Jazz live
Publié le 3 Nov 2013

Roma Jazz Festival. Rome, Auditorium Parco della Musica 30 & 31/10.

Roma Jazz Festival. Rome, Auditorium Parco della Musica, 30 & 31/10.

Etre invité pour quatre jours à un festival qui en dure quinze devrait a priori permettre de se faire une petite idée de ce qu’est cet événement. Mais voir le nombre de concerts réduits de quatre à trois puis deux, suite à une erreur de logistique doublée d’une annulation, voilà qui rend plutôt pessimiste sur les chances de capter un peu de l’esprit d’un festival dont la « festivité » est par ailleurs fort peu palpable. Pourtant, après avoir connu quelques déplacements et mutations au fil des ans, le Roma Jazz Festival existe depuis près de quatre décennies!

Cette 37° édition était intitulée « Speech » et sous-titrée « jazz et littérature». Soit, pendant quinze jours et à raison d’un concert en salle par soir, la co-présence sur scène d’un récitant disant ses propres œuvres ou celles d’un autre et de musiciens. Programme assez éclectique, d’ailleurs — de Joshua Redman à Mulatu Astakte en passant par Paolo Fresu et Napoleon Massox —, et qui proposait à part égale artistes italiens et étrangers. Privé, de mon côté, d’Amiri Baraka (erreur de logistique) et d’Antonello Salis (annulation), je dus me contenter de l’écrivain Erri De Luca (une star dans son pays, où l’écriture poétique et ascétique de cet « écrivain-ouvrier » comme son authenticité et ses prises de position altermondialistes lui ont valu un succès d’estime et de librairie) flanqué d’une autre vedette — de la chanson celle-ci — : Gianmaria Testa (g, voc) et du remarquable clarinettiste Gabriele Mirabassi, puis le lendemain du duo Fabrizio Bosso (tp)/Julian Mazzariello (p) accompagnant une lecture d’extraits de la biographie de Chet Baker. « Me contenter » est, en ce qui concerne la première soirée, à prendre au pied de la lettre. Sec de corps, buriné par les activités manuelles et les escapades solitaires en montagne, De Luca dégage d’emblée un sentiment d’empathie pour les humains et en premier lieu ses deux compagnons de scène. Une table, une bouteille et trois verres de vins — qui seront bus — témoignent de cette convivialité palpable qui déborde dans la salle par le biais de la voix et des jeux de mots du récitant. Il célèbre les « Etats-Unis de la Méditerranée », s’empare de la figure de Don Quichotte comme représentant de la lutte contre une modernité bête et mondiale face auquel il fera intervenir, en un défilé poétique, Newton, Eve, les naufragés de Lampedusa… « La forme de l’Italie ne permet pas facilement de lui enfiler un préservatif contre l’immigration. Ceux de nos dirigeants qui voudraient tenter la chose prendraient le risque qu’il leur explose au visage ! ». Pas sûr que le public propret de l’Auditorium approuve massivement en son for intérieur, mais comment ne pas applaudir à tant de générosité ? Les musiciens, eux, entonnent des airs populaires avec une virtuosité expressionniste pour Mirabassi et une bonhommie rocailleuse pour Testa, qui partage les mots parlés ou chantés avec l’écrivain, lequel ne se fait pas prier pour y aller de son refrain. Bref on est dans l’échange, le débat démocratique et la revendication d’une monde meilleur dans la lignée des clichés bon enfant de certains films de Fellini ou de Scola… et assez loin du jazz. Mais tout cela respire une telle humanité, une générosité si palpable qu’on se régale et ne chipote pas. A l’opposé — peut-être parce que centrée sur une personnalité unique (celle de Chet) plus pathétique que sympathique au niveau du vécu — la soirée du lendemain a du mal à faire sens. Les bribes de bio enchaînées avec un certain entrain par l’acteur Massimo Popolizio contrastent avec la raideur de deux musiciens concentrés sur leurs instruments. Mazzariello est sans nul doute un excellent pianiste mais ici il se contente de faire montre de ses talents d’accompagnateur tout terrain et sans grande personnalité, au jeu percussif et brillant mais peu porté sur les nuances. Bosso, lui, est a priori à contre-emploi. Qu’a-t-il à voir avec Chet Baker sur le plan de l’approche instrumentale et musicale ? On peut se demander comment il résoudra l’apparent paradoxe, mais au bout de deux chorus l’affaire est entendue : Bosso est et reste un pistoléro de la quadruple croche, un instrumentiste à la vélocité époustouflante mais chez qui l’on cherche en vain l’ombre d’un discours empreint d’émotion, un phrasé qui vous fasse chavirer l’âme. De « Just Friends » en « So What » et d’ « Estate » en « But Not For Me », lui et son pianiste nous baladeront dans les territoires hantés par Chet sans jamais faire surgir —­ voire évoquer — ses mânes. Pas même sur un ultime « My Funny Valentine » où l’on ne put que déplorer l’absence du chant de la trompette et de la voix du souffleur défunt. Il est des soirs où le sentiment de la vacuité de l’existence vous envahit soudain, même au beau milieu de l’incomparable douceur de la nuit romaine. Thierry Quénum

