Ystad Jazz Festival, Suède. 4° journée
Il n’y avait pas beaucoup de groupes français à Ystad, et guère de duos non plus, d’où l’intérêt de venir écouter, au musée d’art de la ville, Smoking Mouse — que personnellement je ne connaissais pas du tout. Un duo réunissant un accordéoniste (Christophe Girard) et un souffleur pratiquant à la fois la trompette, le bugle et l’euphonium (Anthony Caillet), voilà qui n’est pas courant.
Et, en l’occurrence, nous avons affaire non seulement à des instrumentistes de haut niveau mais aussi à des musiciens inspirés, lyriques, capables de swinguer de façon intense comme de donner corps à des mélodies originales d’inspiration souvent folkloriques, parfois jazz. Une musique en partie écrite, où les lignes des deux instruments s’entrecroisent avec un art consommé du contrepoint, et où l’improvisation a également toute sa place. Une musique où, par ailleurs, l’alliance inhabituelle des timbres produit un son de groupe inouï et au charme évident. Entend-on fréquemment ce duo dans les salles et festivals français ? C’est à vérifier. En tout cas c’est tout à l’honneur du festival d’Ystad d’avoir déniché ces deux enchanteurs et de les avoir fait découvrir à un public ravi.
Quand le « boss » joue, le théâtre d’Ystad est plein, ça va de soi ! Pour l’avant-dernier soir du festival, le trio de Jan Lundgren, complété par les Danois Jesper Lundgaard (b) et Alex Riel (dm), invitait le superbe harmoniciste Grégoire Maret. Lundgren, on le sait, est pianiste qui conjugue avec talent une approche harmonique d’une grande richesse, une fibre mélodique éminemment personnelle et un toucher tout en finesse. Il trouve en Grégoire Maret un partenaire totalement en phase avec son approche esthétique, tant l’harmoniciste suisse — qui vit à New York depuis lurette — est avant tout un conteur qui a développé sur son instrument une virtuosité époustouflante et une sonorité personnelle au service de son lyrisme. Quant à la paire rythmique, peut-on attendre moins que le meilleur de la part de deux vieux routiers du jazz qui ont accompagné depuis plusieurs décennies le gratin de la scène internationale quand elle passait par Copenhague ou y résidait momentanément ? Avoir ces deux-là comme accompagnateurs, c’est une garantie de sécurité rythmique totale, de confort harmonique absolu et la certitude de savourer, ici ou là, de ces petites surprises aléatoires qui font le sel du jazz moderne. Joué à ce niveau d’excellence et avec cette force de conviction ce style est véritablement intemporel et jubilatoire.
Mais la jubilation pure, c’est évidemment le quintet « Tribe » d’Enrico Rava qui la fournit en fin de soirée. Tout d’abord parce que, chez le trompettiste comme chez son complice d’embouchure le tromboniste Gianluca Petrellla, la verve expressive ne s’interdit rien, des forte à la limite du cri aux piano les plus subtils. Parce que, de plus, quand ces deux voix solistes s’entrecroisent elles produisent des lignes mélodiques d’une spontanéité sidérante et des contrastes de sonorités d’une efficacité incroyable. Ensuite parce que la rythmique — Giovanni Guidi (p), Gabriele Evangelista (b), Fabrizio Sferra (dm) —, extraordinairement réactive, ne les lâche pas d’une semelle, épousant les moindres variations d’intensité, ponctuant avec vigueur ou tendresse les évolutions du thème, partant dans des dérives à la limite de l’abstraction (magnifique solo de Guidi) sans jamais perdre le fil de la mélodie. Et tout ce beau monde joue sans partition, ce qui implique une écoute permanente d’une intensité rare. Voilà quelques années que je ne les avais pas entendus, et dès les premières mesures le charme opère à nouveau et on se dit qu’on ne va jamais assez souvent à un concert d’Enrico Rava. Qu’on ne se soumet jamais suffisamment à la magie de ce Maestro et de ses acolytes-ensorceleurs qui n’ont — n’ayons pas peur des mots — pas d’équivalent en Europe, voire au monde. Outre le cliché qui voudrait qu’ils aient ensoleillé la petite ville balnéaire d’Ystad (soyons honnête : il y faisait déjà un temps splendide) nul ne peut nier qu’ils ont apporté à ce festival une bouffée d’air swinguant, torride et gorgé d’énergie chaleureuse. Il n’y a pas de hasard : à l’issue de leur concert se déclencha un orage de toute beauté et… sans pluie. Thierry Quénum
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Il n’y avait pas beaucoup de groupes français à Ystad, et guère de duos non plus, d’où l’intérêt de venir écouter, au musée d’art de la ville, Smoking Mouse — que personnellement je ne connaissais pas du tout. Un duo réunissant un accordéoniste (Christophe Girard) et un souffleur pratiquant à la fois la trompette, le bugle et l’euphonium (Anthony Caillet), voilà qui n’est pas courant.
