Sur la route du blues (2): Clarcksdale, Crossroad et le démon de minuit
Clarcksdale Mississippi. Quatre jeunes musiciens blancs électrisent le Hoochie Coochie Man de Willy Dixon. Une porte s’ouvre sur le côté de la scène du Ground Zero. Surprise: souriant, chevelure blanche et haute stature, Morgan Freeman tout sourire se glisse entre les tables. Mouvement de foule. Cent flashs des téléphones portables crépitent illico.
Bye bye Memphis et ses esprits soul. On plonge à présent vers le sud en direction du Delta. Mornes plaines d’abord le long de la route 61 avec une enfilée de champs de coton sans fin, du soja, un peu de maïs sur des distances, des surfaces démesurées. Se souvenir simplement que ces produits d’une terre historiquement esclavagiste ont nourri le blues par la racine. Donc abondé celles que ce dernier ensuite enfanta…Avant même de saisir le nom de la ville le regard se fixe sur un drôle de montage perché au dessus d’un petit arbre touffu. Quelque chose comme trois manches de guitares bleues entremêlées entre les deux panneaux signalant, lettres noires sur bois blanc, les routes 61 et 69 en train de se croiser. Le voilà bien le Crossroad my(s)thique de Robert Johnson qui, une nuit noire, vendit ici son âme au diable pour mieux recevoir, du blues, l’inspiration. Le temps de savourer un hamburger plus un beignet d’oignons chez Abes’, dos à la statue du bluesman mythique, Miquel mon pote catalan du journal El Pais me glisse une confidence « La première fois que je suis passé par ce croisement j’ai voulu rester toute le nuit au pied des guitares bleues histoire de vivre le cauchemar de Robert Johnson… » Sans me confirmer si finalement il était passé à l’acte…
Clarcksdale, et voilà donc encore un autre musée. Sauf qu’assurément le Delta Blues Museum arrangé dans l’ancienne gare n’a pas bénéficié des mêmes moyens que ceux de Memphis. Pourtant ici la musique vit, le blues y retentit en écho direct des photos, tableaux, croquis, sculptures, des figures aussi telles Bukka White et son dobro en métal, Son House, Blind Willy Mc Tell, Fred Mc Dowell et tant d’autres restés au bord de la route de l’histoire de ce blues qui sonne vrai dans cet environnement. On entre même dans la cabane bardée de planches de Muddy Waters qu’il occupa avant que de migrer vers Chicago. Avec en exergue la drôle de guitare blanche en forme de planche à pizza que le guitariste barbichu de ZZ Top lui fit fabriquer à partir de bois de pin déraciné par une tempête autour de chez lui. Les voix, les échos de guitare ou de piano, toutes ces notes bleues et les bouts d’histoires ainsi contées disent vrai, résonnent de l’accent local du blues.
Situé à deux pas du musée Ground Zero, de l’extérieur affiche un look de garage des années cinquante. Dedans sous un entrelacs de poutre métalliques, sur la scène plantée au fond du bâtimentconstellé d’affiches, photos, dessins, graffitis et de guitares Gibson suspendues tels des jambons, quatre jeunes musiciens blancs emballent les mesures d’un blues rock à haut voltage. C’est alors que Morgan Freeman fait son apparition entouré d’un groupe d’amis. Et encadré par trois body guards point trop intrusif. L’acteur noir fétiche des frères Cohen notamment, natif et résident de Clarcksdale est de fait l’un des trois actionnaires du club de blues qu’il a voulu relancer « Le blues est ma musique, j’ai souhaité la défendre » Il restera le temps d’une bière et de trois morceaux dont Hoochie Coochie man de Willie Dixon. Certains spectateurs surpris mais ayant tenté leur chance auront bénéficié de photos, selfies et même quelques et autographes.