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Roma Jazz Festival. Rome, Auditorium Parco della Musica, 30 & 31/10.

Etre invité pour quatre jours à un festival qui en dure quinze devrait a priori permettre de se faire une petite idée de ce qu’est cet événement. Mais voir le nombre de concerts réduits de quatre à trois puis deux, suite à une erreur de logistique doublée d’une annulation, voilà qui rend plutôt pessimiste sur les chances de capter un peu de l’esprit d’un festival dont la « festivité » est par ailleurs fort peu palpable. Pourtant, après avoir connu quelques déplacements et mutations au fil des ans, le Roma Jazz Festival existe depuis près de quatre décennies!

Cette 37° édition était intitulée « Speech » et sous-titrée « jazz et littérature». Soit, pendant quinze jours et à raison d’un concert en salle par soir, la co-présence sur scène d’un récitant disant ses propres œuvres ou celles d’un autre et de musiciens. Programme assez éclectique, d’ailleurs — de Joshua Redman à Mulatu Astakte en passant par Paolo Fresu et Napoleon Massox —, et qui proposait à part égale artistes italiens et étrangers. Privé, de mon côté, d’Amiri Baraka (erreur de logistique) et d’Antonello Salis (annulation), je dus me contenter de l’écrivain Erri De Luca (une star dans son pays, où l’écriture poétique et ascétique de cet « écrivain-ouvrier » comme son authenticité et ses prises de position altermondialistes lui ont valu un succès d’estime et de librairie) flanqué d’une autre vedette — de la chanson celle-ci — : Gianmaria Testa (g, voc) et du remarquable clarinettiste Gabriele Mirabassi, puis le lendemain du duo Fabrizio Bosso (tp)/Julian Mazzariello (p) accompagnant une lecture d’extraits de la biographie de Chet Baker. « Me contenter » est, en ce qui concerne la première soirée, à prendre au pied de la lettre. Sec de corps, buriné par les activités manuelles et les escapades solitaires en montagne, De Luca dégage d’emblée un sentiment d’empathie pour les humains et en premier lieu ses deux compagnons de scène. Une table, une bouteille et trois verres de vins — qui seront bus — témoignent de cette convivialité palpable qui déborde dans la salle par le biais de la voix et des jeux de mots du récitant. Il célèbre les « Etats-Unis de la Méditerranée », s’empare de la figure de Don Quichotte comme représentant de la lutte contre une modernité bête et mondiale face auquel il fera intervenir, en un défilé poétique, Newton, Eve, les naufragés de Lampedusa… « La forme de l’Italie ne permet pas facilement de lui enfiler un préservatif contre l’immigration. Ceux de nos dirigeants qui voudraient tenter la chose prendraient le risque qu’il leur explose au visage ! ». Pas sûr que le public propret de l’Auditorium approuve massivement en son for intérieur, mais comment ne pas applaudir à tant de générosité ? Les musiciens, eux, entonnent des airs populaires avec une virtuosité expressionniste pour Mirabassi et une bonhommie rocailleuse pour Testa, qui partage les mots parlés ou chantés avec l’écrivain, lequel ne se fait pas prier pour y aller de son refrain. Bref on est dans l’échange, le débat démocratique et la revendication d’une monde meilleur dans la lignée des clichés bon enfant de certains films de Fellini ou de Scola… et assez loin du jazz. Mais tout cela respire une telle humanité, une générosité si palpable qu’on se régale et ne chipote pas. A l’opposé — peut-être parce que centrée sur une personnalité unique (celle de Chet) plus pathétique que sympathique au niveau du vécu — la soirée du lendemain a du mal à faire sens. Les bribes de bio enchaînées avec un certain entrain par l’acteur Massimo Popolizio contrastent avec la raideur de deux musiciens concentrés sur leurs instruments. Mazzariello est sans nul doute un excellent pianiste mais ici il se contente de faire montre de ses talents d’accompagnateur tout terrain et sans grande personnalité, au jeu percussif et brillant mais peu porté sur les nuances. Bosso, lui, est a priori à contre-emploi. Qu’a-t-il à voir avec Chet Baker sur le plan de l’approche instrumentale et musicale ? On peut se demander comment il résoudra l’apparent paradoxe, mais au bout de deux chorus l’affaire est entendue : Bosso est et reste un pistoléro de la quadruple croche, un instrumentiste à la vélocité époustouflante mais chez qui l’on cherche en vain l’ombre d’un discours empreint d’émotion, un phrasé qui vous fasse chavirer l’âme. De « Just Friends » en « So What » et d’ « Estate » en « But Not For Me », lui et son pianiste nous baladeront dans les territoires hantés par Chet sans jamais faire surgir —­ voire évoquer — ses mânes. Pas même sur un ultime « My Funny Valentine » où l’on ne put que déplorer l’absence du chant de la trompette et de la voix du souffleur défunt. Il est des soirs où le sentiment de la vacuité de l’existence vous envahit soudain, même au beau milieu de l’incomparable douceur de la nuit romaine. Thierry Quénum

