Un samedi à la fête de l’Huma : Papanosh, Gipsy eye, B to Bill sur la scène «Jazz ‘Hum’Ah»
Si la grande messe de la Fête de l’Huma à la Courneuve est toujours décisive pour une certaine partie du peuple qui désire ardemment que « la gauche reprenne des couleurs », la musique de jazz est assurément un remède fort prisé et …efficace. Pour sa dix-neuvième édition, la scène Jazz de la Fête de l’ Huma accueillait pendant le week end du 12-13-14 septembre, 8 formations avec comme fil conducteur le jazz, musique libre et fusion des cultures. La scène jazz est hébergée sur l’espace fédératif du P.C.F du Val de Marne (94) et Joel Lumien, photographe et grand reporter du journal , aujourd’hui retraité, n’en continue pas moins à tenir à bout de bras la structure, en directeur artistique avisé. Question financement, la fédé du 94 assure la maintenance technique et le backstage, alors que le budget artistique est pris en charge par la manifestation et la SACEM dont l’enveloppe assure aussi la prise en charge de musiciens comme cette année, Louis Winsberg et le Gypsy trio qu’il produit et la formation du guitariste JM Ecay . PAPANOSH : Des folklores réels ou imaginaires à l’Art Ensemble de Chicago sans oublier Charlie Haden et Charles Mingus et la bande à Lubat Raphaël Quenehen ( saxophones), Quentin Ghomari ( trompette, trombone),Sébastien Palis ( piano, orgue), Jérémie Piazza (batterie), Thibault Cellier (contrebasse) Le quintet continue à montrer de remarquables dispositions pour l’élaboration d’une musique mélodique, aventureuse et décalée qui se joue des frontières et des styles. La bande normande qui fait partie du collectif Les Vibrants Défricheurs fit parler d’elle, quand, sélectionnée pour la tournée Jazz Migration 2013 du réseau de festivals AJC (ex AFIJMA), elle a pu jouer sa musique libertaire et décomplexée. Surprenants et réjouissants dès la première écoute, ils ont conquis le public de la Fête, en jouant avec un bel entrain le programme de leur album Your Beautiful Mother, sorti sur le label Vibrant en 2012. « Gibril Circus » est l’un des titres particulièrement saisissant, joyeusement foutraque où ils passent avec aisance du free à une musique de fanfare, comme aux plus belles heures de l’Art Ensemble of Chicago, quand les musiciens noirs repérés comme activistes par les agents de la CIA, venaient trouver refuge en France, me confie un militant de la première heure, un brin nostalgique. Une musique lyrique et drôle que le quintet délivre en usant des couleurs et timbres différents de leurs instruments saxophones, trompette, trombone, contrebasse, clavier, accordéon, batterie. Ils rendront d’ailleurs hommage au contrebassiste Charlie Haden disparu cet été et à son Liberation Orchestra, en interprétant son thème de « La pasionaria », inspiré de la vie époustouflante de la militante communiste Dolores Ibarruri. A Banlieues Bleues cette année, ils étaient en résidence avec le trompettiste Roy Nathanson pour un projet hommage vibrant au Workshop de Charles Mingus. Où l’on retrouve un collectif prêt à se lancer dans l’aventure permanente d’une une célébration vigoureuse. Les différentes contrées musicales visitées par Papanosh convergent pour se rencontrer en toute cohérence dans leur compositions, virevoltantes dans la rigueur, suffisamment expressives, spontanément généreuses qui caractérisent un certain engagement de la musique actuelle . « Gipsy Eye » Trio : le chant envoûtant de la musique gitane Louis Winsberg ( guitares acoustiques), Antoni « El Titi » ( guitare flamenco), Rocky Gresset ( guitare manouche) Un trio de guitaristes hors pair qui ne fait pas une musique pour initiés, même si les guitaristes amateurs sont aux anges, tentant de comprendre comment ces diables de manouche et leur copain Winsberg procèdent pour faire ainsi sonner leurs guitares. Eux aussi ignorent les frontières et Louis Winsberg, l’un des leaders de Sixun, groupe phare de jazz rock des années 80, fait le trait d’union entre Antonio « El Titi »qui joue du flamenco et Rocky Gresset, du jazz manouche. Avec ce trio, voilà une tentative réussie de montrer certains courants de la musique gitane enfin compatibles. La réunion au sommet de ces troubadours illumine l’espace et le public accourt. Partenaires de jeu, amis de longue date, ils savent choisir des mélodies accrocheuses sans avoir un mur de guitares saturées pour autant, alors que le titre phare de leur album est l’une des compositions du génial gaucher, Hendrix, « Gypsy eye ». Qu’ils reprennent le « Take five » de Paul Desmond, « Caravan » de Juan Tizol, ou l’incontournable « Nuages », ils le font simplement, sans volonté de faire des prouesses de « guitar hero » et de nous offrir une démonstration. Ils ont l’humour de s’inviter mutuellement sur leur territoire respectif, « Chez Loulou » écrit par Rocky Gresset ou « Chez Titi » par Louis Winsberg. Le public fait exploser la jauge de la salle, près de 400 personnes envahissent la place. C’est vraiment la fête… B to BILL Emmanuel Bex (orgue Hammond, vocoder, voix), Nico Morelli (piano, loops), Mike Ladd (voix) On connaissait le trio BFG (Bex/Ferris/ Goubert), il y aura à présent dans la belle carrière de l’organiste Emmanuel Bex, un nouveau groupe marquant, BML pour ce B to Bill sorti chez Bonsaï. A l’ombre du musicien légendaire, Emmanuel Bex a conçu un projet étonnant, singulier par le propos, l’instrumentation et la réalisation : avec le pianiste transalpin Nico Morelli et l’Américain Mike Ladd, ils tracent à eux trois un tout autre chemin qui évoquerait les « Songs of time lost and present» J’avoue avoir eu quelque réticence au départ : comment concilier l’engagement poétique et politique de Mike Ladd dans son discours slammé avec la musique d’un Bill Evans, apolitique, au-dessus de ces « contingences », enfermé dans sa bulle artistique ? Le pari me paraissait perdu d’avance… Pourtant, dès les premières mesures, commence à se dessiner la figure du « Jersey boy lost in your reality » qu’ «Everybody digs », qui se heurte aux événements troublés de l’époque, à la ségrégation, lui qui tourne avec des musiciens noirs, repéré par Miles. Et puis le résultat est là, convaincant : ce trio parvient à ne pas imiter pour mieux servir justement. Le pianiste est ainsi honoré, respecté et sérieusement revisité, replacé dans le contexte difficile des années soixante, qui nous tendent un miroir troublant de notre époque. On se laisse embarquer par la voix qui évoque, dates et figures mythiques : 1958, 1963, Miles, le sénateur Mac Carthy, sans oublier, d’articuler son flow avec les événements récents des émeutes de cet été à Ferguson (Missouri). C’est que Mike Ladd s’est plongé dans la musique et la vie de Bill Evans pour créer un parcours personnel qu’il égrène au fil des titres et impros des amis claviéristes. Chaque soir, très concentré, il oriente différemment son propos, tirant le fil de sa pelote de mots. Cela commence avec une version du « Peri’scope » evansien mais des bribes soigneusement intercalées jalonnent tout le discours, le parcours du pianiste de « You must believe in spring », « Waltz for Debbie ». On entend aussi « Santa Claus ‘s coming back in town », ou « Some Day My Prince Will Come » écrit pour Walt Disney en 1937 que Bill Evans et Miles Davis (entre autres) reprirent. Slam, rap, sprech gesang, travail dans les marges, comment ne pas plonger dans ce vertige des mots ? Il me semble que Mike Ladd s’inscrit surtout dans le travail des grands « diseurs » de la « beat generation ». Le tempo qu’il installe est stimulant avec les respirations logiques parfaitement marquées et la musique souligne rythmiquement l’agilité de la pensée qui court, se remémore. Les parenthèses même sont pleines de vitalité et ses pauses bienvenues pour entendre mieux la mélodie evansienne que reprennent les claviéristes, les fragments ou fredons de ces musiques populaires qu’aimait tant retrav
ailler Evans. Un texte de chair, une langue qui s’incarne dans un corps pensant et non dépourvu des évocations maîtrisées de l’affect. Si Bex stratosphérise, vocalise dans son vocoder, place évidemment des voicings, contribuant ainsi à installer un climat planant, Morelli dans la position (toujours ingrate) de Bill Evans s’en tire fort bien, avec un phrasé délicatement cristallin mais aussi des attaques percussives qui accompagnent la scansion du texte. On rencontre dans la galerie des figures regrettées le pianiste Mickey Graillier qui écrivit un émouvant « Bill’s Heart ». Une sorte d’écriture à quatre mains entre orgue, piano, loops, où chacun est complémentaire, pouvant inverser sa fonction. Dans ce dédale musical et parlé, les arrangements souvent graves jouent à cache-cache avec le répertoire devenu classique de Bill Evans et la musique des mots. Une musique instrumentale accessible, faite de boucles mélodiques qui pourraient se déployer à l’infini dans ce climat lunaire : on flotte dans l’espace que déploie Morelli dans « Bill in Space » ou son « Tribute to Bex ». Et pour les amoureux de Bill Evans, voilà une façon actuelle mais très émouvante de le retrouver comme dans le doux final de Children’s Play Song. Ce trio fascinant conclut la deuxième journée de cette grande fête populaire. Sur la grande scène jouent IAM ou Scorpions mais il est bon que le jazz garde une place dans cette manifestation car n’est-il pas l’un des rares