Jazz live
Publié le 18 Juil 2015

Umbria Jazz (VI), Pérouse, Ombrie, Italie. 17 juillet.

Dianne Reeves, j’ai fini par si bien la connaître que je ne viens à ses concert que pour vérifier si elle a toujours la capacité de surprendre un vieux fan — et a fortiori des adeptes plus récents. Je n’écoute plus ses disques — toujours produits de façon trop léchée à mon goût et sans commune mesure avec ses prestations live. Non, je viens la tester, tapi derrière un pilier, ou caché par un rideau, ne sortant de l’ombre, en fin de concert, que pour aller la féliciter ou pour m’esquiver en catimini si elle m’a déçu.

Teatro Morlacchi: Dianne Reeves; Bill Frisell; Arena Santa Giuliana: Caetano Veloso & Gilberto Gil; Spokfrevo Orquestra.

Aujourd’hui, après la Cassandra Wilson de la veille au soir, il lui sera difficile de marquer un festival qui l’a souvent accueillie. A moins que la proximité de « la concurrence » ne dope un talent qu’elle a souvent tendance à laisser en friche. Mais en fait les deux chanteuses sont aux antipodes, stylistiquement parlant, et la concurrence entre elles n’existe pas. Dianne Reeves, c’est une puissance et une tessiture hors du commun mises au service d’un art de la diction et de la nuance qui semble ne pas avoir de limites. D’où le risque de se perdre dans un répertoire fourre-tout et des vocalises emphatiques. Entourée d’un groupe immuable et qui la connaît par cœur — mais abusivement sonorisé —, elle ne prend cet après-midi pas beaucoup de risques et termine son premier morceau par un scat africanisant rebattu. La suite ressemble étrangement au précédent concert que j’ai vu d’elle et je me dis, en suivant le bon vieux principe du less is more, que c’est quand la chanteuse a tourné avec pour seuls partenaires les deux extraordinaires guitaristes que sont Russell Malone et Romero Lubambo que Dianne Reeves a atteint le sommet de ses possibilités. En puissance ? Non : en finesse, en variété du répertoire, en empathie harmonique et rythmique avec ses douze cordes de luxe, en capacité à surprendre par des sautes de registre vraiment spontanées. En diannereevesitude pleinement assumée, quoi ! Mais je commence à me lasser d’écrire ce papier derrière un pilier qui ne m’a même pas été présenté…

A l’Arena Santa Giuliana, la soirée commence avec les Brésiliens Gilberto Gil et Caetano Veloso, qui font salle comble (les Italiens adorent les Brésiliens, m’explique un ami). Pas vraiment ma tasse de thé, la musique brésilienne (excepté Hermeto Pascoal). De plus — tout simplement — je ne sais pas écrire à son propos. Allons voir tout de même !

Deux hommes, deux voix, deux guitares acoustiques et des mélodies plutôt touchantes et fort bien ficelées sur le plan harmonique et rythmique… à tel point que les petits marioles qui sont toujours tentés de taper dans leurs mains et à côté de la plaque à la moindre occasion renoncent rapidement, et font un bien fou à leurs paumes… et à nos oreilles. Mais bon : je décroche assez vite et, en attendant la suite, je cherche une activité qui m’évite de sombrer dans l’oisiveté (mère de tout Levi’s, comme chacun sait). Mais pendant que je vaque, attendant de pouvoir entendre au moins un bout du programme de l’orchestre suivant — réputé fracassant : le Spokfrevo Orquestra, venu en droite ligne de Recife, dans l’état du Pernambouc, au Brésil aussi — les deux guitaristes-chanteurs vedettes s’éternisent sur scène, encouragés par une foule en délire qui chante et danse, sans aucun respect pour les autres musiciens qui attendent leur tour. Pour moi, en tout cas, l’heure approche de crapahuter jusqu’au Morlacchi, où doit jouer Bill Frisell. Pas de Spokfrevo Orquestra, donc, pour le critique curieux qui, dans un élan iconoclaste irrépressible, voue aux gémonies les monopolisateurs de scène et leur public idolâtre.

