Vic (3) : Tempo Latino, Le bolero de Cigala et le Michael Jackson de Miami
Flamenco ou bolero, qu’importe. Entre deux couplets Diego el Cigala procède par petit rituel. Chaque fois que l’on vient changer son verre de jus d’orange, il y trempe juste deux doigts. Puis du bout de se longs ongles manucurés, avant de chanter il asperge de quelques gouttes le plancher de la scène, juste devant lui.
Unity: Antonio « Tony »Succar (timbales), Yorgis Goiricelaya (b), Christian Cuevas (p), Juan Pablo Rodriguez (keyb), Nigel Aguiera,ia Jaime Vasquez Ruiz (perc), Jesus Mata, Juan Peralta (tp), Fernando Vargas, Maribel Diaz, Jean Rodriguez, Kevin Ceballo (voc), Daniel Diaz (g), Carlos García, Luis Zenner (tb), Daniel Rouleau (sax, fl)
Orkesta Mendoza: Sergio Mendoza (g, voc), Nord Electro 61 (voc), Salvador Duran (voc), Sean Rogers (b, voc), Marcos Lozano (Voc, bas, cl, taco, keyb), Raoul Marques (elg, tp, key, vos), Matthias Lemmens (tp, voc)
Diego El Cigala (voc), Christian David Muñoz Garcia (tp), Richard Alexander Stella Prieto (tb), Bernardo Aguirre Ocampo (tp), Victor Valencia Aguirre (perc), Diego Mayorga Zapata (perc), Giovanni Betancourt Ruiz (voc), Diego Armando Giraldo Castillo (voc), TBC (b), Jaime Calabuch Ascensio (p),
Tempo Latino, Les Arènes, Vic Fezensac 29, 30 juillet
« J’ai commencé à bosser sur ce projet à Miami, il y a six ans, une année après la mort de Michael Jackson. explique Tony Succar sur scène. Je savais que c’était là un pari. Je sais aussi que notre culture, notre musique peuvent cadrer avec la sienne propre. Par l’esprit, par le rythme, par le mouvement qu’elle dégage » Si il lui a fallu effectivement convaincre de la pertinence de l’idée, aux Etats Unis d’abord, sans doute est-ce dû à la nature de la production à mettre en place dans la version live. Dix sept musiciens et chanteurs sur scène, du son, de la lumière en adéquation avec la nature du show, de la vidéo sur les écrans annexes (rappel du titre du spectacle, titre des morceaux avec illustration graphique) Sur scène la version Michael Jackson version latine représente au final une grosse machine à musique. La musique, justement nous voilà au coeur de l’affaire. Les arrangements sonnent en puissance, celle du nombre (14 musiciens) dont 3 cuivres et 5 percussions actives) comme celle du son global bâti sur un entrelacs de cuivres (5) et de percussions -moteur musique- Coeur de chauffe, tremplin pour les voix mises en avant. Les textes, sortent en anglais (originels) ou en traduction espagnole pour d’autres (qui favorise la souplesse, le plasticité du verbe) Le show (c’en est un question rythme, impact) donne l’impression d’un tourbillon. Les chanteurs-la chanteuse- n’ont de cesse de venir solliciter, accrocher le public (gestuelle, danse, va et vient incessant le long de la vaste scène) jusqu’à l’excès de démonstration (J. Rodriguez finit à genoux au bout de la chanson, style entre West Side Story et M.J.) Sans doute ce visuel travaillé et improvisé à la fois représente-t-il le pan le moins convaincant « N’oubliez pas, il s’agit d’une nuit spéciale pour nous. Une première, ici à Tempo Latino, que ce un concert. Des hits enchainés, poussés par une masse orchestrale à la puissance maximale. Deux ou trois crêtes pour ce big band latin soulfull: Thriller bien entendu et une version percutante de Black and white. « Nous considérons cette chanson comme un hymne. C’est un de mes thèmes préférés, le message est limpide, positif sur le sujet de l’ouverture de la société américaine, le respect des communautés…affirme Tony Succar Et d’ailleurs dans cet orchestre on retrouve toutes les nationalités de l’Amérique du Nord comme du sud » De fait au sortir du concert les avis se trouvent partagés. Les uns applaudissent à « l’exploit » musical. Les autres ne retrouve pas le tempo latino idéal pour assouvir l’envie de danser, l’un des ressorts principal du festival » Danser ou pas, pour moi ce n’est pas la bonne question. J’ai choisi ce projet pour ce qu’il a de culotté, d’innovant. » Eric Duffau le « presidente » de Tempo Latino va encore plus loin « J’ai vécu un grand moment de musique. D’ailleurs je l’ai dit à Tony: je vais aussi aller le voir à Miami. Je veux savoir comment cela va se passer dans leur ville. L’esprit chapelle des « tout pour la danse « à Vic ne m’a jamais convaincu »
La Cigale chante, l’été venu, sur un tempo latino
Les musiciens de l’Orkesta Mendoza viennent de l’Arizona, état du sud frontalier avec le Mexique. Sergio Duran lui vit à Tucson mais connaît bien Nogales « une ville qui existe des deux côtés de la frontière, une partie aux Etats Unis, l’autre au Mexique. Problème : un mur énorme de béton coupe la ville en son milieu. sauf que ce p… de mur n’empêche pas la musique de circuler entre les deux pays… » A écouter la musique du groupe, justement, on en retient comme un drôle de coktail: « cumbia » (mexicanisée), « rancheras, country, mariachis » donnent un contenu de sons mêlés que l’on dirait sorti en écho d’un bar à portes battantes. Musique multi-cultures en échos parallèles de trompette, de guitare, d’accordéon, de caisse claire autant que de tambours. L’environnement oscille entre pop et sonorités « » lorsque surgit soudain une sorte de mambo endiablé, décalé dans son vocal sucré, son solo de clarinette, puis de trompette dû à Raul Marques, musicien portugais…émigré à Tucson. Beaucoup d’entrain, d’humour insufflé. Avec Mendoza, danseurs infatigables soyez-en avertis, il fait bon savoir sur quel pied danser.
