Jazz live
Publié le 26 Fév 2025

Théâtre Michel Portal: Salut Bayoune pour Sylvain

Plus d’une minute d’applaudissements non stop sur la scène du Théâtre Michel Portal en forme de coda à un concert célébration du musicien Sylvain Luc dans sa ville natale, sa ville de coeur. Pareille explosion reprenait la partition, applaudissements en forme de catharsis sonore d’une minute de silence, que jouent les rugbymen en cérémonial sur le pré, le terrain, leur scène à eux avant le match lorsqu’ils s’agit de célébrer la mémoire d’un coéquipier absent pour cause de disparition – au passage faut-il encore noter que les deux premiers concerts d’une série hommage à Sylvain Luc, celui du Châtelet comme celui de Bayonne se sont tenus en simultané horaire avec un match du XV tricolore dans le Tournoi des Six Nations. Au final d’un déroulé musical polymorphe, ce feu d’artifice de « palmas », battements de mains mutés de battements de coeur côté public témoignait d’une émotion intense. sous la photo géante du guitariste jouant, manche tournée vers le bas comme dans une tentative de tendre ses cordes, les faire résonner vers sa terre générique. Une improvisation de plus. 

Francis Darizcuren (g), Laurent Chavoit (b), Gérard Luc, Didier Ithursarry (acco)

Car, est-il besoin de le préciser, de la musique y eut en cette « tarde » fleuve entre Nive et Adour. Du fandango, de la tradition, de la mélodie, de la chanson, du jazz, des standards, de l’improvisation, du classique, des ryhmes en forme  d’appel à la danse basque et pas que sur des temps pairs ou impairs, de la guitare bien sur et même de la mandoline, clin d’oeil direct aux doigtés improbables du plus jeune de la tribu musicienne des « Luc Brothers »  Avec, d’abord  figures amicales en défilés des anciens, partis faire le métier à Paris tels le bassiste et violoniste Francis Darizcuren ou le pianiste Gérard Daguerre musiciens ayant exercé le métier sur les planches ou en studio derrière Barbara, Aznavour et consort ou dans des clubs de jazz des seventies. Un enseignant du Conservatoire de Bayonne aussi, dont Sylvain Luc sortit lauréat, Joel Merah, compositeur et protagoniste de mandolines de tailles diverses. Le prof de guitare ensuite des apprentis Sylvain Luc et Jean-Marie Ecay -présent lui sur scène pour revisiter en acoustique deux thèmes de son pote Sylvain- Michel Ducau, instrumentiste, arrangeur, compositeur référence en terres basques des deux côtés des Pyrénées.

Michel Ducau (alboka), Sébastien Luc (g)
Marc Tambourindeguy

Marc Tambourindéguy, pianiste et par ailleurs directeur artistique de l’Anglet Jazz Festival avec un complice de toujours de Sylvain, Pierre Olivier « POP’S » Pouzet au vibraphone, Pascal Segala, batterie, Laurent Chavoit à la basse, pour un « On Green Dolphin Street » ou « Estate » sanctifiants le standard. Didier Ithursarry, accordéon en brio prolixe de musiques plurielles.

Bernard Lubat

Et Bernard Lubat encore, qui fit du Lubat, de l’Uzeste musical sur les planches, du rythme engendré à coup de sa béquille (fracture de la malléole malencontreuse suite à une glissade sur le bitume trempé d’une rue de son village festival) jusqu’à une impro voyageant libre du bebop à un free libératoire au piano. Sans parler de la sonate pour guitare « Valentine » délicatement interprétée par Marylise Florid Luc, écrite spécialement par Sylvain pour sa « Muse »

Marylise Florid (g), Jean marie Ecay (g), Pascal Segala, Romain Luc (dm)

Sans oublier bien sur la contribution majeure de la « Luc family », les neveux Romain le batteur, Sébastien le guitariste et Gérard,  l’ainé accordéoniste, ami privilégié de Marcel Azzola. On le connaissait dépositaire, exécuteur testamentaire d’airs de la chanson traditionnelle basque (La berceuse) On le découvre en re-visite de chansons de Michel Legrand, héritage d’un travail de son frère cadet effectué à la demande du compositeur culte de BO du cinéma Et du monde de la Chanson. 

Gérard Luc, Didier Ithursarry (acco), Joel Merah (mandoline)

Bref, une énumération un peu fastidieuse certes, on le concède, d’un moment musical qui ne le fut pas. Bien au contraire. Le concert de « palmas » -référence indirecte à un des fondements  du flamenco, rare genre qui soit dit en passant n’a jamais inspiré Syvain Luc question guitare) en point d’orgue en atteste si besoin était. 

Avec, bonus en final un chant de toujours, hymne à la cité fortifiées par Vauban, « Salut Bayoune » aux paroles gasconnes, lancée par les musiciens protagonistes du jour, puis repris en choeur par le public – les plus anciens sans doute…- sous les notes de l’accordéon de Gérard, frangin ainé rescapé. Au passage, j’en ai été témoin, dans la salle d’honneur de l’Hotel de Ville contigu à la Scène Nationale, Michel Portal il y a quelques années, le jour de l’inauguration de cette salle de Théâtre qui porte désormais son nom, avait lui même entonné ce chant sous la poussée d’un vieux complice pianiste d’un « jazz band » de leurs jeunesses musicales communes sur la Côte Basque. Une pensée pour Michel Portal…

Robert Latxague

(Photos Robert Latxague & Jacques Canet)