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Roma Jazz Festival. Rome, Auditorium Parco della Musica, 30 & 31/10.

Etre invité pour quatre jours à un festival qui en dure quinze devrait a priori permettre de se faire une petite idée de ce qu’est cet événement. Mais voir le nombre de concerts réduits de quatre à trois puis deux, suite à une erreur de logistique doublée d’une annulation, voilà qui rend plutôt pessimiste sur les chances de capter un peu de l’esprit d’un festival dont la « festivité » est par ailleurs fort peu palpable. Pourtant, après avoir connu quelques déplacements et mutations au fil des ans, le Roma Jazz Festival existe depuis près de quatre décennies!

Cette 37° édition était intitulée « Speech » et sous-titrée « jazz et littérature». Soit, pendant quinze jours et à raison d’un concert en salle par soir, la co-présence sur scène d’un récitant disant ses propres œuvres ou celles d’un autre et de musiciens. Programme assez éclectique, d’ailleurs — de Joshua Redman à Mulatu Astakte en passant par Paolo Fresu et Napoleon Massox —, et qui proposait à part égale artistes italiens et étrangers. Privé, de mon côté, d’Amiri Baraka (erreur de logistique) et d’Antonello Salis (annulation), je dus me contenter de l’écrivain Erri De Luca (une star dans son pays, où l’écriture poétique et ascétique de cet « écrivain-ouvrier » comme son authenticité et ses prises de position altermondialistes lui ont valu un succès d’estime et de librairie) flanqué d’une autre vedette — de la chanson celle-ci — : Gianmaria Testa (g, voc) et du remarquable clarinettiste Gabriele Mirabassi, puis le lendemain du duo Fabrizio Bosso (tp)/Julian Mazzariello (p) accompagnant une lecture d’extraits de la biographie de Chet Baker. « Me contenter » est, en ce qui concerne la première soirée, à prendre au pied de la lettre. Sec de corps, buriné par les activités manuelles et les escapades solitaires en montagne, De Luca dégage d’emblée un sentiment d’empathie pour les humains et en premier lieu ses deux compagnons de scène. Une table, une bouteille et trois verres de vins — qui seront bus — témoignent de cette convivialité palpable qui déborde dans la salle par le biais de la voix et des jeux de mots du récitant. Il célèbre les « Etats-Unis de la Méditerranée », s’empare de la figure de Don Quichotte comme représentant de la lutte contre une modernité bête et mondiale face auquel il fera intervenir, en un défilé poétique, Newton, Eve, les naufragés de Lampedusa… « La forme de l’Italie ne permet pas facilement de lui enfiler un préservatif contre l’immigration. Ceux de nos dirigeants qui voudraient tenter la chose prendraient le risque qu’il leur explose au visage ! ». Pas sûr que le public propret de l’Auditorium approuve massivement en son for intérieur, mais comment ne pas applaudir