Talos Festival, Ruvo di Puglia, Italie, 14/09.
Talos Festival, Ruvo di Puglia, Italie, 14/09.
Le concert de fin d’après-midi coïncidait malheureusement avec l’heure de ma sieste mais on m’en parla en termes émouvants : Vincenzo Deluci, trompettiste paraplégique suite à un accident de voiture a réussi depuis quelques années à démarrer une nouvelle carrière grâce à une technologie adaptée (trompette à coulisse, ordinateur à commande visuelle) et proposait une œuvre pour trompette et choeur féminin particulièrement prenante selon les spectateurs que j’ai pu rencontrer.
En début de soirée on se retrouve sur la Piazza Le Monache pour un nouveau duo : Gabriele Mirabassi (cl) et Roberto Taufic (g) — quasi inconnus au nord des Alpes, est-il besoin de le préciser ? Deux virtuoses qui font couler la musique sous leurs doigts avec une aisance suprême et une complicité enthousiasmante. Thèmes italiens et brésiliens (Taufic, né au Honduras, a vécu son enfance au Brésil), traditionnels ou savants, enlevés ou langoureux, toujours remplis de cette poésie qui anime ces deux adepts de l’émotion vraie sans laquelle la musique n’est souvent que mathématiques appliquées. Mirabassi évoquera à plusieurs reprises avec passion ce Brésil qui a fait basculer sa vie musicale et personnelle, et le voyage auquel il nous convia en compagnie de son collègue guitariste/percussionniste (sur la caisse de son instrument) n’eut jamais recours aux clichés tropicalistes souvent associés aux airs d’un pays qui dépasse en taille l’Italie et la France réunies, voire une large portion de la vieille Europe.
A ce propos, on peut s’étonner que le Talos Festival invite essentiellement des musiciens italiens ou du pourtour méditerranéen. Mais qui, ailleurs, prend en compte la veine esthétique qui traverse ces contrées ? Tournés vers les USA, le nord de l’Europe ou les petits surdoués issus des conservatoires prestigieux, la plupart des programmateurs européens ont délaissé ce qui vibre autour de la Mare Nostrum des Romains antiques. (Prenez par exemple le saxophoniste/flûtiste espagnol Jorge Pardo, élu « musicien européen de l’année » — pas moins — par l’Académie du Jazz en janvier dernier. Résultat : un concert — pas un de plus — dans un festival français en octobre prochain !)
Mais revenons à Ruvo di Puglia et à la Piazza Le Monache, qui accueille en seconde partie les Macédoniens du Kocani Orkestar. Il est intéressant d’entendre cet ensemble — l’une des plus célèbres parmi ces formations « typique », dans la lignée de celles auxquelles nous ont habitué les films d’Emir Kusturica — dans un contexte où les bande (les orchestres de cuivres et de vents italiens) font partie du paysage ordinaire. Mêlant trompettes, tubas, anches, accordéon, percussions et voix, le Kocani Orkestar joue sans la moindre partition et impressionne par sa puissance de souffle et par le mélange de force brute, de complexité rythmique et de lyrisme qu’il dégage. Quand il se mêle au public à mi-concert, le geste laisse rarement indifférent et contribue à faire bouger les corps. Mais on peut ne pas partager de façon inconditionnelle l’enthousiasme de Pino Minafra envers ce type de formation balkanique, qu’on retrouvera sur scène le lendemain. Fraternité trans-Adriatique, certes. Mais quelques amis originaires des Pouilles me disent que les musiciens et groupes de l’est européen ont abondamment écumé le sud de l’Italie ces dernières décennies et que — fruits de l’émigration albanaise des années 90, entre autres — certains se sont intégrés au paysage local depuis des lustres. Dans ce contexte, le Kocani Orkestar semble à certains avoir perdu de son authenticité et de son impact initial. Parallèlement, le « revival » de la musique folklorique italienne (quasi moribonde dans les années 50) est passé par des phases militantes et volontaristes, puis de plus en plus artificielles ces derniers temps. Par ailleurs vouloir réunir le Kocani Orkestar et les Roumains de Taraf de Haïdouks sous l’appellation « Band of Gypsies » — alors qu’une rencontre avec une banda locale aurait semblé plus stimulante (mais est-ce possible : les orchestres locaux jouent une musique écrite, accessible mais non dansante, issue en grande partie du répertoire opératique italien qu’ils ont popularisé dans les campagnes depuis plus d’un siècle) —, n’est-ce pas enfermer ces Gitans dans un ghetto exotique, si sympathique soit-il ? Autant de questions à poser au directeur artistique du Talos Festival, en attendant la soirée de ce dimanche.