lieux d’apprentissage et de pratique démocratiques ? Laurent Ducray|Si la grande messe de la Fête de l’Huma à la Courneuve est toujours décisive pour une certaine partie du peuple qui désire ardemment que « la gauche reprenne des couleurs », la musique de jazz est assurément un remède fort prisé et …efficace. Pour sa dix-neuvième édition, la scène Jazz de la Fête de l’ Huma accueillait pendant le week end du 12-13-14 septembre, 8 formations avec comme fil conducteur le jazz, musique libre et fusion des cultures. La scène jazz est hébergée sur l’espace fédératif du P.C.F du Val de Marne (94) et Joel Lumien, photographe et grand reporter du journal , aujourd’hui retraité, n’en continue pas moins à tenir à bout de bras la structure, en directeur artistique avisé. Question financement, la fédé du 94 assure la maintenance technique et le backstage, alors que le budget artistique est pris en charge par la manifestation et la SACEM dont l’enveloppe assure aussi la prise en charge de musiciens comme cette année, Louis Winsberg et le Gypsy trio qu’il produit et la formation du guitariste JM Ecay . PAPANOSH : Des folklores réels ou imaginaires à l’Art Ensemble de Chicago sans oublier Charlie Haden et Charles Mingus et la bande à Lubat Raphaël Quenehen ( saxophones), Quentin Ghomari ( trompette, trombone),Sébastien Palis ( piano, orgue), Jérémie Piazza (batterie), Thibault Cellier (contrebasse) Le quintet continue à montrer de remarquables dispositions pour l’élaboration d’une musique mélodique, aventureuse et décalée qui se joue des frontières et des styles. La bande normande qui fait partie du collectif Les Vibrants Défricheurs fit parler d’elle, quand, sélectionnée pour la tournée Jazz Migration 2013 du réseau de festivals AJC (ex AFIJMA), elle a pu jouer sa musique libertaire et décomplexée. Surprenants et réjouissants dès la première écoute, ils ont conquis le public de la Fête, en jouant avec un bel entrain le programme de leur album Your Beautiful Mother, sorti sur le label Vibrant en 2012. « Gibril Circus » est l’un des titres particulièrement saisissant, joyeusement foutraque où ils passent avec aisance du free à une musique de fanfare, comme aux plus belles heures de l’Art Ensemble of Chicago, quand les musiciens noirs repérés comme activistes par les agents de la CIA, venaient trouver refuge en France, me confie un militant de la première heure, un brin nostalgique. Une musique lyrique et drôle que le quintet délivre en usant des couleurs et timbres différents de leurs instruments saxophones, trompette, trombone, contrebasse, clavier, accordéon, batterie. Ils rendront d’ailleurs hommage au contrebassiste Charlie Haden disparu cet été et à son Liberation Orchestra, en interprétant son thème de « La pasionaria », inspiré de la vie époustouflante de la militante communiste Dolores Ibarruri. A Banlieues Bleues cette année, ils étaient en résidence avec le trompettiste Roy Nathanson pour un projet hommage vibrant au Workshop de Charles Mingus. Où l’on retrouve un collectif prêt à se lancer dans l’aventure permanente d’une une célébration vigoureuse. Les différentes contrées musicales visitées par Papanosh convergent pour se rencontrer en toute cohérence dans leur compositions, virevoltantes dans la rigueur, suffisamment expressives, spontanément généreuses qui caractérisent un certain engagement de la musique actuelle . « Gipsy Eye » Trio : le chant envoûtant de la musique gitane Louis Winsberg ( guitares acoustiques), Antoni « El Titi » ( guitare flamenco), Rocky Gresset ( guitare manouche) Un trio de guitaristes hors pair qui ne fait pas une musique pour initiés, même si les guitaristes amateurs sont aux anges, tentant de comprendre comment ces diables de manouche et leur copain Winsberg procèdent pour faire ainsi sonner leurs guitares. Eux aussi ignorent les frontières et Louis Winsberg, l’un des leaders de Sixun, groupe phare de jazz rock des années 80, fait le trait d’union entre Antonio « El Titi »qui joue du flamenco et Rocky Gresset, du jazz manouche. Avec ce trio, voilà une tentative réussie de montrer certains courants de la musique gitane enfin compatibles. La réunion au sommet de ces troubadours illumine l’espace et le public accourt. Partenaires de jeu, amis de longue date, ils savent choisir des mélodies accrocheuses sans avoir un mur de guitares saturées pour autant, alors que le titre phare de leur album est l’une des compositions du génial gaucher, Hendrix, « Gypsy eye ». Qu’ils reprennent le « Take five » de Paul Desmond, « Caravan » de Juan Tizol, ou l’incontournable « Nuages », ils le font simplement, sans volonté de faire des prouesses de « guitar hero » et de nous offrir une