Le quartet « Guitars in the Space Age » du guitariste américain débute par un thème laid back à souhait d’où émerge un somptueux solo tandis que la basse placide de Tony Scheer ponctue les barres de mesures, secondée par le drumming économique de Kenny Wollensen. La pedal steel guitar joue dans tout cela un rôle de contrechant fluide fort bienvenu. Nous voilà déjà peu ou prou dans l’espace, en quelque sorte, avec ces sons étirés, ces boucles mélodiques, ces relents hawaïens… proches d’une certaine vision de l’harmonie des sphères. Suit « Shenandoah », hymne bien connu sur lequel le groupe fait monter la tension sans que quiconque intervienne en soliste. Une sacrée performance — sur une trame mélodique aussi mince — mais qui laisse deviner que si les choses continuent ainsi, l’ennui ne tardera pas à pointer son nez. Car, soyons honnête, les possibilités d’arrangement pour un quartet à deux guitares sur ce type de répertoire, ne sont pas infinies et le morceau enlevé qui suit, dans la veine cowboys en goguette (cataclop, cataclop), illustre assez bien les limites du genre. Amusant, si l’on possède le stetson et les éperons… Et la rengaine des Byrds « Turn, Turn, Turn » qui suit constitue pour moi une sorte de degré zéro de l’intérêt mélodique, auquel la façon dont le guitariste la joue n’apporte pas grand chose. Bref, Frisell est bel et bien immergé dans cette americana qui lui tient tant à cœur. Il n’a rien à faire d’être — ou non — encore classé « jazz » (et c’est bien son droit) et il mène sa barque avec une sincérité un brin monomaniaque à laquelle j’ai personnellement un peu de mal à adhérer. Pourtant, alors même que je me retire sur la pointe des pieds, je conserve pour ce qu’a pu faire par le passé ce grand guitariste un immense respect mêlé d’affection. Souvenirs, souvenirs… Thierry Quénum

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Dianne Reeves, j’ai fini par si bien la connaître que je ne viens à ses concert que pour vérifier si elle a toujours la capacité de surprendre un vieux fan — et a fortiori des adeptes plus récents. Je n’écoute plus ses disques — toujours produits de façon trop léchée à mon goût et sans commune mesure avec ses prestations live. Non, je viens la tester, tapi derrière un pilier, ou caché par un rideau, ne sortant de l’ombre, en fin de concert, que pour aller la féliciter ou pour m’esquiver en catimini si elle m’a déçu.

Teatro Morlacchi: Dianne Reeves; Bill Frisell; Arena Santa Giuliana: Caetano Veloso & Gilberto Gil; Spokfrevo Orquestra.

Aujourd’hui, après la Cassandra Wilson de la veille au soir, il lui sera difficile de marquer un festival qui l’a souvent accueillie. A moins que la proximité de « la concurrence » ne dope un talent qu’elle a souvent tendance à laisser en friche. Mais en fait les deux chanteuses sont aux antipodes, stylistiquement parlant, et la concurrence entre elles n’existe pas. Dianne Reeves, c’est une puissance et une tessiture hors du commun mises au service d’un art de la diction et de la nuance qui semble ne pas avoir de limites. D’où le risque de se perdre dans un répertoire fourre-tout et des vocalises emphatiques. Entourée d’un groupe immuable et qui la connaît par cœur — mais abusivement sonorisé —, elle ne prend cet après-midi pas beaucoup de risques et termine son premier morceau par un scat africanisant rebattu. La suite ressemble étrangement au précédent concert que j’ai vu d’elle et je me dis, en suivant le bon vieux principe du less is more, que c’est quand la chanteuse a tourné avec pour seuls partenaires les deux extraordinaires guitaristes que sont Russell Malone et Romero Lubambo que Dianne Reeves a atteint le sommet de ses possibilités. En puissance ? Non : en finesse, en variété du répertoire, en empathie harmonique et rythmique avec ses douze cordes de luxe, en capacité à surprendre par des sautes de registre vraiment spontanées. En diannereevesitude pleinement assumée, quoi ! Mais je commence à me lasser d’écrire ce papier derrière un pilier qui ne m’a même pas été présenté…