Thierry Quénum
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Talos Festival, Ruvo di Puglia, Italie, 14/09.
Le concert de fin d’après-midi coïncidait malheureusement avec l’heure de ma sieste mais on m’en parla en termes émouvants : Vincenzo Deluci, trompettiste paraplégique suite à un accident de voiture a réussi depuis quelques années à démarrer une nouvelle carrière grâce à une technologie adaptée (trompette à coulisse, ordinateur à commande visuelle) et proposait une œuvre pour trompette et choeur féminin particulièrement prenante selon les spectateurs que j’ai pu rencontrer.
En début de soirée on se retrouve sur la Piazza Le Monache pour un nouveau duo : Gabriele Mirabassi (cl) et Roberto Taufic (g) — quasi inconnus au nord des Alpes, est-il besoin de le préciser ? Deux virtuoses qui font couler la musique sous leurs doigts avec une aisance suprême et une complicité enthousiasmante. Thèmes italiens et brésiliens (Taufic, né au Honduras, a vécu son enfance au Brésil), traditionnels ou savants, enlevés ou langoureux, toujours remplis de cette poésie qui anime ces deux adepts de l’émotion vraie sans laquelle la musique n’est souvent que mathématiques appliquées. Mirabassi évoquera à plusieurs reprises avec passion ce Brésil qui a fait basculer sa vie musicale et personnelle, et le voyage auquel il nous convia en compagnie de son collègue guitariste/percussionniste (sur la caisse de son instrument) n’eut jamais recours aux clichés tropicalistes souvent associés aux airs d’un pays qui dépasse en taille l’Italie et la France réunies, voire une large portion de la vieille Europe.
A ce propos, on peut s’étonner que le Talos Festival invite essentiellement des musiciens italiens ou du pourtour méditerranéen. Mais qui, ailleurs, prend en compte la veine esthétique qui traverse ces contrées ? Tournés vers les USA, le nord de l’Europe ou les petits surdoués issus des conservatoires prestigieux, la plupart des programmateurs européens ont délaissé ce qui vibre autour de la Mare Nostrum des Romains antiques. (Prenez par exemple le saxophoniste/flûtiste espagnol Jorge Pardo, élu « musicien européen de l’année » — pas moins — par l’Académie du Jazz en janvier dernier. Résultat : un concert — pas un de plus — dans un festival français en octobre prochain !)
Mais revenons à Ruvo di Puglia et à la Piazza Le Monache, qui accueille en seconde partie les Macédoniens du Kocani Orkestar. Il est intéressant d’entendre cet ensemble — l’une des plus célèbres parmi ces formations « typique », dans la lignée de celles auxquelles nous ont habitué les films d’Emir Kusturica — dans un contexte où les bande (les orchestres de cuivres et de vents italiens) font partie du paysage ordinaire. Mêlant trompettes, tubas, anches, accordéon, percussions et voix, le Kocani Orkestar joue sans la moindre partition et impressionne par sa puissance de souffle et par le mélange de force brute, de complexité rythmique et de lyrisme qu’il dégage. Quand il se mêle au public à mi-concert, le geste laisse rarement indifférent et contribue à faire bouger les corps. Mais on peut ne pas partager de façon inconditionnelle l’enthousiasme de Pino Minafra envers ce type de formation balkanique, qu’on retrouvera sur scène le lendemain. Fraternité trans-Adriatique, certes. Mais quelques amis originaires des Pouilles me disent que les musiciens et groupes de l’est européen ont abondamment écumé le sud de l’Italie ces dernières décennies et que — fruits de l’émigration albanaise des années 90, entre autres — certains se sont intégrés au paysage local depuis des lustres. Dans ce contexte, le Kocani Orkestar semble à certains avoir perdu de son authenticité et de son impact initial. Parallèlement, le « revival » de la musique folklorique italienne (quasi moribonde dans les années 50) est passé par des phases militantes et volontaristes, puis de plus en plus artificielles ces derniers temps. Par ailleurs vouloir réunir le Kocani Orkestar et les Roumains de Taraf de Haïdouks sous l’appellation « Band of Gypsies » — alors qu’une rencontre avec une banda locale aurait semblé plus stimulante (mais est-ce possible : les orchestres locaux jouent une musique écrite, accessible mais non dansante, issue en grande partie du répertoire opératique italien qu’ils ont popularisé dans les campagnes depuis plus d’un siècle) —, n’est-ce pas enfermer ces Gitans dans un ghetto exotique, si sympathique soit-il ? Autant de questions à poser au directeur artistique du Talos Festival, en attendant la soirée de ce dimanche.