démonstration. Ils ont l’humour de s’inviter mutuellement sur leur territoire respectif, « Chez Loulou » écrit par Rocky Gresset ou « Chez Titi » par Louis Winsberg. Le public fait exploser la jauge de la salle, près de 400 personnes envahissent la place. C’est vraiment la fête… B to BILL Emmanuel Bex (orgue Hammond, vocoder, voix), Nico Morelli (piano, loops), Mike Ladd (voix) On connaissait le trio BFG (Bex/Ferris/ Goubert), il y aura à présent dans la belle carrière de l’organiste Emmanuel Bex, un nouveau groupe marquant, BML pour ce B to Bill sorti chez Bonsaï. A l’ombre du musicien légendaire, Emmanuel Bex a conçu un projet étonnant, singulier par le propos, l’instrumentation et la réalisation : avec le pianiste transalpin Nico Morelli et l’Américain Mike Ladd, ils tracent à eux trois un tout autre chemin qui évoquerait les « Songs of time lost and present» J’avoue avoir eu quelque réticence au départ : comment concilier l’engagement poétique et politique de Mike Ladd dans son discours slammé avec la musique d’un Bill Evans, apolitique, au-dessus de ces « contingences », enfermé dans sa bulle artistique ? Le pari me paraissait perdu d’avance… Pourtant, dès les premières mesures, commence à se dessiner la figure du « Jersey boy lost in your reality » qu’ «Everybody digs », qui se heurte aux événements troublés de l’époque, à la ségrégation, lui qui tourne avec des musiciens noirs, repéré par Miles. Et puis le résultat est là, convaincant : ce trio parvient à ne pas imiter pour mieux servir justement. Le pianiste est ainsi honoré, respecté et sérieusement revisité, replacé dans le contexte difficile des années soixante, qui nous tendent un miroir troublant de notre époque. On se laisse embarquer par la voix qui évoque, dates et figures mythiques : 1958, 1963, Miles, le sénateur Mac Carthy, sans oublier, d’articuler son flow avec les événements récents des émeutes de cet été à Ferguson (Missouri). C’est que Mike Ladd s’est plongé dans la musique et la vie de Bill Evans pour créer un parcours personnel qu’il égrène au fil des titres et impros des amis claviéristes. Chaque soir, très concentré, il oriente différemment son propos, tirant le fil de sa pelote de mots. Cela commence avec une version du « Peri’scope » evansien mais des bribes soigneusement intercalées jalonnent tout le discours, le parcours du pianiste de « You must believe in spring », « Waltz for Debbie ». On entend aussi « Santa Claus ‘s coming back in town », ou « Some Day My Prince Will Come » écrit pour Walt Disney en 1937 que Bill Evans et Miles Davis (entre autres) reprirent. Slam, rap, sprech gesang, travail dans les marges, comment ne pas plonger dans ce vertige des mots ? Il me semble que Mike Ladd s’inscrit surtout dans le travail des grands « diseurs » de la « beat generation ». Le tempo qu’il installe est stimulant avec les respirations logiques parfaitement marquées et la musique souligne rythmiquement l’agilité de la pensée qui court, se remémore. Les parenthèses même sont pleines de vitalité et ses pauses bienvenues pour entendre mieux la mélodie evansienne que reprennent les claviéristes, les fragments ou fredons de ces musiques populaires qu’aimait tant retrav
ailler Evans. Un texte de chair, une langue qui s’incarne dans un corps pensant et non dépourvu des évocations maîtrisées de l’affect. Si Bex stratosphérise, vocalise dans son vocoder, place évidemment des voicings, contribuant ainsi à installer un climat planant, Morelli dans la position (toujours ingrate) de Bill Evans s’en tire fort bien, avec un phrasé délicatement cristallin mais aussi des attaques percussives qui accompagnent la scansion du texte. On rencontre dans la galerie des figures regrettées le pianiste Mickey Graillier qui écrivit un émouvant « Bill’s Heart ». Une sorte d’écriture à quatre mains entre orgue, piano, loops, où chacun est complémentaire, pouvant inverser sa fonction. Dans ce dédale musical et parlé, les arrangements souvent graves jouent à cache-cache avec le répertoire devenu classique de Bill Evans et la musique des mots. Une musique instrumentale accessible, faite de boucles mélodiques qui pourraient se déployer à l’infini dans ce climat lunaire : on flotte dans l’espace que déploie Morelli dans « Bill in Space » ou son « Tribute to Bex ». Et pour les amoureux de Bill Evans, voilà une façon actuelle mais très émouvante de le retrouver comme dans le doux final de Children’s Play Song. Ce trio fascinant conclut la deuxième journée de cette grande fête populaire. Sur la grande scène jouent IAM ou Scorpions mais il est bon que le jazz garde une place dans cette manifestation car n’est-il pas l’un des rares lieux d’apprentissage