Un phénomène singulier. Vécu par expérience réitérée. Avec les « cantaores » (chanteurs) flamencos, gitans pour la plupart, il se passe avec une partie du public quelque chose d’indéfinissable. Une vibration, un feeling en suspension. Une relation spirituelle non normée. Un courant puissant mais discontinu. Une mise en scène mystique, extériorisée, un jaillissement relationnel serré, mystérieux semblable à celui de la « saeta« , cri/prière adressé à une vierge de Séville dans sa procession le long des ruelles envahies les jours de la Semaine Sainte.
Vitoria (Alava/Espagne) voilà quelques années. Sur scène Enrique Morente, figure de l’ « arte « pousse sa voix profonde sur des accords de guitares caractéristiques. Sur le côté une femme me tire par la manche, ayant remarqué mon passe « Vous pouvez l’approcher vous, monsieur n’est-ce pas ?
-???
_Vous pouvez lui parler, j’en suis sur. Alors s’il vous plait, de grâce dites lui une choses de ma part…
-???
_Je m’appelle Luisa et je l’aime. Je suis gitane, comme lui. Dites lui que je l’aime à en mourir. Faites cela pour moi car sans doute je ne l’entendrai plus jamais chanter de si près… Ainsi je pourrai m’en aller en paix»
Vic Fezensac. Au pied de la scène dressée en milieu d’Arène (où soit dit en passant sont passés officier durant la Feria certains toreros gitans), serré contre la barrière qui protège la fosse des photographes je suis à cinq mètre face au chanteur. Diego El Cigala, visage christique encadré par une longue chevelure floue gris noir, une barbe de même teinte, bagues en or massif passées à chaque doigt des deux mains, gourmette et montre luxe du même métal, costume anthracite sur chemise de soie noire vient de chanter ses premiers mots. Non pas dans un cadre flamenco mais sur un tempo syncopé façon « son » cubain. Quasiment que des femmes présentes autour de moi. Elle ne le quittent pas des yeux, le corps chaloupant sur le tempo moyen. J’essaie de prendre une photo, j’allonge mon bras. Un regard noir cloue ma tentative ressentie comme du pur sans-gène. Sous les pas de danses, je me déplace, heurte un pied « Mais enfin monsieur, c’est nul, restez concentré, en rythme, suivez la voix de Diego, enfin !… »
L’orchestre mis en place spécialement pour son projet « latino » tourne impeccablement. S’entend le son ronflant d’un moteur rutilant pour autoroute de lignes tracées afro-cubaines. Pupitre de cuivres, bongos, congas, « timbales » en puissance, efficaces sur les tempos d’enfer, capables de nuances profondes sur le boléro (solo de bugle classe inscrit sur Historia de un amor) On le pressentait dans son travail initié grâce à (et avec) Bebo Valdes. Fort d’un pareil support orchestral, le chanteur « flamenco » pose ici sa patte sans effort apparent sur le décor afro-cubain. Sur les tempos rapides (la « rumba ») il arme son chant comme si il lui fallait retenir les temps qui défilent, manière d’utiliser une griffe swing spéciale. Sur le boléro, les rythmes ralentis, il retrouve un phrasé naturel, utilisant une force de gorge toujours maîtrisée (Hacha y machete, d’Hector Lavoe, occasion d’un travail d’accompagnement aux petits oignons de la part de son pianiste préféré, gitan de Barcelona, Jaime Calabuch Asenso). Cigala, flamenco gitan afro-cubanisé par goût personnel, par une volonté de remise en question également en matière de répertoire, reste lui même. Sans chercher à en faire trop. Raison peut-être de la remise dans l’arène vicoise d’un trophée habituellement réservé aux « soneros » (musiciens ou chanteurs-chanteuses qui pratiquent le son cubain), le Prix Benny Moré.
Tempo Latino s’il faut en croire Eric Duffau, son président mousquetaire qui se plait à ferrailler, continuera à véhiculer musiques à ouïr et musiques à danser. Il persiste et signe « A propos de programme de Tempo, notre festival, j’aime bien employer la formule : aller vers une déstabilisation de qualité » Pour la 25e édition qui se profile il entend rechercher encore des associations de couleurs musicales originales « Moi, je voyage par l’écoute. Pour donner du plaisir, Il faut que la musique me surprenne » Comme surprise justement, il parle de deux femmes qui viendront en 2018 rendre hommage à Celia Cruz, la diva « sonera« …qui elle aussi, en son temps reçu le « baston » du prix Benny Moré.