Thierry Quénum
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Talos Festival, Ruvo di Puglia, Italie, 14/09.
Le concert de fin d’après-midi coïncidait malheureusement avec l’heure de ma sieste mais on m’en parla en termes émouvants : Vincenzo Deluci, trompettiste paraplégique suite à un accident de voiture a réussi depuis quelques années à démarrer une nouvelle carrière grâce à une technologie adaptée (trompette à coulisse, ordinateur à commande visuelle) et proposait une œuvre pour trompette et choeur féminin particulièrement prenante selon les spectateurs que j’ai pu rencontrer.
En début de soirée on se retrouve sur la Piazza Le Monache pour un nouveau duo : Gabriele Mirabassi (cl) et Roberto Taufic (g) — quasi inconnus au nord des Alpes, est-il besoin de le préciser ? Deux virtuoses qui font couler la musique sous leurs doigts avec une aisance suprême et une complicité enthousiasmante. Thèmes italiens et brésiliens (Taufic, né au Honduras, a vécu son enfance au Brésil), traditionnels ou savants, enlevés ou langoureux, toujours remplis de cette poésie qui anime ces deux adepts de l’émotion vraie sans laquelle la musique n’est souvent que mathématiques appliquées. Mirabassi évoquera à plusieurs reprises avec passion ce Brésil qui a fait basculer sa vie musicale et personnelle, et le voyage auquel il nous convia en compagnie de son collègue guitariste/percussionniste (sur la caisse de son instrument) n’eut jamais recours aux clichés tropicalistes souvent associés aux airs d’un pays qui dépasse en taille l’Italie et la France réunies, voire une large portion de la vieille Europe.
A ce propos, on peut s’étonner que le Talos Festival invite essentiellement des musiciens italiens ou du pourtour méditerranéen. Mais qui, ailleurs, prend en compte la veine esthétique qui traverse ces contrées ? Tournés vers les USA, le nord de l’Europe ou les petits surdoués issus des conservatoires prestigieux, la plupart des programmateurs européens ont délaissé ce qui vibre autour de la Mare Nostrum des Romains antiques. (Prenez par exemple le saxophoniste/flûtiste espagnol Jorge Pardo, élu « musicien européen de l’année » — pas moins — par l’Académie du Jazz en janvier dernier. Résultat : un concert — pas un de plus — dans un festival français en octobre prochain !)
Mais revenons à Ruvo di Puglia et à la Piazza Le Monache, qui accueille en seconde partie les Macédoniens du Kocani Orkestar. Il est intéressant d’entendre cet ensemble — l’une des plus célèbres parmi ces formations « typique », dans la lignée de celles auxquelles nous ont habitué les films d’Emir Kusturica — dans un contexte où les bande (les orchestres de cuivres et de vents italiens) font partie du paysage ordinaire. Mêlant trompettes, tubas, anches, accordéon, percussions et voix, le Kocani Orkestar joue sans la moindre partition et impressionne par sa puissance de souffle et par le mélange de force brute, de complexité rythmique et de lyrisme qu’il dégage. Quand il se mêle au public à mi-concert, le geste laisse rarement indifférent et contribue à faire bouger les corps. Mais on peut ne pas partager de façon inconditionnelle l’enthousiasme de Pino Minafra envers ce type de formation balkanique, qu’on retrouvera sur scène le lendemain. Fraternité trans-Adriatique, certes. Mais quelques amis originaires des Pouilles me disent que les musiciens et groupes de l’est européen ont abondamment écumé le sud de l’Italie ces dernières décennies et que — fruits de l’émigration albanaise des années 90, entre autres — certains se sont intégrés au paysage local depuis des lustres. Dans ce contexte, le Kocani Orkestar semble à certains avoir perdu de son authenticité et de son impact initial. Parallèlement, le « revival » de la musique folklorique italienne (quasi moribonde dans les années 50) est passé par des phases militantes et volontaristes, puis de plus en plus artificielles ces derniers temps. Par ailleurs vouloir réunir le Kocani Orkestar et les Roumains de Taraf de Haïdouks sous l’appellation « Band of Gypsies » — alors qu’une rencontre avec une banda locale aurait semblé plus stimulante (mais est-ce possible : les orchestres locaux jouent une musique écrite, accessible mais non dansante, issue en grande partie du répertoire opératique italien qu’ils ont popularisé dans les campagnes depuis plus d’un siècle) —, n’est-ce pas enfermer ces Gitans dans un ghetto exotique, si sympathique soit-il ? Autant de questions à poser au directeur artistique du Talos Festival, en attendant la soirée de ce dimanche.