et de pratique démocratiques ? Laurent Ducray|Si la grande messe de la Fête de l’Huma à la Courneuve est toujours décisive pour une certaine partie du peuple qui désire ardemment que « la gauche reprenne des couleurs », la musique de jazz est assurément un remède fort prisé et …efficace. Pour sa dix-neuvième édition, la scène Jazz de la Fête de l’ Huma accueillait pendant le week end du 12-13-14 septembre, 8 formations avec comme fil conducteur le jazz, musique libre et fusion des cultures. La scène jazz est hébergée sur l’espace fédératif du P.C.F du Val de Marne (94) et Joel Lumien, photographe et grand reporter du journal , aujourd’hui retraité, n’en continue pas moins à tenir à bout de bras la structure, en directeur artistique avisé. Question financement, la fédé du 94 assure la maintenance technique et le backstage, alors que le budget artistique est pris en charge par la manifestation et la SACEM dont l’enveloppe assure aussi la prise en charge de musiciens comme cette année, Louis Winsberg et le Gypsy trio qu’il produit et la formation du guitariste JM Ecay . PAPANOSH : Des folklores réels ou imaginaires à l’Art Ensemble de Chicago sans oublier Charlie Haden et Charles Mingus et la bande à Lubat Raphaël Quenehen ( saxophones), Quentin Ghomari ( trompette, trombone),Sébastien Palis ( piano, orgue), Jérémie Piazza (batterie), Thibault Cellier (contrebasse) Le quintet continue à montrer de remarquables dispositions pour l’élaboration d’une musique mélodique, aventureuse et décalée qui se joue des frontières et des styles. La bande normande qui fait partie du collectif Les Vibrants Défricheurs fit parler d’elle, quand, sélectionnée pour la tournée Jazz Migration 2013 du réseau de festivals AJC (ex AFIJMA), elle a pu jouer sa musique libertaire et décomplexée. Surprenants et réjouissants dès la première écoute, ils ont conquis le public de la Fête, en jouant avec un bel entrain le programme de leur album Your Beautiful Mother, sorti sur le label Vibrant en 2012. « Gibril Circus » est l’un des titres particulièrement saisissant, joyeusement foutraque où ils passent avec aisance du free à une musique de fanfare, comme aux plus belles heures de l’Art Ensemble of Chicago, quand les musiciens noirs repérés comme activistes par les agents de la CIA, venaient trouver refuge en France, me confie un militant de la première heure, un brin nostalgique. Une musique lyrique et drôle que le quintet délivre en usant des couleurs et timbres différents de leurs instruments saxophones, trompette, trombone, contrebasse, clavier, accordéon, batterie. Ils rendront d’ailleurs hommage au contrebassiste Charlie Haden disparu cet été et à son Liberation Orchestra, en interprétant son thème de « La pasionaria », inspiré de la vie époustouflante de la militante communiste Dolores Ibarruri. A Banlieues Bleues cette année, ils étaient en résidence avec le trompettiste Roy Nathanson pour un projet hommage vibrant au Workshop de Charles Mingus. Où l’on retrouve un collectif prêt à se lancer dans l’aventure permanente d’une une célébration vigoureuse. Les différentes contrées musicales visitées par Papanosh convergent pour se rencontrer en toute cohérence dans leur compositions, virevoltantes dans la rigueur, suffisamment expressives, spontanément généreuses qui caractérisent un certain engagement de la musique actuelle . « Gipsy Eye » Trio : le chant envoûtant de la musique gitane Louis Winsberg ( guitares acoustiques), Antoni « El Titi » ( guitare flamenco), Rocky Gresset ( guitare manouche) Un trio de guitaristes hors pair qui ne fait pas une musique pour initiés, même si les guitaristes amateurs sont aux anges, tentant de comprendre comment ces diables de manouche et leur copain Winsberg procèdent pour faire ainsi sonner leurs guitares. Eux aussi ignorent les frontières et Louis Winsberg, l’un des leaders de Sixun, groupe phare de jazz rock des années 80, fait le trait d’union entre Antonio « El Titi »qui joue du flamenco et Rocky Gresset, du jazz manouche. Avec ce trio, voilà une tentative réussie de montrer certains courants de la musique gitane enfin compatibles. La réunion au sommet de ces troubadours illumine l’espace et le public accourt. Partenaires de jeu, amis de longue date, ils savent choisir des mélodies accrocheuses sans avoir un mur de guitares saturées pour autant, alors que le titre phare de leur album est l’une des compositions du génial gaucher, Hendrix, « Gypsy eye ». Qu’ils reprennent le « Take five » de Paul Desmond, « Caravan » de Juan Tizol, ou l’incontournable « Nuages », ils le font simplement, sans volonté de faire des prouesses de « guitar hero » et de nous offrir une démonstration. Ils ont