Robert Latxague
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Flamenco ou bolero, qu’importe. Entre deux couplets Diego el Cigala procède par petit rituel. Chaque fois que l’on vient changer son verre de jus d’orange, il y trempe juste deux doigts. Puis du bout de se longs ongles manucurés, avant de chanter il asperge de quelques gouttes le plancher de la scène, juste devant lui.
Unity: Antonio « Tony »Succar (timbales), Yorgis Goiricelaya (b), Christian Cuevas (p), Juan Pablo Rodriguez (keyb), Nigel Aguiera,ia Jaime Vasquez Ruiz (perc), Jesus Mata, Juan Peralta (tp), Fernando Vargas, Maribel Diaz, Jean Rodriguez, Kevin Ceballo (voc), Daniel Diaz (g), Carlos García, Luis Zenner (tb), Daniel Rouleau (sax, fl)
Orkesta Mendoza: Sergio Mendoza (g, voc), Nord Electro 61 (voc), Salvador Duran (voc), Sean Rogers (b, voc), Marcos Lozano (Voc, bas, cl, taco, keyb), Raoul Marques (elg, tp, key, vos), Matthias Lemmens (tp, voc)
Diego El Cigala (voc), Christian David Muñoz Garcia (tp), Richard Alexander Stella Prieto (tb), Bernardo Aguirre Ocampo (tp), Victor Valencia Aguirre (perc), Diego Mayorga Zapata (perc), Giovanni Betancourt Ruiz (voc), Diego Armando Giraldo Castillo (voc), TBC (b), Jaime Calabuch Ascensio (p),
Tempo Latino, Les Arènes, Vic Fezensac 29, 30 juillet
« J’ai commencé à bosser sur ce projet à Miami, il y a six ans, une année après la mort de Michael Jackson. explique Tony Succar sur scène. Je savais que c’était là un pari. Je sais aussi que notre culture, notre musique peuvent cadrer avec la sienne propre. Par l’esprit, par le rythme, par le mouvement qu’elle dégage » Si il lui a fallu effectivement convaincre de la pertinence de l’idée, aux Etats Unis d’abord, sans doute est-ce dû à la nature de la production à mettre en place dans la version live. Dix sept musiciens et chanteurs sur scène, du son, de la lumière en adéquation avec la nature du show, de la vidéo sur les écrans annexes (rappel du titre du spectacle, titre des morceaux avec illustration graphique) Sur scène la version Michael Jackson version latine représente au final une grosse machine à musique. La musique, justement nous voilà au coeur de l’affaire. Les arrangements sonnent en puissance, celle du nombre (14 musiciens) dont 3 cuivres et 5 percussions actives) comme celle du son global bâti sur un entrelacs de cuivres (5) et de percussions -moteur musique- Coeur de chauffe, tremplin pour les voix mises en avant. Les textes, sortent en anglais (originels) ou en traduction espagnole pour d’autres (qui favorise la souplesse, le plasticité du verbe) Le show (c’en est un question rythme, impact) donne l’impression d’un tourbillon. Les chanteurs-la chanteuse- n’ont de cesse de venir solliciter, accrocher le public (gestuelle, danse, va et vient incessant le long de la vaste scène) jusqu’à l’excès de démonstration (J. Rodriguez finit à genoux au bout de la chanson, style entre West Side Story et M.J.) Sans doute ce visuel travaillé et improvisé à la fois représente-t-il le pan le moins convaincant « N’oubliez pas, il s’agit d’une nuit spéciale pour nous. Une première, ici à Tempo Latino, que ce un concert. Des hits enchainés, poussés par une masse orchestrale à la puissance maximale. Deux ou trois crêtes pour ce big band latin soulfull: Thriller bien entendu et une version percutante de Black and white. « Nous considérons cette chanson comme un hymne. C’est un de mes thèmes préférés, le message est limpide, positif sur le sujet de l’ouverture de la société américaine, le respect des communautés…affirme Tony Succar Et d’ailleurs dans cet orchestre on retrouve toutes les nationalités de l’Amérique du Nord comme du sud » De fait au sortir du concert les avis se trouvent partagés. Les uns applaudissent à « l’exploit » musical. Les autres ne retrouve pas le tempo latino idéal pour assouvir l’envie de danser, l’un des ressorts principal du festival » Danser ou pas, pour moi ce n’est pas la bonne question. J’ai choisi ce projet pour ce qu’il a de culotté, d’innovant. » Eric Duffau le « presidente » de Tempo Latino va encore plus loin « J’ai vécu un grand moment de musique. D’ailleurs je l’ai dit à Tony: je vais aussi aller le voir à Miami. Je veux savoir comment cela va se passer dans leur ville. L’esprit chapelle des « tout pour la danse « à Vic ne m’a jamais convaincu »
La Cigale chante, l’été venu, sur un tempo latino
Les musiciens de l’Orkesta Mendoza viennent de l’Arizona, état du sud frontalier avec le Mexique. Sergio Duran lui vit à Tucson mais connaît bien Nogales « une ville qui existe des deux côtés de la frontière, une partie aux Etats Unis, l’autre au Mexique. Problème : un mur énorme de béton coupe la ville en son milieu. sauf que ce p… de mur n’empêche pas la musique de circuler entre les deux pays… » A écouter la musique du groupe, justement, on en retient comme un drôle de coktail: « cumbia » (mexicanisée), « rancheras, country, mariachis » donnent un contenu de sons mêlés que l’on dirait sorti en écho d’un bar à portes battantes. Musique multi-cultures en échos parallèles de trompette, de guitare, d’accordéon, de caisse claire autant que de tambours. L’environnement oscille entre pop et sonorités « » lorsque surgit soudain une sorte de mambo endiablé, décalé dans son vocal sucré, son solo de clarinette, puis de trompette dû à Raul Marques, musicien portugais…émigré à Tucson. Beaucoup d’entrain, d’humour insufflé. Avec Mendoza, danseurs infatigables soyez-en avertis, il fait bon savoir sur quel pied danser.
