Tremplin Jazz Contreband, au risque de la consanguinité
Le 13 Octobre dernier, l’Esplanade du Lac, théâtre municipal de Divonne en Pays de Gex, accueillait le Troisième Tremplin du festival JazzContreBand et son jury présidé par Louis Sclavis qui a décerné son prix au quartette du guitariste Louis Matute.
Ci-dessus, vainqueur du tremplin, Louis Matute Quartet (de gauche à droite: Virgile Rosselet, Louis Matute, Nathan Vandenbulcke, Léon Phal) © Ann Kondziela
Six groupes avaient été retenus pour jouer devant un jury présidé par le clarinettiste Louis Sclavis et composé du pianiste Alfio Origlio, des journalistes Fabrice Gottraux (Tribune de Genève) et moi-même pour Jazz Magazine, plus quatre partenaires de l’association JazzContreBand : le saxophoniste et directeur de l’ETM (école de musique actuelle de Genève) Stefano Saccon, Christine Debruères (Association genevoise des musiciens de jazz et One More Time), Jean-Claude Rochat (le Chorus de Lausanne) et Alain Morhange (Les Carrés d’Annecy).
Dominée par les brillants étudiants de l’Hemu (Haute Ecole de Musique) de Lausanne, l’épreuve fut l’occasion d’un joli jeu de chaises musicales qui vit le contrebassiste Yves Marcotte (déjà remarqué auprès du trompettiste Shems Bendali) donner la réplique auprès du batteur François Christe au sein du quintette du vibraphoniste Lennie Torgue (intéressante suite évoquant les univers d’Eric Dolphy, Bobby Hutcherson, Andrew Hill et le premier Lifetime de Tony Williams), au sein de l’AA Trio du pianiste Andrew Audiger (déjà candidat de la première édition, aujourd’hui pianiste de Shems Bendali) ainsi qu’avec le saxophoniste Antoine Favennec (où il retrouvait Gauthier Toux qui voici trois ans concourrait avec le même Bendali)…
Au sein du Favennec Quintet, on retrouvait un batteur qui s’était déjà fait remarquer lors des précédentes éditions, le jeune Nathan Vandenbulcke, d’une souplesse polyrythmique et d’une palette dynamique admirables, ainsi que le guitariste du groupe suivant vainqueur du tremplin, Louis Matute, chez qui l’on retrouvait le même Vandenbulcke et un certain Léon Phal, saxophoniste dont le quintette remportait cet été à Jazz à Vienne le tremplin RéZZo-Focal (avec un certain Gauthier Toux au piano).
Brillants étudiants, parfois “trop” (pas tant d’ailleurs pour leur présence scénique inscrite à la liste de critères soumises au jury). À la complexité de l’écriture, notamment rythmique, au détriment de la décontraction et de la projection de leur art, le jury a préféré le naturel mélodique des compositions proposées à son quartette par Louis Matute, qui réjouira le public de l’édition 2020 de JazzContreBand, plus particulièrement des six des vingt-huit lieux associés à la manifestation qui accueilleront le lauréat de part et d’autre de la frontière franco-suisse, à quoi s’ajoute une programmation au prochain Jazz à Vienne sur la scène de Cybèle.
À l’écart de cette exercice de consanguinité, venu de Lyon, le jeune pianiste Noé Sécula (19 ans), déjà remarqué dans ce même tremplin en 2018, a retenu l’attention du jury à la tête de son trio, pour la richesse de son langage, fortement marqué par Brad Mehldau, de son vocabulaire à son approche très romantique au sens “littéraire” du terme. Une mention “coup de cœur du jury” devrait lui profiter auprès des programmateurs de la région.
Grand final de Jazz Contreband le 29 octobre à l’Alhambra de Genève avec Seed, sextette électro-jazz du batteur Maxence Sibille, avec des personnalités déjà bien en vue tels le trompettiste Tomasz Dabrowski, Gauthier Toux au piano, Matthieu Lodra au Rhodes, Julien Herné à la basse et Valentin Liechti aux machines. Deuxième partie avec la chanteuse Krystle Warren et le pianiste Eric Legnini entourés du contrebassiste Thomas Bramerie et du batteur Franck Agulhon.
Franck Bergerot