à tant de générosité ? Les musiciens, eux, entonnent des airs populaires avec une virtuosité expressionniste pour Mirabassi et une bonhommie rocailleuse pour Testa, qui partage les mots parlés ou chantés avec l’écrivain, lequel ne se fait pas prier pour y aller de son refrain. Bref on est dans l’échange, le débat démocratique et la revendication d’une monde meilleur dans la lignée des clichés bon enfant de certains films de Fellini ou de Scola… et assez loin du jazz. Mais tout cela respire une telle humanité, une générosité si palpable qu’on se régale et ne chipote pas. A l’opposé — peut-être parce que centrée sur une personnalité unique (celle de Chet) plus pathétique que sympathique au niveau du vécu — la soirée du lendemain a du mal à faire sens. Les bribes de bio enchaînées avec un certain entrain par l’acteur Massimo Popolizio contrastent avec la raideur de deux musiciens concentrés sur leurs instruments. Mazzariello est sans nul doute un excellent pianiste mais ici il se contente de faire montre de ses talents d’accompagnateur tout terrain et sans grande personnalité, au jeu percussif et brillant mais peu porté sur les nuances. Bosso, lui, est a priori à contre-emploi. Qu’a-t-il à voir avec Chet Baker sur le plan de l’approche instrumentale et musicale ? On peut se demander comment il résoudra l’apparent paradoxe, mais au bout de deux chorus l’affaire est entendue : Bosso est et reste un pistoléro de la quadruple croche, un instrumentiste à la vélocité époustouflante mais chez qui l’on cherche en vain l’ombre d’un discours empreint d’émotion, un phrasé qui vous fasse chavirer l’âme. De « Just Friends » en « So What » et d’ « Estate » en « But Not For Me », lui et son pianiste nous baladeront dans les territoires hantés par Chet sans jamais faire surgir —­ voire évoquer — ses mânes. Pas même sur un ultime « My Funny Valentine » où l’on ne put que déplorer l’absence du chant de la trompette et de la voix du souffleur défunt. Il est des soirs où le sentiment de la vacuité de l’existence vous envahit soudain, même au beau milieu de l’incomparable douceur de la nuit romaine. Thierry Quénum

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Roma Jazz Festival. Rome, Auditorium Parco della Musica, 30 & 31/10.

Etre invité pour quatre jours à un festival qui en dure quinze devrait a priori permettre de se faire une petite idée de ce qu’est cet événement. Mais voir le nombre de concerts réduits de quatre à trois puis deux, suite à une erreur de logistique doublée d’une annulation, voilà qui rend plutôt pessimiste sur les chances de capter un peu de l’esprit d’un festival dont la « festivité » est par ailleurs fort peu palpable. Pourtant, après avoir connu quelques déplacements et mutations au fil des ans, le Roma Jazz Festival existe depuis près de quatre décennies!