A l’Arena Santa Giuliana, la soirée commence avec les Brésiliens Gilberto Gil et Caetano Veloso, qui font salle comble (les Italiens adorent les Brésiliens, m’explique un ami). Pas vraiment ma tasse de thé, la musique brésilienne (excepté Hermeto Pascoal). De plus — tout simplement — je ne sais pas écrire à son propos. Allons voir tout de même !

Deux hommes, deux voix, deux guitares acoustiques et des mélodies plutôt touchantes et fort bien ficelées sur le plan harmonique et rythmique… à tel point que les petits marioles qui sont toujours tentés de taper dans leurs mains et à côté de la plaque à la moindre occasion renoncent rapidement, et font un bien fou à leurs paumes… et à nos oreilles. Mais bon : je décroche assez vite et, en attendant la suite, je cherche une activité qui m’évite de sombrer dans l’oisiveté (mère de tout Levi’s, comme chacun sait). Mais pendant que je vaque, attendant de pouvoir entendre au moins un bout du programme de l’orchestre suivant — réputé fracassant : le Spokfrevo Orquestra, venu en droite ligne de Recife, dans l’état du Pernambouc, au Brésil aussi — les deux guitaristes-chanteurs vedettes s’éternisent sur scène, encouragés par une foule en délire qui chante et danse, sans aucun respect pour les autres musiciens qui attendent leur tour. Pour moi, en tout cas, l’heure approche de crapahuter jusqu’au Morlacchi, où doit jouer Bill Frisell. Pas de Spokfrevo Orquestra, donc, pour le critique curieux qui, dans un élan iconoclaste irrépressible, voue aux gémonies les monopolisateurs de scène et leur public idolâtre.

Le quartet « Guitars in the Space Age » du guitariste américain débute par un thème laid back à souhait d’où émerge un somptueux solo tandis que la basse placide de Tony Scheer ponctue les barres de mesures, secondée par le drumming économique de Kenny Wollensen. La pedal steel guitar joue dans tout cela un rôle de contrechant fluide fort bienvenu. Nous voilà déjà peu ou prou dans l’espace, en quelque sorte, avec ces sons étirés, ces boucles mélodiques, ces relents hawaïens… proches d’une certaine vision de l’harmonie des sphères. Suit « Shenandoah », hymne bien connu sur lequel le groupe fait monter la tension sans que quiconque intervienne en soliste. Une sacrée performance — sur une trame mélodique aussi mince — mais qui laisse deviner que si les choses continuent ainsi, l’ennui ne tardera pas à pointer son nez. Car, soyons honnête, les possibilités d’arrangement pour un quartet à deux guitares sur ce type de répertoire, ne sont pas infinies et le morceau enlevé qui suit, dans la veine cowboys en goguette (cataclop, cataclop), illustre assez bien les limites du genre. Amusant, si l’on possède le stetson et les éperons… Et la rengaine des Byrds « Turn, Turn, Turn » qui suit constitue pour moi une sorte de degré zéro de l’intérêt mélodique, auquel la façon dont le guitariste la joue n’apporte pas grand chose. Bref, Frisell est bel et bien immergé dans cette americana qui lui tient tant à cœur. Il n’a rien à faire d’être — ou non — encore classé « jazz » (et c’est bien son droit) et il mène sa barque avec une sincérité un brin monomaniaque à laquelle j’ai personnellement un peu de mal à adhérer. Pourtant, alors même que je me retire sur la pointe des pieds, je conserve pour ce qu’a pu faire par le passé ce grand guitariste un immense respect mêlé d’affection. Souvenirs, souvenirs… Thierry Quénum

