Yonathan Avishai improvise à la bougie
Un concert solo de Yonathan Avishai, c’est toujours un grand moment de beauté imprévisible.
Yonathan Avishai (piano solo), concert à la bougie, Sunset (30 août 2023)
Yonathan Avishai a une conception très haute de l’improvisation. Il ne force jamais la musique à suivre les chemins balisés ni à traverser dans les clous. On l’a très bien ressenti vers le cinquième ou le sixième morceau du concert. C’est à ce moment là que le pianiste s’est lancé dans un long passage en accords installant (chez lui comme chez l’auditeur) une sorte de groove hypnotique qui le fait dodeliner sur son siège.
La tête très droite, légèrement en arrière, il adopte une posture qui rappelle celle d’un suricate aux aguets. Yonathan Avishai semble attendre qu’une porte s’ouvre. Mais sans forcer le passage, et sans s’inquiéter de savoir ce qu’il va trouver derrière. Finalement le loquet finit par céder. Et c’est alors qu’on a eu l’impression qu’un tapis de tulipes lui poussait sous les doigts. L’obscurité (relative) de ce concert à la bougie (excellente idée) n’a pas changé son jeu, mais a favorisé sans doute la perception de celui-ci par les auditeurs.
Ce qui frappe c’est la diversité des musiques qui coexistent en lui : standards de jazz (Un so in love, magique) , Chanson française (Léo Ferré, la mélancolie), musique brésilienne (version sublime de Confidencias, magnifique morceau d’un compositeur brésilien moins connu ici que Villa-Lobos, Ernesto Nazareth) chansons traditionnelles israéliennes, et bien sûr le blues, qui est à la source de tout ce qu’il joue. En solo (encore plus qu’en trio) Yonathan Avishai laisse communiquer toutes ces musiques qu’il porte en lui. Il se soumet au caprice de ses associations d’idées. Il donne l’impression de jouer autant que d’être joué, surpris lui-même par la direction que prennent ses doigts. Au fil du temps, Yonathan Avishai se montre de plus en plus libre. Je me souviens que lors de ses premiers concerts, il impressionnait par la concision de son discours, qui confinait presque à l’austérité. Depuis, il a mis du ray Briant dans son John Lewis. Il s’autorise même à chantonner ce qu’il joue. Un spectacle très personnel (Pianiste) a mis en lumière cette quête de liberté. On la retrouve ce soir dans tout ce qu’il joue, et sur disque dans le très beau Retrouvailles qui vient de sortir.
Texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoët (autres dessins de jazz, peintures à découvrir sur son site www.annieclaire.com)