Vitoria: Baldo Martinez & María Schneider orchestres grands
Elle est d’origine jamaïcaine mais la sonorité de son sax ne donne pas dans le registre pur sucre. Le départ du concert se fait en duo ténor/ guitare , celle ci jouée toute en boucles, échos, réverbération afin de colorer des notes qui s’échappent d’un champ d’action musical trop restreint. Chelsea Carmichael se cantonne dans un sax ténor au souffle puissant, presque monolithique pour garder fermement la direction musicale choisie. On pourrait songer à l’exemple de Kamashi Washington. Ressort également un épisode inhabituel dans ce genre de concert: soit un solo de batterie étiré très en longueur, suite de roulements de tambours, de caisses, de toms à l’image de certains groupes pops des années 70. De longues pièces, un son général apte à maintenir la tension, des thêmes qui tournent. rapides, pour déboucher sur le mouvement d’une force peu commune de la part d’un quartet très resserré. Chelsea Carmichael invitée pour la première fois dans un grand festival de jazz en Espagne y a laissé sa trace.
Chelsea Carmichael (as) Rob Luft (g), Mutale Chashi (b), Oliver Sarkar (dm)
Jazz à Vitoria, Teatro Principal Antzokia, 4 juillet
Marco Mezquida, Moises P. Sanchez (p)
Theatro Principal Antzokia, 5 juillet
Deux grands pianos de concert se retrouvent placés en face à face. Pas si évident dans une pareille configuration de savoir à qui attribuer les notes. Marco Mezquida, le jeune pianiste qui monte en Espagne, et Moisés P Sanchez son aîné se connaissent bien. Réunis en duo pour la première fois à l’invitation du festival alavais ils livrent de longues pièces peuplées d’accords et de développements solos en alternance (Simbiosis 1, 2 et 3) Peut être pourra-t-on noter un plus de swing instinctif chez Sanchez. Un supplément d’aventure sur le clavier de la part de Mezquida, lequel paraît oser davantage se livrer, confére la séquence de notes claquées sèches suite à des cordes bloquées de la main gauche dans le ventre du piano. Globalement le travail pianistique opéré en parallèle sur les deux claviers se complète. On perçoit du jazz dans l’air. Et d’autres figures de style. On pourrait songer également à quelques escapades improvisées des sœurs Labèque. Ou côté français aux élans de duos imaginaires type Laurent De Wilde/Baptiste Trotignon voire BojanZ/Paul Lay…
La musique produite se fait élastique avec rebondissements successifs à partir d’un thème exposé à quatre mains et son élargissement en champ, contre champ (chant contre chant? » voire en contre plongée question images musicales produites. Ceci dit dans un tel maelström de lignes créés en connexion via l’improvisation, il arrive parfois de ressentir un brin de confusion dans l’identificatiin des protagonistes. Dans l’attribution des crédits pianistiques.
Ainsi semble-t-Il des plus intéressants cet instant privilégié de petites miniatures en notes comptées à l’occasioni de l’ntro du bis 1 (Nacimiento) Ou ce moment de communion dans le calme, la sérenité pour une série dans l’économie d’effets de notes chez Mezquida comme chez Sanchez ( Infinito)
Baldo Martinez (b), Joao Barrada (acc) Julian Sanchez (tp, bug), Juan Saiz (ts, ss), Andrés Coll (vib, marimba, elec): Lucia Martinez (dm, perc, voc)
Jazz en Vitoria, Polideportivo Mendizorrotza, 5 juillet
Baptisée Música Imaginaria, cette création due à la plume du bassiste galicien procède d’une commande du Festival de Vitoria avec le soutien du Conservatoire de la capitale de la Communauté Autonome du Pays Basque.
À franchement parler ce n’est sas si souvent que l’ont puisse entendre ce genre de musique ouverte à tous les vents dans la programmation d’un grand festival. Un mix de jazz et d’échos saupoudrés de folklores ibériques -le concert se terminera sur une « Danza Imaginaria».