Un phénomène singulier. Vécu par expérience réitérée. Avec les « cantaores » (chanteurs) flamencos, gitans pour la plupart, il se passe avec une partie du public quelque chose d’indéfinissable. Une vibration, un feeling en suspension. Une relation spirituelle non normée. Un courant puissant mais discontinu. Une mise en scène mystique, extériorisée, un jaillissement relationnel serré, mystérieux semblable à celui de la « saeta« , cri/prière adressé à une vierge de Séville dans sa procession le long des ruelles envahies les jours de la Semaine Sainte.
Vitoria (Alava/Espagne) voilà quelques années. Sur scène Enrique Morente, figure de l’ « arte « pousse sa voix profonde sur des accords de guitares caractéristiques. Sur le côté une femme me tire par la manche, ayant remarqué mon passe « Vous pouvez l’approcher vous, monsieur n’est-ce pas ?
-???
_Vous pouvez lui parler, j’en suis sur. Alors s’il vous plait, de grâce dites lui une choses de ma part…
-???
_Je m’appelle Luisa et je l’aime. Je suis gitane, comme lui. Dites lui que je l’aime à en mourir. Faites cela pour moi car sans doute je ne l’entendrai plus jamais chanter de si près… Ainsi je pourrai m’en aller en paix»
Vic Fezensac. Au pied de la scène dressée en milieu d’Arène (où soit dit en passant sont passés officier durant la Feria certains toreros gitans), serré contre la barrière qui protège la fosse des photographes je suis à cinq mètre face au chanteur. Diego El Cigala, visage christique encadré par une longue chevelure floue gris noir, une barbe de même teinte, bagues en or massif passées à chaque doigt des deux mains, gourmette et montre luxe du même métal, costume anthracite sur chemise de soie noire vient de chanter ses premiers mots. Non pas dans un cadre flamenco mais sur un tempo syncopé façon « son » cubain. Quasiment que des femmes présentes autour de moi. Elle ne le quittent pas des yeux, le corps chaloupant sur le tempo moyen. J’essaie de prendre une photo, j’allonge mon bras. Un regard noir cloue ma tentative ressentie comme du pur sans-gène. Sous les pas de danses, je me déplace, heurte un pied « Mais enfin monsieur, c’est nul, restez concentré, en rythme, suivez la voix de Diego, enfin !… »
L’orchestre mis en place spécialement pour son projet « latino » tourne impeccablement. S’entend le son ronflant d’un moteur rutilant pour autoroute de lignes tracées afro-cubaines. Pupitre de cuivres, bongos, congas, « timbales » en puissance, efficaces sur les tempos d’enfer, capables de nuances profondes sur le boléro (solo de bugle classe inscrit sur Historia de un amor) On le pressentait dans son travail initié grâce à (et avec) Bebo Valdes. Fort d’un pareil support orchestral, le chanteur « flamenco » pose ici sa patte sans effort apparent sur le décor afro-cubain. Sur les tempos rapides (la « rumba ») il arme son chant comme si il lui fallait retenir les temps qui défilent, manière d’utiliser une griffe swing spéciale. Sur le boléro, les rythmes ralentis, il retrouve un phrasé naturel, utilisant une force de gorge toujours maîtrisée (Hacha y machete, d’Hector Lavoe, occasion d’un travail d’accompagnement aux petits oignons de la part de son pianiste préféré, gitan de Barcelona, Jaime Calabuch Asenso). Cigala, flamenco gitan afro-cubanisé par goût personnel, par une volonté de remise en question également en matière de répertoire, reste lui même. Sans chercher à en faire trop. Raison peut-être de la remise dans l’arène vicoise d’un trophée habituellement réservé aux « soneros » (musiciens ou chanteurs-chanteuses qui pratiquent le son cubain), le Prix Benny Moré.
Tempo Latino s’il faut en croire Eric Duffau, son président mousquetaire qui se plait à ferrailler, continuera à véhiculer musiques à ouïr et musiques à danser. Il persiste et signe « A propos de programme de Tempo, notre festival, j’aime bien employer la formule : aller vers une déstabilisation de qualité » Pour la 25e édition qui se profile il entend rechercher encore des associations de couleurs musicales originales « Moi, je voyage par l’écoute. Pour donner du plaisir, Il faut que la musique me surprenne » Comme surprise justement, il parle de deux femmes qui viendront en 2018 rendre hommage à Celia Cruz, la diva « sonera« …qui elle aussi, en son temps reçu le « baston » du prix Benny Moré.
