Jazz live
Publié le 26 Mar 2018

STEVE POTTS ALL STARS aux Ateliers du Chaudron

Aux Ateliers du Chaudron, à Ménilmontant, Steve Potts est chez lui. C'est là qu'il anime des ateliers de jazz, et là aussi qu'il se produit régulièrement, dans diverses configurations, pour deux concerts dominicaux.

STEVE POTTS & ALL STARS

Steve Potts (saxophones alto & soprano), Jobic Le Masson (piano), Jean Philippe Viret (contrebasse), Simon Goubert (batterie)

Paris, Ateliers du Chaudron, 25 mars 2018, 16h

Les concerts s’intitulent ‘Musique pour le dimanche’. Le premier est à 16h, le second à 19h. Plusieurs fois par an, Steve Potts y joue accompagné par le trio régulier de Jobic Le Masson (avec Peter Giron et John Betsch). Ils ont d’ailleurs enregistré en 2015 un disque en quartette (Jobic Le Masson + Steve Potts « Song », publié l’année suivante chez Enja). Cette fois c’est une autre rythmique qui est rassemblée autour du pianiste : on attendait Darryl Hall, ‘retenu par un problème de santé’, ce sera Jean Philippe Viret à la contrebasse. Le batteur, comme annoncé, sera Simon Goubert.

Pour la mise en jambes, le concert commence avec Bemsha Swing : Steve Potts, à l’alto, se met en condition. Les phrases se délient. Le solo de contrebasse commence par une walking bass rigoureuse sur la grille, puis se libère progressivement de la structure et du rythme. Sous ce solo Simon Goubert, aux balais, triture le 4 temps comme s’il voulait l’entraîner vers un 3 temps : échange de sourires complices avec le pianiste, lequel ensuite, dans son solo, cite le thème de la main gauche tandis que la droite improvise avec une certaine verve. Dans son solo, Simon Goubert accélère, puis ralentit : on s’amuse beaucoup, et les échanges de 8 mesures seront l’occasion de joyeuses embûches. Pour le thème suivant Steve Potts commence au soprano, dans un climat très modal. Après un break de batterie, le grille d’accord s’enrichit, le sax alto se fait volubile, et l’on est dans une ambiance qui rappelle un peu Milestones, et un instant j’ai cru que Steve Potts allait reprendre le début du formidable solo d’alto de Cannonball : mais ça n’était qu’un fantasme d’auditeur qui se perd dans ses souvenirs comme dans autant de rêves….

Vient ensuite Arcades, que le pianiste avait gravé en 2007 pour son disque « Hill » (Enja, 2008). Cela aurait pu s’intituler arcanes, car le développement est sinueux, comme le serait un chemin initiatique qui conduit au cœur du mystère. Steve Potts au soprano, qui n’a pas la partition sous les yeux, se perd dans l’unisson et joue pianissimo jusqu’à ce que la mémoire lui revienne : alors il affirme sa phrase d’un forte décisif. Après un interlude de basse, l’histoire se raconte en dialogues croisés, jusqu’à la coda où la batteur cherche des yeux la partition pour coller au texte : quand il a remis ses lunettes, tout rentre dans l’ordre conclusif. Retour au sax alto, et à une composition de Steve Potts : la liberté atteint son plein régime, entre dialogue, soutien, relance et pur plaisir du jeu. Nous sommes conviés à une joute intime entre les musiciens, spectateurs-auditeurs étonnés et ravis. Le thème qui suit, annoncé par le saxophoniste comme le dernier du concert, commence par un ostinato du piano qui va se prolonger, en boucle, pour laisser au batteur le temps de retrouver la partition, et les indispensables lunettes : sur cette composition de Jobic Le Masson, le pianiste va donner toute la mesure de sa verve, avec un jeu très enflammé, où Dollar Brand/Abdullah Ibrahim rencontrerait Stravinski au détour d’accords violemment rythmés, à quoi le batteur répond par un solo explosif. Steve Potts semble porté par cette effervescence, et la contrebasse conclura par une improvisation sur l’ostinato initial, dont le retour annonce une proche fin de partie. Dans les applaudissements de fin, Steve Potts enchaîne avec un groove entêtant, qui permet de présenter chaque musicien pour un ultime solo : là Simon Goubert ouvre les vannes d’une polyrythmie infernale, qui se prolongera par un solo de basse, à l’archet, totalement en phase avec la tension rythmique. Et Steve Potts fermera le ban en jouant simultanément des deux sax, à la Roland Kirk : ce fut un beau moment de musique vraiment vivante !

Xavier Prévost

https://www.ateliersduchaudron.net/