Shai Maestro, lumineux à la Scala
Shai Maestro, très inspiré, a joué à La Scala, nouvelle salle ouverte sur les grands boulevards le répertoire de son disque paru chez ECM, The Dream Thief.
Shai Maestro (piano, compositions), Jorge Roeder (basse), Ofri Nehemya (batterie), La Scala, 75010 Paris, 9 février 2019
J’avais vu Shai Maestro en solo il y a deux ans. C’était à la Petite-Pierre, dans ce festival que dirigeaient alors Valentine Wurtz et Alexandre von Arx, qui pendant cinq ans réussirent à tenir cet équilibre subtil et difficile d’une programmation exigeante mais accessible à toutes les oreilles curieuses. Dans le cadre sompteux du musée Lalique, Shai Maestro en solo avait donné un concert riche et intense. Je me souviens que Smile, la mélodie de Chaplin,revenait dans son jeu comme une abeille obstinée, si bien qu’il avait fini par jouer le thème à la fin du concert. Je me souviens aussi de cette feuille qu’il avait glissée dans son piano, avec une liste de morceaux, et cette injonction mystérieuse: « Make it real ». Je me souviens enfin qu’à plusieurs moments de ce concert, Shai Maestro n’avait pu se retenir de prononcer « ttt-tttt-ttt« , comme s’il avait dans la tête un batteur invisible.
Et c’est ce soir que je comprends la raison de ces dentales qui lui montaient alors aux lèvres. J’en comprends la raison en voyant la complicité qui le relie à son batteur Ofri Nehemya, dont le jeu de cymbales (ttt-ttt-ttt) est d’une finesse extrême, stimulant, anticipant, accompagnant son leader d’une manière irrésistiblement joueuse.
Quant à Shai Maestro son jeu est toujours aussi lumineux. Parmi les pianistes actuels, beaucoup cherchent l’alchimie d’une musique réconciliant sensualité mélodique et énergie dansante. Lui est sans doute l’un de ceux qui se sont le plus approchés le plus près de la formule magique. Sans doute parce qu’il n’a cherché aucune formule, et que sa sincérité est évidente.
Il a un toucher d’une délicatesse exquise, et des accords comme des coulées d’ambre. Son jeu est plein d’émotion mais sans tirer sur la corde du sentimentalisme. Et sa musique semble parler aux gens. Parmi les très beaux moments de cette soirée, l’introduction de The dream thief (titre de son album chez ECM) et le rappel, un magnifique My ship. Shai Maesro semble actuellement en pleine créativité, et c’est beau à entendre.
Texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët (Autres dessins, peintures, gravures à découvrir sur son site www.annie-claire.com)