Cette 37° édition était intitulée « Speech » et sous-titrée « jazz et littérature». Soit, pendant quinze jours et à raison d’un concert en salle par soir, la co-présence sur scène d’un récitant disant ses propres œuvres ou celles d’un autre et de musiciens. Programme assez éclectique, d’ailleurs — de Joshua Redman à Mulatu Astakte en passant par Paolo Fresu et Napoleon Massox —, et qui proposait à part égale artistes italiens et étrangers. Privé, de mon côté, d’Amiri Baraka (erreur de logistique) et d’Antonello Salis (annulation), je dus me contenter de l’écrivain Erri De Luca (une star dans son pays, où l’écriture poétique et ascétique de cet « écrivain-ouvrier » comme son authenticité et ses prises de position altermondialistes lui ont valu un succès d’estime et de librairie) flanqué d’une autre vedette — de la chanson celle-ci — : Gianmaria Testa (g, voc) et du remarquable clarinettiste Gabriele Mirabassi, puis le lendemain du duo Fabrizio Bosso (tp)/Julian Mazzariello (p) accompagnant une lecture d’extraits de la biographie de Chet Baker. « Me contenter » est, en ce qui concerne la première soirée, à prendre au pied de la lettre. Sec de corps, buriné par les activités manuelles et les escapades solitaires en montagne, De Luca dégage d’emblée un sentiment d’empathie pour les humains et en premier lieu ses deux compagnons de scène. Une table, une bouteille et trois verres de vins — qui seront bus — témoignent de cette convivialité palpable qui déborde dans la salle par le biais de la voix et des jeux de mots du récitant. Il célèbre les « Etats-Unis de la Méditerranée », s’empare de la figure de Don Quichotte comme représentant de la lutte contre une modernité bête et mondiale face auquel il fera intervenir, en un défilé poétique, Newton, Eve, les naufragés de Lampedusa… « La forme de l’Italie ne permet pas facilement de lui enfiler un préservatif contre l’immigration. Ceux de nos dirigeants qui voudraient tenter la chose prendraient le risque qu’il leur explose au visage ! ». Pas sûr que le public propret de l’Auditorium approuve massivement en son for intérieur, mais comment ne pas applaudir à tant de générosité ? Les musiciens, eux, entonnent des airs populaires avec une virtuosité expressionniste pour Mirabassi et une bonhommie rocailleuse pour Testa, qui partage les mots parlés ou chantés avec l’écrivain, lequel ne se fait pas prier pour y aller de son refrain. Bref on est dans l’échange, le débat démocratique et la revendication d’une monde meilleur dans la lignée des clichés bon enfant de certains films de Fellini ou de Scola… et assez loin du jazz. Mais tout cela respire une telle humanité, une générosité si palpable qu’on se régale et ne chipote pas. A l’opposé — peut-être parce que centrée sur une personnalité unique (celle de Chet) plus pathétique que sympathique au niveau du vécu — la soirée du lendemain a du mal à faire sens. Les bribes de bio enchaînées avec un certain entrain par l’acteur Massimo Popolizio contrastent avec la raideur de deux musiciens concentrés sur leurs instruments. Mazzariello est sans nul doute un excellent pianiste mais ici il se contente de faire montre de ses talents d’accompagnateur tout terrain et sans grande personnalité, au jeu percussif et brillant mais peu porté sur les nuances. Bosso, lui, est a priori à contre-emploi. Qu’a-t-il à voir avec Chet Baker sur le plan de l’approche instrumentale et musicale ? On peut se demander comment il résoudra l’apparent paradoxe, mais au bout de deux chorus l’affaire est entendue : Bosso est et reste un pistoléro de la quadruple croche, un instrumentiste à la vélocité époustouflante mais chez qui l’on cherche en vain l’ombre d’un discours empreint d’émotion, un phrasé qui vous fasse chavirer l’âme. De « Just Friends » en « So What » et d’ « Estate » en « But Not For Me », lui et son pianiste nous baladeront dans les territoires hantés par Chet sans jamais faire surgir —­ voire évoquer — ses mânes. Pas même sur un ultime « My Funny Valentine » où l’on ne put que déplorer l’absence du chant de la trompette et de la voix du souffleur défunt. Il est des soirs où le sentiment de la vacuité de l’existence vous envahit soudain, même au beau milieu de l’incomparable douceur de la nuit romaine. Thierry Quénum