Météo – jazz & aventures sonores (2)
Les solos occupent une place importante à Météo. Retour sur quelques-uns d’entre eux.
Jean-Luc Cappozzo (tp), Peter Evans (tp, élec), Pascal Niggenkemper (b), Jon Rose (vln, élec), Nicole Mitchell (fl), Wolfgang Mitterer (org, élec)
Bibliothèque municipale, Chapelle Saint-Jean, Friche Motoco, Eglise Sainte-Marie, 22 au 25 août.
Dès le deuxième jour, des concerts pour les enfants ont lieu à la Bibliothèque en fin de matinée, avec des solos semi-pédagogiques aux durées raisonnables.
Il s’agit de concerts-découverte, ayant pour but d’initier les bambins à l’écoute de plusieurs instruments, sans grands discours et en toute simplicité. La formation des futurs spectateurs du festival commence dès le plus jeune âge ! On a assisté à celui de Jean-Luc Cappozzo (tp), interactif et ludique, déjouant les attentes, montrant différentes possibilités offertes par la trompette, produisant des sons étranges, doux, tonitruants, sifflants, soufflants, amusants, jusqu’à une promenade franchement mélodique. Les enfants ont réagi, ri, commenté, questionné, évalué, lancé et relevé des défis… Pour s’adresser au jeune public, Cappozzo n’a rien changé à sa personnalité, et son authenticité et goût du partage ont touché les jeunes et les moins jeunes.
Il n’y a que quelques pas à faire pour rejoindre la chapelle voisine, qui peine à contenir tous les spectateurs désireux d’écouter les solistes (et, en une occasion, duettistes) : un succès de fréquentation quotidien, bien que gratuites les places sont chères… A noter la présence de nombreux spectateurs venus d’Allemagne et de Suisse, effet de la proximité géographique de ces pays. A la chapelle Saint-Jean donc, on retient la performance épastrouillante de Jon Rose (vln, élec), dialoguant avec ses propres « archives », données préenregistrées et activées en live par le compositeur, chercheur, écrivain, musicien, historien et curateur de musée résidant en Australie. Rose fait un usage fructueux de concepts et procédés qu’il a contribué à inventer voici quelques décennies, et ont depuis repris par d’autres, que ce soit sur l’instrument ou plus largement au niveau des idées. Le set, d’une intensité constante, se termine par un déferlement hendrixien renversant…
Autre concert probant, celui de Pascal Niggenkemper (b, objets), proposant pour sa part un voyage d’une belle fluidité sur sa contrebasse augmentée de quelques ustensiles, sans recourir à l’électronique. Découvert au sein du trio Baloni puis à la tête de deux septettes, apprécié dans The Fictive Five de Larry Ochs et d’autres formations, Niggenkemper a fait paraître sur Clean Feed un album solo aux pièces d’une certaine âpreté, correspondant à ses recherches d’alors. Désormais installé en France, le musicien semble arpenter une voie plus apaisée, toujours personnelle et riche de surprises. Si le set intègre des éléments correspondant aux réflexions actuelles du bassiste, tout est finalement subordonné au moment présent, à la résonance de l’instrument dans le lieu et face au public. Autant de boussoles éphémères qui indiquent en temps réel à cet artiste sensible le chemin à suivre.
La prestation de Peter Evans (tp, elec) a glissé sur nos oreilles comme l’eau sur les plumes d’un canard. Evans s’appuie largement sur l’électronique, à des fins d’amplification, de projection, de sculpture des volumes. Un set en tout point impressionnant, par l’énergie déployée, l’investissement dans une exploration poussée très loin. Le new-yorkais semble cataloguer les apports de plusieurs trompettistes de la scène impro. C’est brillant, puissant et certains en sont transportés de joie. Sans doute, mais l’émotion a manqué à l’appel, car derrière la démonstration de force et de virtuosité je me suis demandé ce que le musicien voulait dire, quel était son propos, son point de vue. L’enchaînement de nombreux concerts pouvant avoir un retentissement sur la disponibilité, il se peut que je sois passé à côté.
A la Friche, Nicole Mitchell (fl) a pu se mouvoir à son aise, évoluant et flottant selon les mouvements de la musique. La première partie a semblé suivre une progression préméditée, tandis que la deuxième est apparue librement improvisée. Un enchantement dans les deux cas, une musique intimiste et optimiste, pour laquelle le public s’est montré particulièrement calme et attentif, personne n’osant rompre le charme. Gracile, déterminée, lumineuse, Mitchell a emmené ses flûtes où elle le souhaitait, évoquant pour cet auditeur les images d’une contrée fantasmée et harmonieuse, comme dans certaines plages apaisées de Sun Ra. Le concert a été enregistré par les bons soins d’Anne Montaron, pour une diffusion sur France Musique courant septembre. Et l’on retrouvera bientôt Nicole Mitchell en France, dans le Tiger trio avec Myra Melford et Joëlle Léandre.
Et, bien que sans lien avec le jazz, on voudrait mentionner le solo du tyrolien Wolfgang Mitterer (org, élec), à l’église Sainte-Marie, propre comme un sou neuf et n’ayant pas besoin que Stéphane Bern se mobilise. Avec « Grand Jeu 2 », on est dans la dimension « aventures sonores » de la manifestation. Un moment de magie, une progressive montée en mystère et en amplitude. Fermant les yeux, chacun fut libre de laisser vagabonder son imagination et voir des mondes s’échafauder dans son esprit, la musique se prêtant bien à la naissance de chimères, avec une alternance de passages majestueux, épiques et inquiétants. Après cette hallucination collective, il sembla irréel et saugrenu de retrouver le soleil éclatant et le plancher des vaches. Une découverte.
David Cristol