Robert Latxague
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Flamenco ou bolero, qu’importe. Entre deux couplets Diego el Cigala procède par petit rituel. Chaque fois que l’on vient changer son verre de jus d’orange, il y trempe juste deux doigts. Puis du bout de se longs ongles manucurés, avant de chanter il asperge de quelques gouttes le plancher de la scène, juste devant lui.
Unity: Antonio « Tony »Succar (timbales), Yorgis Goiricelaya (b), Christian Cuevas (p), Juan Pablo Rodriguez (keyb), Nigel Aguiera,ia Jaime Vasquez Ruiz (perc), Jesus Mata, Juan Peralta (tp), Fernando Vargas, Maribel Diaz, Jean Rodriguez, Kevin Ceballo (voc), Daniel Diaz (g), Carlos García, Luis Zenner (tb), Daniel Rouleau (sax, fl)
Orkesta Mendoza: Sergio Mendoza (g, voc), Nord Electro 61 (voc), Salvador Duran (voc), Sean Rogers (b, voc), Marcos Lozano (Voc, bas, cl, taco, keyb), Raoul Marques (elg, tp, key, vos), Matthias Lemmens (tp, voc)
Diego El Cigala (voc), Christian David Muñoz Garcia (tp), Richard Alexander Stella Prieto (tb), Bernardo Aguirre Ocampo (tp), Victor Valencia Aguirre (perc), Diego Mayorga Zapata (perc), Giovanni Betancourt Ruiz (voc), Diego Armando Giraldo Castillo (voc), TBC (b), Jaime Calabuch Ascensio (p),
Tempo Latino, Les Arènes, Vic Fezensac 29, 30 juillet
« J’ai commencé à bosser sur ce projet à Miami, il y a six ans, une année après la mort de Michael Jackson. explique Tony Succar sur scène. Je savais que c’était là un pari. Je sais aussi que notre culture, notre musique peuvent cadrer avec la sienne propre. Par l’esprit, par le rythme, par le mouvement qu’elle dégage » Si il lui a fallu effectivement convaincre de la pertinence de l’idée, aux Etats Unis d’abord, sans doute est-ce dû à la nature de la production à mettre en place dans la version live. Dix sept musiciens et chanteurs sur scène, du son, de la lumière en adéquation avec la nature du show, de la vidéo sur les écrans annexes (rappel du titre du spectacle, titre des morceaux avec illustration graphique) Sur scène la version Michael Jackson version latine représente au final une grosse machine à musique. La musique, justement nous voilà au coeur de l’affaire. Les arrangements sonnent en puissance, celle du nombre (14 musiciens) dont 3 cuivres et 5 percussions actives) comme celle du son global bâti sur un entrelacs de cuivres (5) et de percussions -moteur musique- Coeur de chauffe, tremplin pour les voix mises en avant. Les textes, sortent en anglais (originels) ou en traduction espagnole pour d’autres (qui favorise la souplesse, le plasticité du verbe) Le show (c’en est un question rythme, impact) donne l’impression d’un tourbillon. Les chanteurs-la chanteuse- n’ont de cesse de venir solliciter, accrocher le public (gestuelle, danse, va et vient incessant le long de la vaste scène) jusqu’à l’excès de démonstration (J. Rodriguez finit à genoux au bout de la chanson, style entre West Side Story et M.J.) Sans doute ce visuel travaillé et improvisé à la fois représente-t-il le pan le moins convaincant « N’oubliez pas, il s’agit d’une nuit spéciale pour nous. Une première, ici à Tempo Latino, que ce un concert. Des hits enchainés, poussés par une masse orchestrale à la puissance maximale. Deux ou trois crêtes pour ce big band latin soulfull: Thriller bien entendu et une version percutante de Black and white. « Nous considérons cette chanson comme un hymne. C’est un de mes thèmes préférés, le message est limpide, positif sur le sujet de l’ouverture de la société américaine, le respect des communautés…affirme Tony Succar Et d’ailleurs dans cet orchestre on retrouve toutes les nationalités de l’Amérique du Nord comme du sud » De fait au sortir du concert les avis se trouvent partagés. Les uns applaudissent à « l’exploit » musical. Les autres ne retrouve pas le tempo latino idéal pour assouvir l’envie de danser, l’un des ressorts principal du festival » Danser ou pas, pour moi ce n’est pas la bonne question. J’ai choisi ce projet pour ce qu’il a de culotté, d’innovant. » Eric Duffau le « presidente » de Tempo Latino va encore plus loin « J’ai vécu un grand moment de musique. D’ailleurs je l’ai dit à Tony: je vais aussi aller le voir à Miami. Je veux savoir comment cela va se passer dans leur ville. L’esprit chapelle des « tout pour la danse « à Vic ne m’a jamais convaincu »
La Cigale chante, l’été venu, sur un tempo latino
Les musiciens de l’Orkesta Mendoza viennent de l’Arizona, état du sud frontalier avec le Mexique. Sergio Duran lui vit à Tucson mais connaît bien Nogales « une ville qui existe des deux côtés de la frontière, une partie aux Etats Unis, l’autre au Mexique. Problème : un mur énorme de béton coupe la ville en son milieu. sauf que ce p… de mur n’empêche pas la musique de circuler entre les deux pays… » A écouter la musique du groupe, justement, on en retient comme un drôle de coktail: « cumbia » (mexicanisée), « rancheras, country, mariachis » donnent un contenu de sons mêlés que l’on dirait sorti en écho d’un bar à portes battantes. Musique multi-cultures en échos parallèles de trompette, de guitare, d’accordéon, de caisse claire autant que de tambours. L’environnement oscille entre pop et sonorités « » lorsque surgit soudain une sorte de mambo endiablé, décalé dans son vocal sucré, son solo de clarinette, puis de trompette dû à Raul Marques, musicien portugais…émigré à Tucson. Beaucoup d’entrain, d’humour insufflé. Avec Mendoza, danseurs infatigables soyez-en avertis, il fait bon savoir sur quel pied danser.
