Jazz Magazine n°693 - avril 2017
La voix royale
Ella Fitzgerald ! Ella tout court même, pour les
intimes, ces milliers, ces millions d’intimes toujours aussi amoureux d’Elle (avec un grand E), cent ans après sa naissance, plus de vingt après sa disparition – quelle disparition ? Comme le dit si bien
Pascal Anquetil, « ce chant spontanément joyeux
garda toujours quelque chose de lumineux et
d’innocent, de confiant et d’ingénu, comme si les
malheurs et les douleurs de l’existence l’avaient
à jamais épargnée ». Un sentiment forcément partagé par tous, et notamment par notre invité spécial, David Linx : « La légende bougeait allègrement sur scène, avec des gestes précis, des hochements de tête à chaque décision rythmique, qui, en y pensant après, mettait tout dans un contexte quasi
politique, témoignage jouissif de quelque chose qui vient d’un passé lointain, voire sombre. Tant de swing, de générosité en une seule personne ! » Qu’elle chante telle ou telle merveille issue du Grand Livre des Chansons Américaines, qu’elle fasse sienne Can’t Buy Me Love des Beatles ou What’s Going On de Marvin Gaye, Ella Fiztgerald incarne le chant jazz dans toute sa perfection. Un jour, pas si lointain, Frank Ténot m’avait confié que Prince, un peu à la
manière de David Linx, était venu respectueusement saluer Ella Fitzgerald dans sa loge avant l’un des nombreux concerts parisiens de la diva, au milieu des années 1980. Qu’avait bien pu dire cet homme si timide à cette femme si humble ? Nul ne le saura jamais, mais les
imaginer échangeant à voix basse quelques confidences laisse rêveur… •
Frédéric Goaty, directeur de la rédaction