l’humour de s’inviter mutuellement sur leur territoire respectif, « Chez Loulou » écrit par Rocky Gresset ou « Chez Titi » par Louis Winsberg. Le public fait exploser la jauge de la salle, près de 400 personnes envahissent la place. C’est vraiment la fête… B to BILL Emmanuel Bex (orgue Hammond, vocoder, voix), Nico Morelli (piano, loops), Mike Ladd (voix) On connaissait le trio BFG (Bex/Ferris/ Goubert), il y aura à présent dans la belle carrière de l’organiste Emmanuel Bex, un nouveau groupe marquant, BML pour ce B to Bill sorti chez Bonsaï. A l’ombre du musicien légendaire, Emmanuel Bex a conçu un projet étonnant, singulier par le propos, l’instrumentation et la réalisation : avec le pianiste transalpin Nico Morelli et l’Américain Mike Ladd, ils tracent à eux trois un tout autre chemin qui évoquerait les « Songs of time lost and present» J’avoue avoir eu quelque réticence au départ : comment concilier l’engagement poétique et politique de Mike Ladd dans son discours slammé avec la musique d’un Bill Evans, apolitique, au-dessus de ces « contingences », enfermé dans sa bulle artistique ? Le pari me paraissait perdu d’avance… Pourtant, dès les premières mesures, commence à se dessiner la figure du « Jersey boy lost in your reality » qu’ «Everybody digs », qui se heurte aux événements troublés de l’époque, à la ségrégation, lui qui tourne avec des musiciens noirs, repéré par Miles. Et puis le résultat est là, convaincant : ce trio parvient à ne pas imiter pour mieux servir justement. Le pianiste est ainsi honoré, respecté et sérieusement revisité, replacé dans le contexte difficile des années soixante, qui nous tendent un miroir troublant de notre époque. On se laisse embarquer par la voix qui évoque, dates et figures mythiques : 1958, 1963, Miles, le sénateur Mac Carthy, sans oublier, d’articuler son flow avec les événements récents des émeutes de cet été à Ferguson (Missouri). C’est que Mike Ladd s’est plongé dans la musique et la vie de Bill Evans pour créer un parcours personnel qu’il égrène au fil des titres et impros des amis claviéristes. Chaque soir, très concentré, il oriente différemment son propos, tirant le fil de sa pelote de mots. Cela commence avec une version du « Peri’scope » evansien mais des bribes soigneusement intercalées jalonnent tout le discours, le parcours du pianiste de « You must believe in spring », « Waltz for Debbie ». On entend aussi « Santa Claus ‘s coming back in town », ou « Some Day My Prince Will Come » écrit pour Walt Disney en 1937 que Bill Evans et Miles Davis (entre autres) reprirent. Slam, rap, sprech gesang, travail dans les marges, comment ne pas plonger dans ce vertige des mots ? Il me semble que Mike Ladd s’inscrit surtout dans le travail des grands « diseurs » de la « beat generation ». Le tempo qu’il installe est stimulant avec les respirations logiques parfaitement marquées et la musique souligne rythmiquement l’agilité de la pensée qui court, se remémore. Les parenthèses même sont pleines de vitalité et ses pauses bienvenues pour entendre mieux la mélodie evansienne que reprennent les claviéristes, les fragments ou fredons de ces musiques populaires qu’aimait tant retrav
ailler Evans. Un texte de chair, une langue qui s’incarne dans un corps pensant et non dépourvu des évocations maîtrisées de l’affect. Si Bex stratosphérise, vocalise dans son vocoder, place évidemment des voicings, contribuant ainsi à installer un climat planant, Morelli dans la position (toujours ingrate) de Bill Evans s’en tire fort bien, avec un phrasé délicatement cristallin mais aussi des attaques percussives qui accompagnent la scansion du texte. On rencontre dans la galerie des figures regrettées le pianiste Mickey Graillier qui écrivit un émouvant « Bill’s Heart ». Une sorte d’écriture à quatre mains entre orgue, piano, loops, où chacun est complémentaire, pouvant inverser sa fonction. Dans ce dédale musical et parlé, les arrangements souvent graves jouent à cache-cache avec le répertoire devenu classique de Bill Evans et la musique des mots. Une musique instrumentale accessible, faite de boucles mélodiques qui pourraient se déployer à l’infini dans ce climat lunaire : on flotte dans l’espace que déploie Morelli dans « Bill in Space » ou son « Tribute to Bex ». Et pour les amoureux de Bill Evans, voilà une façon actuelle mais très émouvante de le retrouver comme dans le doux final de Children’s Play Song. Ce trio fascinant conclut la deuxième journée de cette grande fête populaire. Sur la grande scène jouent IAM ou Scorpions mais il est bon que le jazz garde une place dans cette manifestation car n’est-il pas l’un des rares lieux d’apprentissage et de pratique démocratiques ? Laurent Ducray|Si la grande messe de la Fête de l’Huma à la Courneuve est toujours décisive pour une certaine partie du peuple qui désire ardemment que « la gauche reprenne des couleurs », la musique de jazz est assurément un remède fort prisé et …efficace. Pour sa dix-neuvième édition, la scène Jazz de la Fête de l’ Huma accueillait pendant le week end du 12-13-14 septembre, 8 formations avec comme fil conducteur le jazz, musique libre et fusion des cultures. La scène jazz est hébergée sur l’espace fédératif du P.C.F du Val de Marne (94) et Joel Lumien, photographe et grand reporter du journal , aujourd’hui retraité, n’en continue pas moins à tenir à bout de bras la structure, en directeur artistique avisé. Question financement, la fédé du 94 assure la maintenance technique et le backstage, alors que le budget artistique est pris en charge par la manifestation et la SACEM dont l’enveloppe assure aussi la prise en charge de musiciens comme cette année, Louis Winsberg et le Gypsy trio qu’il produit et la formation du guitariste JM Ecay . PAPANOSH : Des folklores réels ou imaginaires à l’Art Ensemble de Chicago sans oublier Charlie Haden et Charles Mingus et la bande à Lubat Raphaël Quenehen ( saxophones), Quentin Ghomari ( trompette, trombone),Sébastien Palis ( piano, orgue), Jérémie Piazza (batterie), Thibault Cellier (contrebasse) Le quintet continue à montrer de remarquables dispositions pour l’élaboration d’une musique mélodique, aventureuse et décalée qui se joue des frontières et des styles. La bande normande qui fait partie du collectif Les Vibrants Défricheurs fit parler d’elle, quand, sélectionnée pour la tournée Jazz Migration 2013 du réseau de festivals AJC (ex AFIJMA), elle a pu jouer sa musique libertaire et décomplexée. Surprenants et réjouissants dès la première écoute, ils ont conquis le public de la Fête, en jouant avec un bel entrain le programme de leur album Your Beautiful Mother, sorti sur le label Vibrant en 2012. « Gibril Circus » est l’un des titres particulièrement saisissant, joyeusement foutraque où ils passent avec aisance du free à une musique de fanfare, comme aux plus belles heures de l’Art Ensemble of Chicago, quand les musiciens noirs repérés comme activistes par les agents de la CIA, venaient trouver refuge en France, me confie un militant de la première heure, un brin nostalgique. Une musique lyrique et drôle que le quintet délivre en usant des couleurs et timbres différents de leurs instruments saxophones, trompette, trombone, contrebasse, clavier, accordéon, batterie. Ils rendront d’ailleurs hommage au contrebassiste Charlie Haden disparu cet été et à son Liberation Orchestra, en interprétant son thème de « La pasionaria », inspiré de la vie époustouflante de la militante communiste Dolores Ibarruri. A Banlieues Bleues cette année, ils étaient en résidence avec le trompettiste Roy Nathanson pour un projet hommage vibrant au Workshop de Charles Mingus. Où l’on retrouve un collectif prêt à se lancer dans l’aventure permanente d’une une célébration vigoureuse. Les différentes contrées musicales visitées par Papanosh convergent pour se rencontrer en toute cohérence dans leur compositions, virevoltantes dans la rigueur, suffisamment expressives, spontanément généreuses qui caractérisent un certain engagement de la musique actuelle . « Gipsy Eye » Trio : le chant envoûtant de la musique gitane Louis Winsberg ( guitares acoustiques), Antoni « El Titi » ( guitare flamenco), Rocky Gresset ( guitare manouche) Un trio de guitaristes hors pair qui ne fait pas une musique pour initiés, même si les guitaristes amateurs sont aux anges, tentant de comprendre comment ces diables de manouche et leur copain Winsberg procèdent pour faire ainsi sonner leurs guitares. Eux aussi ignorent les frontières et Louis Winsberg, l’un des leaders de Sixun, groupe phare de jazz rock des années 80, fait le trait d’union entre Antonio « El Titi »qui joue du flamenco et Rocky Gresset, du jazz manouche. Avec ce trio, voilà une tentative réussie de montrer certains courants de la musique gitane enfin compatibles. La réunion au sommet de ces troubadours illumine l’espace et le public accourt. Partenaires de jeu, amis de longue date, ils savent choisir des mélodies accrocheuses sans avoir un mur de guitares saturées pour autant, alors que le titre phare de leur album est l’une des compositions du génial gaucher, Hendrix, « Gypsy eye ». Qu’ils reprennent le « Take five » de Paul Desmond, « Caravan » de Juan Tizol, ou l’incontournable « Nuages », ils le font simplement, sans volonté de faire des prouesses de « guitar hero » et de nous offrir une démonstration. Ils ont l’humour de s’inviter