Jazz live
Publié le 10 Déc 2023

Sylvain Cathala & Print au Triton

Un concert de sortie anticipé (le CD, intitulé «Secrets for You» sortira officiellement le 2 février, mais il est en vente à l’issue du concert), et un moment de musique très intense pour le retour de ce groupe à géométrie variable, toujours novateur, et au socle immuable

PRINT ‘SECRETS FOR YOU’

Sylvain Cathala (saxophone ténor, composition), Stéphane Payen (saxophone alto), Benjamin Moussay (piano, piano modulaire, synthétiseur basse), Jean-Philippe Morel (contrebasse), Franck Vaillant (batterie)

Les Lilas, Le Triton, 9 décembre 2023, 20h30

Plaisir de retrouver Print : ce fut pour moi d’abord une découverte de la première mouture de ce groupe suscité par Sylvain Cathala, en 1998 au Concours National de Jazz de La Défense (Stéphane Payen était déjà de la partie), et plus tard un accueil de ‘Print and Friends’ en 2008 à Radio France pour un concert ‘Jazz sur le Vif’. Le ‘noyau dur’, avec Jean-Philippe Morel et Franck Vaillant, était déjà là depuis quelques années. Et bien sûr, au fil des ans, des disques que j’ai écoutés, diffusés sur France Musique, puis chroniqués dans la presse virtuelle, et des concerts auxquels j’ai assisté. Cette fois le groupe est rejoint, comme déjà par le passé, par Benjamin Moussay, avec son ‘piano augmenté’. Le concert commence par la projection d’un clip du groupe, d’une dizaine de minutes, réalisé par Fred Poulet. À l’image des formes mobiles, effervescentes et colorées

Et pour la bande son l’entrée de la contrebasse à l‘archet, rejointe par les autres instruments, pour un voyage sonore et visuel plein d’étrangeté et de surprises (lien vers le clip ici). Puis le groupe arrive sur scène, présenté par le Maître de céans, Jean Pierre Vivante, sur un mode d’humour décalé. Après un intermède (imprévu?) pour oubli et confusion de lunettes des deux saxophonistes (qui disparaissent brièvement en coulisse), la fête commence. Les lunettes ne sont pas superflues car il y a de la musique à lire, et pourtant tout cela surgit avec une sorte d’évidence : la liberté est également conviée

La musique se déploie en éléments segmentés, anguleux, entremêlés d’euphonie, de douceur expressive. Les rythmes se superposent, s’affrontent et se conjuguent, dans une sorte de dramaturgie qui semble naturelle. Les traits mélodiques et les harmonies sont au diapason de ce mouvement qui s’emballe ou se réfrène, selon les instants

Comme une succession de fractures et de sutures, c‘est vertigineux : on tutoie l’inouï. Dans cette organisation presque diabolique les solistes ont leur place : furieux duo entre le sax alto et la batterie, échange haletant entre la basse et le piano, dialogues transversaux, orchestrés par le sax ténor : le public, d’abord surpris, adhère vite avec un enthousiasme qu’il manifeste très chaleureusement, jusqu’à le fin du concert pour rappel infiniment désiré. L‘amateur que je suis est comblé : quel boulot mes Amis : un Grand Art qui regarde l’avenir sans oublier ce qu’il doit au passé, proche ou plus lointain, de cette musique.

Xavier Prévost