Et, en l’occurrence, nous avons affaire non seulement à des instrumentistes de haut niveau mais aussi à des musiciens inspirés, lyriques, capables de swinguer de façon intense comme de donner corps à des mélodies originales d’inspiration souvent folkloriques, parfois jazz. Une musique en partie écrite, où les lignes des deux instruments s’entrecroisent avec un art consommé du contrepoint, et où l’improvisation a également toute sa place. Une musique où, par ailleurs, l’alliance inhabituelle des timbres produit un son de groupe inouï et au charme évident. Entend-on fréquemment ce duo dans les salles et festivals français ? C’est à vérifier. En tout cas c’est tout à l’honneur du festival d’Ystad d’avoir déniché ces deux enchanteurs et de les avoir fait découvrir à un public ravi.
Quand le « boss » joue, le théâtre d’Ystad est plein, ça va de soi ! Pour l’avant-dernier soir du festival, le trio de Jan Lundgren, complété par les Danois Jesper Lundgaard (b) et Alex Riel (dm), invitait le superbe harmoniciste Grégoire Maret. Lundgren, on le sait, est pianiste qui conjugue avec talent une approche harmonique d’une grande richesse, une fibre mélodique éminemment personnelle et un toucher tout en finesse. Il trouve en Grégoire Maret un partenaire totalement en phase avec son approche esthétique, tant l’harmoniciste suisse — qui vit à New York depuis lurette — est avant tout un conteur qui a développé sur son instrument une virtuosité époustouflante et une sonorité personnelle au service de son lyrisme. Quant à la paire rythmique, peut-on attendre moins que le meilleur de la part de deux vieux routiers du jazz qui ont accompagné depuis plusieurs décennies le gratin de la scène internationale quand elle passait par Copenhague ou y résidait momentanément ? Avoir ces deux-là comme accompagnateurs, c’est une garantie de sécurité rythmique totale, de confort harmonique absolu et la certitude de savourer, ici ou là, de ces petites surprises aléatoires qui font le sel du jazz moderne. Joué à ce niveau d’excellence et avec cette force de conviction ce style est véritablement intemporel et jubilatoire.
Mais la jubilation pure, c’est évidemment le quintet « Tribe » d’Enrico Rava qui la fournit en fin de soirée. Tout d’abord parce que, chez le trompettiste comme chez son complice d’embouchure le tromboniste Gianluca Petrellla, la verve expressive ne s’interdit rien, des forte à la limite du cri aux piano les plus subtils. Parce que, de plus, quand ces deux voix solistes s’entrecroisent elles produisent des lignes mélodiques d’une spontanéité sidérante et des contrastes de sonorités d’une efficacité incroyable. Ensuite parce que la rythmique — Giovanni Guidi (p), Gabriele Evangelista (b), Fabrizio Sferra (dm) —, extraordinairement réactive, ne les lâche pas d’une semelle, épousant les moindres variations d’intensité, ponctuant avec vigueur ou tendresse les évolutions du thème, partant dans des dérives à la limite de l’abstraction (magnifique solo de Guidi) sans jamais perdre le fil de la mélodie. Et tout ce beau monde joue sans partition, ce qui implique une écoute permanente d’une intensité rare. Voilà quelques années que je ne les avais pas entendus, et dès les premières mesures le charme opère à nouveau et on se dit qu’on ne va jamais assez souvent à un concert d’Enrico Rava. Qu’on ne se soumet jamais suffisamment à la magie de ce Maestro et de ses acolytes-ensorceleurs qui n’ont — n’ayons pas peur des mots — pas d’équivalent en Europe, voire au monde. Outre le cliché qui voudrait qu’ils aient ensoleillé la petite ville balnéaire d’Ystad (soyons honnête : il y faisait déjà un temps splendide) nul ne peut nier qu’ils ont apporté à ce festival une bouffée d’air swinguant, torride et gorgé d’énergie chaleureuse. Il n’y a pas de hasard : à l’issue de leur concert se déclencha un orage de toute beauté et… sans pluie. Thierry Quénum
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Il n’y avait pas beaucoup de groupes français à Ystad, et guère de duos non plus, d’où l’intérêt de venir écouter, au musée d’art de la ville, Smoking Mouse — que personnellement je ne connaissais pas du tout. Un duo réunissant un accordéoniste (Christophe Girard) et un souffleur pratiquant à la fois la trompette, le bugle et l’euphonium (Anthony Caillet), voilà qui n’est pas courant.