Trois cents mètres plus loin des notes torturées sortent d’un local d’allure un peu minable en bordure d’une route très peu éclairée. Laverne Music Center (nom originel inscrit sur le fronton en planches) devenu Red´s Lounge consomme et cuisine du blues aussi. Tous les soirs. Le temps de pousser la porte un tantinet déglinguée d’une sorte de grange bien garnie (de spectateurs assis sur des chaises de toute nature et facture; d’une kyrielle d’objets disparates également)?on se trouve saisi par un éclair trouant là pénombre, une traînée électrique chargée de blues. Avec sa vieille Stratocaster Lucious Spiller, guitariste et chanteur de blues capte l’attention et les sens mis à vif. Il a tout ce guitariste au drôle de visage et aux formes rebondies: son, phrasé, attaques sur les cordes façon Albert Collins ou même Jimmy Hendrix. Avec un brin de folie dans les attitudes, les enchaînements, la présentation des morceaux. Un feeling intense, un talent à fleur de peau, une originalité dans l’idiome blues. Au point de s’accaparer toute la substance contenue dans une version d’un quart d’heure de Purple Rain…
A Indianola, sa ville, BB KIng est présent partout. En souvenirs étalés sur les murs, les trottoirs, dans les vitrines, les boutiques. Et le seul café ouvert ce dimanche. Mais surtout dans les documents très riches légués au Musée. On y entend notamment l’histoire d’un petit gars du Mississippi devenu une star du blues. Du temps de sa splendeur, son rayonnement artistique il était avec sa guitare Lucile 320 jours sur la route. Aujourd’hui paradoxalement, deux bornes encadrent son œuvre de blues et son musée. Le bus aménagé était son inséparable compagnon de voyage. La sépulture, édifiée grâce à du sponsoring sur la pelouse attenante au Musée marque la coda de son existence de bluesman. Il reste une notoriété certifiée dans les voix d’Eric Clapton, de Bono, de Keith Richard ou John Lennon. Des visites au Vatican (Jean Paul II), à la Maison Blanche (Richard Nixon), au siège de l’ONU. Des dizaines de guitares 335 Gibson baptisées Lucile. Plus des centaines d’enregistrements et leur philosophie résumée dans un titre « Every day I have the blues » Quinze enfants enfin pour porter son nom originel, Riley. Au beau milieu des milliers de phrases dites, racontées, écrites dans le dédale d’épisodes de son musée posthume on pourrait retenir celle là « On m’a qualifié je crois de génie du blues. Je n’y crois pas une seconde. En revanche j’ai été un sacré conducteur de tracteur ! » Son premier métier en vérité, exercé à Indianola, Mississippi, dans les champs de coton.
On n’est pas obligé de le croire tout à fait. Mais il est toujours revenu, fidèle il est vrai, dans sa ville de naissance. D’une telle destinée en tous cas Robert Johnson en aurait révé. Et Lucious Spiller n’y arrivera sans doute jamais. Ainsi va le blues du Delta.
Robert Latxague|
Clarcksdale Mississippi. Quatre jeunes musiciens blancs électrisent le Hoochie Coochie Man de Willy Dixon. Une porte s’ouvre sur le côté de la scène du Ground Zero. Surprise: souriant, chevelure blanche et haute stature, Morgan Freeman tout sourire se glisse entre les tables. Mouvement de foule. Cent flashs des téléphones portables crépitent illico.
Bye bye Memphis et ses esprits soul. On plonge à présent vers le sud en direction du Delta. Mornes plaines d’abord le long de la route 61 avec une enfilée de champs de coton sans fin, du soja, un peu de maïs sur des distances, des surfaces démesurées. Se souvenir simplement que ces produits d’une terre historiquement esclavagiste ont nourri le blues par la racine. Donc abondé celles que ce dernier ensuite enfanta…Avant même de saisir le nom de la ville le regard se fixe sur un drôle de montage perché au dessus d’un petit arbre touffu. Quelque chose comme trois manches de guitares bleues entremêlées entre les deux panneaux signalant, lettres noires sur bois blanc, les routes 61 et 69 en train de se croiser. Le voilà bien le Crossroad my(s)thique de Robert Johnson qui, une nuit noire, vendit ici son âme au diable pour mieux recevoir, du blues, l’inspiration. Le temps de savourer un hamburger plus un beignet d’oignons chez Abes’, dos à la statue du bluesman mythique, Miquel mon pote catalan du journal El Pais me glisse une confidence « La première fois que je suis passé par ce croisement j’ai voulu rester toute le nuit au pied des guitares bleues histoire de vivre le cauchemar de Robert Johnson… » Sans me confirmer si finalement il était passé à l’acte…
Clarcksdale, et voilà donc encore un autre musée. Sauf qu’assurément le Delta Blues Museum arrangé dans l’ancienne gare n’a pas bénéficié des mêmes moyens que ceux de Memphis. Pourtant ici la musique vit, le blues y retentit en écho direct des photos, tableaux, croquis, sculptures, des figures aussi telles Bukka White et son dobro en métal, Son House, Blind Willy Mc Tell, Fred Mc Dowell et tant d’autres restés au bord de la route de l’histoire de ce blues qui sonne vrai dans cet environnement. On entre même dans la cabane bardée de planches de Muddy Waters qu’il occupa avant que de migrer vers Chicago. Avec en exergue la drôle de guitare blanche en forme de planche à pizza que le guitariste barbichu de ZZ Top lui fit fabriquer à partir de bois de pin déraciné par une tempête autour de chez lui. Les voix, les échos de guitare ou de piano, toutes ces notes bleues et les bouts d’histoires ainsi contées disent vrai, résonnent de l’accent local du blues.