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Dianne Reeves, j’ai fini par si bien la connaître que je ne viens à ses concert que pour vérifier si elle a toujours la capacité de surprendre un vieux fan — et a fortiori des adeptes plus récents. Je n’écoute plus ses disques — toujours produits de façon trop léchée à mon goût et sans commune mesure avec ses prestations live. Non, je viens la tester, tapi derrière un pilier, ou caché par un rideau, ne sortant de l’ombre, en fin de concert, que pour aller la féliciter ou pour m’esquiver en catimini si elle m’a déçu.

Teatro Morlacchi: Dianne Reeves; Bill Frisell; Arena Santa Giuliana: Caetano Veloso & Gilberto Gil; Spokfrevo Orquestra.

Aujourd’hui, après la Cassandra Wilson de la veille au soir, il lui sera difficile de marquer un festival qui l’a souvent accueillie. A moins que la proximité de « la concurrence » ne dope un talent qu’elle a souvent tendance à laisser en friche. Mais en fait les deux chanteuses sont aux antipodes, stylistiquement parlant, et la concurrence entre elles n’existe pas. Dianne Reeves, c’est une puissance et une tessiture hors du commun mises au service d’un art de la diction et de la nuance qui semble ne pas avoir de limites. D’où le risque de se perdre dans un répertoire fourre-tout et des vocalises emphatiques. Entourée d’un groupe immuable et qui la connaît par cœur — mais abusivement sonorisé —, elle ne prend cet après-midi pas beaucoup de risques et termine son premier morceau par un scat africanisant rebattu. La suite ressemble étrangement au précédent concert que j’ai vu d’elle et je me dis, en suivant le bon vieux principe du less is more, que c’est quand la chanteuse a tourné avec pour seuls partenaires les deux extraordinaires guitaristes que sont Russell Malone et Romero Lubambo que Dianne Reeves a atteint le sommet de ses possibilités. En puissance ? Non : en finesse, en variété du répertoire, en empathie harmonique et rythmique avec ses douze cordes de luxe, en capacité à surprendre par des sautes de registre vraiment spontanées. En diannereevesitude pleinement assumée, quoi ! Mais je commence à me lasser d’écrire ce papier derrière un pilier qui ne m’a même pas été présenté…

A l’Arena Santa Giuliana, la soirée commence avec les Brésiliens Gilberto Gil et Caetano Veloso, qui font salle comble (les Italiens adorent les Brésiliens, m’explique un ami). Pas vraiment ma tasse de thé, la musique brésilienne (excepté Hermeto Pascoal). De plus — tout simplement — je ne sais pas écrire à son propos. Allons voir tout de même !

Deux hommes, deux voix, deux guitares acoustiques et des mélodies plutôt touchantes et fort bien ficelées sur le plan harmonique et rythmique… à tel point que les petits marioles qui sont toujours tentés de taper dans leurs mains et à côté de la plaque à la moindre occasion renoncent rapidement, et font un bien fou à leurs paumes… et à nos oreilles. Mais bon : je décroche assez vite et, en attendant la suite, je cherche une activité qui m’évite de sombrer dans l’oisiveté (mère de tout Levi’s, comme chacun sait). Mais pendant que je vaque, attendant de pouvoir entendre au moins un bout du programme de l’orchestre suivant — réputé fracassant : le Spokfrevo Orquestra, venu en droite ligne de Recife, dans l’état du Pernambouc, au Brésil aussi — les deux guitaristes-chanteurs vedettes s’éternisent sur scène, encouragés par une foule en délire qui chante et danse, sans aucun respect pour les autres musiciens qui attendent leur tour. Pour moi, en tout cas, l’heure approche de crapahuter jusqu’au Morlacchi, où doit jouer Bill Frisell. Pas de Spokfrevo Orquestra, donc, pour le critique curieux qui, dans un élan iconoclaste irrépressible, voue aux gémonies les monopolisateurs de scène et leur public idolâtre.

