Jazz live
Publié le 26 Juil 2023

San Sebastian Jazzaldia musiques plurielles

À San Sebastián à l’image de ces innombrables  comptoirs surchargés des mille bars à tapas/pintxos Jazzaldia, le festival, permet de  piquer des sons divers sur les trois scènes érigées le long de la plage de la Zurriola, paradis des surfeurs locaux, entre le bout de la côte rocheuse escarpée et l’embouchure  du río Urumea. Ainsi  a-t-on chaque soir le loisir de déguster du live en plein bon air de 19 h  à deux heures du matin non stop. Consommation musicale gratuite mais bières de brasserie du crû payantes.

Kenny Barron (p),  , Kiishoyi Kitagawa (b), Jonathan Blake (dm) + Orchestre des Jeunes d’Eukall Herria/ Pays Basque, direction Rubén Gimeno

Auditorium Kursaal, 21 juillet, 18h 30

Il suffit d’un premier morceau ( Voyages) donné en trio pour retrouver la signature personnelle de celui qui fut le dernier pianiste de Stan Getz,  swing naturel et élégance dans le propos musical.

L’Orchestre de cordes constitué de lauréats des conservatoires des trois provinces basques entre alors. Ça sonne, ça fonctionne tout de suite dans les contrechants venus à propos souligner les lignes fortes desc standards ou compositions du leader (Lullu Bye) Ainsi dans le continuum d’une balade  au titre ici on ne peut plus judicieux ( Magic Ocean) suite à une introduction scuptée  au millimètre des mains du pianiste, les cordes additionnées -violons, altos, violoncelles, contrebasses-  s’adaptent-elles sans lourdeur  ni emphase.  Moins de réussite tout de même, question d’arrangement ou de nécessité ponctuelle dans le rendu d’un thème coloré très Brésil, trop doucereux. trop soft sans doute question épaisseur des sonorités. 

Jusque au moment où flottant en nuage ces mêmes cordes s’ajustent en accord parfait à un piano  tout en saveurs douces, mélange presque évanescent qu’on imagine bien coller  en musique bande originale aux images d’un film néo romantique italien des 60’s. Jonathan Blake comme Kenny Barron se lèvent de leurs sièges alors pour applaudir l’orchestre. Pour conclure l’affaire en retournant à la formule du trio, jazz cool qui coule (Shuffle boíl) comme  s’il fallait á Kenny Barron l’année de ses 80 ans sacraliser son instrument, son élément en tant que langue idiomatique du piano.

Kenny Barron

Le temps de passer de la rue au paseo en bord de plage dans le va et vient de plus en plus dense  d’un mix plagistes, surfers de retour des vagues, flâneurs et curieux de toutes musiques, tous mêlés dans un mouvement perpétuel. Tout ce beau monde par centaines, bon milliers bientôt circule entre comptoirs avec machines á bières estampillées basques pur jus, junk food locale, étals de merchandising du festival, et jouxte  trois scènes dréssées entre le dos fer, verre et béton de l’Auditorium planté là face à l’Océan tel un paquebot d’architectes ambitieux échoué intentionnellement pour absorber des spectacles. La plus grande des scènes marquée du nom du brasseur basque sponsor principal accueillera dès la nuit tombée un Village People ressuscité devant dix où vingt mille fans piétinant sur la plage sans fin. Pour l’instant, à l’heure de l’apero, deux musiques résonnent en simultané sur deux scènes voisines mais séparées.

Samir Immamovic

Espace Frigo Gunea, 19 h 30

Les mélopées sur cordes balkaniques tentent de conquérir le front de mer dans  un vrai  envoûtement mélodique, voix qui glisse à l’air libre. À cet effet volutes de gammes et modes orientaux,  rebonds de tempos et vagues d’ondes douces peuvent figurer au rang d’armes absolues.

III Considered

FNAC Gunea, 19 h 30

On fait cent mètres de plus, on grimpe en pente douce et balisée sur cinquante autres. On vient ainsi de contourner l’espace dédié au trio bosniaque et de s’en séparer via le mur de côté du vaisseau Auditorium Kursaal. On se trouve toujours face à la mer. Un trio d’anglais se livre à fond avec en figure de proue la sonorité sur-amplifiée d’une flûte bambou  ou d’un sax ténor  au son saturé jetant des cris de cuivre direct. Tous ce bloc son compact se trouve corsé de beaucoup d’effets d’échos lesquels rebondissent sur une paire rythmique digne d’une Afrique très électrique. On se surprendrait à ne pas danser.