Situé à deux pas du musée Ground Zero, de l’extérieur affiche un look de garage des années cinquante. Dedans sous un entrelacs de poutre métalliques, sur la scène plantée au fond du bâtimentconstellé d’affiches, photos, dessins, graffitis et de guitares Gibson suspendues tels des jambons, quatre jeunes musiciens blancs emballent les mesures d’un blues rock à haut voltage. C’est alors que Morgan Freeman fait son apparition entouré d’un groupe d’amis. Et encadré par trois body guards point trop intrusif. L’acteur noir fétiche des frères Cohen notamment, natif et résident de Clarcksdale est de fait l’un des trois actionnaires du club de blues qu’il a voulu relancer « Le blues est ma musique, j’ai souhaité la défendre » Il restera le temps d’une bière et de trois morceaux dont Hoochie Coochie man de Willie Dixon. Certains spectateurs surpris mais ayant tenté leur chance auront bénéficié de photos, selfies et même quelques et autographes.
Trois cents mètres plus loin des notes torturées sortent d’un local d’allure un peu minable en bordure d’une route très peu éclairée. Laverne Music Center (nom originel inscrit sur le fronton en planches) devenu Red´s Lounge consomme et cuisine du blues aussi. Tous les soirs. Le temps de pousser la porte un tantinet déglinguée d’une sorte de grange bien garnie (de spectateurs assis sur des chaises de toute nature et facture; d’une kyrielle d’objets disparates également)?on se trouve saisi par un éclair trouant là pénombre, une traînée électrique chargée de blues. Avec sa vieille Stratocaster Lucious Spiller, guitariste et chanteur de blues capte l’attention et les sens mis à vif. Il a tout ce guitariste au drôle de visage et aux formes rebondies: son, phrasé, attaques sur les cordes façon Albert Collins ou même Jimmy Hendrix. Avec un brin de folie dans les attitudes, les enchaînements, la présentation des morceaux. Un feeling intense, un talent à fleur de peau, une originalité dans l’idiome blues. Au point de s’accaparer toute la substance contenue dans une version d’un quart d’heure de Purple Rain…
A Indianola, sa ville, BB KIng est présent partout. En souvenirs étalés sur les murs, les trottoirs, dans les vitrines, les boutiques. Et le seul café ouvert ce dimanche. Mais surtout dans les documents très riches légués au Musée. On y entend notamment l’histoire d’un petit gars du Mississippi devenu une star du blues. Du temps de sa splendeur, son rayonnement artistique il était avec sa guitare Lucile 320 jours sur la route. Aujourd’hui paradoxalement, deux bornes encadrent son œuvre de blues et son musée. Le bus aménagé était son inséparable compagnon de voyage. La sépulture, édifiée grâce à du sponsoring sur la pelouse attenante au Musée marque la coda de son existence de bluesman. Il reste une notoriété certifiée dans les voix d’Eric Clapton, de Bono, de Keith Richard ou John Lennon. Des visites au Vatican (Jean Paul II), à la Maison Blanche (Richard Nixon), au siège de l’ONU. Des dizaines de guitares 335 Gibson baptisées Lucile. Plus des centaines d’enregistrements et leur philosophie résumée dans un titre « Every day I have the blues » Quinze enfants enfin pour porter son nom originel, Riley. Au beau milieu des milliers de phrases dites, racontées, écrites dans le dédale d’épisodes de son musée posthume on pourrait retenir celle là « On m’a qualifié je crois de génie du blues. Je n’y crois pas une seconde. En revanche j’ai été un sacré conducteur de tracteur ! » Son premier métier en vérité, exercé à Indianola, Mississippi, dans les champs de coton.
On n’est pas obligé de le croire tout à fait. Mais il est toujours revenu, fidèle il est vrai, dans sa ville de naissance. D’une telle destinée en tous cas Robert Johnson en aurait révé. Et Lucious Spiller n’y arrivera sans doute jamais. Ainsi va le blues du Delta.