Un phénomène singulier. Vécu par expérience réitérée. Avec les « cantaores » (chanteurs) flamencos, gitans pour la plupart, il se passe avec une partie du public quelque chose d’indéfinissable. Une vibration, un feeling en suspension. Une relation spirituelle non normée. Un courant puissant mais discontinu. Une mise en scène mystique, extériorisée, un jaillissement relationnel serré, mystérieux semblable à celui de la « saeta« , cri/prière adressé à une vierge de Séville dans sa procession le long des ruelles envahies les jours de la Semaine Sainte.
Vitoria (Alava/Espagne) voilà quelques années. Sur scène Enrique Morente, figure de l’ « arte « pousse sa voix profonde sur des accords de guitares caractéristiques. Sur le côté une femme me tire par la manche, ayant remarqué mon passe « Vous pouvez l’approcher vous, monsieur n’est-ce pas ?
-???
_Vous pouvez lui parler, j’en suis sur. Alors s’il vous plait, de grâce dites lui une choses de ma part…
-???
_Je m’appelle Luisa et je l’aime. Je suis gitane, comme lui. Dites lui que je l’aime à en mourir. Faites cela pour moi car sans doute je ne l’entendrai plus jamais chanter de si près… Ainsi je pourrai m’en aller en paix»
Vic Fezensac. Au pied de la scène dressée en milieu d’Arène (où soit dit en passant sont passés officier durant la Feria certains toreros gitans), serré contre la barrière qui protège la fosse des photographes je suis à cinq mètre face au chanteur. Diego El Cigala, visage christique encadré par une longue chevelure floue gris noir, une barbe de même teinte, bagues en or massif passées à chaque doigt des deux mains, gourmette et montre luxe du même métal, costume anthracite sur chemise de soie noire vient de chanter ses premiers mots. Non pas dans un cadre flamenco mais sur un tempo syncopé façon « son » cubain. Quasiment que des femmes présentes autour de moi. Elle ne le quittent pas des yeux, le corps chaloupant sur le tempo moyen. J’essaie de prendre une photo, j’allonge mon bras. Un regard noir cloue ma tentative ressentie comme du pur sans-gène. Sous les pas de danses, je me déplace, heurte un pied « Mais enfin monsieur, c’est nul, restez concentré, en rythme, suivez la voix de Diego, enfin !… »
L’orchestre mis en place spécialement pour son projet « latino » tourne impeccablement. S’entend le son ronflant d’un moteur rutilant pour autoroute de lignes tracées afro-cubaines. Pupitre de cuivres, bongos, congas, « timbales » en puissance, efficaces sur les tempos d’enfer, capables de nuances profondes sur le boléro (solo de bugle classe inscrit sur Historia de un amor) On le pressentait dans son travail initié grâce à (et avec) Bebo Valdes. Fort d’un pareil support orchestral, le chanteur « flamenco » pose ici sa patte sans effort apparent sur le décor afro-cubain. Sur les tempos rapides (la « rumba ») il arme son chant comme si il lui fallait retenir les temps qui défilent, manière d’utiliser une griffe swing spéciale. Sur le boléro, les rythmes ralentis, il retrouve un phrasé naturel, utilisant une force de gorge toujours maîtrisée (Hacha y machete, d’Hector Lavoe, occasion d’un travail d’accompagnement aux petits oignons de la part de son pianiste préféré, gitan de Barcelona, Jaime Calabuch Asenso). Cigala, flamenco gitan afro-cubanisé par goût personnel, par une volonté de remise en question également en matière de répertoire, reste lui même. Sans chercher à en faire trop. Raison peut-être de la remise dans l’arène vicoise d’un trophée habituellement réservé aux « soneros » (musiciens ou chanteurs-chanteuses qui pratiquent le son cubain), le Prix Benny Moré.
Tempo Latino s’il faut en croire Eric Duffau, son président mousquetaire qui se plait à ferrailler, continuera à véhiculer musiques à ouïr et musiques à danser. Il persiste et signe « A propos de programme de Tempo, notre festival, j’aime bien employer la formule : aller vers une déstabilisation de qualité » Pour la 25e édition qui se profile il entend rechercher encore des associations de couleurs musicales originales « Moi, je voyage par l’écoute. Pour donner du plaisir, Il faut que la musique me surprenne » Comme surprise justement, il parle de deux femmes qui viendront en 2018 rendre hommage à Celia Cruz, la diva « sonera« …qui elle aussi, en son temps reçu le « baston » du prix Benny Moré.