Concerts Jazzeñe 

Teatro, Víctoria Eugenia,  22 juillet, 12 h 30

Javier Estrella, directeur de JazzEñe

Avant ce premier concert de JazzEñe, la fondation créé par la SGAE , société des auteurs compositeurs espagnole, son directeur, Javier Estrella a tenu à préciser l’objectif de la,rencontre annuelle de sa structure avec le,festival de Jazz de San Sebastián « JazzEñe et Jazzaldia se sont unis pour présenter chaque année des musiciens de jazz qui témoignent de la diversité, de la richesse de la vie de cette musique dans les régions de l’Espagne »

Lucia Reyes (p), Ander García (b), Alberto Brenes (dm)

Teatro Victoria Eugenia, 22 juillet, 12 h 30 

Lucia Reyes


Elle assure au piano acoustique, déroulant ses mélodies . Pourtant c’est bien avec un synthétiseur portable en bandoulière à la façon d’Herbie Hancock qu’elle va chercher le public, dégageant une série d’accords en phase dynamiques. Lucia Rey, originaire de Grenade rend hommage par et pour sa musique à sa mère, prof de danse qui lui a fait comprendre très tôt que cette pratique, cet art en Andalousie a fait, dans le cours del’ihistoire des voyages aller et retour entre l’Espqgne et Cuba notamment. Ses rythmes elle les a intégrés de facto vers la rumba, appel direct à la danse. Elle cite même sur son clavier la Comparsita, air cher à Chucho Valdes notamment. Et pour une « bulería» qui la plonge  dans le filon du flamenco, la pianiste ancre son piano aidé des roulements du batteur dans des terres arabo-andalouses. Elle a quelque chose à elle cette pianiste.

Move: Alberto Arteta (ts), Iñigo de Gordejuela (p), Javier Callen (b), Miguel Benito (dm)

Teatro Victoria Eugenia, 22 juillet, 13 h 30

La sonorité global du quartet tourne autour de celle du saxophone. Côté ténor avec un son droit, direct. Côté soprano sans douceur de trop non plus. Les lignes de composition sont tirés en un architecture solide, compacte favorable aux échanges, à l’interaction entre les instruments. Témoin cette sorte d’hymne linéaire livré dans un climat un peu pesant, ambiance musicale de petit mystère peinte de couleurs sombres à propos d ‘une histoire de «salamandre au regard fixe…» Le sax, encore lui, reste dans un un discours forme et fond plutôt personnel, expressif dans ses modulations. C’est assez solide musicalement même si le quartet plutôt classique dans le genre mériterait une expression un peu plus originale.

Norah Jones (voc) Cris Morissey (b), Peter Remm (org), Dan Read (g), Brian Blade (dm)

Auditorium Kursaal, 22 juillet:, 18h 30

Norah Jones’ guitare

Elle attaque cool,,  histoire de poser sa voix. Sa voix unique, grain de blanc et de noir, profonde, teintée d’une certaine épaisseur. Mais sans jamais avoir recours à un effet forcé. Puis elle passe au piano. Dès lors le soutien rythmique se tend, avec voix de gorge sur un fond bluesy. Pour aborder les rives d’une balade  country le temps de poser une question d’essence et d’existence à l’autre ( What am I to you ) le piano, mis à sa main, prend une place plus centrale. On entend alors nettement de petits coups précis frappés sur le rebord de la,caisse claire, un petit rien de percussions d’aspect anodin mais qui dit déjà que l’on est dans un moment fort de musique. Ce batteur faiseur de notes justes ce ne peut été que Brian Blade, un des plus importants dans le jazz d:aujourd’hui. Il y ajoute sa voix croisée en contrechant, qui avec l’qppui de notes glissées d’une steel guitar marque le climat trouble d’une histoire de vie entre deux eayx ( Flame twin )

Norah Jones maintenant se la joue en trio jazz.  Brian Blade prend alors toute sa dimension poussant de son style léger presque aérien les accents du piano vers une expression plus efficiente. On peut se demander pourquoi un batteur de ce niveau fait le sideman auprès d’une chanteuse. Déjà Brian Blade, comme ses compères du quartet légendaire est désormais orphelin de Wayne Shorter parti rejoindre le paradis des saxophonistes. Et puis, pour un musicien américain, il faut vivre. Lui trimballe avec ses valises un art supérieur du drumming. Aux côtés de Norah Jones ce jour autant en profiter.

Norah Jones, piano

Elle enchaîne les chansons. Dix huit au total pour le bonheur de spectateurs d’un Kursaal bondé conquis d’avance. Elle alterne piano et guitare. Pour un Can’t you believe lancinant elle use de ce dernier instrument sur un plan rythmique. À nouveau la sreel guitar de son complice Dan Read laisse glisser les notes en apport harmonique majeur. Les balais de Blade caresse  les peaux des caisses. On se sent voyager dans les couleurs des états du Sud. Nashville n’est plus très loin.  Norah Jones se fait plaîsir sans plus d’effort en laissant aussi traïner sa voix. Plaisir partagé. 