Robert Latxague|
Clarcksdale Mississippi. Quatre jeunes musiciens blancs électrisent le Hoochie Coochie Man de Willy Dixon. Une porte s’ouvre sur le côté de la scène du Ground Zero. Surprise: souriant, chevelure blanche et haute stature, Morgan Freeman tout sourire se glisse entre les tables. Mouvement de foule. Cent flashs des téléphones portables crépitent illico.
Bye bye Memphis et ses esprits soul. On plonge à présent vers le sud en direction du Delta. Mornes plaines d’abord le long de la route 61 avec une enfilée de champs de coton sans fin, du soja, un peu de maïs sur des distances, des surfaces démesurées. Se souvenir simplement que ces produits d’une terre historiquement esclavagiste ont nourri le blues par la racine. Donc abondé celles que ce dernier ensuite enfanta…Avant même de saisir le nom de la ville le regard se fixe sur un drôle de montage perché au dessus d’un petit arbre touffu. Quelque chose comme trois manches de guitares bleues entremêlées entre les deux panneaux signalant, lettres noires sur bois blanc, les routes 61 et 69 en train de se croiser. Le voilà bien le Crossroad my(s)thique de Robert Johnson qui, une nuit noire, vendit ici son âme au diable pour mieux recevoir, du blues, l’inspiration. Le temps de savourer un hamburger plus un beignet d’oignons chez Abes’, dos à la statue du bluesman mythique, Miquel mon pote catalan du journal El Pais me glisse une confidence « La première fois que je suis passé par ce croisement j’ai voulu rester toute le nuit au pied des guitares bleues histoire de vivre le cauchemar de Robert Johnson… » Sans me confirmer si finalement il était passé à l’acte…
Clarcksdale, et voilà donc encore un autre musée. Sauf qu’assurément le Delta Blues Museum arrangé dans l’ancienne gare n’a pas bénéficié des mêmes moyens que ceux de Memphis. Pourtant ici la musique vit, le blues y retentit en écho direct des photos, tableaux, croquis, sculptures, des figures aussi telles Bukka White et son dobro en métal, Son House, Blind Willy Mc Tell, Fred Mc Dowell et tant d’autres restés au bord de la route de l’histoire de ce blues qui sonne vrai dans cet environnement. On entre même dans la cabane bardée de planches de Muddy Waters qu’il occupa avant que de migrer vers Chicago. Avec en exergue la drôle de guitare blanche en forme de planche à pizza que le guitariste barbichu de ZZ Top lui fit fabriquer à partir de bois de pin déraciné par une tempête autour de chez lui. Les voix, les échos de guitare ou de piano, toutes ces notes bleues et les bouts d’histoires ainsi contées disent vrai, résonnent de l’accent local du blues.
Situé à deux pas du musée Ground Zero, de l’extérieur affiche un look de garage des années cinquante. Dedans sous un entrelacs de poutre métalliques, sur la scène plantée au fond du bâtimentconstellé d’affiches, photos, dessins, graffitis et de guitares Gibson suspendues tels des jambons, quatre jeunes musiciens blancs emballent les mesures d’un blues rock à haut voltage. C’est alors que Morgan Freeman fait son apparition entouré d’un groupe d’amis. Et encadré par trois body guards point trop intrusif. L’acteur noir fétiche des frères Cohen notamment, natif et résident de Clarcksdale est de fait l’un des trois actionnaires du club de blues qu’il a voulu relancer « Le blues est ma musique, j’ai souhaité la défendre » Il restera le temps d’une bière et de trois morceaux dont Hoochie Coochie man de Willie Dixon. Certains spectateurs surpris mais ayant tenté leur chance auront bénéficié de photos, selfies et même quelques et autographes.