Thierry Quénum
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Talos Festival, Ruvo di Puglia, Italie, 14/09.
Le concert de fin d’après-midi coïncidait malheureusement avec l’heure de ma sieste mais on m’en parla en termes émouvants : Vincenzo Deluci, trompettiste paraplégique suite à un accident de voiture a réussi depuis quelques années à démarrer une nouvelle carrière grâce à une technologie adaptée (trompette à coulisse, ordinateur à commande visuelle) et proposait une œuvre pour trompette et choeur féminin particulièrement prenante selon les spectateurs que j’ai pu rencontrer.
En début de soirée on se retrouve sur la Piazza Le Monache pour un nouveau duo : Gabriele Mirabassi (cl) et Roberto Taufic (g) — quasi inconnus au nord des Alpes, est-il besoin de le préciser ? Deux virtuoses qui font couler la musique sous leurs doigts avec une aisance suprême et une complicité enthousiasmante. Thèmes italiens et brésiliens (Taufic, né au Honduras, a vécu son enfance au Brésil), traditionnels ou savants, enlevés ou langoureux, toujours remplis de cette poésie qui anime ces deux adepts de l’émotion vraie sans laquelle la musique n’est souvent que mathématiques appliquées. Mirabassi évoquera à plusieurs reprises avec passion ce Brésil qui a fait basculer sa vie musicale et personnelle, et le voyage auquel il nous convia en compagnie de son collègue guitariste/percussionniste (sur la caisse de son instrument) n’eut jamais recours aux clichés tropicalistes souvent associés aux airs d’un pays qui dépasse en taille l’Italie et la France réunies, voire une large portion de la vieille Europe.
A ce propos, on peut s’étonner que le Talos Festival invite essentiellement des musiciens italiens ou du pourtour méditerranéen. Mais qui, ailleurs, prend en compte la veine esthétique qui traverse ces contrées ? Tournés vers les USA, le nord de l’Europe ou les petits surdoués issus des conservatoires prestigieux, la plupart des programmateurs européens ont délaissé ce qui vibre autour de la Mare Nostrum des Romains antiques. (Prenez par exemple le saxophoniste/flûtiste espagnol Jorge Pardo, élu « musicien européen de l’année » — pas moins — par l’Académie du Jazz en janvier dernier. Résultat : un concert — pas un de plus — dans un festival français en octobre prochain !)
Mais revenons à Ruvo di Puglia et à la Piazza Le Monache, qui accueille en seconde partie les Macédoniens du Kocani Orkestar. Il est intéressant d’entendre cet ensemble — l’une des plus célèbres parmi ces formations « typique », dans la lignée de celles auxquelles nous ont habitué les films d’Emir Kusturica — dans un contexte où les bande (les orchestres de cuivres et de vents italiens) font partie du paysage ordinaire. Mêlant trompettes, tubas, anches, accordéon, percussions et voix, le Kocani Orkestar joue sans la moindre partition et impressionne par sa puissance de souffle et par le mélange de force brute, de complexité rythmique et de lyrisme qu’il dégage. Quand il se mêle au public à mi-concert, le geste laisse rarement indifférent et contribue à faire bouger les corps. Mais on peut ne pas partager de façon inconditionnelle l’enthousiasme de Pino Minafra envers ce type de formation balkanique, qu’on retrouvera sur scène le lendemain. Fraternité trans-Adriatique, certes. Mais quelques amis originaires des Pouilles me disent que les musiciens et groupes de l’est européen ont abondamment écumé le sud de l’Italie ces dernières décennies et que — fruits de l’émigration albanaise des années 90, entre autres — certains se sont intégrés au paysage local depuis des lustres. Dans ce contexte, le Kocani Orkestar semble à certains avoir perdu de son authenticité et de son impact initial. Parallèlement, le « revival » de la musique folklorique italienne (quasi moribonde dans les années 50) est passé par des phases militantes et volontaristes, puis de plus en plus artificielles ces derniers temps. Par ailleurs vouloir réunir le Kocani Orkestar et les Roumains de Taraf de Haïdouks sous l’appellation « Band of Gypsies » — alors qu’une rencontre avec une banda locale aurait semblé plus stimulante (mais est-ce possible : les orchestres locaux jouent une musique écrite, accessible mais non dansante, issue en grande partie du répertoire opératique italien qu’ils ont popularisé dans les campagnes depuis plus d’un siècle) —, n’est-ce pas enfermer ces Gitans dans un ghetto exotique, si sympathique soit-il ? Autant de questions à poser au directeur artistique du Talos Festival, en attendant la soirée de ce dimanche.
Thierry Quénum