Et, en l’occurrence, nous avons affaire non seulement à des instrumentistes de haut niveau mais aussi à des musiciens inspirés, lyriques, capables de swinguer de façon intense comme de donner corps à des mélodies originales d’inspiration souvent folkloriques, parfois jazz. Une musique en partie écrite, où les lignes des deux instruments s’entrecroisent avec un art consommé du contrepoint, et où l’improvisation a également toute sa place. Une musique où, par ailleurs, l’alliance inhabituelle des timbres produit un son de groupe inouï et au charme évident. Entend-on fréquemment ce duo dans les salles et festivals français ? C’est à vérifier. En tout cas c’est tout à l’honneur du festival d’Ystad d’avoir déniché ces deux enchanteurs et de les avoir fait découvrir à un public ravi.
Quand le « boss » joue, le théâtre d’Ystad est plein, ça va de soi ! Pour l’avant-dernier soir du festival, le trio de Jan Lundgren, complété par les Danois Jesper Lundgaard (b) et Alex Riel (dm), invitait le superbe harmoniciste Grégoire Maret. Lundgren, on le sait, est pianiste qui conjugue avec talent une approche harmonique d’une grande richesse, une fibre mélodique éminemment personnelle et un toucher tout en finesse. Il trouve en Grégoire Maret un partenaire totalement en phase avec son approche esthétique, tant l’harmoniciste suisse — qui vit à New York depuis lurette — est avant tout un conteur qui a développé sur son instrument une virtuosité époustouflante et une sonorité personnelle au service de son lyrisme. Quant à la paire rythmique, peut-on attendre moins que le meilleur de la part de deux vieux routiers du jazz qui ont accompagné depuis plusieurs décennies le gratin de la scène internationale quand elle passait par Copenhague ou y résidait momentanément ? Avoir ces deux-là comme accompagnateurs, c’est une garantie de sécurité rythmique totale, de confort harmonique absolu et la certitude de savourer, ici ou là, de ces petites surprises aléatoires qui font le sel du jazz moderne. Joué à ce niveau d’excellence et avec cette force de conviction ce style est véritablement intemporel et jubilatoire.
Mais la jubilation pure, c’est évidemment le quintet « Tribe » d’Enrico Rava qui la fournit en fin de soirée. Tout d’abord parce que, chez le trompettiste comme chez son complice d’embouchure le tromboniste Gianluca Petrellla, la verve expressive ne s’interdit rien, des forte à la limite du cri aux piano les plus subtils. Parce que, de plus, quand ces deux voix solistes s’entrecroisent elles produisent des lignes mélodiques d’une spontanéité sidérante et des contrastes de sonorités d’une efficacité incroyable. Ensuite parce que la rythmique — Giovanni Guidi (p), Gabriele Evangelista (b), Fabrizio Sferra (dm) —, extraordinairement réactive, ne les lâche pas d’une semelle, épousant les moindres variations d’intensité, ponctuant avec vigueur ou tendresse les évolutions du thème, partant dans des dérives à la limite de l’abstraction (magnifique solo de Guidi) sans jamais perdre le fil de la mélodie. Et tout ce beau monde joue sans partition, ce qui implique une écoute permanente d’une intensité rare. Voilà quelques années que je ne les avais pas entendus, et dès les premières mesures le charme opère à nouveau et on se dit qu’on ne va jamais assez souvent à un concert d’Enrico Rava. Qu’on ne se soumet jamais suffisamment à la magie de ce Maestro et de ses acolytes-ensorceleurs qui n’ont — n’ayons pas peur des mots — pas d’équivalent en Europe, voire au monde. Outre le cliché qui voudrait qu’ils aient ensoleillé la petite ville balnéaire d’Ystad (soyons honnête : il y faisait déjà un temps splendide) nul ne peut nier qu’ils ont apporté à ce festival une bouffée d’air swinguant, torride et gorgé d’énergie chaleureuse. Il n’y a pas de hasard : à l’issue de leur concert se déclencha un orage de toute beauté et… sans pluie. Thierry Quénum
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Il n’y avait pas beaucoup de groupes français à Ystad, et guère de duos non plus, d’où l’intérêt de venir écouter, au musée d’art de la ville, Smoking Mouse — que personnellement je ne connaissais pas du tout. Un duo réunissant un accordéoniste (Christophe Girard) et un souffleur pratiquant à la fois la trompette, le bugle et l’euphonium (Anthony Caillet), voilà qui n’est pas courant.