Robert Latxague
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Flamenco ou bolero, qu’importe. Entre deux couplets Diego el Cigala procède par petit rituel. Chaque fois que l’on vient changer son verre de jus d’orange, il y trempe juste deux doigts. Puis du bout de se longs ongles manucurés, avant de chanter il asperge de quelques gouttes le plancher de la scène, juste devant lui.
Unity: Antonio « Tony »Succar (timbales), Yorgis Goiricelaya (b), Christian Cuevas (p), Juan Pablo Rodriguez (keyb), Nigel Aguiera,ia Jaime Vasquez Ruiz (perc), Jesus Mata, Juan Peralta (tp), Fernando Vargas, Maribel Diaz, Jean Rodriguez, Kevin Ceballo (voc), Daniel Diaz (g), Carlos García, Luis Zenner (tb), Daniel Rouleau (sax, fl)
Orkesta Mendoza: Sergio Mendoza (g, voc), Nord Electro 61 (voc), Salvador Duran (voc), Sean Rogers (b, voc), Marcos Lozano (Voc, bas, cl, taco, keyb), Raoul Marques (elg, tp, key, vos), Matthias Lemmens (tp, voc)
Diego El Cigala (voc), Christian David Muñoz Garcia (tp), Richard Alexander Stella Prieto (tb), Bernardo Aguirre Ocampo (tp), Victor Valencia Aguirre (perc), Diego Mayorga Zapata (perc), Giovanni Betancourt Ruiz (voc), Diego Armando Giraldo Castillo (voc), TBC (b), Jaime Calabuch Ascensio (p),
Tempo Latino, Les Arènes, Vic Fezensac 29, 30 juillet
« J’ai commencé à bosser sur ce projet à Miami, il y a six ans, une année après la mort de Michael Jackson. explique Tony Succar sur scène. Je savais que c’était là un pari. Je sais aussi que notre culture, notre musique peuvent cadrer avec la sienne propre. Par l’esprit, par le rythme, par le mouvement qu’elle dégage » Si il lui a fallu effectivement convaincre de la pertinence de l’idée, aux Etats Unis d’abord, sans doute est-ce dû à la nature de la production à mettre en place dans la version live. Dix sept musiciens et chanteurs sur scène, du son, de la lumière en adéquation avec la nature du show, de la vidéo sur les écrans annexes (rappel du titre du spectacle, titre des morceaux avec illustration graphique) Sur scène la version Michael Jackson version latine représente au final une grosse machine à musique. La musique, justement nous voilà au coeur de l’affaire. Les arrangements sonnent en puissance, celle du nombre (14 musiciens) dont 3 cuivres et 5 percussions actives) comme celle du son global bâti sur un entrelacs de cuivres (5) et de percussions -moteur musique- Coeur de chauffe, tremplin pour les voix mises en avant. Les textes, sortent en anglais (originels) ou en traduction espagnole pour d’autres (qui favorise la souplesse, le plasticité du verbe) Le show (c’en est un question rythme, impact) donne l’impression d’un tourbillon. Les chanteurs-la chanteuse- n’ont de cesse de venir solliciter, accrocher le public (gestuelle, danse, va et vient incessant le long de la vaste scène) jusqu’à l’excès de démonstration (J. Rodriguez finit à genoux au bout de la chanson, style entre West Side Story et M.J.) Sans doute ce visuel travaillé et improvisé à la fois représente-t-il le pan le moins convaincant « N’oubliez pas, il s’agit d’une nuit spéciale pour nous. Une première, ici à Tempo Latino, que ce un concert. Des hits enchainés, poussés par une masse orchestrale à la puissance maximale. Deux ou trois crêtes pour ce big band latin soulfull: Thriller bien entendu et une version percutante de Black and white. « Nous considérons cette chanson comme un hymne. C’est un de mes thèmes préférés, le message est limpide, positif sur le sujet de l’ouverture de la société américaine, le respect des communautés…affirme Tony Succar Et d’ailleurs dans cet orchestre on retrouve toutes les nationalités de l’Amérique du Nord comme du sud » De fait au sortir du concert les avis se trouvent partagés. Les uns applaudissent à « l’exploit » musical. Les autres ne retrouve pas le tempo latino idéal pour assouvir l’envie de danser, l’un des ressorts principal du festival » Danser ou pas, pour moi ce n’est pas la bonne question. J’ai choisi ce projet pour ce qu’il a de culotté, d’innovant. » Eric Duffau le « presidente » de Tempo Latino va encore plus loin « J’ai vécu un grand moment de musique. D’ailleurs je l’ai dit à Tony: je vais aussi aller le voir à Miami. Je veux savoir comment cela va se passer dans leur ville. L’esprit chapelle des « tout pour la danse « à Vic ne m’a jamais convaincu »
La Cigale chante, l’été venu, sur un tempo latino
Les musiciens de l’Orkesta Mendoza viennent de l’Arizona, état du sud frontalier avec le Mexique. Sergio Duran lui vit à Tucson mais connaît bien Nogales « une ville qui existe des deux côtés de la frontière, une partie aux Etats Unis, l’autre au Mexique. Problème : un mur énorme de béton coupe la ville en son milieu. sauf que ce p… de mur n’empêche pas la musique de circuler entre les deux pays… » A écouter la musique du groupe, justement, on en retient comme un drôle de coktail: « cumbia » (mexicanisée), « rancheras, country, mariachis » donnent un contenu de sons mêlés que l’on dirait sorti en écho d’un bar à portes battantes. Musique multi-cultures en échos parallèles de trompette, de guitare, d’accordéon, de caisse claire autant que de tambours. L’environnement oscille entre pop et sonorités « » lorsque surgit soudain une sorte de mambo endiablé, décalé dans son vocal sucré, son solo de clarinette, puis de trompette dû à Raul Marques, musicien portugais…émigré à Tucson. Beaucoup d’entrain, d’humour insufflé. Avec Mendoza, danseurs infatigables soyez-en avertis, il fait bon savoir sur quel pied danser.