Trois cents mètres plus loin des notes torturées sortent d’un local d’allure un peu minable en bordure d’une route très peu éclairée. Laverne Music Center (nom originel inscrit sur le fronton en planches) devenu Red´s Lounge consomme et cuisine du blues aussi. Tous les soirs. Le temps de pousser la porte un tantinet déglinguée d’une sorte de grange bien garnie (de spectateurs assis sur des chaises de toute nature et facture; d’une kyrielle d’objets disparates également)?on se trouve saisi par un éclair trouant là pénombre, une traînée électrique chargée de blues. Avec sa vieille Stratocaster Lucious Spiller, guitariste et chanteur de blues capte l’attention et les sens mis à vif. Il a tout ce guitariste au drôle de visage et aux formes rebondies: son, phrasé, attaques sur les cordes façon Albert Collins ou même Jimmy Hendrix. Avec un brin de folie dans les attitudes, les enchaînements, la présentation des morceaux. Un feeling intense, un talent à fleur de peau, une originalité dans l’idiome blues. Au point de s’accaparer toute la substance contenue dans une version d’un quart d’heure de Purple Rain…
A Indianola, sa ville, BB KIng est présent partout. En souvenirs étalés sur les murs, les trottoirs, dans les vitrines, les boutiques. Et le seul café ouvert ce dimanche. Mais surtout dans les documents très riches légués au Musée. On y entend notamment l’histoire d’un petit gars du Mississippi devenu une star du blues. Du temps de sa splendeur, son rayonnement artistique il était avec sa guitare Lucile 320 jours sur la route. Aujourd’hui paradoxalement, deux bornes encadrent son œuvre de blues et son musée. Le bus aménagé était son inséparable compagnon de voyage. La sépulture, édifiée grâce à du sponsoring sur la pelouse attenante au Musée marque la coda de son existence de bluesman. Il reste une notoriété certifiée dans les voix d’Eric Clapton, de Bono, de Keith Richard ou John Lennon. Des visites au Vatican (Jean Paul II), à la Maison Blanche (Richard Nixon), au siège de l’ONU. Des dizaines de guitares 335 Gibson baptisées Lucile. Plus des centaines d’enregistrements et leur philosophie résumée dans un titre « Every day I have the blues » Quinze enfants enfin pour porter son nom originel, Riley. Au beau milieu des milliers de phrases dites, racontées, écrites dans le dédale d’épisodes de son musée posthume on pourrait retenir celle là « On m’a qualifié je crois de génie du blues. Je n’y crois pas une seconde. En revanche j’ai été un sacré conducteur de tracteur ! » Son premier métier en vérité, exercé à Indianola, Mississippi, dans les champs de coton.
On n’est pas obligé de le croire tout à fait. Mais il est toujours revenu, fidèle il est vrai, dans sa ville de naissance. D’une telle destinée en tous cas Robert Johnson en aurait révé. Et Lucious Spiller n’y arrivera sans doute jamais. Ainsi va le blues du Delta.
Robert Latxague|
Clarcksdale Mississippi. Quatre jeunes musiciens blancs électrisent le Hoochie Coochie Man de Willy Dixon. Une porte s’ouvre sur le côté de la scène du Ground Zero. Surprise: souriant, chevelure blanche et haute stature, Morgan Freeman tout sourire se glisse entre les tables. Mouvement de foule. Cent flashs des téléphones portables crépitent illico.
Bye bye Memphis et ses esprits soul. On plonge à présent vers le sud en direction du Delta. Mornes plaines d’abord le long de la route 61 avec une enfilée de champs de coton sans fin, du soja, un peu de maïs sur des distances, des surfaces démesurées. Se souvenir simplement que ces produits d’une terre historiquement esclavagiste ont nourri le blues par la racine. Donc abondé celles que ce dernier ensuite enfanta…Avant même de saisir le nom de la ville le regard se fixe sur un drôle de montage perché au dessus d’un petit arbre touffu. Quelque chose comme trois manches de guitares bleues entremêlées entre les deux panneaux signalant, lettres noires sur bois blanc, les routes 61 et 69 en train de se croiser. Le voilà bien le Crossroad my(s)thique de Robert Johnson qui, une nuit noire, vendit ici son âme au diable pour mieux recevoir, du blues, l’inspiration. Le temps de savourer un hamburger plus un beignet d’oignons chez Abes’, dos à la statue du bluesman mythique, Miquel mon pote catalan du journal El Pais me glisse une confidence « La première fois que je suis passé par ce croisement j’ai voulu rester toute le nuit au pied des guitares bleues histoire de vivre le cauchemar de Robert Johnson… » Sans me confirmer si finalement il était passé à l’acte…
Clarcksdale, et voilà donc encore un autre musée. Sauf qu’assurément le Delta Blues Museum arrangé dans l’ancienne gare n’a pas bénéficié des mêmes moyens que ceux de Memphis. Pourtant ici la musique vit, le blues y retentit en écho direct des photos, tableaux, croquis, sculptures, des figures aussi telles Bukka White et son dobro en métal, Son House, Blind Willy Mc Tell, Fred Mc Dowell et tant d’autres restés au bord de la route de l’histoire de ce blues qui sonne vrai dans cet environnement. On entre même dans la cabane bardée de planches de Muddy Waters qu’il occupa avant que de migrer vers Chicago. Avec en exergue la drôle de guitare blanche en forme de planche à pizza que le guitariste barbichu de ZZ Top lui fit fabriquer à partir de bois de pin déraciné par une tempête autour de chez lui. Les voix, les échos de guitare ou de piano, toutes ces notes bleues et les bouts d’histoires ainsi contées disent vrai, résonnent de l’accent local du blues.