On passe d’une scène à k’autre. À cet instant précis, petit air frais en début de soirée sur la Plaza de la Trinidad dans ce décor de  pierres chargées d:histoire du vieux San Sebastián on peut se dire avec un peu de recul que Jazzaldia va nous permettre de voir et d’entendre en 72 heures trois des guitares majeures du jazz contemporain : ce soir Julian Lage puis Bill Frisell. Bientôt Pat Metheny. Il manque juste Sylvain Luc, quasi local de l’étape pour compléter ce carré d’As du manche.

Julian Lage (g) Joe Roeder (b), Joe Baron

Plaza de la Trinidad, 22 juillet, 21 h

Julian Lage (g), Joe Roeder (b)

Julián Lage c’est de la guitare sans artifice. Aussitôt la mélodie jaillit des accords. Et lui en notes isolées ou séquencées se régale à la contourner par pur esprit de jeu. Il enchaîne par l’emprunt d’un standard (You and the night) version coulée douce appuyée par les justes mouvements tournants de la batterie de Joe Baron. Quel brillant savoir faire sur les cymbales chez celui là. Avec ce guitariste, et entre eux trois il es bel et bien question de jeu bien sûr.. Et de jeu on y revient, de mots croisés, de notes mystères, de pièges pour l’harmonie, fléchés sur le manche pour des ruptures surprises. Les deux autres protagonistes conviés à cet effet s’y livrent également. Question de parole à donner  à présent « Speak to me» titre d’un nouvel album à venir offre en avant première un motif chantant digne d’une musique country. Lage y bloque ses cordes. Puis sur le chorus de basse qui suit Baron laisse tomber ses baguettes pour jouer à main nue.  Ce qui, ici sur ce  fronton de pelote basque tombe fort à propos. Un jeu pour un autre terrain (cancha) de jeu autre. Tout cet épisode ludique en diable se passe sourire aux lèvres des trois éléments svp…

Interlude: Julian Lage regarde vers le ciel, sourit, laisse un silence, tire sur ses cordes aiguës pour s’accorder avec les mouettes volant soudain en escadrille pour  lancer leur cri de repli à la nuit tombante.

Julen Lage, Bill Frisell

Bill Frisell (g), Greg Tardy (ts), Gérard Cayton (p, cla), Jonathan Blake (dm)

Plaza de la Trinidad, 23 juillet, 23 h

 Il faut savoir entrer dans la musique de Bill Frisell. Elle ne fournit pas forcément le ticket d’avance. Et peut réserver des surprises. Cette fois elle s’annonce en  douceurs dans un couple  constitué guitare/clavier. Le premier instrument imprime les ignes à suivre. Une sorte de tracé liminaire. Puis comme souvent chez Frisell, la guitare en surimpression en compose et décompose d’autres de lignes, en parallèle. Les rôles qui paraissent définis dans le groupe changent avec la progression du contenu, du process musical. Ainsi  revient-il maintenant à la partie piano/batterie de placer des coupes franches, et autres découpes rythmiques abruptes. De quoi goûter en direct à d’impressionantes poussées de volumes dans une alternance force /finesse/hachures. Au final de cette longue phase -les compositions et improvisations qui vont avec  durent sur scène avec lui- le clavier de Gérard Clayton un peu absent durant un moment revient dans le jeu,  prend seul la main, la guitare assureant le fond, l’arriere plan.

La musique de Bill Frisell est complexe, fouillée, mouvante. Elle impose á chacun des musiciens du groupe de se tenir disponible dans un jeu de rôle très resserré. Ce système de musique qui monte dans les tours, question volume, densité, intensité  s’avère exigeant. Voilà le sax ténor qui vient á cet effet seconder la guitare. Puis prendre le leadership en un chorus de souffle énergisé, saturé, histoire de  tirer le son global vers le haut, à coup d’unissons, de ruptures, de lignes brisées. Dans la descente, le calme revenu. le piano reparti un peu hors jeu, ce passage en creux dessine alors une image de musique un peu plus décousue. Temps faible.

Bill Frisell, Greg Tardy

Frisell va chercher le piano, le travaille  l’accroche. La guitare jouée en boucles (loops), en volume croissant  avec les quatre instruments joints désormais assure la relance. Temps fort. Cette force Intranquille permet de terminer sur le fil tendu d’une mélodie douce. La guitare inclassable de Bill Frisell a fait son job.

Jazzaldia à suivre

Robert Latxague