Un phénomène singulier. Vécu par expérience réitérée. Avec les « cantaores » (chanteurs) flamencos, gitans pour la plupart, il se passe avec une partie du public quelque chose d’indéfinissable. Une vibration, un feeling en suspension. Une relation spirituelle non normée. Un courant puissant mais discontinu. Une mise en scène mystique, extériorisée, un jaillissement relationnel serré, mystérieux semblable à celui de la « saeta« , cri/prière adressé à une vierge de Séville dans sa procession le long des ruelles envahies les jours de la Semaine Sainte.
Vitoria (Alava/Espagne) voilà quelques années. Sur scène Enrique Morente, figure de l’ « arte « pousse sa voix profonde sur des accords de guitares caractéristiques. Sur le côté une femme me tire par la manche, ayant remarqué mon passe « Vous pouvez l’approcher vous, monsieur n’est-ce pas ?
-???
_Vous pouvez lui parler, j’en suis sur. Alors s’il vous plait, de grâce dites lui une choses de ma part…
-???
_Je m’appelle Luisa et je l’aime. Je suis gitane, comme lui. Dites lui que je l’aime à en mourir. Faites cela pour moi car sans doute je ne l’entendrai plus jamais chanter de si près… Ainsi je pourrai m’en aller en paix»
Vic Fezensac. Au pied de la scène dressée en milieu d’Arène (où soit dit en passant sont passés officier durant la Feria certains toreros gitans), serré contre la barrière qui protège la fosse des photographes je suis à cinq mètre face au chanteur. Diego El Cigala, visage christique encadré par une longue chevelure floue gris noir, une barbe de même teinte, bagues en or massif passées à chaque doigt des deux mains, gourmette et montre luxe du même métal, costume anthracite sur chemise de soie noire vient de chanter ses premiers mots. Non pas dans un cadre flamenco mais sur un tempo syncopé façon « son » cubain. Quasiment que des femmes présentes autour de moi. Elle ne le quittent pas des yeux, le corps chaloupant sur le tempo moyen. J’essaie de prendre une photo, j’allonge mon bras. Un regard noir cloue ma tentative ressentie comme du pur sans-gène. Sous les pas de danses, je me déplace, heurte un pied « Mais enfin monsieur, c’est nul, restez concentré, en rythme, suivez la voix de Diego, enfin !… »
L’orchestre mis en place spécialement pour son projet « latino » tourne impeccablement. S’entend le son ronflant d’un moteur rutilant pour autoroute de lignes tracées afro-cubaines. Pupitre de cuivres, bongos, congas, « timbales » en puissance, efficaces sur les tempos d’enfer, capables de nuances profondes sur le boléro (solo de bugle classe inscrit sur Historia de un amor) On le pressentait dans son travail initié grâce à (et avec) Bebo Valdes. Fort d’un pareil support orchestral, le chanteur « flamenco » pose ici sa patte sans effort apparent sur le décor afro-cubain. Sur les tempos rapides (la « rumba ») il arme son chant comme si il lui fallait retenir les temps qui défilent, manière d’utiliser une griffe swing spéciale. Sur le boléro, les rythmes ralentis, il retrouve un phrasé naturel, utilisant une force de gorge toujours maîtrisée (Hacha y machete, d’Hector Lavoe, occasion d’un travail d’accompagnement aux petits oignons de la part de son pianiste préféré, gitan de Barcelona, Jaime Calabuch Asenso). Cigala, flamenco gitan afro-cubanisé par goût personnel, par une volonté de remise en question également en matière de répertoire, reste lui même. Sans chercher à en faire trop. Raison peut-être de la remise dans l’arène vicoise d’un trophée habituellement réservé aux « soneros » (musiciens ou chanteurs-chanteuses qui pratiquent le son cubain), le Prix Benny Moré.
Tempo Latino s’il faut en croire Eric Duffau, son président mousquetaire qui se plait à ferrailler, continuera à véhiculer musiques à ouïr et musiques à danser. Il persiste et signe « A propos de programme de Tempo, notre festival, j’aime bien employer la formule : aller vers une déstabilisation de qualité » Pour la 25e édition qui se profile il entend rechercher encore des associations de couleurs musicales originales « Moi, je voyage par l’écoute. Pour donner du plaisir, Il faut que la musique me surprenne » Comme surprise justement, il parle de deux femmes qui viendront en 2018 rendre hommage à Celia Cruz, la diva « sonera« …qui elle aussi, en son temps reçu le « baston » du prix Benny Moré.
Robert Latxague