publié le 1 Déc 2018

RICCARDO DEL FRA ‘Moving People’ au Sunside 

Pour fêter la parution du disque éponyme publié en octobre, le groupe au grand complet, pour trois soirées parisiennes Rue des Lombards.

 

RICCARDO DEL FRA SEPTET

Jan Prax (saxophones alto & soprano), Rémi Fox (saxophones baryton, alto & soprano), Tomasz Dabrowski (trompette), Bruno Ruder (piano), Kurt Rosenwinkel (guitare), Riccardo Del Fra (contrebasse, composition), Jason Brown (batterie).

 

Paris, Sunside, 30 novembre 2018, 21h15

Après la parution du CD le 19 octobre («Moving People», Cristal/Sony Music, Choc Jazz Magazine en novembre), le groupe a fait un tour de chauffe le 22 novembre aux Trinitaires de Metz, sans les Américains, avant les trois soirés du Sunside. Ici un pianiste différent chaque soir : la veille Thibault Gomez, et le lendemain Carl-Henri Morisset, au clavier pour le disque, et aussi dès l’origine du projet, en 2016, dans le cadre de la Fondation Genshagen, qui rassemble des musiciens de différents pays européens (Allemagne pour Jan Prax, Pologne pour Tomasz Dabrowski, France pour Carl-Henri Morisset & Italie pour Riccardo del Fra). Après différents concerts en Europe le groupe s’est élargi pour le disque avec Rémi Fox, issu comme les pianistes de la fine fleur des artistes qui éclosent au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse, où Riccardo dirige le département Jazz et Musiques Improvisées. Le pianiste du jour, Bruno Ruder, est depuis plus de dix ans un fidèle partenaire du contrebassiste, tandis que Kurt Rosenwinkel & Jason Brown rejoignent le groupe pour ces concerts, comme ils l’avaient fait pour le disque.

Le programme du concert est en grande partie celui du disque, augmenté de deux compositions du guitariste invité. La cohérence de la suite imaginée pour le CD fonctionne, même quand les compositions se révèlent dans un ordre différent. L’esprit est là, inspiré par le mouvement des migrants dans les turbulences du présent, et par la nécessaire empathie qui fait parfois défaut à une partie des peuples nantis. Des thèmes très vifs alternent avec des compositions mélancoliques, l’écriture est exigeante mais très fluide. Les solistes sont brillants, et même au-delà : Kurt Rosenwinkel éblouit par sa faculté de courir sur le manche jusqu’au vertige en demeurant toujours hyper expressif, choisissant ses notes hors des clichés, et faisant chanter l’instrument en toutes circonstances. Bruno Ruder peaufine chaque note, chaque accent, sans automatismes ni ostentation, avec un lyrisme et une imagination qui forcent l’admiration. Jan Prax surprend par sa faculté d’évasion, se faisant tour à tour chantant, dansant et virevoltant. Tomasz Dabrowski s’enflamme avec un mélange de fougue et de maîtrise qui laisse pantois. Rémi Fox, qui a rejoint le groupe au baryton pour le troisième morceau du premier set, va au fil du concert nous épater, au soprano par son lyrisme, et à l’alto en décrivant de subtiles volutes, usant de modes de jeu hétérodoxes qui font sourire le batteur de pure joie musicale. Et Jason Brown, dans Children Walking (Through A Minefield), qui est une sorte de bref concerto pour batterie et groupe de jazz, va nous épater par sa faculté de faire vivre cette pièce complexe, faite de changements incessants de tempo et de rythme, déplaçant les accents jusqu’aux limites de l’imprévu. C’est là aussi que Riccardo Del Fra va faire chanter, dans son solo, la nostalgie de L’Âme des poètes, la très belle chanson de Charles Trenet. Bien avant, au cours du premier set, il nous avait dans une improvisation décrit l’arc qui conduit d’un phrasé sobre et près des racines du jazz jusqu’à l’émancipation où se plaît aussi la contrebasse. En résumé, un beau moment pour ceux qui assistaient à ce concert, et visiblement aussi pour le groupe sur scène. Très belle soirée, en somme.

Xavier Prévost

Le groupe jouera le 2 février 2019 à Paris, Maison de la Radio, au studio 104 à 20h30, pour un concert ‘Jazz sur le Vif’, avec Kurt Rosenwinkel & Nicolas Fox.