Jazz live
Publié le 10 Nov 2024 • Par Xavier Prévost

Sophia Domancich Trio au Sunside

La pianiste présentait ce soir-là le premier concert d’un trio avec deux partenaires états-uniens du meilleur aloi, un groupe qui sera le lendemain au festival ‘Jazzdor’ de Strasbourg, deux jours après au festival ‘D’Jazz’ de Nevers, puis au studio Sextan de Malakoff pour enregistrer un disque

SOPHIA DOMANCICH Trio ‘Wishes’

Sophia Domancich (piano), Mark Helias (contrebasse), Eric McPherson (batterie)

Paris, Sunside, 9 novembre 2024, 21h30

Le trio joue beaucoup de nouvelles compositions de la pianiste. Intro feutrée sur un ostinato du piano et de la basse, qui se répondent. Dès l’abord la forme est riche, et pourtant très fluide. La batterie entre dans le dialogue par une foule de nuances, retenues et pourtant expressives. Au thème suivant, toujours loin du fracas, une introduction de contrebasse, à l’archet, dessine un nouveau paysage. Dans ces premiers titres gammes par tons et enchaînements de tierces mineures sont les outils d’une musique ouverte, qui circule librement en imposant sa singularité. Il n’y a pas d’effets mais de la densité musicale, permanente et vive. Les bavards et bavardes autour de moi (devant, à côté, derrière….) m’obligent à tendre l’oreille pour goûter chaque moment de musique. Heureusement cela se calmera, d’autant qu’au troisième thème un drive impétueux va contrer leurs nuisances. Cette composition résonne en moi comme un fantôme de Well You Needn’t de Monk, dont elle épouse les accents rythmiques et tutoie les harmonies. Interrogée à l’entracte, Sophia me dit qu’elle ne s’en pas rendu compte en le composant, mais que la parenté a surgi rétrospectivement. Tempo vif et cursivité aussi pour le morceau suivant, anguleux et fluide tout à la fois. Puis c’est une ballade sinueuse aux harmonies tendues à l’extrême, où les cymbales, pianississimo, instaurent des interludes souterrains qui exacerbent encore notre écoute. Ce serait comme l’esprit de My Funny Valentine revu par Béla Bartók. Le thème suivant, peu tonal, virevolte dans une sorte de ritournelle sérielle.

Après l’entracte, quel que soit le tempo des compositions, les improvisations de Sophia Domancich sortent toujours des sentiers battus et rebattus : ici nul cliché, nul prévisibilité ; cette absolue singularité est assurément la signature de la pianiste.Puis c’est une musique méditative, comme une marche harmonique vers le mystère avant le tempo suscité par la basse et la batterie. Ce trio est intensément vivant. On attend le disque, et d’autres concerts avec, déjà, une sorte d’impatience.

Comme toujours le chroniqueur quitte le club avant la fin du second set. Le dernier RER est déjà parti. Je sais que l’alternative par le métro, et un bus bondé (les tramways sont en travaux….) sera pénible. Mais la musique m’a consolé par anticipation.

Xavier Prévost