Le quartet « Guitars in the Space Age » du guitariste américain débute par un thème laid back à souhait d’où émerge un somptueux solo tandis que la basse placide de Tony Scheer ponctue les barres de mesures, secondée par le drumming économique de Kenny Wollensen. La pedal steel guitar joue dans tout cela un rôle de contrechant fluide fort bienvenu. Nous voilà déjà peu ou prou dans l’espace, en quelque sorte, avec ces sons étirés, ces boucles mélodiques, ces relents hawaïens… proches d’une certaine vision de l’harmonie des sphères. Suit « Shenandoah », hymne bien connu sur lequel le groupe fait monter la tension sans que quiconque intervienne en soliste. Une sacrée performance — sur une trame mélodique aussi mince — mais qui laisse deviner que si les choses continuent ainsi, l’ennui ne tardera pas à pointer son nez. Car, soyons honnête, les possibilités d’arrangement pour un quartet à deux guitares sur ce type de répertoire, ne sont pas infinies et le morceau enlevé qui suit, dans la veine cowboys en goguette (cataclop, cataclop), illustre assez bien les limites du genre. Amusant, si l’on possède le stetson et les éperons… Et la rengaine des Byrds « Turn, Turn, Turn » qui suit constitue pour moi une sorte de degré zéro de l’intérêt mélodique, auquel la façon dont le guitariste la joue n’apporte pas grand chose. Bref, Frisell est bel et bien immergé dans cette americana qui lui tient tant à cœur. Il n’a rien à faire d’être — ou non — encore classé « jazz » (et c’est bien son droit) et il mène sa barque avec une sincérité un brin monomaniaque à laquelle j’ai personnellement un peu de mal à adhérer. Pourtant, alors même que je me retire sur la pointe des pieds, je conserve pour ce qu’a pu faire par le passé ce grand guitariste un immense respect mêlé d’affection. Souvenirs, souvenirs… Thierry Quénum

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Dianne Reeves, j’ai fini par si bien la connaître que je ne viens à ses concert que pour vérifier si elle a toujours la capacité de surprendre un vieux fan — et a fortiori des adeptes plus récents. Je n’écoute plus ses disques — toujours produits de façon trop léchée à mon goût et sans commune mesure avec ses prestations live. Non, je viens la tester, tapi derrière un pilier, ou caché par un rideau, ne sortant de l’ombre, en fin de concert, que pour aller la féliciter ou pour m’esquiver en catimini si elle m’a déçu.

Teatro Morlacchi: Dianne Reeves; Bill Frisell; Arena Santa Giuliana: Caetano Veloso & Gilberto Gil; Spokfrevo Orquestra.

Aujourd’hui, après la Cassandra Wilson de la veille au soir, il lui sera difficile de marquer un festival qui l’a souvent accueillie. A moins que la proximité de « la concurrence » ne dope un talent qu’elle a souvent tendance à laisser en friche. Mais en fait les deux chanteuses sont aux antipodes, stylistiquement parlant, et la concurrence entre elles n’existe pas. Dianne Reeves, c’est une puissance et une tessiture hors du commun mises au service d’un art de la diction et de la nuance qui semble ne pas avoir de limites. D’où le risque de se perdre dans un répertoire fourre-tout et des vocalises emphatiques. Entourée d’un groupe immuable et qui la connaît par cœur — mais abusivement sonorisé —, elle ne prend cet après-midi pas beaucoup de risques et termine son premier morceau par un scat africanisant rebattu. La suite ressemble étrangement au précédent concert que j’ai vu d’elle et je me dis, en suivant le bon vieux principe du less is more, que c’est quand la chanteuse a tourné avec pour seuls partenaires les deux extraordinaires guitaristes que sont Russell Malone et Romero Lubambo que Dianne Reeves a atteint le sommet de ses possibilités. En puissance ? Non : en finesse, en variété du répertoire, en empathie harmonique et rythmique avec ses douze cordes de luxe, en capacité à surprendre par des sautes de registre vraiment spontanées. En diannereevesitude pleinement assumée, quoi ! Mais je commence à me lasser d’écrire ce papier derrière un pilier qui ne m’a même pas été présenté…