Et, en l’occurrence, nous avons affaire non seulement à des instrumentistes de haut niveau mais aussi à des musiciens inspirés, lyriques, capables de swinguer de façon intense comme de donner corps à des mélodies originales d’inspiration souvent folkloriques, parfois jazz. Une musique en partie écrite, où les lignes des deux instruments s’entrecroisent avec un art consommé du contrepoint, et où l’improvisation a également toute sa place. Une musique où, par ailleurs, l’alliance inhabituelle des timbres produit un son de groupe inouï et au charme évident. Entend-on fréquemment ce duo dans les salles et festivals français ? C’est à vérifier. En tout cas c’est tout à l’honneur du festival d’Ystad d’avoir déniché ces deux enchanteurs et de les avoir fait découvrir à un public ravi.
Quand le « boss » joue, le théâtre d’Ystad est plein, ça va de soi ! Pour l’avant-dernier soir du festival, le trio de Jan Lundgren, complété par les Danois Jesper Lundgaard (b) et Alex Riel (dm), invitait le superbe harmoniciste Grégoire Maret. Lundgren, on le sait, est pianiste qui conjugue avec talent une approche harmonique d’une grande richesse, une fibre mélodique éminemment personnelle et un toucher tout en finesse. Il trouve en Grégoire Maret un partenaire totalement en phase avec son approche esthétique, tant l’harmoniciste suisse — qui vit à New York depuis lurette — est avant tout un conteur qui a développé sur son instrument une virtuosité époustouflante et une sonorité personnelle au service de son lyrisme. Quant à la paire rythmique, peut-on attendre moins que le meilleur de la part de deux vieux routiers du jazz qui ont accompagné depuis plusieurs décennies le gratin de la scène internationale quand elle passait par Copenhague ou y résidait momentanément ? Avoir ces deux-là comme accompagnateurs, c’est une garantie de sécurité rythmique totale, de confort harmonique absolu et la certitude de savourer, ici ou là, de ces petites surprises aléatoires qui font le sel du jazz moderne. Joué à ce niveau d’excellence et avec cette force de conviction ce style est véritablement intemporel et jubilatoire.
Mais la jubilation pure, c’est évidemment le quintet « Tribe » d’Enrico Rava qui la fournit en fin de soirée. Tout d’abord parce que, chez le trompettiste comme chez son complice d’embouchure le tromboniste Gianluca Petrellla, la verve expressive ne s’interdit rien, des forte à la limite du cri aux piano les plus subtils. Parce que, de plus, quand ces deux voix solistes s’entrecroisent elles produisent des lignes mélodiques d’une spontanéité sidérante et des contrastes de sonorités d’une efficacité incroyable. Ensuite parce que la rythmique — Giovanni Guidi (p), Gabriele Evangelista (b), Fabrizio Sferra (dm) —, extraordinairement réactive, ne les lâche pas d’une semelle, épousant les moindres variations d’intensité, ponctuant avec vigueur ou tendresse les évolutions du thème, partant dans des dérives à la limite de l’abstraction (magnifique solo de Guidi) sans jamais perdre le fil de la mélodie. Et tout ce beau monde joue sans partition, ce qui implique une écoute permanente d’une intensité rare. Voilà quelques années que je ne les avais pas entendus, et dès les premières mesures le charme opère à nouveau et on se dit qu’on ne va jamais assez souvent à un concert d’Enrico Rava. Qu’on ne se soumet jamais suffisamment à la magie de ce Maestro et de ses acolytes-ensorceleurs qui n’ont — n’ayons pas peur des mots — pas d’équivalent en Europe, voire au monde. Outre le cliché qui voudrait qu’ils aient ensoleillé la petite ville balnéaire d’Ystad (soyons honnête : il y faisait déjà un temps splendide) nul ne peut nier qu’ils ont apporté à ce festival une bouffée d’air swinguant, torride et gorgé d’énergie chaleureuse. Il n’y a pas de hasard : à l’issue de leur concert se déclencha un orage de toute beauté et… sans pluie. Thierry Quénum