Situé à deux pas du musée Ground Zero, de l’extérieur affiche un look de garage des années cinquante. Dedans sous un entrelacs de poutre métalliques, sur la scène plantée au fond du bâtimentconstellé d’affiches, photos, dessins, graffitis et de guitares Gibson suspendues tels des jambons, quatre jeunes musiciens blancs emballent les mesures d’un blues rock à haut voltage. C’est alors que Morgan Freeman fait son apparition entouré d’un groupe d’amis. Et encadré par trois body guards point trop intrusif. L’acteur noir fétiche des frères Cohen notamment, natif et résident de Clarcksdale est de fait l’un des trois actionnaires du club de blues qu’il a voulu relancer « Le blues est ma musique, j’ai souhaité la défendre » Il restera le temps d’une bière et de trois morceaux dont Hoochie Coochie man de Willie Dixon. Certains spectateurs surpris mais ayant tenté leur chance auront bénéficié de photos, selfies et même quelques et autographes.
Trois cents mètres plus loin des notes torturées sortent d’un local d’allure un peu minable en bordure d’une route très peu éclairée. Laverne Music Center (nom originel inscrit sur le fronton en planches) devenu Red´s Lounge consomme et cuisine du blues aussi. Tous les soirs. Le temps de pousser la porte un tantinet déglinguée d’une sorte de grange bien garnie (de spectateurs assis sur des chaises de toute nature et facture; d’une kyrielle d’objets disparates également)?on se trouve saisi par un éclair trouant là pénombre, une traînée électrique chargée de blues. Avec sa vieille Stratocaster Lucious Spiller, guitariste et chanteur de blues capte l’attention et les sens mis à vif. Il a tout ce guitariste au drôle de visage et aux formes rebondies: son, phrasé, attaques sur les cordes façon Albert Collins ou même Jimmy Hendrix. Avec un brin de folie dans les attitudes, les enchaînements, la présentation des morceaux. Un feeling intense, un talent à fleur de peau, une originalité dans l’idiome blues. Au point de s’accaparer toute la substance contenue dans une version d’un quart d’heure de Purple Rain…
A Indianola, sa ville, BB KIng est présent partout. En souvenirs étalés sur les murs, les trottoirs, dans les vitrines, les boutiques. Et le seul café ouvert ce dimanche. Mais surtout dans les documents très riches légués au Musée. On y entend notamment l’histoire d’un petit gars du Mississippi devenu une star du blues. Du temps de sa splendeur, son rayonnement artistique il était avec sa guitare Lucile 320 jours sur la route. Aujourd’hui paradoxalement, deux bornes encadrent son œuvre de blues et son musée. Le bus aménagé était son inséparable compagnon de voyage. La sépulture, édifiée grâce à du sponsoring sur la pelouse attenante au Musée marque la coda de son existence de bluesman. Il reste une notoriété certifiée dans les voix d’Eric Clapton, de Bono, de Keith Richard ou John Lennon. Des visites au Vatican (Jean Paul II), à la Maison Blanche (Richard Nixon), au siège de l’ONU. Des dizaines de guitares 335 Gibson baptisées Lucile. Plus des centaines d’enregistrements et leur philosophie résumée dans un titre « Every day I have the blues » Quinze enfants enfin pour porter son nom originel, Riley. Au beau milieu des milliers de phrases dites, racontées, écrites dans le dédale d’épisodes de son musée posthume on pourrait retenir celle là « On m’a qualifié je crois de génie du blues. Je n’y crois pas une seconde. En revanche j’ai été un sacré conducteur de tracteur ! » Son premier métier en vérité, exercé à Indianola, Mississippi, dans les champs de coton.
On n’est pas obligé de le croire tout à fait. Mais il est toujours revenu, fidèle il est vrai, dans sa ville de naissance. D’une telle destinée en tous cas Robert Johnson en aurait révé. Et Lucious Spiller n’y arrivera sans doute jamais. Ainsi va le blues du Delta.
Robert Latxague