A l’Arena Santa Giuliana, la soirée commence avec les Brésiliens Gilberto Gil et Caetano Veloso, qui font salle comble (les Italiens adorent les Brésiliens, m’explique un ami). Pas vraiment ma tasse de thé, la musique brésilienne (excepté Hermeto Pascoal). De plus — tout simplement — je ne sais pas écrire à son propos. Allons voir tout de même !

Deux hommes, deux voix, deux guitares acoustiques et des mélodies plutôt touchantes et fort bien ficelées sur le plan harmonique et rythmique… à tel point que les petits marioles qui sont toujours tentés de taper dans leurs mains et à côté de la plaque à la moindre occasion renoncent rapidement, et font un bien fou à leurs paumes… et à nos oreilles. Mais bon : je décroche assez vite et, en attendant la suite, je cherche une activité qui m’évite de sombrer dans l’oisiveté (mère de tout Levi’s, comme chacun sait). Mais pendant que je vaque, attendant de pouvoir entendre au moins un bout du programme de l’orchestre suivant — réputé fracassant : le Spokfrevo Orquestra, venu en droite ligne de Recife, dans l’état du Pernambouc, au Brésil aussi — les deux guitaristes-chanteurs vedettes s’éternisent sur scène, encouragés par une foule en délire qui chante et danse, sans aucun respect pour les autres musiciens qui attendent leur tour. Pour moi, en tout cas, l’heure approche de crapahuter jusqu’au Morlacchi, où doit jouer Bill Frisell. Pas de Spokfrevo Orquestra, donc, pour le critique curieux qui, dans un élan iconoclaste irrépressible, voue aux gémonies les monopolisateurs de scène et leur public idolâtre.

Le quartet « Guitars in the Space Age » du guitariste américain débute par un thème laid back à souhait d’où émerge un somptueux solo tandis que la basse placide de Tony Scheer ponctue les barres de mesures, secondée par le drumming économique de Kenny Wollensen. La pedal steel guitar joue dans tout cela un rôle de contrechant fluide fort bienvenu. Nous voilà déjà peu ou prou dans l’espace, en quelque sorte, avec ces sons étirés, ces boucles mélodiques, ces relents hawaïens… proches d’une certaine vision de l’harmonie des sphères. Suit « Shenandoah », hymne bien connu sur lequel le groupe fait monter la tension sans que quiconque intervienne en soliste. Une sacrée performance — sur une trame mélodique aussi mince — mais qui laisse deviner que si les choses continuent ainsi, l’ennui ne tardera pas à pointer son nez. Car, soyons honnête, les possibilités d’arrangement pour un quartet à deux guitares sur ce type de répertoire, ne sont pas infinies et le morceau enlevé qui suit, dans la veine cowboys en goguette (cataclop, cataclop), illustre assez bien les limites du genre. Amusant, si l’on possède le stetson et les éperons… Et la rengaine des Byrds « Turn, Turn, Turn » qui suit constitue pour moi une sorte de degré zéro de l’intérêt mélodique, auquel la façon dont le guitariste la joue n’apporte pas grand chose. Bref, Frisell est bel et bien immergé dans cette americana qui lui tient tant à cœur. Il n’a rien à faire d’être — ou non — encore classé « jazz » (et c’est bien son droit) et il mène sa barque avec une sincérité un brin monomaniaque à laquelle j’ai personnellement un peu de mal à adhérer. Pourtant, alors même que je me retire sur la pointe des pieds, je conserve pour ce qu’a pu faire par le passé ce grand guitariste un immense respect mêlé d’affection. Souvenirs, souvenirs… Thierry Quénum