Baldo Martínez un des rares musiciens de jazz espagnols à s’être produits auprès de confrêres européens (Ramon López, Dominique Pifarély, Samuel Blaser) introduit dans cette œuvre des espaces ouverts, nombre de ruptures de rythmes et de changements de trames de couleurs harmoniques. Il laisse une large part à l’improvisation assumée en collectif : « J’ai choisi les musiciens en fonction d’un tel objectif »
Du coup les thèmes ne représentent au final que des tremplins, des points de rendez-vous. Dans cette architecture mouvante Baldo Martínez prend une place d’aiguilleur du ciel musical. Les timbres fournis par chaque instrument offrent une gamme de sons, de couleurs et de reliefs ainsi enrichis ((Todos Fuera)
Les solistes mis en avant au delà des formules d’impros partagées bénéficient chacun d’une personnalité, d’une sonorité originale. Et de beaucoup de liberté une fois posée la structure du morceau. Le plus explosif d’entre eux étant sans doute le trés jeune vibraphoniste Andrés Coll originaire d’ibiza. Autre dominante, entre les mains expertes de Juan Saiz, la flûte, explosive ou douce, prend également une place peu habituelle dans un tel contexte d’orchestre de jazz ( la séquence ntroductive d’un thème à la flûte traversière jouée en souffle continu figure un chant poussé jusqu’au cri lors d’une long crescendo en duo avec batterie puis accordéon)
Dans ces découpes incessantes, cette suite de vagues de jazz Lucia Martinez donne l’assise, les impulsions et même donne de la voix au besoin histoire de marquer les coups les plus tranchants sur sa batterie. Le groupe au fur et à mesure des morceaux paraît vouloir illustrer en «live » certains épisodes de l’histoire récente du jazz. Acoustique autant qu’électrique ( Insertions électroniques à gogo via le vibraphone ) la musique vivante – «en vivo » en espagnol – de par ses escapades libertaires fait/favorise le récit (imaginaire ?) des évolutions, des prises de risque de cette musique longtemps minoreé en Espagne.
Maria Schneider & Oslo Jazz Orchestra
Jazz en Vitoria, Polideportivo Mendizorrotza, 5 juillet
Pour les avoir conduits musicalement lors de multiples concerts en Europe Maria Schneider connaît parfaitement les capacités, le rôle de chacun des musiciens de ce big band norvégien. Sur scène elle gère les pupitres avec autorité, manage la masse orchestrale avec aisance.
Comme dans ses compositions élaborées puis travailllées avec la volonté de leur donner du sens en profondeur elle distille de la finesse, des nuances dans les formes et les couleurs de l’expression scénique.
Ce qui n’obère en rien la puissance de ce moteur de grand orchestre ( Don’t be Evil ) À l’instar de cet univers de basses additionnées : trombone, sax baryton, contrebasse, accordéon, grosse caisse, guitare en distorsion râpeuse. De quoi conférer au thème une forme de pression, de couleurs sombre générateur de craintes, d’angoisse apte à illustrer la réalité de l’ « I. À.», l’intelligence artificielle, puisque tel se veut le message de la musicienne américaine en bataille avec les tycoons du numérique. « Sputnik» qui suit célèbre un sax baryton empreint de calme, et d’ampleur dans sa sonorité avant que le climat ne monte en intensité peu à peu. Te est l’art de compositrice de Maria Schneider, porteuse d’une plastique, d’une souplesse dans l’enchaînement de ses mouvements passés de la partition à la scène. Fruit mûri d’une écriture au demeurant très précise. Dans une tel contexte l’improvisation n’intervient que en «dessert» lors des chorus des différents solistes.
Ce jazz propulsé en grande formation évolue en un contenu musical étagé, plantés de focus livrés en premiers plans (chorus) ou arrières plans ( travail en sections) Le tout marqué d’une accentuation différentiée (volume, intensité) suivant les temps forts du concert. « Ce dernier thème je l’ai pensé puis écrit en morse » raconte Maria Schneider très séreuse. (« CQ CQ is anybody there ? » ) Moment étrange de bruitage collectif, d’un fond sonore très déstructuré. Puis tout revient en maîtrise. La leader, la conductrice en chef montre qu’elle tient bien son orchestre en mains quel que soit le niveau de complexité de la partition.
Même envoyé en morse le message sera passé.
Robert Latxague