mutuellement sur leur territoire respectif, « Chez Loulou » écrit par Rocky Gresset ou « Chez Titi » par Louis Winsberg. Le public fait exploser la jauge de la salle, près de 400 personnes envahissent la place. C’est vraiment la fête… B to BILL Emmanuel Bex (orgue Hammond, vocoder, voix), Nico Morelli (piano, loops), Mike Ladd (voix) On connaissait le trio BFG (Bex/Ferris/ Goubert), il y aura à présent dans la belle carrière de l’organiste Emmanuel Bex, un nouveau groupe marquant, BML pour ce B to Bill sorti chez Bonsaï. A l’ombre du musicien légendaire, Emmanuel Bex a conçu un projet étonnant, singulier par le propos, l’instrumentation et la réalisation : avec le pianiste transalpin Nico Morelli et l’Américain Mike Ladd, ils tracent à eux trois un tout autre chemin qui évoquerait les « Songs of time lost and present» J’avoue avoir eu quelque réticence au départ : comment concilier l’engagement poétique et politique de Mike Ladd dans son discours slammé avec la musique d’un Bill Evans, apolitique, au-dessus de ces « contingences », enfermé dans sa bulle artistique ? Le pari me paraissait perdu d’avance… Pourtant, dès les premières mesures, commence à se dessiner la figure du « Jersey boy lost in your reality » qu’ «Everybody digs », qui se heurte aux événements troublés de l’époque, à la ségrégation, lui qui tourne avec des musiciens noirs, repéré par Miles. Et puis le résultat est là, convaincant : ce trio parvient à ne pas imiter pour mieux servir justement. Le pianiste est ainsi honoré, respecté et sérieusement revisité, replacé dans le contexte difficile des années soixante, qui nous tendent un miroir troublant de notre époque. On se laisse embarquer par la voix qui évoque, dates et figures mythiques : 1958, 1963, Miles, le sénateur Mac Carthy, sans oublier, d’articuler son flow avec les événements récents des émeutes de cet été à Ferguson (Missouri). C’est que Mike Ladd s’est plongé dans la musique et la vie de Bill Evans pour créer un parcours personnel qu’il égrène au fil des titres et impros des amis claviéristes. Chaque soir, très concentré, il oriente différemment son propos, tirant le fil de sa pelote de mots. Cela commence avec une version du « Peri’scope » evansien mais des bribes soigneusement intercalées jalonnent tout le discours, le parcours du pianiste de « You must believe in spring », « Waltz for Debbie ». On entend aussi « Santa Claus ‘s coming back in town », ou « Some Day My Prince Will Come » écrit pour Walt Disney en 1937 que Bill Evans et Miles Davis (entre autres) reprirent. Slam, rap, sprech gesang, travail dans les marges, comment ne pas plonger dans ce vertige des mots ? Il me semble que Mike Ladd s’inscrit surtout dans le travail des grands « diseurs » de la « beat generation ». Le tempo qu’il installe est stimulant avec les respirations logiques parfaitement marquées et la musique souligne rythmiquement l’agilité de la pensée qui court, se remémore. Les parenthèses même sont pleines de vitalité et ses pauses bienvenues pour entendre mieux la mélodie evansienne que reprennent les claviéristes, les fragments ou fredons de ces musiques populaires qu’aimait tant retrav
ailler Evans. Un texte de chair, une langue qui s’incarne dans un corps pensant et non dépourvu des évocations maîtrisées de l’affect. Si Bex stratosphérise, vocalise dans son vocoder, place évidemment des voicings, contribuant ainsi à installer un climat planant, Morelli dans la position (toujours ingrate) de Bill Evans s’en tire fort bien, avec un phrasé délicatement cristallin mais aussi des attaques percussives qui accompagnent la scansion du texte. On rencontre dans la galerie des figures regrettées le pianiste Mickey Graillier qui écrivit un émouvant « Bill’s Heart ». Une sorte d’écriture à quatre mains entre orgue, piano, loops, où chacun est complémentaire, pouvant inverser sa fonction. Dans ce dédale musical et parlé, les arrangements souvent graves jouent à cache-cache avec le répertoire devenu classique de Bill Evans et la musique des mots. Une musique instrumentale accessible, faite de boucles mélodiques qui pourraient se déployer à l’infini dans ce climat lunaire : on flotte dans l’espace que déploie Morelli dans « Bill in Space » ou son « Tribute to Bex ». Et pour les amoureux de Bill Evans, voilà une façon actuelle mais très émouvante de le retrouver comme dans le doux final de Children’s Play Song. Ce trio fascinant conclut la deuxième journée de cette grande fête populaire. Sur la grande scène jouent IAM ou Scorpions mais il est bon que le jazz garde une place dans cette manifestation car n’est-il pas l’un des rares lieux d’apprentissage et de pratique démocratiques ? Laurent Ducray